« Le coronavirus comme catalyseur: autopsie de la vulnérabilité systémique de la mondialisation capitaliste ». Un article de Saïd Bouamama

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Sur le blog de Saïd Bouamama

Il y a les aléas et il y a la vulnérabilité conduisant aux catastrophes. La confusion entre ces deux questions est une des caractéristiques essentielles du discours officiel du gouvernement français (et de très nombreux autres). Il n’y a rien d’étonnant à cette confusion volontaire qui a comme fonction de masquer et de faire disparaître la seconde. Cette dernière fait en effet fonction d’analyseur des contradictions d’un système social, de révélateur du réel que l’idéologie dominante masque ou déforme habituellement et de miroir grossissant des inégalités et dominations qui le caractérisent. Le centrage volontaire sur la dimension « catastrophe » diffuse en effet des images d’imprévisibilité, d’incertitude, d’absence de responsabilité humaine, etc. Le centrage sur la vulnérabilité interroge les causes économiques et sociales d’une situation, les raisons réelles de l’ensemble des conséquences d’une catastrophe et les intérêts économiques qui ont produit cette vulnérabilité. Que nous révèle la pandémie sur la vulnérabilité de notre monde dominé par la mondialisation capitaliste ?

Précisions conceptuelles

La comparaison entre les effets du cyclone Ivan qui touche Cuba en septembre 2004 et ceux du cyclone Katrina qui s’abat sur la Floride, la Louisiane et le Mississipi un an après permet d’apporter quelques précisions conceptuelles sur les notions de risque, d’aléa, de catastrophe et de vulnérabilité. Tous deux de catégories 5 c’est-à-dire avec des vitesses de vent dépassant 249 km/h, les deux cyclones se soldent pourtant par des bilans humains aux antipodes : aucun décès à Cuba ; 1836 morts et 135 disparus aux USA. Des aléas similaires débouchent ainsi sur des conséquences diamétralement opposées. Le vocabulaire élaboré pour décrire ces phénomènes naturels exceptionnels et leurs conséquences tout aussi exceptionnelles peuvent aider à comprendre ce qui se joue actuellement face à la pandémie en cours.

Un premier concept clef est celui d’aléa naturel. Celui-ci désigne des événements climatiques sur lesquels l’homme n’a pas d’influence au moment de leurs déclenchements (inondation, ouragan, éruption volcanique, etc.). Bien que de nature différente l’apparition d’un virus meurtrier peut, du moins dans l’état actuel des connaissances, être défini comme relevant de cette définition. Les aléas sont porteurs de risques pour l’homme, ce concept pouvant se définir comme un danger c’est-à-dire une conséquence potentielle de l’aléa. La vulnérabilité désigne pour sa part les effets prévisibles d’un aléa sur l’homme dépendant eux-mêmes d’un certain nombre de facteurs : densité de population des zones à risque, capacité de prévention, état des infrastructures permettant de réagir efficacement et rapidement, etc. Enfin la catastrophe définit un risque dont la potentialité s’est transformée en réalité et dont les conséquences seront fonction de la vulnérabilité.

Rendre compte d’une catastrophe sans aborder la question de la vulnérabilité est une ruse idéologique permettant de dédouaner les classes dominantes par évacuation des causes économiques, politiques et sociales expliquant l’ampleur des conséquences. Cette opération consiste en effet à référer entièrement à la nature des conséquences dont une partie essentielle relève des choix économiques et politiques. L’ampleur de la catastrophe est dépendante à la fois de l’état d’une société au moment où survient l’aléa et des décisions prises pour réagir à celui-ci.

Si sur le long terme on peut attendre des progrès de la science une meilleure connaissance et une plus forte maîtrise des aléas, dans le court terme seule la réduction de la vulnérabilité est en mesure de limiter drastiquement les conséquences des aléas c’est-à-dire d’éviter qu’il ne se transforme en catastrophe ou de limiter celle-ci. La pandémie actuelle peut dès lors être considérée comme un révélateur de la vulnérabilité : « Les bilans socio-économiques et les nombreux retours d’expérience menés ces dernières années, nous enseignent que les catastrophes sont de véritables révélateurs de vulnérabilités humaines et territoriales au sein des communautés et sociétés frappées[i] » résument les géographes Frédéric Leone et Freddy Vinet. La fonction de révélateur intervient ici à un double niveau : le degré d’exposition au risque qui interroge dans le cas des maladies les politiques de prévention et les inégalités sociales et la capacité à réagir à la catastrophe qui questionne l’état du système de santé, de ses infrastructures et de ses moyens. Par ailleurs les politiques concernant d’autres secteurs de la vie sociale et politique viennent impacter la capacité à réagir : politique de logement, politique migratoire, politique carcérale, etc. C’est pourquoi à l’échelle mondiale comme à l’échelle française la pandémie peut être considérée comme un analyseur de la mondialisation capitaliste.

