« Jacques Fath expose avec pertinence l’ensemble des causes ayant conduit à la guerre… »
La tentative d’invasion de l’Ukraine par son grand voisin Russe sous la férule de Vladimir Poutine a signé le retour de la guerre en Europe, vingt ans après les guerres de Yougoslavie. Jacques Fath, dans un ouvrage documenté, augmenté d’utiles annexes, met sa vaste culture des relations internationales à décrypter tant les sources et les responsabilités plus que partagées d’un conflit de tous les dangers, que ce qu’il révèle des profondes modifications à l’œuvre dans l’état du monde. L’auteur montre que si la Russie est l’agresseur d’une guerre qui apporte son cortège de souffrances pour le peuple ukrainien, ses causes en sont autant l’erreur stratégique de Poutine que le dessein des États-Unis, principalement mobilisée sur sa compétition avec la Chine : muscler l’Ukraine récemment indépendante comme terrain d’une confrontation « chaude ou froide », afin d’affaiblir la Russie. Confrontation où sont entraînés les alliés de l’OTAN, source d’une déstabilisation dont les conséquences se font sentir sur tous les continents. Poutine, autre conséquence, a ranimé par l’invasion de l’Ukraine une OTAN « en état de mort cérébrale », et provoqué son élargissement.
Jacques Fath expose avec pertinence l’ensemble des causes ayant conduit à la guerre, démontre à quel point la résistance ukrainienne est autant la montée d’un sentiment national exacerbé par l’agression que l’implication formidable des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de l’OTAN, livraison de matériel militaire et de munitions, renseignement, formation, au point de surclasser les moyens de la Russie. Les vecteurs de la guerre idéologique tournent à plein, le silence se fait sur d’autres conflits, également meurtriers de par le monde. L’accès au pétrole et au gaz prime sur le « droit de l’hommisme » à utilisation variable, tandis que gaz de schiste et charbon remis en selle contredisent le discours écologique quant à l’avenir de la planète.
Le chemin à emprunter pour sortir de l’impasse d’une guerre dont on ne voit pas qu’elle pourrait avoir un vainqueur appelle, c’est la dernière partie de l’ouvrage, l’exigence d’un nouvel ordre international. Jacques Fath en énonce les principes, ceux de la construction d’une architecture de sécurité collective augmentée de la recherche de règlements pragmatiques là où nécessaire, conformes au droit international. L’auteur souligne à quel point les logiques de puissance font aujourd’hui reculer celles du droit et de la sécurité collective. Il rappelle que le peu d’engagement des puissances garantes, Allemagne et France, à faire appliquer les accords de Minsk a été un élément de l’ouverture du conflit. Le cadre de l’ONU – qu’il faudrait réformer à la mesure des changements dans le monde – est celui d’un multilatéralisme légitimé par la responsabilité collective. La solution politique au conflit en cours, que l’on n’obtiendra que par une implication des peuples, de tous les partisans de la paix, obligeant leurs gouvernants à une attitude responsable, ne suffit pas. Il convient de travailler sérieusement à la limitation et au contrôle des armements, d’abord nucléaires, à un ordre de sécurité collective en Europe et dans toutes les parties d’un monde désormais interdépendant, d’un monde « global » où chaque tension interagit. Sans doute conclut-il, la guerre d’Ukraine est-elle un avertissement pour tous les responsables, à considérer avant qu’il ne soit trop tard.
Un livre à la lecture nécessaire, pour qui veut explorer les voies d’un nouvel ordre : « dépasser la puissance, sortir des règles en épuisement du système capitaliste ».
« Poutine, l’OTAN et la guerre », Jacques Fath, Éditions du Croquant, 2023.
La Cour Pénale Internationale vient de lancer un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine et Maria Lvova-Belova, Commissaire russe aux droits de l’enfant. C’est un événement dont il faut comprendre le sens et les conséquences.
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Vladimir Poutine est donc poursuivi par la Cour pénale internationale. La CPI, le 17 mars dernier, a délivré un mandat d’arrêt à son encontre. La Russie n’est pas un État membre de cette Cour à laquelle Moscou dit ne rien devoir, n’ayant pas ratifié son statut, le Statut de Rome, comme on dit, puisque cette Cour a été créée à Rome, en 1998.
La CPI accuse le Président russe d’avoir déporté et transféré des enfants du territoire occupé d’Ukraine. Cette décision contraint donc en principe les 123 États membres de la Cour d’arrêter Vladimir Poutine afin qu’il soit transféré à La Haye… s’il met le pied sur leur territoire. Évidemment, il y a peu de possibilités que les choses se produisent ainsi, mais la signification de cette menace judiciaire n’est pas banale. Il est nécessaire d’y regarder de plus près et d’élargir le propos pour comprendre.
L’Ukraine et les États-Unis se sont félicités de la décision émanant de la Cour. Comme la Russie, cependant, ni Washington, ni Kiev ne sont parties au statut de Rome. On se souvient d’ailleurs que certaines Administrations américaines, celles de Georges W. Bush et de Donald Trump en particulier, ont même cherché à saborder la Cour. Enfin, on remarque que d’autres États, comme la Chine ou Israël, n’ont pas non plus adhéré au statut de Rome.
Sur les 5 États membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations-Unies, seuls 2 ont adhéré à la CPI : la France et la Grande-Bretagne. Paris et Londres sont effectivement beaucoup plus sensibles aux charmes des Droits de l’Homme dans la présentation (officielle) de leur politique étrangère. Mais pourquoi certains États refusent de ratifier le statut de Rome ? Ce choix est la plupart du temps motivé par la volonté de protéger leur personnel militaire en exprimant une vision stratégique propre. Plus un État projette ses forces militaires à l’extérieur, dans des conditions toujours complexes, plus il prend le risque d’exposer ses soldats aux poursuites judiciaires de la CPI. De façon plus générale, le refus d’être un État partie à la CPI correspond à une volonté d’écarter tout ce qui pourrait limiter les paramètres de la puissance et la capacité à décider l’utilisation de la force. Le rapport du judiciaire et du militaire est très direct.
Les mandats d’arrêts lancés contre Vladimir Poutine et Maria Lvova-Belova, Commissaire russe aux droits de l’enfant, constituent évidemment un événement politique puisque c’est la première fois qu’un État membre (et membre permanent) du Conseil de sécurité, est ainsi poursuivi.
La déportation et le transfert de personnes sont effectivement considérés comme des crimes de guerre (Article 8, §2 / vii du Statut de Rome). C’est probablement parce que la Cour et son procureur, Karim Khan, on aujourd’hui le plus de preuves en la matière que ces mandats d’arrêt sont centrés sur cette question, au demeurant très sensible, de la déportation d’enfants. L’ONU a cependant rendu publiques les informations dont elle dispose, et ses appréciations, concernant les nombreux crimes de guerre commis par l’armée russe dans le cours de son invasion, ainsi que quelques crimes commis par des soldats ukrainiens. Ces mandats d’arrêt visant la Russie ne seraient donc, vraisemblablement, qu’un premier acte.
Que faut-il en penser ?
On ne saurait prendre la défense des pratiques brutales et criminelles de la Russie en Ukraine. Elles confinent trop souvent à l’évidence dans un processus d’invasion, d’occupation et d’agression militaire caractérisé. Un processus dramatique dans lequel les civils et la société ukrainienne ont payé un très lourd tribut. S’aventurer à nier ou édulcorer les faits serait se déjuger peu honorablement contre l’exigence d’une certaine éthique en politique. D’autant que ces faits ne découlent pas seulement des circonstances malheureuses des combats et des périls inévitables de la guerre, mais constituent trop souvent le résultat de choix stratégiques et militaires des autorités russes. De fortes questions sont cependant posées, qui méritent d’être examinées… y compris dans l’esprit de cette exigence d’une certaine éthique en politique.
Les crimes de guerre (voire contre l’humanité) sont intrinsèquement liés à la guerre. A toutes les guerres. Le 20ème siècle nous le rappelle. Pourtant, on ne pourrait accorder la moindre « normalité », ou suggérer la moindre fatalité à cette réalité qui constitue hélas une bonne partie de l’histoire humaine. L’ignominie politique et morale fait partie des contradictions de notre… humanité. L’idée d’une justice internationale est donc fondamentalement juste. Il est bon de le rappeler.
Il est nécessaire, aussi, d’en tirer les conséquences. Pour être légitime il faut qu’une justice soit universelle, au sens de l’égalité et de l’impartialité devant les faits et devant les problématiques essentielles de la responsabilité et des droits. On en est très loin aujourd’hui. En décidant de poursuivre Poutine ainsi qu’une responsable de son régime, la CPI frappe très fort. Mais elle met ainsi en exergue, en contrepoint direct, son incapacité à traiter d’autres situations où le droit international, les droits humains, la Charte des Nations-Unies, les grands textes comme la Déclaration universelle des droits de l’homme sont gravement bafoués, sans conséquence aucune, dans une impunité caractérisée. D’autres Présidents, comme Georges W. Bush, ont commis des outrages criminels au droit sans qu’ils aient été conduits devant la CPI. On doit surtout rappeler l’exemple fourni par le traitement, ou plutôt l’incroyable et consternant non traitement judiciaire, de la question de l’occupation militaire et des crimes d’Israël en Palestine, depuis des dizaines d’années. Ce n’est pas seulement une pratique du deux poids deux mesures. La CPI expose ainsi sa faiblesse initiale et son inaction face aux logiques des plus puissants, et à cette autre « loi », celle des rapports de forces.
Certains espèrent que cette décision de poursuivre Poutine pourrait annoncer le début d’un nouvel élan, un « ressaisissement » de la CPI. Dans le contexte actuel, qui pourrait le croire ? La façon dont la CPI exerce sa mission ne peut pas être séparée du très préoccupant et durable processus en cours de recul et d’instrumentalisation du droit, de décomposition du multilatéralisme, d’affaiblissement du rôle des institutions internationales et notamment de l’ONU. Il faut bien constater qu’un processus négatif est enclenché dans une période de dégradation ouverte, au moins depuis les années 90, et marquée par une accélération de la militarisation, des tensions internationales et des logiques désinhibées de la puissance et de la force. L’exigence du respect du droit international recule dans un ordre mondial où les acquis du 20ème siècle en termes de responsabilité collective et de sécurité partagée ne cessent de régresser. Cet ordre international libéral « fondé sur des règles » ne cesse de se décomposer.
