Irak: rassemblements populaires, exigences démocratiques et revendications sociales

Irak Manifestations populaires août 2015

D’imposantes manifestations populaires se déroulent place Tahrir à Bagdad et dans d’autres villes irakiennes depuis plusieurs semaines. Salam Saadi, membre du Comité central et représentant à Londres du Parti communiste irakien nous donne quelques informations et explications.

Les manifestations sont organisées par des « Comités de coordination » qui comprennent des représentants de nombreux mouvements de jeunes, d’organisations de la société civile, d’intellectuels, de femmes…Le caractère démocratique et civil est dominant depuis le premier jour des manifestations, le vendredi 31 juillet 2015.

Quelques groupes islamistes ont récemment décidé de se joindre et de soutenir les objectifs du mouvement de protestation contre la corruption, la carence des services publics de base, la réforme de la justice…Le mouvement sadriste a appelé ses sympathisants à se joindre à la manifestation de mercredi à Bagdad, mais avec l’accord du Comité de coordination, il était convenu qu’il ne soulèverait aucun slogans politiques restrictifs ou images de religieux. Ce fut la plus grande manifestation organisée à Bagdad. Des manifestations se sont aussi tenues dans 8 autres grandes villes en dehors de Bagdad, avec des revendications nationales et locales semblables à celles indiquées plus haut.

Le Premier Ministre Haider Abadi a annoncé le premier paquet de réformes le 9 août, après la seconde vague de manifestations, le mardi 7 août. Le plus haut dignitaire religieux chiite, l’Ayatollah Ali Sistani, a déclaré son soutien aux revendications du mouvement de protestation le 7 août. Il a jusqu’ici poursuivi ce soutien.

Notre parti s’est activement inscrit dans le mouvement de protestation, avec les Comités de coordination à Bagdad et dans d’autres provinces, dans le but de contribuer à la clarté des objectifs politiques, de renforcer le niveau d’organisation et de protéger le mouvement contre toute tentative de sabotage ou pour le faire dériver sur des agendas politiques étroits. Le Courant démocratique irakien et l’Alliance civile démocratique sont aussi activement impliqués.

Salam Saadi, 29 août 2015

« L’Occident, bras armé des dictatures », Tribune LDH et FIDH

Nous reprenons, ci-dessous une tribune de Françoise Dumont, présidente de la LDH, et Karim Lahidji, président de la FIDH, publiée le 17 août dans Libération.

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L’Occident, bras armé des dictatures

En défendant certains régimes alors qu’ils condamnent leurs voisins, en mettant leurs intérêts commerciaux et militaires devant la défense des droits humains, la France et l’Europe participent à la répression violente de milliers de civils dans le monde arabe.

Triste été pour les droits de l’Homme. Le roi Salmane a occupé la plage de Vallauris et François Hollande la place d’honneur, le 6 août, à la cérémonie d’inauguration du nouveau canal de Suez, véritable sacre à la gloire du général Al-Sissi et de la coopération militaire franco-égyptienne. Le président français s’est rendu sur place en compagnie des patrons de l’industrie aéronautique et militaire. Un ballet estival qui résume à lui seul les ambitions du gouvernement français pour le monde arabe. Car, outre les 24 Rafale, la frégate Fremm et les missiles vendus à l’Égypte au nom de la lutte contre le terrorisme (dans laquelle des milliers de civils égyptiens ont déjà été assassinés), la France exporte, en toute connaissance de cause, pour des millions d’euros, des armes et des munitions similaires à celles déjà utilisées par l’armée égyptienne pour massacrer des milliers de manifestants. Au nom de la soi-disant « lutte contre le terrorisme », les démocraties occidentales qui rivalisent pour armer l’Égypte et d’autres régimes autoritaires, participent en réalité à la plus importante offensive contre les sociétés civiles jamais lancée dans le monde arabe. Civils, opposants pacifiques, laïcs, défenseurs des droits humains, activistes, journalistes, juristes, intellectuels : en Égypte, en Arabie Saoudite, au Bahreïn et ailleurs, comme en Syrie, ce sont aussi ces acteurs clé et incontournables d’une possible transition démocratique qui sont visés par les régimes en place.

Mais alors que l’on constate l’avènement, à l’Élysée, d’un « néoréalisme » en phase avec les nouveaux enjeux sécuritaires, ne revenons pas sur les dizaines de milliers de prisonniers politiques, les centaines de condamnations à mort et de disparitions forcées dans une Égypte aujourd’hui livrée sans garde-fous au contrôle des forces de sécurité, à la presse muselée, la justice aux ordres et aux élections parlementaires repoussées sine die à plusieurs reprises.

Tenons-nous-en à des considérations purement stratégiques sur « l’intérêt national », invoqué à l’envi pour justifier un partenariat privilégié avec le régime égyptien. Cet « intérêt » qui justifie de condamner la dictature de Bachar al-Assad tout en soutenant celle d’Abdel Fattah al-Sissi, de prétendre lutter contre l’islamisme tout en soutenant le régime saoudien.