Une vulnérabilité collective fille de la mondialisation capitaliste

Les idéologies d’accompagnement de la mondialisation capitaliste sont bâties à partir de deux postulats complémentaires repris en boucle par les discours politiques et médiatiques dominants depuis des décennies. Le premier est le primat de l’individu sur les structures dans l’explication des problèmes sociaux à l’échelle de chaque nation. Ce postulat permet d’évacuer la notion de classe sociale et d’inégalité sociale au profit d’une pseudo responsabilité individuelle qui se traduit fréquemment dans le discours de la prise de risque individuelle. Les vulnérabilités inégales face à la santé et aux maladies ne sont plus référées aux inégalités sociales mais aux caractéristiques individuelles d’une part et aux comportements individuels d’autre part. Le discours de la responsabilité individuelle sert ici à masquer la responsabilité du système social c’est-à-dire des classes dominantes qui en décident les règles de fonctionnement. « La vulnérabilité sociale des populations est encore très largement envisagée sous l’angle de l’individu et de sa place dans le groupe. Si ce sont les individus qui traversent bien les épreuves de la vulnérabilité, c’est au niveau des structures sociales que se manifestent les conditions qui rendent ces épreuves plus ou moins supportables. Autrement dit, entre l’individu et l’aléa, il y a aussi les structures sociales[ii] » résument les géographes de la santé Marion Borderon et Sébastien Oliveau. S’il est évident que la pandémie actuelle du fait de son ampleur touchera l’ensemble des classes sociales, il est tout aussi incontestable que la morbidité touchera en premier lieu les classes populaires et parmi elles les segments les plus précarisés.

Le second postulat est le prima de chaque nation sur les structures régissant les rapports internationaux. Ce postulats permet d’occulter les rapports de domination entre les pays du centre dominant et ceux de la périphérie dominées. Les vulnérabilités nationales inégales face à la santé et la maladie ne sont plus du tout référées aux inégalités sociales mondiales mais aux caractéristiques spécifiques de chaque nation (climat et catastrophes naturelles, culture, démographie, etc.) d’une part et aux seuls choix politiques nationaux d’autre part. Le discours de la responsabilité nationale sert ici à masquer l’existence du néocolonialisme et de l’impérialisme. Il suffit pourtant de regarder la géographie des inégalités de santé dans le monde pour s’apercevoir qu’elle recoupe parfaitement la division binaire centre-périphérie, à l’exception de quelques pays significatifs comme Cuba par exemple. Les statistiques de l’OMS sur le nombre de médecins par pays en 2015 précisent ainsi que l’on compte 52 médecins pour 10 000 habitants en Autriche, 39 en Italie et en Espagne, 32 en France, etc., et à l’autre bout de la chaîne : 1 seul médecin au Rwanda et en Ouganda, 9 au Sri Lanka ou 10 au Pakistan. Tous les autres indicateurs (nombre de personnels infirmiers, part de la santé dans le budget national, disponibilité des médicaments, etc.) présentent des classements similaires[iii].

Ce regard photographique ne suffit cependant pas à prendre toute la mesure de la signification de la mondialisation capitaliste pour la santé humaine. Il convient de le compléter par la prise en compte de la dégradation de l’accès au soin au centre comme à la périphérie. La lecture synchronique doit être complétée par une approche diachronique. La mondialisation capitaliste n’est en effet pas seulement le capitalisme, elle est aussi le capitalisme d’une séquence historique précise marquée par la domination de l’ultralibéralisme en matière de politique économique. Le désinvestissement de l’Etat, la fragilisation et/ou la privatisation des services publics, les politiques d’austérités, etc., ont conduit partout sur la planète à une hausse de la vulnérabilité. C’est celle-ci qui se révèle dans toute son ampleur avec la crise du Coronavirus.

Dans un pays comme la France le capitalisme mondialisé et sa politique économique ultralibérale ont depuis quatre décennies accrues considérablement la vulnérabilité. Dans le vocabulaire libéral de santé cela s’appelle la « rationalisation de l’offre de soin ». Concrètement cela signifie la suppression de 13 % des lits d’hospitalisation à temps plein (c’est-à-dire accueillant un patient plus de 24 heure) pour la seule période 2003-2016 (69 000 lits) selon les propres chiffres du ministère de la santé[iv]. Que l’on prenne comme indicateur les budgets des hôpitaux, les effectifs des personnels de soin ou le nombre d’établissements publics le bilan est similaire : une « casse du siècle » selon l’expression des sociologues Pierre-André Juven, Frédéric Pierru et Fanny Vincent[v]. C’est cette vulnérabilité grandissante qui se révèle aujourd’hui avec l’épreuve de la pandémie dans le manque de lits de réanimation et de tests de dépistage tout comme dans le feuilleton macabre de la pénurie de masques. Les pénuries de tests et de masques ne sont nullement le résultat d’une erreur mais un des axiomes clef de la logique ultralibérale, à savoir la production « en flux tendu » consistant à réduire au minimum les stocks pour réduire les coûts. Ce qui s’est installé au cours des quatre décennies ce n’est rien d’autre qu’une « privatisation insidieuse » de l’hôpital public résume le syndicat CGT santé : « La privatisation de l’hôpital s’est faite par morceau, petit à petit, au fil des réformes successives. Il y a au moins deux étapes clés pour comprendre la transformation de l’hôpital public: la managérialisation (modification de l’organisation de l’hôpital selon les modalités du privé) et la marchandisation (introduction d’une logique de rentabilité marchande dans les actes de soin). Ces deux points forment ce que l’on pourrait appeler la « privatisation insidieuse» de l’hôpital. Les hôpitaux, s’ils ne deviennent pas privés juridiquement, le sont dans les faits, reproduisant trait pour trait les méthodes, modèles d’organisation et objectifs du privé[vi]. »