Dans ce contexte, l’option judiciaire, celle de la justice incarnée par la CPI ou bien par d’autres cours mises en place aussi pour traiter des crimes les plus graves (1), signifie et implique le choix d’une logique spécifique : juger des criminels de guerre amenés à résipiscence par une défaite militaire qui clôt un conflit. Tandis que la négociation d’une solution politique suppose la nécessité d’une crédibilité du processus engagé et des personnes chargées de le conduire à bonne fin. C’est l’idée que la justice et la paix sont inséparables. Nous allons y revenir. Cette idée n’est pas sans validité de principe, mais elle comporte évidemment le risque d’être en contradiction avec la nécessité d’une issue politique négociée. En effet, comment négocier un règlement de façon appropriée avec des personnes dotées d’un pouvoir politique, mais décrédibilisées car agissant sous la menace d’une lourde condamnation judiciaire ? Le fait d’émettre des mandats d’arrêt à l’encontre d’un belligérant ne peut pas ne pas affaiblir voire dévaluer la pertinence et la légitimité d’un règlement politique.
Dans un tel contexte, le risque est aussi de faire apparaître le choix du judiciaire comme une forme d’instrumentalisation du droit et de la justice internationale à des fins politiques. Ou tout au moins ce qui existe en tant que justice internationale. C’est probablement pour cette raison que la contradiction entre le politique et le judiciaire n’est que rarement soulignée comme une expression des réalités problématiques de l’ordre international actuel, de ses paramètres dominants… et du caractère encore balbutiant de la justice internationale. Celle-ci n’a pas encore atteint, loin de là, la capacité et la maturité nécessaires pour pouvoir échapper un tant soi peu aux rapports de forces et aux affirmations de la puissance comme paramètres hégémoniques des relations internationales.
Dans cet esprit, les mandats d’arrêt lancés par la CPI contre Vladimir Poutine et contre Maria Lvova-Belova ont à l’évidence une conséquence voire une intention politique : essayer d’isoler le Président russe et gêner ceux qui refusent toujours de le condamner, et de sanctionner la Russie. On notera que cette action judiciaire a été déclenchée peu avant la visite officielle de Xi Jinping à Moscou du 20 au 22 mars. Ce n’est évidemment pas le meilleur contexte pour une visite du Président chinois, alors que Pékin, se posant en médiateur de neutralité, vient de présenter une initiative visant à ouvrir un processus de règlement politique pour la guerre en Ukraine. On voit bien ici cette contradiction ou tension objective entre le choix de valoriser le politique, et celui de placer l’enjeu de la guerre sur le plan judiciaire.
On peut regretter que la diplomatie française ait pu exprimer par la voix de la Ministre, Madame Catherine Colonna, l’idée que la décision de la CPI « peut changer le cours des événements ». Soulignons que la meilleure manière de changer le cours des choses (ce qui apparaît urgent) serait justement de pousser de façon volontariste sur le chemin d’une solution politique. Pour briser l’escalade et chercher ainsi à éviter toute montée aux extrême qui pourrait être fatale. Pendant combien de temps encore faudra-t-il supporter l’effarant déni de cette simple exigence de bon sens ?
1) Il s’agit surtout des tribunaux pénaux internationaux mis en place suite aux guerres de l’éclatement de la Yougoslavie (1993), au génocide au Rwanda (1994) et aux actes terroristes ayant frappé le Liban à partir de 2005. La Cour internationale de Justice liée au système des Nations-Unies est d’un autre type. Elle a pour mission de régler les conflits entre États.
The International Criminal Court has just issued an arrest warrant against Vladimir Putin and Maria Lvova-Belova, Russian Commissioner for Children’s Rights. This is an event whose meaning and consequences must be understood.
Vladimir Putin is therefore being prosecuted by the International Criminal Court. The ICC issued an arrest warrant for him on March 17. Russia is not a member state of this Court, to which Moscow says it owes nothing, having not ratified its statute, the Rome Statute, as it is called, since this Court was created in Rome in 1998.
The ICC accuses the Russian President of having deported and transferred children from the occupied territory of Ukraine. This decision obliges in principle the 123 member states of the Court to arrest Vladimir Putin and transfer him to The Hague… if he sets foot on their territory. Of course, there is little chance of this happening, but the significance of this judicial threat is not trivial. It is necessary to take a closer look and broaden the scope to understand.
Ukraine and the United States welcomed the decision of the court. Like Russia, however, neither Washington nor Kiev is a party to the Rome Statute. It should be remembered that some American administrations, those of George W. Bush and Donald Trump in particular, even sought to scuttle the Court. Finally, we note that other States, such as China and Israel, have not joined the Rome Statute either.
Of the five permanent members of the United Nations Security Council, only two have joined the ICC: France and Great Britain. Paris and London are indeed much more sensitive to the charms of Human Rights in the (official) presentation of their foreign policy. But why do some states refuse to ratify the Rome Statute? Most of the time, this choice is motivated by the desire to protect their military personnel by expressing their own strategic vision. The more a state projects its military forces abroad, in conditions that are always complex, the more it takes the risk of exposing its soldiers to the legal proceedings of the ICC. More generally, the refusal to be a state party to the ICC corresponds to a desire to set aside anything that could limit the parameters of power and the ability to decide on the use of force. The relationship between the judiciary and the military is very direct.
The arrest warrants issued against Vladimir Putin and Maria Lvova-Belova, the Russian Commissioner for the Rights of the Child, are obviously a political event, since this is the first time that a member state (and permanent member) of the Security Council has been prosecuted in this way.
The deportation and transfer of persons are indeed considered war crimes (Article 8, §2 / vii of the Rome Statute). It is probably because the Court and its Prosecutor, Karim Khan, have the most evidence in this area that these arrest warrants are focused on the very sensitive issue of the deportation of children. The UN has, however, made public the information it has, and its assessments, concerning the numerous war crimes committed by the Russian army in the course of its invasion, as well as some crimes committed by Ukrainian soldiers. These arrest warrants against Russia would therefore probably only be a first act.
What should we think about it?
One cannot defend Russia’s brutal and criminal practices in Ukraine. All too often they border on a process of invasion, occupation and military aggression. A dramatic process in which Ukrainian civilians and society have paid a very heavy price. To venture to deny or water down the facts would be a dishonorable breach of the requirement of a certain ethics in politics. All the more so since these facts are not only the result of the unfortunate circumstances of the fighting and the inevitable perils of war, but are too often the result of strategic and military choices made by the Russian authorities. Strong questions are however raised, which deserve to be examined… including in the spirit of this requirement of a certain ethics in politics.
War crimes (and even crimes against humanity) are intrinsically linked to war. To all wars. The 20th century reminds us of this. However, one cannot grant the slightest « normality », or suggest the slightest fatality to this reality which, unfortunately, constitutes a good part of human history. Political and moral ignominy is part of the contradictions of our… humanity. The idea of international justice is therefore fundamentally right. It is good to remember this.
It is also necessary to draw the consequences. To be legitimate, justice must be universal, in the sense of equality and impartiality in the face of the facts and in the face of the essential problems of responsibility and rights. We are very far from this today. By deciding to prosecute Putin and a member of his regime, the ICC is hitting hard. But it also highlights, as a direct counterpoint, its inability to deal with other situations where international law, human rights, the United Nations Charter, and major texts such as the Universal Declaration of Human Rights are seriously flouted, without any consequences, in a characterized impunity. Other presidents, such as George W. Bush, have committed criminal contempt of law without being brought before the ICC. Above all, one must recall the example provided by the treatment, or rather the incredible and appalling non-treatment by the courts, of the issue of Israel’s military occupation and crimes in Palestine for decades. This is not just a double standard. The ICC is exposing its initial weakness and inaction in the face of the logic of the most powerful, and that other « law » of power relations.
Some people hope that this decision to prosecute Putin could herald the beginning of a new momentum, a « resumption » of the ICC. In the current context, who could believe it? The way in which the ICC carries out its mission cannot be separated from the very worrying and long-lasting process of retreat and instrumentalization of the law, of the decomposition of multilateralism, of the weakening of the role of international institutions and in particular of the UN. It must be noted that a negative process is underway in a period of open degradation, at least since the 1990s, marked by an acceleration of militarization, international tensions and the uninhibited logic of power and force. The demand for respect for international law is receding in a world order where the gains of the 20th century in terms of collective responsibility and shared security are constantly regressing. This liberal international order « based on rules » is constantly breaking down.
In this context, the judicial option, that of the justice embodied by the ICC or by other courts also set up to deal with the most serious crimes (1), means and implies the choice of a specific logic: judging war criminals brought to resignation by a military defeat that ends a conflict. Whereas the negotiation of a political solution presupposes the need for credibility of the process undertaken and of the people responsible for bringing it to a successful conclusion. This is the idea that justice and peace are inseparable. We will come back to this. This idea is not without validity in principle, but it obviously carries the risk of being in contradiction with the need for a negotiated political outcome. Indeed, how can a settlement be properly negotiated with people who have political power but are discredited by the threat of a heavy judicial sentence? Issuing arrest warrants against a belligerent cannot fail to weaken or even devalue the relevance and legitimacy of a political settlement.
In such a context, there is also a risk that the choice of the judiciary will be seen as a form of instrumentalization of international law and justice for political purposes. Or at least what exists as international justice. It is probably for this reason that the contradiction between the political and the judicial is only rarely highlighted as an expression of the problematic realities of the current international order, of its dominant parameters… and of the still incipient character of international justice. The latter has not yet reached, far from it, the capacity and maturity necessary to be able to escape in any way from the power relations and the assertions of power as hegemonic parameters of international relations.
In this spirit, the arrest warrants issued by the ICC against Vladimir Putin and Maria Lvova-Belova clearly have a political consequence or intention : to try to isolate the Russian President and to embarrass those who still refuse to condemn him and to sanction Russia. It should be noted that this legal action was launched shortly before Xi Jinping’s official visit to Moscow from March 20 to 22. This is obviously not the best context for a visit by the Chinese President, while Beijing, posing as a neutral mediator, has just presented an initiative to open a political settlement process for the war in Ukraine. This contradiction or objective tension between the choice to value politics and the choice to place the stakes of the war on the judicial level is clearly visible.
It is regrettable that French diplomacy was able to express, through the voice of the Minister, Madame Catherine Colonna, the idea that the decision of the ICC « can change the course of events ». Let us emphasize that the best way to change the course of events (which appears to be urgent) would be precisely to push voluntarily for a political solution. To break the escalation and thus seek to avoid any rise to extremes that could be fatal. For how much longer will we have to put up with the appalling denial of this simple requirement of common sense?
1) These are mainly the international criminal tribunals set up following the wars of the break-up of Yugoslavia (1993), the genocide in Rwanda (1994) and the terrorist acts that struck Lebanon from 2005 onwards. The International Court of Justice linked to the United Nations system is of a different type. Its mission is to settle conflicts between states. 19 03 2023
Under the aegis of China, Iran and Saudi Arabia have re-established their diplomatic relations. This announcement on March 10, 2023 was accompanied by official photos showing, in Beijing, Wang Yi, member of the Political Bureau and Director of the Foreign Affairs Office of the Chinese Communist Party, with Admiral Ali Shamkhani, Secretary of the Iranian Supreme National Security Council, and Mussad bin Mohammed Al-Aiban, Saudi Minister of State, Advisor on Political Affairs and National Security.
