Ukraine, extrême droite et sécurité privée…

Azov emblème

Emblème du Bataillon Azov.

Le site Bellingcat, site d’investigation britannique, s’est fait connaître à propos de l’affaire Krispal (à ce propos, voir dans ce blog «Affaire Krispal : poison, questions et dissuasion… 3 avril 2018 » ). Bellingcat publie, sur l’extrême droite ukrainienne, un article très détaillé qui soulève quelques questions.

https://www.bellingcat.com/news/uk-and-europe/2018/08/30/ukrainian-far-right-fighters-white-supremacists-trained-major-european-security-firm/

Voici le début de ce texte (traduction JF) :

«  Depuis 2016, la European Security Academy (ESA) (=société de sécurité privée dont le siège se situe à Wroclaw, en Pologne), qui propose des programmes perfectionnés de formation à la sécurité, au respect de la loi, et pour les militaires professionnels, a assuré des formations exigeantes, adaptées aux nécessités des conditions de combat pour des éléments du Régiment ukrainien controversé Azov, connu sous le nom de Bataillon Azov, intégré à la Garde Nationale Ukrainienne (=la gendarmerie).

Un important groupe d’Ukraine, composé au moins partiellement de vétérans d’Azov, avec des membres actifs probables du mouvement Azov et d’autres activistes d’extrême droite, ont reçu un entraînement analogue à celui qu’on donne aux forces spéciales, dans le centre de formation de l’ESA, en Pologne. Parmi les bénéficiaires de ces formations complexes concernant les armes à feu et la tactique, on trouve aussi des activistes d’organisations d’extrême droite d’Ukraine liés aux attaques ou aux harcèlements visant des Roms ukrainiens, des personnes LGBT et des militants pour les droits : Tradition et Ordre, Corps National et la Milice Nationale. »

Une personne au moins ayant reçu antérieurement une formation perfectionnée de l’ESA, a récemment fourni un entraînement en armes à feu à des membres du Corps National associé au Bataillon Azov, organisation ultra-nationaliste en Ukraine, récemment impliquée dans des attaques contre des minorités ethniques et d’autres populations vulnérables.

L’article, signé Oleksiy Kuzmenko, et intitulé « Combattants ukrainiens d’extrême droite et suprémacistes blancs formés par de grandes sociétés privées de sécurité européennes » (30 août 2018). Cet article est très détaillé. Il présente de nombreuses photos. Il souligne la « gratitude » du Régiment Azov à l’égard de la société ESA. Le Régiment Azov est qualifié de « formation militaire engluée durant longtemps dans des controverses du fait de son idéologie d’extrême droite, et d’accusation crédibles, émanant du Bureau du Haut Commissaire aux Droits de l’Homme des Nations-Unies, selon lesquelles des membres d’Azov et des leaders auraient commis ou permis de sérieux outrages aux droits humains ».

Le Régiment ou Bataillon Azov est effectivement un détachement autonome chargé d’opérations spéciales, au sein de la Garde Nationale d’Ukraine. Il s’agit, selon le site, d’un mouvement à 3 dimensions comprenant une force militaire armée et bien entraînée, intégrée à la Garde Nationale, un courant politique en croissance, avec son propre parti, le Corps National, et un mouvement de « vigilance de rue » appelé Milice Nationale… C’est à dire un groupe chargé de faire régner un … « ordre ukrainien ».

L’importance de l’extrême droite en Ukraine n’est plus à démontrer, et ses exactions dans les dernières années sont considérées comme relevant de l’action criminelle. Cette réalité est en général peu traitée politiquement et médiatiquement en France. Mais voici donc qu’un site, Bellingcat, considéré, dans l’affaire Krispal, comme crédible au Royaume-Uni, en France et ailleurs… confirme tout cela très publiquement avec une impressionnante quantité de précisions.

