Sabotage des gazoducs Nord Stream (Suite)…

La CIA aurait été mise au courant d’un projet ukrainien de destruction.

Maëlane LOAËC (avec AFP) – Publié le 7 juin 2023

– Une enquête du « Washington Post » révèle que la CIA avait été informée par une agence de renseignement d’un pays européen que des forces ukrainiennes s’apprêtaient à saboter le gazoduc Nord Stream.

– C’est ce que dévoilent des documents classifiés, divulgués en ligne au printemps.

– Les services américains auraient été informés en détail de ce plan en juin 2022, soit trois mois avant l’attaque.

Depuis plus de huit mois, le mystère reste épais autour du sabotage des gazoducs Nord Stream 1 et 2. Mais l’enquête progresse, avec de nouvelles révélations du Washington Post. Selon une enquête du quotidien américain, publiée mardi 6 juin, une agence de renseignement d’un pays européen avait prévenu la CIA en juin 2022 que des forces spéciales ukrainiennes comptaient faire exploser le gazoduc Nord Stream. Un plan présenté en détail, trois mois avant l’attaque.

Les gazoducs Nord Stream 1 et 2, devant transporter du gaz naturel de la Russie vers l’Allemagne, avaient été frappés par des explosions sous-marines le 26 septembre et ainsi rendus inopérants, privant potentiellement Moscou de milliards de dollars de revenus. Plusieurs pays, dont la Russie, l’Ukraine et les États-Unis, avaient été accusés d’en porter la responsabilité, mais tous s’en étaient défendus.

Le journal s’appuie sur des informations issues des nombreux documents confidentiels qui auraient été publiés en ligne par le jeune militaire américain Jack Teixeira, avant que la fuite ne soit découverte par l’armée et le suspect appréhendé mi-avril. Ces documents indiquaient qu’une agence de renseignement d’un pays européen non spécifié avait informé la CIA dans un rapport, quatre mois après le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, que des plongeurs militaires répondant directement au commandant en chef des forces armées ukrainiennes prévoyaient cette attaque contre Nord Stream.

« Des raisons de soupçonner Kiev d’être à l’origine du sabotage »

Toujours selon le Washington Post, les États-Unis, après avoir été prévenus du supposé projet de sabotage, en avaient averti des alliés dont l’Allemagne, d’après plusieurs fonctionnaires connaissant bien le dossier, qui ont témoigné auprès du journal sous couvert d’anonymat. « Les détails très précis, qui comprennent le nombre d’agents et les méthodes d’attaque, montrent que depuis près d’un an, les alliés occidentaux ont des raisons de soupçonner Kiev d’être à l’origine du sabotage », note le quotidien.

D’après les fonctionnaires interrogés, les auteurs présumés de l’attaque auraient été informés du fait que ces renseignements avaient été partagés avec plusieurs pays, et auraient donc modifié certains éléments de leur plan. Pour l’agence européenne de renseignement à l’origine de ces informations, l’opération était supervisée par le général ukrainien Valeriï Zaloujniï, à l’insu du président Volodymyr Zelensky, ce qui aurait ensuite permis au dirigeant ukrainien de nier l’implication de son pays dans une attaque susceptible de fissurer le soutien de ses alliés, en particulier européens.

Les révélations du journal américain corroborent des informations d’enquêteurs allemands, selon lesquelles une équipe de six personnes équipées de faux passeports, probablement des plongeurs expérimentés, aurait emprunté un voilier depuis le port de Rostock, en Allemagne, pour conduire l’opération. La société polonaise ayant loué le voilier serait en fait détenue par des Ukrainiens, et au moins un militaire ukrainien aurait participé à l’offensive.

Contactés par le Washington Post, des responsables ukrainiens, la Maison Blanche et la CIA ont refusé de commenter le rapport de l’agence de renseignement. En privé, les responsables du gouvernement de Joe Biden reconnaissent seulement ne pas disposer de preuves concluantes sur l’implication de Moscou dans l’attaque. Des médias danois ont toutefois récemment informé qu’un navire de la marine russe spécialisé dans les opérations sous-marines avait été photographié près de la zone du sabotage peu avant les explosions.

Selon le Washington Post, les services de renseignements américains s’inquiètent depuis longtemps des opérations que l’Ukraine souhaiterait diriger contre la Russie, qui pourraient faire basculer la guerre dans un conflit direct opposant Moscou aux États-Unis et leurs alliés de l’Otan. En février dernier, l’agence de renseignement militaire ukrainienne a accepté, « à la demande de Washington », de reporter des frappes prévues sur Moscou, selon un autre document classifié divulgué. Depuis, un raid de drones a été lancé sur la capitale russe le 30 mai dernier, une offensive inédite, et des incursions armées se multiplient dans la région russe de Belgorod, frontalière de l’Ukraine. Kiev continue de se défendre de toute implication dans ces attaques.


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