La même logique mais avec une violence encore plus destructrice s’est déployée dans les pays de la périphérie dominée. Les Plans d’Ajustement Structurel (PAS) qui ont été imposé par le Fond Monétaire International et la Banque Mondiale c’est-à-dire par les puissances impérialistes ont démantelés les systèmes nationaux de santé. Parmi les conditionnalités imposées par ces PAS pour obtenir un prêt figurent systématiquement la baisse des budgets publics et la privatisation des services publics. La santé et l’éducation seront quasiment partout les deux secteurs les plus touchés par ces coupes budgétaires imposées. Un des effets induit par les PAS sera la « fuite des cerveaux » et en particulier des médecins et autres personnels de santé qui étaient essentiellement employés dans ces services publics sacrifiés. Les chiffres sont parlants comme en témoigne une étude de 2013 portant sur la « fuite des médecins africains » vers les États-Unis : « La fuite des médecins de l’Afrique subsaharienne vers les États-Unis a démarré pour de bon au milieu des années 1980 et s’est accéléré dans les années 1990 au cours des années d’application des programmes d’ajustement structurel imposé par […] le Fond Monétaire International (FMI) et la Banque mondiale[vii]. » Les médecins nord-africains ou moyen-orientaux dans les hôpitaux français témoignent du même processus en Europe. Les dégâts qu’annoncent la pandémie en Afrique par exemple, si elle n’est pas jugulée entre-temps, seront d’une ampleur sans commune mesure avec celle que nous connaissons en Europe. Le regard euro-centré dominant dans les médias invisibilise cette hécatombe de masse potentielle.

Les apories de la mondialisation capitaliste révélées par la pandémie

« Quand tout sera privé, nous serons privé de tout ». Ce slogan des pancartes de nos manifestations résume à merveille la rationalité des classes dominantes dans la séquence historique mondiale actuelle ultralibérale. Contrairement à une critique trop rapide et trop fréquente les classes dominantes ne sont ni idiotes ni irrationnelles. Elles ont simplement la rationalité de leurs intérêts. Bien entendu cette rationalité dominante est antagoniste avec une autre rationalité : celle qui n’est pas basée sur la maximisation du profit. La lutte des classes est ainsi aussi une lutte de rationalité. C’est ce qu’illustrent les nombreuses apories que montre les stratégies de lutte contre la pandémie en France. Une aporie est une contradiction insoluble. Donnons deux exemples non exhaustifs que révèle l’épreuve de vérité que constitue la pandémie.

Le premier exemple significatif est celui de la politique carcérale depuis plusieurs décennies. La surpopulation carcérale est une réalité massive largement documentée. Le taux d’occupation des établissements pénitentiaires « est aujourd’hui de 116% avec 70 651 prisonniers pour 61 080 places (au 1er janvier 2020). La surpopulation se concentre dans les maisons d’arrêts, qui accueillent les personnes en attente de jugement et celles condamnées à des courtes peines de prison. Dans ces établissements, qui abritent plus des deux tiers de la population carcérale, le taux d’occupation moyen est de 138%, contraignant deux à trois personnes – parfois plus – à partager une même cellule et plus de 1 600 personnes à dormir chaque nuit sur des matelas posés au sol[viii] » résume l’Observatoire National des Prisons. Une telle situation est à la fois contradictoire avec une lutte efficace contre la pandémie et constitue un sacrifice ciblé d’une partie de la population. Des situations similaires existent avec la politique migratoire et l’entassement dans des sites comme Calais, dans des centres de rétention surpeuplés ou dans des logements insalubres tout aussi surpeuplés ; avec celle en direction des sans-abris ; avec celle du logement productrice d’une sur-occupation massive pour les classes populaires ou enfin avec l’absence de réelle politique de lutte pour l’égalité entre les sexes. L’ampleur du prix humain que nous paierons au cours de cette pandémie et la répartition par classe sociale, par sexe et par origine de celui-ci découlent directement de ces apories. La morbidité liée à la pandémie aura indéniablement une dimension de classe et sera également inévitablement genrée et colorée.