Nothing about this event in March 2023 – right down to the photos showing a willingness to be publicized – can be considered a triviality in international relations, after some seven years of dangerous tensions between Saudi Arabia and Iran, two key players in the Middle East. In a region where everything that happens, as much as anywhere else and probably more than anywhere else, is overdetermined by the logic of power, such a rapprochement will have important political and strategic repercussions. Let us emphasize the dimension of the event itself, which was certainly felt as a diplomatic slap in the face for Tel Aviv and even for Washington, so much so that its significance goes against Israeli and American aims. It is worth examining the potential consequences. Potential consequences … because obviously nothing can be considered as definitive. We are both in a « complicated » Middle East… and in the rapid mutations of an international order where surprises and contradictions mean that nothing is settled in advance. We shall see what happens next.
This Iranian-Saudi rapprochement under the aegis of China (which is thus taking care of two of its hydrocarbon suppliers), is shaking up the political lines of international relations, and is calling into question some situations considered to be established. The first observation is that this agreement, to the great displeasure of Washington, has been signed under the auspices of Beijing. This confirms China’s growing authority and its willingness to assume a real international role, including in delicate diplomatic contexts. The most recent past bears witness to this.
On 30 and 31 March 2022, China hosted a third meeting of foreign ministers from Afghanistan’s neighbouring countries in Tunxi, in the province of Anhui (eastern China) (1). Then, in the presence of the Taliban and the Afghan temporary government, it convened a « Troika + » with Pakistan, Russia and the United States (2), despite the tense situation caused by the war in Ukraine (3).
On 24 February 2023, China presented a document containing a « global security initiative ». It then made public a « position on the political settlement of the Ukrainian crisis ». The first document is a general text containing a global conception of international security issues. This conception places the UN at the center of an approach aimed at promoting multilateralism. It also, and perhaps above all, expresses an affirmed desire to be a power playing a positive role in the international order. The second document outlines in 12 points the principles that should guide a process of political solution to the war in Ukraine. In reality, there is a single comprehensive initiative explicitly aimed at initiating a process of political settlement to end the war. This initiative converges with the idea put forward by the Brazilian President. Lula da Silva, in fact, proposed the constitution of a group of countries that would take on the issue of a political settlement of the conflict in Ukraine. And, precisely, such a group would include China, Indonesia and India, which is chairing the G20 for the year 2023. This would contribute to extracting ourselves from an international system that is too dependent on Western hegemony and centrality.
A game-changing initiative
The Iranian-Saudi agreement, concluded thanks to Chinese negotiation/mediation (4), thus corresponds to a recent and very direct involvement of China in international security and conflict resolution issues. But this initiative changes the situation in concrete terms by raising another strategic question, that of the role of the United States in the Middle East… with the doubts that now weigh on the strength and effectiveness of this role. One may indeed wonder about the future of Washington’s role in this region, where three successive administrations (those of Obama, Trump and Biden) have already shown that an American strategic pivot to Asia means in itself a form of (relative) withdrawal from the Middle East. This cannot be equated with a contraction or weakening of the US neo-imperial role in the world. It is first and foremost a strategic adaptation to a new context, to new priorities that the United States is imposing on itself in the face of China’s rise to power. For some experts, however, Washington’s role as « peacemaker » would be called into question with this new setback resulting from the Iran-Saudi agreement under the aegis of Beijing. China would thus fill a strategic vacuum left by Washington in the Middle East.
In truth, the « peacemaker role » of the United States is a myth. A myth of Western tradition. The wars in Iraq and Afghanistan, or the unwavering support, over the decades, for Israel’s illegal policy of military occupation, fierce repression and colonization of Palestinian territory, but also of aggression against its neighbors, are reminders of this. In this context, the so-called Abraham Accords process has only contributed, in the name of peace and a « normalization » of Israel’s relations with the Arab world, to the crushing of the legitimate national rights of the Palestinian people, and of a just and lasting peace perspective.
The Iranian-Saudi agreement, however, introduces another problem with the intrusion of China into a strategic space where the United States has continued to dominate for nearly 70 years. From now on, regional diplomacy will no longer go through Washington alone… Beijing has been able to gain the political trust of Riyadh and Tehran, while these two capitals have a conflicting or difficult relationship with the United States. Beijing is succeeding where Washington is struggling. Is this a reflection and consequence of a weakening – some say a decline – of American power politics? Answering this question is more difficult than it seems (and it is not the subject of this article). In any case, it is an illustration of the decline in credibility or even the rejection of Western policy in the world. This can be seen elsewhere, for example in Africa.
While the United States and Israel are seeking, not without some differences, to coordinate their responses to Iran and the Iranian nuclear issue, including the prospect of imposing additional sanctions against Tehran, Saudi Arabia, reputed to be a traditional ally of Washington, has concluded a rapprochement agreement with Iran. Iran is considered by the United States as a hostile actor engaged in military provocations and malicious operations, and whose policy compromises stability in the Middle East by feeding eminent security risks. This is, in a few words, the picture painted by the official American texts – in particular the National Security Strategy (NSS) and the National Defense Strategy (NDS) – adopted by the Biden Administration in 2022. The orientations of the NSS and the NDS, which are based in particular on cooperation and strategic convergence with Washington’s regional partners (notably the Gulf States), appear, however, to be out of step with this Iranian-Saudi agreement.
An end to the logic of the Abraham Accords
These official texts of the Biden Administration emphasize the need to extend and deepen Israel’s growing ties with its neighbors and with other Arab countries, in a continuation of the logic of what is known as the Abraham Accords. However, one may wonder about the credibility of this logic when Saudi Arabia has just distanced itself from it resolutely by choosing a process that is completely contrary to Israeli and American hopes that Riyadh would join this « normalization » process, which already includes Bahrain, the United Arab Emirates and Morocco. Rabat has indicated that it wants to host a summit on the Abraham Accords in March 2023. Under such conditions, it is not going well…
It is indeed a hard blow, perhaps decisive, that has just been dealt to the credibility and continuation of this process, pushed yesterday by Donald Trump for the direct political benefit of Israel. As the Israeli daily Haaretz (5) points out, the dream of forming an Arab alliance against Iran has been shattered. Not to mention that Israeli policy towards the Palestinians is so brutal that it has become difficult for Riyadh, and even for other Arab capitals, to assume such an alliance in an uninhibited way.
One can assume that the Iranian-Saudi rapprochement could also facilitate a return to negotiation on the Vienna Agreement concerning the Iranian nuclear issue (6). Such a negotiation should extend or reinstate the Joint Comprehensive Plan of Action (JCPOA), included in this Agreement, signed in 2015 and then endorsed by a Security Council resolution (resolution 2231 of July 20, 2015). This Plan of Action strictly defines in detail the technical, security and political conditions for a settlement of the issue and a lifting of sanctions against Iran. Obviously, when it comes to the nuclear issue, it is particularly difficult to predict the successful completion of commitments made. The proof was given in 2018 by the Trump Administration, which deliberately chose to torpedo the Agreement, even though Iran had complied with it for nearly 3 years. The stakes are particularly high today. It is not only about the (real) danger of nuclear proliferation. It is also a question of the strategic balance of power in the international order, and in a context of war… Nevertheless, we can consider that the Iranian-Saudi rapprochement offers a sort of protection to Tehran, since it becomes politically difficult for Tel Aviv to envisage military action against a country that is now defined as a partner of Saudi Arabia, a difficult ally, but a precious ally of Washington, and even though Israel continues to maintain relations… with Saudi Arabia. Here again, everything is complicated for Tel Aviv.
It is easy to imagine Israeli rage at this unexpected political change which upsets its plans and ambitions. But can we predict what the new far-right government led by Benjamin Netanyahu might decide? A government criticized for its « fascist values », according to the formula of former Prime Minister Ehud Barak (7)? This government does indeed include ministers who are clearly racist and supremacist. But in this context, would Netanyahu dare to decide to use force, when a diplomatic opening may be on the horizon? The answer to this question will also depend on the support that the signatories of the JCPOA, in particular, will decide to give to a revival of the negotiation process. France and the EU are therefore directly concerned and challenged.
France and the Europeans face their responsibility
Finally, we can think that this Iranian-Saudi agreement can facilitate the lowering of tensions, dialogue and more cooperative approaches concerning, for example, the war in Yemen or the existential crisis situation in Lebanon. Real emergencies. But let us stress once again that nothing can be taken for granted or easily achieved. There would be some illusion in imagining the aftermath as an accumulation of possible « happy endings ». The fact remains that this agreement must be taken seriously for what it helps to reveal and stimulate. For the Biden Administration, it is a disappointment and a serious warning. For Israel, it is a clear failure. For the Europeans, it is an opportunity. The EU and its member states, indeed, could play a positive role in this significant shift in the balance of power in the international order. So, will there be someone, in France, Germany or elsewhere, to seize this new political moment? To try to produce solutions, or at least efforts to show what can be achieved if we give priority to diplomacy and abandon the priority of force. Or will we continue to feed confrontation and escalation?
Emmanuel Macron recently said: « I do not want the Chinese and the Turks alone to negotiate the day after » (8). All the more reason to get involved now, to take initiatives and thus widen the circle of actors acting in a convergent manner for a political outcome to the war.
The Chinese initiative forces us to rethink the issues. It may allow us to move forward. But the question is not only to know which (other) power is capable of defining itself as a major player in the Middle East and on the international scene. Some people, however, hope for the advent of a « post-American era ». If this were to happen, we would have to measure its limits for international relations. It is not enough to change leadership or preponderance. A much higher standard must be met. First, it is necessary to obtain solid and broad multilateral commitments, which are likely to be in keeping with the spirit and imperatives of collective responsibility and the political settlement of conflicts.
A different political page can be turned. Concretely. Without naivety. It would be dismaying to see the Euro-Atlantic political world reject the Chinese offer, on the pretext that it is not credible, when this offer is in fact the very discourse of the Western powers on the need for a « rules-based » international order. Those who think that the language of power is cynical by nature are right. But those who refuse to seize the opportunities to get out of it are fundamentally wrong.
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1) With the participation of Iran, Uzbekistan, Pakistan, Russia, Tajikistan, Turkmenistan.
6) This Agreement was negotiated and finalized by the 5 permanent members of the Security Council, Germany, the European Union (which coordinated the negotiations), and Iran.
Sous l’égide de la Chine, l’Iran et l’Arabie Saoudite ont rétabli leurs relations diplomatiques. Cette annonce du 10 mars 2023 fut accompagnée de photos officielles montrant, à Pékin, Wang Yi, membre du Bureau Politique et Directeur du Bureau des affaires étrangères du Parti communiste chinois, avec l’Amiral Ali Shamkhani, Secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale iranien, et Mussad bin Mohammed Al-Aiban, Ministre d’État saoudien, Conseiller aux affaires politiques et à la sécurité nationale.