Voir un gage de stabilité dans un régime soutenu à bout de bras par les gérontocraties pétrolières du Golfe, un régime dont le président renchérit sur la répression exercée par son prédécesseur, lui-même déposé quatre ans plus tôt par un gigantesque mouvement populaire inattendu, relève de la haute voltige intellectuelle. Comme l’a rappelé justement le célèbre défenseur des droits de l’Homme égyptien Bahey el-Din Hassan dans les colonnes du New York Times, l’idée d’une Égypte autoritaire mais stable et forte, qui assurerait le contrôle de son territoire et serait la clé de voûte de la sécurité régionale, est un mythe. C’est en Syrie et en Irak, rappelle-t-il, dans les pays qui ont été soumis aux pires décennies de répression politique et où des régimes autoritaires ont démantelé méthodiquement les institutions d’État, que l’avènement de Daech a été rendu possible.

Quinze ans de « guerre contre le terrorisme » se sont soldés par un échec cinglant au terme duquel les jihadistes ont mis la main sur des pans entiers de la Syrie, de l’Irak et du Yémen. Aujourd’hui présents en Libye et au Nigeria, ils menacent ouvertement les villes européennes et américaines. Quatre millions de réfugiés syriens ont fui leur pays, soumis à une boucherie menée par Bachar al-Assad, véritable défi à la stabilité régionale. La Méditerranée est devenue un vaste cimetière où près de 2 000 demandeurs d’asile fuyant la guerre, la répression et la misère, ont trouvé la mort en moins de sept mois (trente fois plus que l’année dernière à la même période).

Soutenir des dictatures sous prétexte de sécurité et de stabilité n’est pas seulement une preuve de mépris pour les peuples de la région, c’est surtout un déni criant des réalités régionales. N’en déplaise aux thuriféraires d’un « néoréalisme » sécuritaire : la défense des droits de l’Homme a été, en 2011, la pierre angulaire du plus important mouvement de masse de l’histoire du monde arabe moderne.

Le gouvernement français semble désormais soutenir une équation nauséabonde et trompeuse qui opposerait une diplomatie des intérêts à une diplomatie des valeurs, la sécurité – y compris celle de l’emploi d’un fonctionnaire de la Défense ou d’un ouvrier de Saint-Nazaire –, au droit à la vie d’un opposant égyptien.

L’intérêt national des Français comme des Européens, est aussi défini par la Déclaration universelle des droits de l’Homme, il a la particularité d’être universel : la liberté et l’égalité de tous les êtres humains.

Il est impossible de gagner le long combat contre le terrorisme dans la région sans s’assurer que le droit à la dignité, à la sécurité et à l’intégrité physique des citoyens arabes a la même valeur que celui de n’importe quel citoyen européen : qu’il est inaliénable et fondamental.

Il est impossible à la France comme à l’Europe de prétendre consolider durablement leur influence sans comprendre dans la défense de leurs intérêts celle, obstinée, quotidienne, des valeurs universelles et des millions de citoyens qui s’en prévalent au prix fort.

Les 3 fonctions de la construction européenne actuelle sont épuisées.

Crise en Europe

Être à la hauteur du défi.

Édito de la Lettre des Relations internationales du PCF de mai 2010

« Les 3 fonctions attribuées à la construction européenne sont manifestement épuisées… »

La crise grecque retient légitimement l’attention. La réponse imposée par le

FMI et l’Union européenne soulève l’indignation, tellement la régression

sociale qu’elle comporte est d’une gravité exceptionnelle.

Mais cette crise, en réalité, est systémique, au sens où elle touche au capitalisme

mondialisé lui-même. Elle est aussi européenne, au sens où elle montre

les limites atteintes par un forme d’intégration qui n’a pas créé une communauté,

mais un grand marché où la concurrence est libre et les marchés

financiers dominants.

Ce n’est d’ailleurs pas le trio présidentiel communautaire (Barroso, Zapatero,

Van Rompuy) qui gère la crise : ce sont les gouvernements. Ils le font

en contradiction avec les règles mêmes des traités. Ils sont de toute façon

« hors traités » depuis longtemps puisque la quasi-totalité des pays de l’UE

ne respectent plus – et de loin – les critères du Pacte de stabilité. La crise

est donc financière, économique, institutionnelle, politique… C’est bien une

crise systémique.

Les plans d’austérité draconiens partout risquent de s’accompagner de

reculs démocratiques et de mises en cause des souverainetés. Ces plans

posent une double question : ne vont-ils pas surtout aggraver la crise en provoquant

un marasme économique encore plus profond ? Et puis, sont-ils

socialement et politiquement tenables ?

Cette situation inédite donne une grande responsabilité aux communistes,

aux progressistes, à toutes les forces qui veulent se rassembler et agir pour

une vraie alternative à gauche.

Les 3 fonctions attribuées à la construction européenne actuelle – Europe

« protection », Europe « puissance » et Europe comme projet d’avenir –

sont manifestement épuisées. Il faut réinventer la construction européenne.

Redéfinir un projet social, démocratique, écologique, institutionnel européen,

avec l’ambition d’installer un nouvel acteur positif dans le monde pour

la coopération, la sécurité et la paix.

Naturellement, cette approche nouvelle est inséparable d’un enjeu décisif :

celui du projet de société, de la mise en cause des règles du capitalisme et

des marchés financiers. Il y a des convergences et des solidarités européennes

à bâtir pour cela et pour montrer qu’il y a d’autres réponses possibles.

L’heure est à la résistance sociale et indissociablement à la créativité politique.

Il faut être à la hauteur du défi.