Le second exemple tout aussi significatif est celui des réfugiés qui s’entassent dans les hotspots en Italie et en Grèce du fait de la politique de l’Europe forteresse. Alors que l’ouverture des frontières turques et la réaction brutale et répressive de l’État grec a encore renforcé les conditions scandaleuses d’existence de ces réfugiés, les médias dominants organisent le silence et l’invisibilité. Avant même celles-ci la juriste Claire Rodier dressait le bilan suivant pour les hotspots grecs : « problèmes de promiscuité, de cohabitation de mineurs isolés avec des adultes, de nourriture insuffisante, de conditions d’hygiène dégradées du fait de la saturation des équipements sanitaires, etc. [ …] En janvier 2017, Amnesty International relevait un taux d’occupation de 148 % à Lesbos, de 215 % à Samos et de 163 % à Kos. Pendant l’hiver 2016-2017, particulièrement rigoureux dans la région, certains d’entre eux ont de ce fait été contraints de dormir en plein air, enveloppés dans de simples couvertures que la neige recouvrait pendant la nuit. [ix] » Le bilan des hotspots italiens est dans la même veine complète Claire Rodier en se basant sur les rapports de mission d’Amnesty International[x]. L’ONG Médecins Sans Frontière utilise à juste titre l’expression « bombe sanitaire » pour caractériser la situation : « Dans certaines parties du camp de Moria, il n’y a qu’un seul point d’eau pour 1 300 personnes et pas de savon. Des familles de cinq ou six personnes doivent dormir dans des espaces ne dépassant pas 3m². Cela signifie que les mesures recommandées comme le lavage fréquent des mains et la distanciation sociale pour prévenir la propagation du virus sont tout simplement impossibles[xi]. » Ici aussi le résultat est similaire : un affaiblissement de la capacité à faire face efficacement à la pandémie d’une part et le sacrifice des réfugiés d’autre part.

Le jour d’après

Des apories aussi importantes affaiblissent considérablement l’efficacité de l’idéologie dominante déjà largement ébranlée par le mouvement des Gilets jaunes et par le mouvement contre la réforme des retraites. Il n’est plus possible, au moins momentanément, de tenir un discours libéral sur la santé, de mépriser les services publics et de louanger le privé et même simplement de diaboliser l’intervention de l’État. Cependant d’ores et déjà le jour d’après la pandémie est en préparation par l’Élysée. Sans être exhaustif on peut déjà repérer quelques composantes de cette préparation. Le premier se situe dans la mise en scène d’une pseudo « irresponsabilité » d’une partie des citoyens. Les images diffusées en boucle de personnes ne respectant pas le confinement, la place de cette « irresponsabilité » dans la communication gouvernementale, le rappel médiatique quotidien du nombre de verbalisations, etc., autant d’éléments soulignant une stratégie visant à présenter l’ampleur prévisibles des conséquences de la pandémie comme résultat de l’indiscipline irresponsable et non comme découlant de causes politiques et économiques. L’objectif est également d’instrumentaliser la peur légitime de la pandémie pour diffuser l’image d’un gouvernement responsable faisant face malgré l’indiscipline à la « guerre » pour reprendre l’expression de Macron.

La seconde composante de la préparation se situe sur le versant économique. Il s’agit ici de préparer l’opinion à un nouveau cycle austéritaire pour le « jour d’après ». Alors que la pandémie démontre le coût humain des politiques de réduction des budgets sociaux, l’objectif est ici de l’instrumentaliser pour relégitimer l’idée de nécessaires restrictions budgétaires justifiées par les « dégâts de guerre » et l’impératif de la « reconstruction ». Le vocabulaire de la « guerre » et de l’ « unité nationale » va dans cette direction. Nous sommes en présence d’un exemple de ce que la journaliste Naomi Klein appelle La stratégie du choc. Elle démontre dans son livre publié en 2007 l’utilisation des chocs psychologiques suscités par des désastres pour imposer un ultralibéralisme encore plus poussé. Ce processus qu’elle nomme « capitalisme du désastre » « met sciemment à contribution crises et désastres pour substituer aux valeurs démocratiques, auxquelles les sociétés aspirent, la seule loi du marché et la barbarie de la spéculation[xii] » explique-t-elle.

La troisième composante est juridique et prend la forme d’une loi « d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid -19 » remettant en cause plusieurs droits des travailleurs. Cette loi permet au gouvernement de prendre par ordonnance des dispositions « provisoires » en matière de droit du travail. Elle autorise les employeurs des « secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la nation ou à la continuité de la vie économique et sociale » qui, seront définis par décret, « de déroger […] aux stipulations conventionnelles relatives à la durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos dominical» (art 17). Elle ramène le délai de prévenance pour les congés payés de quatre semaines à six jours. Elle autorise enfin le gouvernement à modifier « les modalités d’information et de consultation des instances représentatives du personnel et notamment du comité social et économique ». Alors qu’il ne semble pas urgent au gouvernement de fournir des masques dans de nombreux métiers de contact, il considère comme urgent de remettre en cause les droits des salariés.