Rien de cet événement du mois de mars 2023 – jusqu’aux photos témoignant d’une volonté de médiatisation – ne peut être considéré comme une banalité dans les relations internationales, après quelque sept années de dangereuses tensions entre l’Arabie Saoudite et l’Iran, deux acteurs essentiels au Moyen-Orient. Dans une région où tout ce qui se produit, autant qu’ailleurs et probablement davantage qu’ailleurs, est surdéterminé par des logiques de puissance, un tel rapprochement aura d’importantes répercussions politiques et stratégiques. Soulignons la dimension de l’événement en lui-même, qui fut certainement ressenti comme une claque diplomatique pour Tel Aviv et même pour Washington, tellement sa signification va à l’encontre des visées israéliennes et américaines. Il vaut la peine d’en examiner les conséquences potentielles. Conséquences … potentielles parce qu’évidemment rien ne peut être considéré comme définitif. Nous sommes à la fois dans un Moyen-Orient « compliqué »… et dans les mutations rapides d’un ordre international où les surprises et les contradictions font que rien n’est réglé d’avance. On verra les suites.
Ce rapprochement irano-saoudien sous l’égide de la Chine (qui soigne ainsi deux de ses fournisseurs en hydrocarbures), bouscule les lignes politiques des relations internationales, et remet en cause quelques situations considérées comme établies. Le premier constat qui s’impose est que cet accord, au grand dam de Washington, est acté sous l’ascendance de Pékin. Ce qui apporte la confirmation d’une autorité chinoise grandissante, et d’une volonté d’assumer un vrai rôle international, y compris dans le cadre de contextes diplomatiques délicats. Le passé le plus récent en témoigne.
Les 30 et 31 mars 2022, en effet, la Chine avait accueilli à Tunxi, dans la province d’Anhui (Chine orientale) une troisième rencontre des Ministres des affaires étrangères des pays voisins de l’Afghanistan (1). Ensuite, en présence des Talibans et du Gouvernement temporaire afghan, elle a réuni une « Troïka + » avec le Pakistan, la Russie et les États-Unis (2), en dépit de la situation tendue du fait de la guerre en Ukraine (3).
Le 24 février 2023 la Chine a présenté un document porteur d’une « initiative de sécurité globale ». Elle a ensuite rendu publique une « position sur le règlement politique de la crise ukrainienne ». Le premier document est un texte général contenant une conception globale des enjeux de la sécurité internationale. Cette conception met l’ONU au centre d’une approche visant à favoriser le multilatéralisme. Elle traduit aussi et peut-être surtout une volonté affirmée de s’inscrire comme puissance jouant un rôle positif dans l’ordre international. Le deuxième document dessine en 12 points les principes devant guider un processus de solution politique à la guerre en Ukraine. En réalité, il y a là une seule et même initiative d’ensemble visant explicitement à enclencher un processus de règlement politique pour sortir de la guerre. Cette initiative converge avec l’idée avancée par le Président brésilien. Lula da Silva, effectivement, a proposé la constitution d’un groupe de pays qui prendraient en charge la question d’un règlement politique du conflit en Ukraine. Et, précisément, un tel groupe inclurait notamment la Chine, l’Indonésie et l’Inde qui préside le G20 pour l’année 2023. De quoi contribuer à s’extraire d’un système international trop dépendant d’une hégémonie et d’une centralité occidentales.
Une initiative qui change la donne
L’accord irano-saoudien, conclu grâce à une négociation / médiation chinoise (4), correspond donc à une implication récente et très directe de la Chine dans les enjeux de sécurité internationale et de règlement des conflits. Mais cette initiative-là change concrètement la donne en soulevant une autre question stratégique, celle du rôle des États-Unis au Moyen-Orient… avec les doutes qui pèsent désormais sur le poids et sur l’efficacité de ce rôle. On peut effectivement se demander quel est l’avenir du rôle de Washington dans cette région où trois administrations successives (celles d’Obama, de Trump et de Biden) ont déjà montré qu’un pivot stratégique américain sur l’Asie signifiait en soi une forme de retrait (relatif) du Moyen-Orient. Ce qui ne peut pas être assimilé à une contraction ou un affaiblissement du rôle néo-impérial des États-Unis dans le monde. C’est d’abord une adaptation stratégique dans un nouveau contexte, pour de nouvelles priorités que les États-Unis s’imposent face à la montée en puissance de la Chine. Pour certains experts, cependant, le rôle de « faiseur de paix » de Washington serait mis en cause avec ce nouveau recul découlant de l’accord irano-saoudien sous l’égide de Pékin. La Chine remplirait donc un vide stratégique laissé par Washington au Moyen-Orient.
En vérité, le « rôle de faiseur de paix » des États-Unis est un mythe. Un mythe de tradition occidentale. Ce que rappellent notamment les guerres en Irak et en Afghanistan, ou le soutien indéfectible, au fil des décennies, à la politique israélienne illégale d’occupation militaire, de répression féroce et de colonisation du territoire palestinien, mais aussi d’agression contre ses voisins. Dans ce contexte, le processus dit des Accords d’Abraham n’a fait que contribuer, au nom de la paix et d’une « normalisation » des relations d’Israël avec le monde arabe, à l’écrasement des droits nationaux légitimes du peuple palestinien, et d’une perspective de paix juste et durable.
L’accord irano-saoudien introduit cependant une autre problématique avec l’intrusion de la Chine dans un espace stratégique où les États-Unis n’ont cessé de dominer depuis près de 70 ans. La diplomatie régionale, dorénavant, ne passerait plus seulement par Washington… Pékin a su gagner la confiance politique de Riyad et de Téhéran alors que ces deux capitales entretiennent une relation conflictuelle, ou bien difficile avec les États-Unis. Pékin réussit là où Washington est en difficulté. Est-ce le reflet et la conséquence d’un affaiblissement – certains parlent d’un déclin – de la politique de puissance américaine ? Répondre à cette interrogation est plus difficile qu’il n’y paraît (et ce n’est pas le sujet de cet article). Il s’agit en tous les cas d’une illustration du recul de la crédibilité voire du rejet de la politique occidentale dans le monde. Ce que l’on peut constater ailleurs, par exemple en Afrique.
Alors que les États-Unis et Israël cherchent, non sans quelques divergences, à coordonner leurs réponses concernant l’Iran et l’enjeu du nucléaire iranien, y compris avec la perspective d’une imposition de sanctions additionnelles contre Téhéran, l’Arabie Saoudite, réputée allié traditionnel de Washington, conclut donc un accord de rapprochement avec l’Iran. L’Iran étant considéré par les États-Unis comme un acteur hostile se livrant à des provocations militaires et à des opérations malveillantes, et dont la politique compromet la stabilité au Moyen-Orient en alimentant des risques éminents de sécurité. C’est en quelques formules le tableau brossé par les textes officiels américains – en particulier la National Security Strategy (NSS) et la National Defense Strategy (NDS) – adoptés par l’Administration Biden en 2022. Les orientations de la NSS et de la NDS, qui reposent en particulier sur la coopération et les convergences stratégiques avec les partenaires régionaux de Washington (notamment les pays du Golfe), apparaissent cependant en décalage avec cet accord irano-saoudien.
Une fin de la logique des Accords d’Abraham
Ces textes officiels de l’Administration Biden soulignent la nécessité d’étendre et d’approfondir les liens croissants d’Israël avec ses voisins et avec d’autres pays arabes, dans une poursuite de la logique de ce qu’il est convenu d’appeler les Accords d’Abraham. On peut cependant s’interroger sur la crédibilité de cette logique alors que l’Arabie saoudite vient de s’en distancier résolument en choisissant un processus tout à fait contraire à l’espoir israélien et américain de voir Riyad rejoindre ce processus de « normalisation », dans lequel figurent déjà le Bahreïn, les Émirats Arabes Unis et le Maroc. Rabat a d’ailleurs indiqué vouloir accueillir un sommet sur les Accords d’Abraham en mars 2023. Dans de telles conditions, c’est mal parti…
C’est en effet un coup dur, peut-être décisif, qui vient ainsi d’être porté à la crédibilité et à la poursuite de ce processus, poussé hier par Donald Trump au bénéfice politique direct d’Israël. Comme le souligne le quotidien israélien Haaretz (5), le rêve de former une alliance arabe contre l’Iran est brisé. Sans compter que la politique israélienne vis à vis des Palestiniens est tellement brutale qu’il est devenu difficile pour Riyad, voire pour d’autres capitales arabes, d’assumer une telle alliance de façon désinhibée.
On peut supposer que le rapprochement irano-saoudien pourrait aussi faciliter un retour à la négociation sur l’Accord de Vienne concernant le nucléaire iranien (6). Une telle négociation devrait proroger ou rétablir le Joint Comprehensive Plan of Action (JCPOA), inclus dans cet Accord, signé en 2015 puis avalisé par une résolution du Conseil de sécurité (résolution 2231 du 20 juillet 2015). Ce Plan d’action définit strictement et en détails les conditions techniques, sécuritaires et politiques d’un règlement de la question et d’une levée des sanctions contre l’Iran. Évidemment, lorsqu’il s’agit du nucléaire, il est particulièrement difficile de prévoir la bonne fin des engagements pris. La preuve en fut donnée en 2018 par l’Administration Trump qui a délibérément choisi de torpiller l’Accord, alors que l’Iran l’avait respecté durant près de 3 années. L’enjeu est particulièrement élevé aujourd’hui. Il ne s’agit pas seulement du danger (réel) de la prolifération nucléaire. Il s’agit aussi du rapport de forces stratégiques dans l’ordre international, et dans un contexte de guerre…
On peut néanmoins considérer que le rapprochement irano-saoudien offre une sorte de protection à Téhéran puisqu’il devient politiquement difficile pour Tel Aviv d’envisager une action militaire contre un pays se définissant maintenant comme un partenaire de l’Arabie Saoudite, alliés difficile, mais allié précieux de Washington, et alors même qu’Israël continue à entretenir des relations… avec l’Arabie Saoudite. Ici encore, tout se complique pour Tel Aviv.
On imagine aisément la rage israélienne devant ce changement politique inattendu qui bouscule ses projets et ses ambitions. Mais peut-on prévoir ce que pourrait décider le nouveau gouvernement d’extrême droite dirigé par Benjamin Netanyahou ? Un gouvernement critiqué pour « ses valeurs fascistes », selon la formule de l’ancien Premier ministre Ehud Barak (7) ? Ce gouvernement comprend effectivement en son sein des ministres clairement racistes et suprémacistes. Tout est donc possible… Mais dans ce contexte, Netanyahou oserait-t-il décider l’utilisation de la force, alors qu’une ouverture diplomatique peut se dessiner ? La réponse à cette interrogation dépendra aussi du soutien que les acteurs signataires du JCPOA, eux en particulier, décideront d’accorder à une relance du processus de négociation. La France et l’UE sont donc directement concernées et interpellées.