Alors, une question se pose. S’il est vrai qu’une société de sécurité privée européenne ayant légalement pignon sur rue, entraîne au maniement des armes, forme des activistes d’extrême droite, des ultra-nationalistes, des racistes, des « nationaux-socialistes, des néonazis… (même si ses responsables s’en défendent)… cela ne mérite-t-il pas un minimum d’attitude et d’initiatives réactives de la part des dirigeants européens ? D’autant qu’une partie importante de ces activistes paramilitaires sont intégrés à la Garde National d’Ukraine, sous l’autorité du Ministère de l’Intérieur…

Est-il acceptable que les autorités ukrainiennes fassent l’objet de tous les soutiens de la part de l’Union européenne et de l’OTAN, au nom de la démocratie et d’un partenariat stratégique fondé sur ce qu’on appelle les valeurs occidentales… sans que l’on se préoccupe si peu que ce soit de cette question qui constitue – il faut le dire ainsi – un fait politique intolérable et scandaleux.

Sauvons l’Aquarius et le sauvetage en mer !

Aquarius

A l’attention des Etats d’Europe

Cette pétition vous est adressée par SOS MEDITERRANEE, Médecins Sans Frontières (MSF)

Texte de la pétition

En tant que citoyens, nous nous associons à l’équipage de l’Aquarius, le dernier navire civil de sauvetage en mer Méditerranée centrale, pour demander à tous les Etats d’Europe de respecter l’obligation de sauvetage en mer. Cet impératif doit primer sur toute considération d’ordre politique, dans le respect du droit international.

Nous exhortons tous les Etats en Europe à : 

  • Prendre toutes les mesures nécessaires pour permettre à l’Aquarius de repartir au plus vite mener sa mission vitale de sauvetage,
  • Respecter l’obligation de porter assistance aux personnes en détresse en mer,
  • Assumer leurs responsabilités étatiques en établissant un véritable modèle de sauvetage en Méditerranée.

Pourquoi c’est important

L’Aquarius opère en Méditerranée centrale depuis 31 mois, et a secouru 29.523 personnes lors de 230 opérations de sauvetage.

Ces derniers mois, la mission de recherche et sauvetage de l’Aquarius a été l’objet de manœuvres politiques délibérées visant à y mettre fin. Le navire s’est vu retirer deux fois son pavillon en un mois : d’abord par Gibraltar, puis par le Panama. En empêchant l’Aquarius d’opérer, d’autres vies seront perdues aux portes de l’Europe, des vies perdues en silence, alors que l’Europe ferme les yeux.

Pour ces raisons, nous exhortons tous les Etats en Europe à prendre les mesures nécessaires pour permettre à l’Aquarius de reprendre sa mission vitale de sauvetage au plus vite, en octroyant sans délai un pavillon au navire.

Au cours des derniers mois, les marins et sauveteurs des navires de sauvetage civils ont été témoins de développements politiques en Méditerranée centrale incompatibles avec le droit international et maritime. Les navires de sauvetage civils sont empêchés dans leur mission ; l’obligation de porter assistance en mer n’est plus respectée. La solidarité et l’humanité sont criminalisées, en mer et à terre.

Pour ces raisons, nous exhortons tous les Etats en Europe à respecter l’obligation de porter assistance aux personnes en détresse en mer et à dénoncer les manœuvres visant à criminaliser les sauveteurs et travailleurs humanitaires.

Face à la défaillance des Etats européens à répondre à la tragédie humanitaire en Méditerranée centrale, sur la route migratoire la plus dangereuse au monde, l’Aquarius a poursuivi ses opérations de sauvetage aux côtés d’autres navires de sauvetage. Les moyens de sauvetage font toujours cruellement défaut pour porter secours à celles et ceux qui risquent leurs vies en fuyant la Libye où leurs droits sont systématiquement bafoués. De plus, depuis le mois de juin, il n’existe plus de système opérationnel pour débarquer les rescapés dans un port sûr.

Pour ces raisons, nous exhortons tous les Etats en Europe à assumer leurs responsabilités en établissant un modèle de sauvetage européen en Méditerranée, incluant un mécanisme prévisible et pérenne de débarquement des rescapés dans un port sûr.

Des êtres humains meurent. L’Aquarius, avec le soutien de la société civile, tente de les secourir. Rejoignez-nous en signant cette pétition pour nous aider à défendre les valeurs d’humanité et de solidarité en mer »

SOS MEDITERRANEE organisera le samedi 6 octobre des rassemblements citoyens dans plusieurs villes d’Europe et en France notamment à Paris, Marseille, Lyon, Nantes, Montpellier, Toulouse, Brest, Bordeaux, Grenoble, Saint-Etienne