Si la pandémie est un analyseur de la mondialisation capitaliste et de sa politique économique ultralibérale, elle n’en est pas pour autant sa défaite. Le jour d’après sera celui de la facture et de la désignation de qui la paiera. Malgré notre atomisation liée au confinement, il est impératif de le préparer dès aujourd’hui comme le prépare d’ores et déjà les classes dominantes. Il est tout aussi impératif d’exiger dès à présent une aide massive et sans condition pour les pays d’Afrique pour faire face à la pandémie, pays que les gouvernements occidentaux ont sciemment rendus hyper-vulnérables en matière de santé. Plus que jamais les dominés sur l’ensemble de la planète ont intérêt de porter leurs luttes sur les causes de la situation et non seulement sur les conséquences. Le corona virus démontre sans appel que ces causes se situent dans la mondialisation capitaliste. C’est à celle-ci que nous devons nous attaquer. Si un autre monde est possible, il est aussi nécessaire et urgent. 23 mars 2020

[i] Frédéric Leone et Freddy Vinet, La vulnérabilité, un concept fondamental au cœur des méthodes d’évaluation des risques naturels, in Frédéric Leone et Freddy Vinet (dir.), La vulnérabilité des sociétés et des territoires face aux menaces naturelles, Publication de l’université Paul Valery de Montpellier 3, 2005, p. 9.

[ii] Marion Borderon et Sébastien Oliveau, Vulnérabilités sociales et changement d’échelle, Espaces, populations et sociétés, n° 2016/3, p. 1.

[iii] Base de données de l’OMS, section « Health systems », http://apps.who.int/gho/data/node.main.475?lang=en, consulté le 21 mars 2020 à 20 h 53.

[iv] Bénédicte Boisguérin (coord.), Les établissements de santé, Ministère de la santé et des solidarités, Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, Edition 2019, p. 8.

[v] Pierre-André Juven, Frédéric Pierru, Fanny Vincent, La Casse du siècle : à propos des réformes de l’hôpital public, Raison d’Agir, Paris, 2019.

[vi] Anne Braun, Alya Lécrivain, Diane Beaudenon, Victorien Pâté et Mathieu Cocq, L’Hôpital public : vers une privatisation contrainte ?, 2019, pp. 3-4.

[vii] Akhenaten Benjamin, Caglar Ozden, et Sten Vermund, Physician Emigration from Sub-Saharan Africa to the United States, PLOS Medicine, volume 10, n° 12, 2013, p. 16.

[viii] Section française de l’Observatoire National des Prisons, Surpopulation carcérale, https://oip.org/decrypter/thematiques/surpopulation-carcerale/, consulté le 21 mars 2020 à 11 h 10.

[ix] Claire Rodier, Le faux semblant des hotspots, La revue des droits de l’homme, n° 13, 2018, p. 5.

[x] Ibid, pp. 8-9.

[xi] Communiqué de MSF du 13 mars 2020, Coronavirus : plus que jamais, l’urgence de l’évacuation des camps grecs, https://www.msf.fr/actualites/coronavirus-plus-que-jamais-l-urgence-de-l-evacuation-des-camps-grecs, consulté le 22 mars 2020 à 12 h 15.

[xii] Naomie Klein, La stratégie du choc. La montée d’un capitalisme du désastre, Actes Sud, Paris, 2008, quatrième de couverture.

« Géopolitique d’après… » un article de Richard Labévière

 

Screenshot_2020-04-01 GEOPOLITIQUE D’APRES…

Inédite, cette pandémie n’est vraisemblablement pas la fin du monde, mais signe assurément la fin d’« un » monde : celui de la mondialisation libérale, néo-libérale et ultra-libérale ; en dernière instance, celui du village planétaire de Marshall McLuhan. En 1967, dans son ouvrage Le Médium est le message (1), le sociologue canadien (1911 – 1980) affirmait que les médias de masse fonderaient l’ensemble des micro-sociétés en une seule et même « famille humaine », un « seul village » où « l’on vivrait dans un même temps, au même rythme et donc dans un même espace ».

On sait – au moins depuis le sommet de la terre de Rio de 1992 – qu’on va droit dans le mur si l’on continue à détruire la planète (exploitation exponentielle des ressources naturelles, rejets massifs des gaz à effet de serre et autres vecteurs de réchauffement climatique, extinction de la biodiversité), et on y va sûrement… mais à un rythme lent, étalé dans le temps. De la même inexorable manière, l’actuelle pandémie nous fait basculer dans l’inconnu, mais c’est tout de suite, brusquement, globalement – ici et maintenant -, sans que l’on sache très bien comment tout cela va se terminer et si cela va se terminer vraiment… dans la mesure où plus rien ne pourra être comme avant !

DARWINISME SOCIAL « COMPRESSE »

A Beyrouth, Walid Charara écrit dans le quotidien Al-Akhbar qu’on savait depuis longtemps que « les mécanismes du capitalisme libéral induisent un darwinisme social généralisé rendant les plus pauvres toujours plus pauvres, les plus faibles toujours plus faibles allant jusqu’à disparaître pour laisser place aux plus riches et aux plus forts. Cette implacable logique suivait le rythme lent des cycles économiques, alors qu’aujourd’hui la pandémie provoque un darwinisme social ‘compressé’, brutal et d’une violence décuplée ».