La France et les Européens devant leur responsabilité
Enfin, on peut penser que cet accord irano-saoudien peut faciliter la baisse des tensions, le dialogue et des approches plus coopératives concernant par exemple la guerre au Yémen ou la situation de crise existentielle au Liban. De véritables urgences. Mais soulignons encore une fois qu’évidemment rien ne peut être considéré comme acquis ou facilement atteignable. Il y aurait quelque illusion à s’imaginer les suites comme un cumul de « happy end » possibles. Il reste que cet accord doit être pris au sérieux pour ce qu’il contribue à révéler et à stimuler. Pour l’Administration Biden, c’est une déconvenue et un sérieux avertissement. Pour Israël, c’est un échec patent. Pour les Européens, c’est une opportunité. L’UE et ses États membres, en effet, pourraient jouer un rôle positif dans ce déplacement significatif des rapports de forces dans l’ordre international. Alors, y aura-t-il quelqu’un, en France, en Allemagne ou ailleurs pour saisir ce moment politique nouveau ? Pour essayer de produire des solutions, ou au moins des efforts montrant ce que l’on peut obtenir à condition de privilégier la diplomatie et d’abandonner la priorité à la force. Ou bien va-t-on continuer à nourrir la confrontation et les escalades ?
Emmanuel Macron disait récemment : « je n’ai pas envie que ce soit les Chinois et les Turcs seuls qui négocient le jour d’après » (8). Raison de plus pour s’en mêler dès maintenant, pour prendre des initiatives et élargir ainsi le cercle des acteurs agissant de façon convergente pour un processus d’issue politique à la guerre.
L’initiative chinoise oblige à repenser les enjeux. Elle peut permettre d’avancer. Mais la question n’est pas seulement de savoir quelle (autre) puissance est capable de se définir comme un acteur majeur au Moyen-Orient et sur le plan international. Certains espèrent pourtant l’avènement d’une « ère post-américaine ». Si cela devait se réaliser, il faudrait en mesurer les limites pour les relations internationales. Il ne suffit pas, en effet, de changer de « leadership » ou de prépondérance. Il faut répondre à une exigence beaucoup plus élevée. Il est d’abord nécessaire d’obtenir des engagements multilatéraux solides et larges, susceptibles de s’inscrire dans l’esprit et dans les impératifs de la responsabilité collective et du règlement politique des conflits.
Une page politique différente peut s’ouvrir. Concrètement. Sans naïveté. Il serait tout de même consternant de voir le monde politique euro-atlantique rejeter l’offre chinoise, au prétexte que celle-ci n’est pas crédible, alors que cette offre reprend justement le discours même des puissances occidentales sur la nécessité d’un ordre international « fondé sur des règles ». Ceux qui pensent que le langage de la puissance est cynique par nature ont raison. Mais ceux qui refusent de saisir les opportunités permettant d’en sortir ont tort sur le fond.
1) Avec la participation de l’Iran, de l’Ouzbékistan, du Pakistan, de la Russie, du Tadjikistan, du Turkménistan.
6) Cet Accord a été négocié et finalisé par les 5 membres permanents du Conseil de sécurité, par l’Allemagne, l’Union européenne (qui a assuré la coordination des négociations), et par l’Iran.
Here are some ideas and proposals for reflection on the need for a political solution to the war in Ukraine. Based on the most recent developments, this text completes but does not replace a reading of my book « Putin, NATO and the war… » (published by « Croquant editions »). This book brings indeed, on this imperialist war started by Vladimir Putin and his regime, keys of understanding more than ever necessary on the causes, on the stakes, and as for the question of the responsibilities in a page of history of 30 years of confrontations of powers.
As the outcome of the war is played out in escalation and uncertainty, in an evolving and uncertain balance of power… the risks increase, and the rationality of the choices made by the actors of the war is put to the test. The possibility is growing of a spiral and a more general conflagration in an open NATO/Russia war. In this context, the dangers, including nuclear ones, are increasing. And the conditions of international security continue to deteriorate in a very worrying way. This evolution is perilous, but the debate on the strategic options to be favoured does not cease to focus on the way to pursue the war, on the question of the respective « virtues » of military victory and defeat.
Let us first note that a clear situation of « victory » or military preponderance won by Russia in the Donbass would raise essential political issues related to the sovereignty of Ukraine, and would act as a fait accompli of state aggression and acquisition of territory by force. Naturally, such an undermining/denial of fundamental political and legal principles is unacceptable in itself. It is contrary to the idea of an international order based on law and the UN Charter. While the exercise of the politics of force and domination in international relations, and the crimes that go with it, are gaining ground over the years.
Thus, we can see that Israel is imposing on the Palestinian people the consequences of its illegal and illegitimate policy of military occupation and colonization. This is done with total impunity. One can even say that Israel (for a very long time) acts in Palestine as Russia is doing today in Ukraine, in defiance of the existing rules and law. There is therefore a double standard in a conception of the universality of law that varies greatly. Whether in Ukraine, Palestine, Kurdistan, Western Sahara or elsewhere, we cannot accept such contempt for international legality and the right of peoples to self-determination, nor the slightest trivialization of the use of force as an unavoidable parameter of an international order in decay under the permanent blows of the logic of power and the politics of force and domination.
On the other hand, it is necessary to measure that a military defeat of Russia, which many political leaders are calling for, including in France, would be the best way to maintain the persistent will of a later revenge by Russia. We must indeed remember that the sanction of a balance of power is never a « solution » but always a state of affairs that imposes itself, and that too often creates the desire for revenge. A military defeat of Russia, beyond the problematic feeling of revenge that it may arouse, could have other critical consequences for the international order and for security. Such a defeat (we would have to define better what we are talking about here…) could indeed produce in Russia a series of destabilizing crises with an international scope.
In this regard, we have noted the statements of Kyrylo Boudanov, Head of Ukrainian Military Intelligence, in the daily Le Monde of February 24. He stressed that Russia will be forced to withdraw from Ukraine, « otherwise it will lead to the collapse of the Russian regime ». He adds that « the question of the political and security architecture of this region, which goes from Eastern Europe to the Asian part of Russia, will arise. (…) The world does not need, he says, a Russian Federation as it exists today, which threatens the whole world. Naturally, the time of war is also a time of ideological battles that pushes to all kinds of calculations and speculations, including the most extreme. But this is not the first time that the option of dismantling the Russian Federation has been brandished as a possibility, if not a wish, in defiance of the risks inherent in such an eventuality.
It is true that a destabilization of the Russian state and an internal political crisis, a weakening or a challenge to the integrity and unity of the Russian Federation could result in the situation created being considered by Moscow as a provoked threat, affecting Russia’s vital interests. This would seriously increase the nuclear risk. The circumstances officially foreseen by the Russian doctrine (see the strategic planning document of June 2020) for the implementation of deterrence for a possible use of nuclear weapons would be entered. The international context would be very seriously affected by a tenfold risk of war between NATO and Russia. We are not there yet… But we must be careful, the imperative requirement of responsibility in wartime is measured by the rationality of the choices made.
Choosing between the major risks of war and the difficulties of peace
One could multiply the extrapolations linked to the possibilities of victory or defeat in war. But it would still be necessary to evaluate the extent to which both are still possible, while the armies that confront each other seem weakened after a year of war of high intensity. A year so deadly and destructive that tomorrow we will probably be shocked and surprised when we will (perhaps) be able to better evaluate the hecatomb of military and civilian victims…
The essential question is not, therefore, how to win or not to lose the war for each of the protagonists, but how to set in motion a political process that can lead to a just solution, in accordance with the law and capable of guaranteeing solid and lasting conditions of collective security. With the withdrawal of Russian troops and with respect for the sovereignty and integrity of Ukraine.
No one will say that this is an easy objective to achieve. But everyone can understand that the longer the war goes on, the higher the risks of a major conflagration, and the more difficult it will be to get out of it. Between the major risks of war and the difficulties of peace… one must choose. It is now more urgent than ever to force the way to a negotiated solution. Any proposal in this direction – there are some now – must be taken into consideration. We will come back to this.
Vladimir Putin and his regime obviously bear the overwhelming responsibility for the outbreak of the war and its consequences. But we cannot pretend that the Western powers are strangers to the origins and causes of this war, and to the processes of confrontation that have contributed, along with Russia, to the creation of a context favorable to war over a 30-year period of history. However, these powers act as if their « victory » of yesterday, in the Cold War, could be prolonged today in an indisputable legitimacy and in a strategic « without fault ». This is not the case. The question of the causes of the war is obviously more complicated than is usually said. So is a solution. A political solution will have to consider and decide in particular on two categories of options: those related to the principle of sovereignty, and those related to the principles of collective security. These principles cannot be dissociated and are at the heart of the United Nations Charter. The most lucid are therefore right, who recognize the need to concretize a European security order that necessarily includes Russia. This should have a positive impact on the stability of the international order as a whole, in its rules and functioning. We must not think of a victory, but prepare a solution.
What was not voluntarily built after the collapse of the USSR should finally be designed and built today, when the fighting of this long and terrible war in Ukraine is finally over. At least to be able to install balances and new rules of common life that are accepted by all, for the security of all. Indeed, we remember that at the very beginning of the 90s, a new order became absolutely necessary in a geopolitical moment that changed the course of history. Nothing less than that… However, in this moment of change, dismayingly, nothing decisive will be done, except for the enlargement of NATO to the East. It was as if the United States and its European allies had only one thing to do: to cash in on the spoils of their « victory » in the Cold War, without the slightest regard for the requirements that were necessary at the time: mutual security in cooperation with the overall strategic and political reorganization of the European space. This historic mistake was made despite the clear warnings of recognized experts and personalities aware of the risks. This is an obvious observation, that of a gaping but voluntary political failure, because it was a strategic choice made in full awareness by the member states of the Atlantic Alliance.
Facing all the realities of history
This shortcoming, with its dramatic consequences, was not unrelated to what followed: 30 years of high tensions, permanent conflicts, use of force and military initiatives, especially Russian, to today, come to a high intensity war in a de facto conflict between NATO and Russia. A violent page of history in a chaos of threats and structural instability. It is not acceptable that these realities of history, of our history in Europe, can be so much evacuated from the public debate today. How many deaths, how much destruction, how many tragedies will the peoples have to endure before a minimum of common security and collective responsibility can finally be imposed? Is the history of wars in Europe not enough?
War is a tragedy. A tragedy for those who suffer the heavy consequences. A tragedy for those who make it and who fight on the field until they lose their lives. But a tragedy for what? Vladimir Putin, in spite of the territories he may still be able to seize, is facing a clear strategic failure. He sees himself held in check by his ambitions of power and revenge, where he thought he could easily impose himself. This is a lesson. A lesson that others have already experienced in very different circumstances. Even in France, some people have not measured what war cannot offer them.
How can we not remember François Hollande exulting on February 2, 2013 in Bamako. Carried away by enthusiasm, he declared, pathetically, « I have undoubtedly lived the most beautiful day of my political life. » He then felt that he had achieved a complete victory against rebel groups considered to be terrorists in an operation by French forces in Mali. Nearly 20 years later, France has been held in check in that country, in Burkina Faso and more generally in the Sahel. The Libyan disaster has seriously added to this. How can we not also recall Washington’s failures in Iraq and Afghanistan despite the size of the military forces involved? The « sauve-qui-peut » of American forces fleeing Kabul in August 2021, along with NATO’s failure, are another sign of the constraint of the reality of these unwinnable wars, of impossible victories. Many of those who castigate Putin’s war in Ukraine often have some difficulty remembering their illusory ambitions of power, and their own strategic failures.
China and Brazil take the lead
On February 24, 2023 (the date is not a coincidence) China presented two political documents. First, a « global security initiative », and second, a « position on the political settlement of the Ukrainian crisis ». The first document is a general text proposing a global conception of the challenges of international security, a conception that places the UN at the center of an approach that above all translates an evolution in Chinese political positioning, an affirmed desire to be a power playing a positive role in the international order. Nevertheless, it must be noted that the policy actually pursued by China, particularly in its immediate vicinity and on the adjacent seas where Washington is in full force, does not appear to be systematically consistent with the principles set out in this text.
The second document outlines in 12 points the principles that should guide a political solution to the Ukrainian crisis (the word war is never used), as well as a number of measures on concrete issues. China is moving forward cautiously. In the Western and NATO political world, this comprehensive initiative has been criticized for a lack of credibility due to China’s failure to condemn the Russian aggression. In truth, it is precisely because Beijing is a very close and powerful partner of Moscow that China can have weight and real influence on Russia. This, of course, can give relevance to the Chinese initiative, including on the international level.
It is certainly for this reason that Antony Blinken, the US Secretary of State, in a remarkable coincidence of times, clearly sought to break the credibility of the Chinese diplomatic effort by declaring that Beijing was « getting ready » to supply arms to China. At the time, the US Administration did not have any information to support such an accusation, but it seems that more details on this issue will be provided later. The American criticism therefore consists of denouncing the fact that Beijing would thus keep two irons in the fire: that of negotiation, and that of involvement in the war. This is not demonstrated. Mr Blinken does not specify how many irons in the fire Washington is keeping.
And then, despite the reservations that are always possible in a context of power competitions to which both sides actively contribute, we cannot refuse to note that China is the first country to explicitly commit itself to a very formalized process of political settlement, far from the dominant debate in the Western world, since this debate, as we have seen, revolves almost exclusively around the respective stakes of military victory or defeat. We will have to get out of it.
A new situation
Also noteworthy is the initiative of Brazilian President Lula da Silva. On February 9, during his visit to the United States, Lula proposed the creation of a « peace club » or a group of countries that would take on the issue of a political settlement of the conflict in Ukraine. This group would include China, Indonesia, India (which is chairing the G20 for 2023) and other countries that are neutral or not involved in the war. We can thus see that convergences and a new situation are emerging thanks to the so-called countries of the South. A South that is not « global », as some persist in saying, but within which a desire for independence and free choice is constantly rising, if not a clear rejection of the policies of the Western powers.
What focuses the attention of the United States and the Europeans is first of all to leave the decision of the talks to Kiev, to give priority to the strategic necessity of a military defeat of Russia, and to assure Ukraine a future military capacity to face Russia in any circumstances. In the Wall Street Journal of February 24 Bojan Pancevski and Laurence Norman write that « NATO’s top European members are considering a ‘defense pact’ with Ukraine. The journalists point out that « Germany, France and Britain see closer ties between NATO and Ukraine as a way to encourage Kiev to start peace talks with Russia later this year. They add that « Washington has said it wants Ukraine to be sufficiently armed after the war to deter any future Russian attack. (…) We need to make sure, » they say further, « that Ukraine has the capacity to deter aggression and, if necessary, to defend itself effectively against it. »
The Wall Street Journal reporters do not address the Chinese and Brazilian initiatives, but they do point to the growing doubts about Ukraine’s ability to win the war, with the belief that Western powers could not help support the Ukrainian war effort for too long. This is at the same time a kind of admission of the illusory and fragile nature of « solutions » based on force and the military.
What are the solutions to stop the war ?
Obviously, a negotiation is necessary. The belligerents must sit down around a table. But the mere necessity of a dialogue is not enough. And that is not the way things are done. A political process can take complicated, indirect and confidential paths at first. The very idea of negotiation… is negotiated, is tested mutually. Each one needs to know what perspective it wants for itself, what is possible, what are the real intentions of the other. The difference must be identified between a simple posture and a willingness to truly engage. The negotiation of a political settlement requires external contributions, sponsors, mediators/facilitators who are determined to promote a credible, « professional » and transparent political process. They must resolutely push in this direction to make politics the uncontested priority. It is therefore also for these reasons that positions (such as that of France) that consist of sparing the goat of military power relations and the cabbage of future negotiations can hardly constitute a positive contribution.
It is essential, in fact, to contribute to a climate, a context and, above all, a collective or multilateral will for a political settlement. The United Nations framework or a major pilot role for the UN should be used for this. The goal is not only to break the tragic stalemate of the fighting, even if a cease-fire must be obtained as soon as possible. It is to bring the protagonists to make decisions that may be difficult in order to reach a settlement that is as indisputable as possible in its foundations, in its intentions and in its consequences. For this to happen, external support must be clear, unambiguous and very determined.
A settlement does not exclude compromises, which are much talked about, but we do not start there. You don’t prejudge the conclusions. You negotiate on issues. Such an approach must therefore be based on fundamental principles: sovereignty, the prohibition of the use of force, territorial integrity… We must ensure that international law is applied and that the rules and practices of collective security as formulated in the United Nations Charter are respected. In particular, for Ukraine, respect for internationally recognized borders and the withdrawal of Russian troops. This approach must also provide for pragmatic settlements on specific specific sensitive issues in order to contribute, with care, to the establishment of a secure outcome for all actors.
Respect for fundamental principles and the law must be able to incorporate this need for specific provisions of common interest to ensure the conditions for a lasting solution that is mutually accepted down to the last detail. Since in diplomacy too the devil hides in this way… One can think, for example, of the elaboration of a strategic status of neutrality for Ukraine, of a particular convention for the Russian naval forces in Crimea, of mutual agreements on the military level, of an autonomy for the territories of Donbass or, failing that, a referendum process… The list and the nature of the problems to be solved is also to be negotiated, knowing that such « endorsements » are very important, and must obtain solid international guarantees, unless the conditions for a future war are maintained.
Covering all the causes that led to the war
Finally, it is essential that a political settlement be part of an approach that aims to cover all the causes that led to the war. The solution to be built therefore goes beyond the Russian-Ukrainian conflict stricto sensu. Moreover, everything is linked. Some of the political and strategic issues characterizing the NATO/Russia relationship will have to be addressed in the form of mutual commitments between the United States, the Europeans and Russia in order to initiate new talks concerning, in particular, the need for a lasting strategic dialogue, arms control, especially nuclear arms, disarmament, and the general conditions for a new collective security order in Europe. It will be necessary to show that we have understood this page of history of 30 years of confrontation.
In this spirit, the question of the « perimeter » of NATO, and therefore of Ukraine’s membership in the Atlantic Alliance, must be raised as a major issue. Do we want to exacerbate the strategic confrontations by joining the Alliance, or should we seek, on the contrary, a stabilization that guarantees a maximum exhaustion of the causes of the conflict?
Broadening the political settlement process to include these major issues does not complicate the negotiations. It places them at the necessary level, at the level of all the global stakes characterizing this war which, from the start, was in reality, and whatever one may say, a NATO/Russia conflict.
A process that should lead to a just solution must therefore have as its essential aim to provide answers that will create a new situation for all of the issues at stake. History shows that unresolved problems (and there are many) contribute to the accumulation of political time bombs. And these always end up exploding. This is the inevitable result of power struggles and strong-arm politics that create contexts in which diplomacy and multilateralism have a hard time surviving. If an acceptable political solution to this war is reached tomorrow, then it can be said that a breakthrough will have been achieved, despite the tragedy, with the demonstration of what diplomacy and politics can achieve against force. But not only is the price to be paid exorbitant, unjustifiable, but this dirty war is not over. In the days, weeks and months to come, the actions of states, governments and politicians will have to be judged by the efforts they make to end the war. For the Ukrainian people. For human dignity… and for their own good name. 01 03 2023
Voici quelques idées et propositions pour la réflexion sur la nécessité d’une issue politique à la guerre en Ukraine. A partir des évolutions les plus récentes, ce texte complète mais ne remplace pas une lecture de mon livre « Poutine, l’OTAN et la guerre… » (éditons du Croquant). Ce livre apporte en effet, sur cette guerre impérialiste déclenchée par Vladimir Poutine et son régime, des clés de compréhension plus que jamais nécessaires sur les causes, sur les enjeux, et quant à la question des responsabilités dans une page d’histoire de 30 années de confrontations de puissances.
A mesure que l’issue de la guerre se joue dans l’escalade et l’incertitude, dans un rapport de forces évolutif et incertain… les risques augmentent, et la rationalité des choix effectués par les acteurs de la guerre est mise à l’épreuve. L’éventualité s’accroît d’un engrenage et d’un embrasement plus général dans une guerre ouverte OTAN / Russie. Dans ce contexte, les dangers y compris nucléaires s’accentuent. Et les conditions de la sécurité internationale poursuivent une trajectoire de dégradation très préoccupante. Cette évolution est périlleuse, mais le débat sur les options stratégiques à privilégier ne cesse pas pour autant de se concentrer sur la façon de poursuivre la guerre, sur la question des « vertus » respectives de la victoire et de la défaite militaire.
Notons d’abord qu’une situation manifeste de « victoire » ou de prépondérance militaire gagnée par la Russie dans le Donbass, soulèverait des problématiques politiques essentielles liées à la souveraineté de l’Ukraine, et acterait les faits accomplis d’une agression d’État et d’une acquisition de territoires par la force. Naturellement, une telle fragilisation / négation de principes politiques et juridiques fondamentaux est inacceptable en soi. Contraire à l’idée que l’on se fait d’un ordre international fondé sur le droit et sur la Charte des Nations-Unies. Alors que l’exercice des politiques de force et de domination dans les relations internationales, et les crimes qui vont avec, ne cessent de gagner du terrain au fil des années.