Le cas du prince Albert de Monaco ne doit pas cacher la forêt et il restera à dresser une sociologie précise des contaminés pour constater que le virus aura contribué à aggraver les inégalités sociales – les confinés sont tous égaux, mais certains sont plus égaux que d’autres -, les confrontations et les crises internationales.

Derrière le réflexe immédiat de fermer les frontières, moult questions se posent et continueront à se poser à l’encontre de dirigeants redécouvrant subitement les bienfaits régaliens de l’État-nation, aux accents mélancoliques d’un Conseil national de la Résistance (CNR) dont il était de bon ton de proclamer – il n’y a pas si longtemps encore – que son programme n’était qu’une collection de vœux pieux à remiser au cabinet des curiosités historiques. On entendit même tout récemment Angela Merkel recommander la « nationalisation » – oui, la nationalisation ! – de plusieurs « secteurs sensibles » de l’économie allemande. Il se passe vraiment quelque chose d’inédit !

D’une soudaine grande sagesse, le président de notre République a remisé à plus tard sa grande réforme des retraites. Bravo ! Et l’on peut d’ores et déjà imaginer que son hypothétique remise en route ne pourra s’effectuer à l’identique de son dernier lancement… Transposée sur le plan international, cette soudaine clairvoyance devrait remettre aussi à plus tard toutes les expéditions militaires, les guerres asymétriques et toutes les sanctions économiques, quels que soient leurs fondements ! En effet, une trêve des confiseurs généralisée devrait être la règle sur l’ensemble de la planète.

Au lieu de cela, on assiste impuissant et dans l’incompréhension la plus totale à un durcissement, sinon à une accélération d’un darwinisme géopolitique aggravé.

DES CRISES INTERNATIONALES AGGRAVÉES

Dans son « Bulletin quotidien Covid-19 », l’excellent général Dominique Delawarde – dont la veille est l’une des meilleures qui soient – nous indique que s’agissant de l’Iran, « il faut rappeler que ce pays est sous sanctions des gouvernances occidentales qui se soumettent aux pressions des lobbies pro-israéliens (États-Unis, Union européenne, OTAN). Ces sanctions affectent l’approvisionnement en médicaments et matériel médical et contraint le pays à se tourner toujours plus vers la Chine et la Russie. Cette prise en otage de la population iranienne pour des raisons politiques ne peut être que contre-productive pour le quatuor « États-Unis/Israël, UE, OTAN» pour deux raisons principales : 1) elle ne grandit pas l’image de cette « coalition occidentale » dont les gouvernances se targuent en permanence d’humanité, de « droits de l’homme », de devoir « d’ingérence humanitaire » et qui, au nom de ces principes à géométrie variable, sèment le chaos sur la planète depuis un quart de siècle. Le cynisme des gouvernances EU-UE dans cette affaire d’épidémie (embargo sur les médicaments) restera dans la mémoire des peuples. 2) favoriser consciemment, pour des raisons de basse politique, le maintien d’un foyer épidémique dans le monde, n’est bon pour personne. D’ailleurs, par une triste ironie du sort, ce sont, entre autres, des soldats américains déployés sur l’ensemble de la planète pour y assurer l’hégémonie américaine, qui ont été y contracter ce virus pour le ramener chez eux. Au rythme où vont les choses, les États-Unis pourraient bien être classés, in fine, devant l’Iran et, peut-être même devant la Chine et l’Italie au palmarès du nombre des victimes ».

Ce même constat affligeant peut être dressé pour la bande de Gaza, confinée puis des décennies par la soldatesque israélienne qui renforce actuellement l’isolement de ce territoire palestinien en y aggravant sciemment les conditions d’approvisionnement et d’assistance sanitaire. Les partisans et soutiens de la prétendue unique « démocratie » du Proche-Orient devraient s’interroger aussi sur les conséquences de l’instauration de « l’État juif » de Benjamin Netanyahou, imposition d’un véritable apartheid qui n’a fait que s’accentuer depuis la généralisation de la pandémie. Là, plus qu’ailleurs, les confinés sont égaux, mais certains sont plus égaux que d’autres…

Quant au Yémen, plusieurs sources militaires et diplomatiques de prochetmoyen-orient.ch confirment – qu’avec le développement de la pandémie – les autorités saoudiennes ont intensifié les bombardements des infrastructures civiles et sanitaires du sud de cette péninsule arabique, abritant les populations les plus pauvres de la planète. Hallucinant !

Plutôt que de réorienter ses capacités militaires contre l’extension du virus (comme cela se fait dans la plupart des pays), la dictature wahhabite – avec la bénédiction d’Allah et de la Maison Blanche – renforce, au contraire, ses offensives meurtrières à l’encontre des populations civiles du Yémen. Pionniers en la matière, les mêmes responsables s’étaient réjouis d’une pandémie de choléra qui ravage ce même pays depuis un an et demi, s’efforçant de « canaliser » le mal vers les « régions ennemies ».