On constate ainsi qu’Israël impose au peuple palestinien les prises de guerre de sa politique illégale et illégitime d’occupation militaire et de colonisation. Cela dans une totale impunité. On peut même affirmer qu’Israël (depuis fort longtemps) agit en Palestine comme la Russie se conduit aujourd’hui en Ukraine, au mépris des règles et du droit existants. Il y a donc deux poids deux mesures dans une conception de l’universalité du droit à géométrie très variable. Que ce soit en Ukraine, en Palestine, au Kurdistan, au Sahara occidental ou ailleurs, on ne peut accepter ni un tel mépris de la légalité internationale et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, ni la moindre banalisation de l’usage de la force comme paramètre inévitable d’un ordre international en déliquescence sous les coups de boutoir permanents des logiques de puissance et des politiques de force et de domination.
A l’inverse, il faut mesurer qu’une défaite militaire de la Russie, que de nombreux responsables politiques appellent de leurs vœux, y compris en France, serait d’abord le meilleur moyen pour entretenir la volonté persistante d’une revanche ultérieure de la Russie. Il faut en effet se souvenir que la sanction d’un rapport de forces n’est jamais une « solution » mais toujours un état de fait qui s’impose, et qui trop souvent créée le désir de revanche. Un défaite militaire de la Russie, au-delà du problématique sentiment de vengeance qu’elle peut susciter, pourrait avoir d’autres conséquences critiques pour l’ordre international et pour la sécurité. Une telle défaite (encore faudrait-il définir mieux de quoi l’on parle ici…) pourrait en effet produire en Russie des enchaînements de crises déstabilisatrices ayant une portée internationale.
On aura noté à ce propos les déclarations de Kyrylo Boudanov, Chef du renseignement militaire ukrainien, dans le quotidien Le Monde du 24 février. Il souligne que la Russie sera forcée de se retirer d’Ukraine, « sinon cela mènera à l’effondrement du régime russe ». Il ajoute que « la question de l’architecture politique et sécuritaire de cette région, qui va de l’Europe de l’Est à la partie asiatique de la Russie, se posera. (…) Le monde n’a pas besoin, dit-il, d’une Fédération de Russie telle qu’elle existe aujourd’hui, et qui menace le monde entier ». Naturellement, le temps de la guerre est aussi un temps de batailles idéologiques qui pousse à toutes sortes de calculs et de spéculations, y compris les plus extrêmes. Mais ce n’est pas la première fois que l’option d’un démantèlement de la Fédération de Russie est brandie comme une possibilité sinon un souhait, au mépris des risques inhérents à une telle éventualité.
Il est vrai qu’une déstabilisation de l’État russe et une crise politique interne, un affaiblissement ou une mise en cause de l’intégrité et de l’unité de la Fédération de Russie pourraient aboutir à ce que la situation créée soit considérée par Moscou comme une menace provoquée, touchant aux intérêts vitaux de la Russie. Le risque nucléaire en serait sérieusement accentué. On entrerait ainsi dans les circonstances officiellement prévues par la doctrine russe (voir le document de planification stratégique de juin 2020) en vue d’une mise en œuvre de la dissuasion pour un emploi éventuel de l’arme nucléaire. Le contexte international en serait très sérieusement affecté par un risque de guerre OTAN / Russie décuplé. On en est pas là… Mais il faut faire attention, l’exigence impérieuse de la responsabilité dans le temps de la guerre se mesure à l’aune de la rationalité des choix effectués.
Choisir entre les risques majeurs de la guerre et les difficultés de la paix
On pourrait multiplier ainsi les extrapolations liées aux possibilités de victoire ou de défaite dans la guerre. Mais il faudrait encore évaluer dans quelle mesure l’une et l’autre restent encore possibles, alors que les armées qui s’affrontent semblent affaiblies après une année de guerre de haut niveau d’intensité. Une année meurtrière et destructrice au point où l’on serait demain probablement choqués et surpris lorsque l’on pourra (peut-être) mieux évaluer l’hécatombe des victimes militaires et civiles…
La question essentielle n’est donc pas de savoir, pour chacun des protagonistes, comment gagner ou comment ne pas perdre la guerre, mais comment enclencher un processus politique qui puisse mener à une solution juste, conforme au droit et susceptible de garantir des conditions de sécurité collective solides et durables. Avec le retrait des troupes russes et dans le respect de la souveraineté et de l’intégrité de l’Ukraine.
Personne ne dira que c’est un objectif facile à réaliser. Mais tout le monde peut comprendre que plus la guerre se poursuit, plus les risques de grande conflagration sont élevés, et plus il sera difficile d’en sortir. Entre les risques majeurs de la guerre et les difficultés de la paix… il faut choisir. Il est maintenant plus urgent que jamais de forcer le chemin d’une solution négociée. Toute proposition dans ce sens – il y en existe maintenant – doit être prise en considération. Nous allons y revenir.
Vladimir Poutine et son régime portent évidemment la responsabilité écrasante du déclenchement de la guerre et de ses conséquences. Mais on ne peut pas faire comme si les puissances occidentales étaient étrangères aux origines, aux causes de cette guerre, et aux processus de confrontations ayant contribué, avec la Russie, durant une page d’histoire de 30 ans, à réunir le contexte favorable à la guerre. Pourtant, ces puissances font comme si leur « victoire » d’hier, dans la Guerre froide, pouvait se prolonger aujourd’hui dans une légitimité indiscutable et dans un « sans faute » stratégique. Ce n’est pas le cas. La question des causes de la guerre est évidemment plus compliqué qu’on ne le dit généralement. Il en sera de même pour une solution. Une solution politique devra se pencher et décider en particulier sur deux catégories d’options : celles relevant du principe de la souveraineté, et celles liées aux principes de la sécurité collective. Des principes non dissociables qui sont au cœur de la Charte des Nations-Unies. Les plus lucides ont donc raison, qui reconnaissent la nécessité de concrétiser un ordre de sécurité européen incluant nécessairement la Russie. Ce qui devrait impacter positivement l’ensemble de l’ordre international pour sa stabilité, dans ses règles et ses fonctionnements. Il ne faut pas penser une victoire, mais préparer une solution.
Ce qui n’a pas été volontairement construit après l’effondrement de l’URSS devrait enfin être vraiment conçu et édifié aujourd’hui, lorsque les combats de cette longue et terrible guerre en Ukraine seront enfin terminés. Au moins pour pouvoir installer des équilibres et de nouvelles règles de vie communes qui soient acceptées par tous, pour la sécurité de tous. On se souvient en effet qu’au tout début des années 90, un nouvel ordre devint absolument nécessaire dans un moment géopolitique qui, alors, change le cours de l’histoire. Rien de moins que cela… Pourtant, dans ce moment de basculement, de façon consternante, rien de déterminant ne se fera, hormis l’élargissement de l’OTAN à l’Est. Comme si les États-Unis et leurs alliés européens n’avaient qu’une seule chose à faire : encaisser le butin de leur « victoire » dans la guerre froide, sans la moindre attention aux exigences qui pourtant s’imposent alors : une sécurité mutuelle coopérative avec la réorganisation stratégique et politique d’ensemble de l’espace européen. Cette faute historique sera commise malgré les très nets avertissements d’experts reconnus et de personnalités conscientes des risques. Il y a là un constat qui confine à l’évidence, celui d’une carence politique béante mais volontaire, car il s’agissait d’un choix stratégique effectué en toute conscience par les États membres de l’Alliance atlantique.
Faire face à toutes les réalités de l’histoire
Cette carence aux conséquences dramatiques n’est pas étrangère à ce qui suivra : 30 ans de hautes tensions, de conflits permanents, d’emploi de la force et d’initiatives militaires, notamment russes, pour aujourd’hui, en arriver à une guerre de haute intensité dans un conflit opposant de facto l’OTAN et la Russie. Une page d’histoire violente dans un chaos de menaces et d’instabilité structurelle. Il n’est pas acceptable que ces réalités de l’histoire, de notre histoire en Europe, puissent être aujourd’hui tellement évacuées du débat public. Combien de morts, combien de destructions, combien de tragédies les peuples devront-ils endurer pour qu’enfin puisse s’imposer un minimum de sécurité commune et de responsabilité collective ? L’histoire des guerres en Europe n’est-elle pas suffisante ?
La guerre est une tragédie. Une tragédie pour celles et ceux qui en subissent les lourdes conséquences. Une tragédie pour celles et ceux qui la font et qui combattent sur le terrain jusqu’à y perdre leur vie. Mais une tragédie pour quoi faire ?.. Vladimir Poutine, en dépit des territoires dont il pourra peut-être encore s’emparer, doit faire face à un échec stratégique caractérisé. Il se voit tenu en échec sur ses ambitions de puissance et de revanche, là où il pensait pouvoir aisément s’imposer. C’est une leçon. Une leçon que d’autres ont déjà expérimentée dans d’autres circonstances très différentes. Y compris en France, certains n’ont pas mesuré ce que la guerre ne peut pas leur offrir.
Comment ne pas se souvenir de François Hollande exultant le 2 février 2013 à Bamako. Emporté par l’enthousiasme, il déclara, pathétique, « je viens sans doute de vivre le plus beau jour de ma vie politique ». Il eut alors le sentiment d’une victoire complète contre des groupes rebelles considérés comme terroristes dans une opération des forces françaises au Mali. Près de 20 ans plus tard, la France est tenue en échec dans ce pays, au Burkina Faso et plus généralement au Sahel. Le désastre libyen en a sérieusement rajouté. Comment ne pas rappeler aussi les échecs de Washington en Irak et en Afghanistan malgré l’ampleur des forces militaires engagées. Le sauve-qui-peut des forces américaines fuyant Kaboul en août 2021, avec l’échec de l’OTAN, signent, ici encore, la contrainte de la réalité de ces guerres que l’on ne peut pas gagner, celle des victoires impossibles. Beaucoup de ceux qui fustigent la guerre de Poutine en Ukraine ont souvent quelques difficultés à se rappeler leurs ambitions illusoires de puissance, et leurs propres déroutes stratégiques.
La Chine et le Brésil à l’initiative
Le 24 février 2023 (la date n’est pas un hasard) la Chine a présenté deux documents politiques. D’abord une « initiative de sécurité globale », et dans la foulée, une « position sur le règlement politique de la crise ukrainienne ». Le premier document est un texte général proposant une conception globale des enjeux de la sécurité internationale, conception qui met l’ONU au centre d’une approche traduisant surtout une évolution du positionnement politique chinois, une volonté affirmée de s’inscrire comme puissance jouant un rôle positif dans l’ordre international. Il faut néanmoins constater que la politique réellement menée par la Chine, notamment dans ses zones proches et sur les mers adjacentes où Washington parade en force, n’apparaît pas systématiquement conforme aux principes énoncés dans ce texte.