On pourrait tout aussi bien insister sur les effets contaminants du maintien des sanctions et de l’embargo à destination de Cuba (qui ne menace plus personne depuis longtemps) et d’un Venezuela exsangue qu’il faudrait aider aussi, plutôt que punir pour faire main basse sur son pétrole!

GOUVERNANCE MONDIALE

OU COOPÉRATION INTERNATIONALE ?

Face à ces effets aggravants de la pandémie sur les crises internationales en cours, que faire ou plutôt comment imaginer l’après ? Vaste point d’interrogation… Une fois de plus l’Union européenne aura démontré son incapacité à peser sur le réel et ses défis les plus urgents. D’autres organisations régionales comme l’Union africaine ou la Ligue arabe n’ont guère été plus brillantes, restant aux abonnés absents.

Reste l’Organisation des nations unies, cette bonne vieille ONU et ses agences spécialisées (OMS, HCR, PNUD, etc.) sans lesquelles le monde actuel serait encore plus mal en point qu’il n’est aujourd’hui.

Sachant d’ores et déjà que plus rien ne sera comme avant, c’est-à-dire qu’une fois sorti de cette pandémie du Covid-19, pourraient survenir d’autres menaces de Covid-20, 21, 22, 23 jusqu’à l’infini – les spécialistes estimant qu’on doit s’attendre à une pandémie de type viral tous les cinq ans -comment envisager la défense, sinon la riposte, en tout cas l’organisation, voire la régulation du nouveau monde ?

Aujourd’hui on le sait, le multilatéralisme – ce luxe de temps de paix, pour reprendre les mots de Guillaume Berlat – est en crise profonde. Et il faut rappeler ici que cette crise ne tombe pas du ciel, mais qu’elle a, belle et bien, été consciemment provoquée et fabriquée par l’invasion anglo-américaine de l’Irak au printemps 2003, totalement illégale et illégitime, contournant sciemment l’avis du conseil de sécurité. Rappelons aussi qu’à l’époque, dans leur entreprise de démolition de l’ONU, Londres et Washington ont enchaîné les mensonges d’État grâce à la grande presse affirmant que les armes de destruction massive de Saddam Hussein pouvaient menacer la planète entière en moins de 45 minutes et que le dictateur de Bagdad était le meilleur copain d’Oussama Ben Laden… Quelle foutaise !

Toujours est-il qu’aujourd’hui l’ONU est par terre… Par extension, après avoir déchiré l’accord sur le nucléaire iranien, le traité des missiles de portée intermédiaire et les avancées de la COP-21 sur le réchauffement climatique entre autres, Donald Trump et son clan ont fragilisé, sinon anéanti les acquis des multilatéralismes politique, économique et judiciaire patiemment tricotés depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Dans ces conditions, refonder l’ONU ou une nouvelle ONU ne va pas être simple.

Dimanche dernier (15 mars) sur France-Culture, une brève passe d’armes entre Bertrand Badie (éminent professeur de relations internationales) et l’ancien ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine, résume bien le dilemme : le premier estime que l’actuelle pandémie va fatalement amener les dirigeants de la planète à partager les grandes lignes directrices d’une « gouvernance mondiale » afin de faire face aux menaces globales : pandémies, réchauffement climatique, terrorisme, etc. Hubert Védrine réplique en soulignant que le premier réflexe des dirigeants des grandes puissances a été de fermer leurs frontières, et appelant chaque gouvernement à s’efforcer d’exercer ses responsabilités afin d’être à même de développer efficacement une « coopération internationale », visant à fixer des « normes communes » sur les grands dossiers d’intérêts globaux. Comme la communauté internationale qui n’existe pas , pour Védrine , la gouvernance mondiale est un mythe.

REFONDER L’ONU ?

L’évolution des différents traitements nationaux de la pandémie font plutôt pencher la balance en direction du réalisme d’Hubert Védrine. En l’occurrence, ce ne sont pas les G-7 ou G-20 successifs, qui servent surtout de « photo-opportunities », plutôt que d’expression d’une gouvernance mondiale en acte, qui vont régler nos problèmes… Et la nécessité de nouvelles formes de coopération internationale nous renvoie inévitablement à l’ONU, créée aux lendemains de la Seconde guerre mondiale pour remplacer la SDN (Société des Nations) qui n’avait pu empêcher le déclenchement d’un nouvel embrasement mondial.

De fait et même si elle fixe l’égalité des États souverains, la Charte de l’ONU n’a jamais pu être pleinement respectée et elle n’a pu empêcher la multiplication d’une multitude de guerres régionales – le plus souvent asymétriques – organiquement liées à la Guerre froide et encadrées par l’affirmation de la dissuasion nucléaire. Mais toujours est-il – pour reprendre les propres termes du regretté Stéphane Hessel -, que « le monde sans ONU serait bien pire »…

Nous vivons en fait une nouvelle rupture historique majeure comparable à celles de la fin de la Seconde guerre mondiale, de la fin de la Guerre froide et d’un terrorisme global. Cela dit, les conditions et les contraintes dans lesquelles a été adoptée la Charte de San Francisco (2) furent très différentes de celles qui président maintenant aux jours d’aujourd’hui. L’interdépendance entre États membres est plus grande – infiniment plus grande – qu’en 1945 : réchauffement climatique, terrorisme, malnutrition, accès à l’eau, pauvreté, analphabétisme, pandémies, hyper-communication, réseaux a-sociaux, etc. Ajoutons à ces évolutions proprement rhizomatiques, une multiplication incontrôlable des acteurs, de leurs financements et de leurs agendas.

Gouvernance mondiale ou coopération internationale, les deux discours de la méthode ramènent l’un et l’autre à l’existant, ou plutôt à ce qui subsiste de l’Organisation des Nations unies et c’est sans doute, à partir de ses fondamentaux qu’il faudra remettre l’ouvrage sur le métier et inversement. Parce qu’il est parfaitement évident qu’une fois le Covid-19 jugulé, le monde ne pourra pas repartir comme s’il ne s’était rien passé. Gouvernance ou coopération, un minimum de nouvelles règles sanitaires, sécuritaires, politiques et économiques devront être adoptées. Comment celles-ci pourront-elles être appliquées et respectées avec un minimum d’efficience ? Quelles nouvelles instances pourront veiller au grain et ramener les moutons noirs dans les troupeaux de Camargue et d’ailleurs ? Quelles forces et quelles puissances pourront ramener les « salopards » à une raison minimale, garantie de sécurité collective ? C’est toute la question…

UN SALOPARD !

Justement, à la rubrique des faits divers les plus aberrants, on apprend que Donald Trump a cherché à acquérir auprès d’un laboratoire allemand l’exclusivité d’un probable vaccin contre le coronavirus. Sursaut de dignité nationale, le laboratoire d’outre-Rhin l’a – heureusement – proprement éconduit. Et l’empressement du président américain ne s’explique pas, semble-t-il, par souci de venir au secours de la planète, mais bien pour que les États-Unis soient les premiers et les seuls à ainsi bénéficier d’une solution viable et immédiate de survie et à faire avec cela un maximum d’argent…

En dépit de ses foucades d’agent immobilier et au-delà de toutes considérations politiques, philosophiques ou autres, on sait désormais avec certitude que Donald Trump est un authentique salopard, qu’il peut exprimer et mettre en œuvre le pire dont est capable le genre humain… oui, un vrai salopard !

Au sortir de la crise, le confinement durable d’un tel individu et de son clan s’avérera plus que nécessaire et salutaire. En effet, l’une des tâches prioritaires des systèmes multilatéraux de demain sera bien de se prémunir contre les malveillances des États-Unis et de leurs dirigeants, de trouver les mécanismes pour isoler ce pays dangereux du reste de l’humanité et surtout de traîner ses dirigeants devant une cour de justice internationale.

En attendant, la rédaction de prochetmoyen-orient.ch – elle-aussi confinée -n’en poursuivra pas moins ses livraisons hebdomadaires. Restant loin de Facebook et des autres réseaux numériques a-sociaux, elle ne s’abonnera pas non plus à Netflix pour attendre des jours meilleurs, préférant chaque semaine vous proposer une lecture ou relecture de choix.

Cette semaine, nous avons opté pour Le Temps des cathédrales de Georges Duby (3). Extrait : « Dans la pensée sauvage qui dominait toutes les consciences et celles des plus savants (au XIème siècle), l’univers se montre comme une sorte de forêt mystérieuse dont nul ne peut faire le tour. Pour le pénétrer, pour se défendre des dangers qu’il renferme, il convient de se comporter comme le font les chasseurs, de suivre des pistes sinueuses, de se fier à des traces et de se laisser guider par un jeu de coïncidences illogiques. L’ordre du monde repose sur un tissu de liens ténus, pénétré d’influx magiques. Tout ce que les sens perçoivent est signe : le mot, le bruit, le geste, l’éclair. Et c’est en débrouillant patiemment l’écheveau complexe de ces symboles que l’homme parvient à progresser peu à peu, à se mouvoir dans le taillis touffu où la nature l’emprisonne ».

On pourrait se croire revenu au XIème siècle, au temps des cathédrales. Bonne lecture et à la semaine prochaine. Prenez soin de vous et des autres. 23 mars 2020

1 Marshall McLuhan : The Medium is the Massage : An Inventory of Effects, Bantam Books, New York, 1967.

2 La Charte de San Francisco est le traité qui définit les buts et les principes de l’Organisation des Nations unies ainsi que la composition, la mission et les pouvoirs de ses organes exécutifs (le Conseil de sécurité), délibératifs (l’Assemblée générale), judiciaires (la Cour internationale de justice) et administratifs (le Conseil économique et social, le Conseil de tutelle et le Secrétariat général). Elle a été adoptée à la fin de la conférence de San Francisco, le 26 juin 1945.

3 Georges Duby : Le Temps des cathédrales – L’art et la société 980-1420. Éditions Gallimard – Bibliothèque des histoire, mai 1980.