Le deuxième document trace en 12 points les principes devant guider une solution politique à la crise ukrainienne (le mot guerre n’est jamais utilisé), ainsi qu’un certain nombre de mesures sur des questions concrètes. La Chine avance prudemment. Dans le monde politique occidental et otanien, cette initiative d’ensemble a été critiquée pour un manque de crédibilité du fait que la Chine n’a pas condamné l’agression russe. En vérité, c’est précisément parce que Pékin est un très proche et puissant partenaire de Moscou que la Chine peut avoir du poids et une réelle influence sur la Russie. Ce qui, évidemment, peut donner de la pertinence à l’initiative chinoise, y compris sur le plan international.
C’est certainement pour cette raison qu’Antony Blinken, Secrétaire d’État américain, dans une remarquable concordance des temps, a manifestement cherché à casser la crédibilité de l’effort diplomatique chinois, en déclarant que Pékin « s’apprêterait » à fournir des armes à la Chine. A cette date, l’Administration américaine ne dispose pas d’information corroborant une telle accusation, mais il paraît que des précisions sur cette question seront données plus tard. La critique américaine consiste donc à dénoncer le fait que Pékin garderait ainsi deux fers au feu : celui de la négociation, et celui de l’implication dans la guerre. Sans que ce soit démontré. Monsieur Blinken ne précise pas combien de fers Washington garde au feu.
Et puis, malgré les réserves toujours possibles dans un contexte de compétitions de puissances auquel les uns et les autres contribuent activement, on ne peut pas refuser de constater que la Chine est le premier pays à s’engager explicitement dans un processus très formalisé de règlement politique, loin du débat dominant dans le monde occidental, puisque ce débat, on l’a vu, tourne quasi exclusivement sur les enjeux respectifs de la victoire ou de la défaite militaire. Il faudra bien en sortir.
Une situation nouvelle
On notera aussi l’initiative de Lula da Silva, Président brésilien. Le 9 février, lors de sa visite aux États-Unis Lula a proposé la création, non formalisée et sans précisions, d’un « club de la paix » ou d’un groupe de pays qui prendraient en charge la question d’un règlement politique du conflit en Ukraine. Ce groupe comprendrait la Chine, l’Indonésie, l’Inde (qui préside le G20 pour 2023) et d’autres pays neutres ou non impliqués dans la guerre. On voit donc ainsi que se dégagent des convergences et une situation nouvelle grâce aux pays dits du Sud. Un Sud qui n’est pas « global », comme certains persistent à le dire, mais au sein duquel ne cesse de monter une volonté d’indépendance et de libre choix, quant ce n’est pas un net rejet de la politique des puissances occidentales.
Ce qui concentre davantage l’attention des États-Unis et des Européens c’est d’abord de laisser la décision des pourparlers à Kiev, de donner la priorité à la nécessité stratégique d’une défaite militaire de la Russie, et d’assurer à l’Ukraine une future capacité militaire pour faire face à la Russie en toute circonstance. Dans le Wall Street Journal du 24 février Bojan Pancevski et Laurence Norman écrivent que « les principaux membres européens de l’OTAN envisagent un « pacte de défense » avec l’Ukraine. Les journalistes soulignent que « l’Allemagne, la France et la Grande Bretagne voient dans le renforcement des liens entre l’OTAN et l’Ukraine un moyen d’encourager Kiev à entamer des pourparlers de paix avec la Russie plus tard cette année ». Ils ajoutent que « Washington a déclaré vouloir que l’Ukraine soit suffisamment armée après la guerre pour dissuader toute attaque russe future. (…) Il faut s’assurer, disent-ils encore, que l’Ukraine a la capacité de dissuader une agression et, si nécessaire, de se défendre efficacement contre elle. »
Les journalistes du Wall Street Journal ne traitent pas des initiatives chinoise et brésilienne, mais ils soulignent la montée des doutes de plus en plus grands quant à la capacité de l’Ukraine à gagner la guerre, avec la conviction que les puissances occidentales ne pourraient contribuer trop longtemps à soutenir l’effort de guerre ukrainien. Ce qui est en même temps une sorte d’aveu quant au caractère illusoire et fragile des « solutions » fondées sur la force et sur le militaire.
Quelles solutions pour arrêter la guerre ?
Évidemment, une négociation s’impose. Les belligérants doivent pour cela se mettre autour d’une table. Mais la seule nécessité d’un dialogue ne suffit pas. Et ce n’est pas comme cela que les choses se passe. Un processus politique peut prendre d’abord des chemins compliqués, indirects et confidentiels. L’idée même de la négociation… se négocie, se teste mutuellement. Chacun a besoin de savoir quelle perspective il veut pour lui-même, qu’est-ce qui s’avère possible, quelles sont les intentions réelles de l’autre. La différence doit être identifiée entre une simple posture et une volonté de véritablement s’engager. La négociation d’un règlement politique nécessite des contributions extérieures, des parrains, des médiateurs / facilitateurs décidés à favoriser l’enclenchement et la bonne marche d’un processus politique crédible, « professionnel » et transparent. Ils doivent résolument pousser dans ce sens pour faire du politique la priorité non contestée. C’est donc aussi pour ces raisons que les positionnements (comme celui de la France) consistant à ménager la chèvre des rapports de forces militaires, et le choux de négociations futures ne peuvent guère constituer une contribution positive.
Il est indispensable, en effet, de contribuer à un climat, un contexte et surtout une volonté collective ou multilatérale de règlement politique. Le cadre des Nations-Unies ou un rôle pilote majeur de l’ONU devraient pour cela s’imposer. Le but n’est pas seulement de sortir de l’impasse tragique des combats, même si un cessez-le feu doit être obtenu au plus tôt. Il est d’amener les protagonistes à prendre des décisions qui peuvent être difficiles afin d’aboutir à un règlement le plus incontestable possible dans ses fondements, dans ses intentions et dans ses conséquences. Pour cela, l’appui extérieur doit être net, sans ambiguïté et très déterminé.
Un règlement n’exclut pas des compromis, ce dont on parle beaucoup, mais on ne commence par là. On ne préjuge pas des conclusions. On négocie sur des enjeux. Une telle approche doit donc s’appuyer sur des principes fondamentaux : la souveraineté, l’interdiction du recours à la force, l’intégrité territoriale… Il faut veiller à l’application du droit international et au respect des règles et des pratiques relevant de la sécurité collective telle qu’elle est formulée dans la Charte des Nations-Unies. Avec en particulier, pour l’Ukraine, le respect des frontières internationalement reconnues et le retrait des troupes russes. Cette approche doit aussi prévoir des règlements pragmatiques sur des questions spécifiques sensibles afin de contribuer, avec minutie, à l’établissement d’une issue assurée pour chacun des acteurs.
Le respect des principes fondamentaux et du droit doit pouvoir intégrer cette nécessité de dispositions particulières d’intérêt commun pour assurer les conditions d’une solution durable mutuellement acceptée jusque dans les détails. Puisqu’en diplomatie aussi le diable se cache ainsi… On peut penser, par exemple, à l’élaboration d’un statut stratégique de neutralité pour l’Ukraine, à une convention particulière pour les forces navales de la Russie en Crimée, à des agréments mutuels sur le plan militaire, à une autonomie pour les territoires du Donbass ou à défaut un processus référendaire… La liste et la nature des problèmes à résoudre est aussi à négocier, sachant que de tels « avenants » sont très importants, et doivent obtenir des garanties internationales solides, sauf à maintenir les conditions d’une prochaine guerre.
Couvrir l’ensemble des causes ayant conduit à la guerre
Enfin, il est indispensable qu’un règlement politique puisse s’inscrire dans une démarche visant à couvrir l’ensemble des causes ayant conduit à la guerre. La solution à construire dépasse donc le conflit russo-ukrainien stricto sensu. D’ailleurs, tout est lié. Certains des enjeux politiques et stratégiques caractérisant la relation OTAN / Russie devront obtenir des débuts de réponse sous la forme d’engagements mutuels entre les États-Unis, les Européens et la Russie afin d’engager de nouveaux pourparlers touchant notamment à la nécessité d’un dialogue stratégique durable, à la maîtrise des armements, notamment nucléaires, au désarmement, aux conditions générales d’un nouvel ordre de sécurité collective en Europe. Il faudra montrer qu’on a bien compris cette page d’histoire de 30 années de confrontations.
Dans cet esprit, la question du « périmètre » de l’OTAN, donc de l’adhésion de l’Ukraine à l’Alliance Atlantique doit être posée comme un enjeu majeur. Veut-on exacerber encore les confrontations stratégiques par une telle adhésion, ou bien faut-il chercher, à l’inverse, une stabilisation garantissant un épuisement maximum des causes du conflit ?
Élargir le processus politique de règlement à ces grandes questions ne complique pas les négociations. Elle les situe au niveau nécessaire, au niveau de l’ensemble des enjeux globaux caractérisant cette guerre qui, dès le départ fut en réalité, et quoiqu’on en dise, un conflit OTAN / Russie.
Un processus devant conduire à une solution juste doit donc avoir pour visée essentielle d’apporter des réponses fondatrices d’une nouvelle situation, pour l’ensemble des questions posées. L’histoire montre, en effet, que les problèmes non réglés (ils sont nombreux) contribuent à l’accumulation des bombes politiques à retardement. Et celles-ci finissent toujours par exploser. C’est le résultat inévitable des affrontements de puissances et des politiques de force qui créent des contextes dans lesquels la diplomatie et le multilatéralisme ont bien du mal à survivre. Si l’on parvenait demain à une solution politique acceptable à cette guerre, alors on pourra dire qu’une avancée aura malgré tout, en dépit de la tragédie, été accomplie avec la démonstration de ce que peut accomplir la diplomatie et le politique contre la force. Mais non seulement le prix à payer est exorbitant, injustifiable, mais en plus cette sale guerre n’est pas terminée. Dans les jours, dans les semaines et les mois qui suivent, il faudra juger l’action des États, des gouvernements et des responsables politiques à l’aune des efforts qui seront accomplis par eux pour en finir avec la guerre. Pour le peuple ukrainien. Pour la dignité humaine… et pour leur propre honorabilité. 01 03 2023
Les autorités chinoises ont rendu publique une initiative dite de sécurité globale qu’il faut regarder de près, avec lucidité, parce qu’elle concerne en particulier la guerre en Ukraine, et parce qu’elle est centrée le politique et non sur la force. Le 24 février, le Ministère des affaires étrangère chinois a ensuite rendu publique un texte de position officielle concernant le règlement politique de la « crise ukrainienne ». Ce texte a lui aussi été traduit intégralement en français, et rajouté ci-dessous, à la suite du texte de l’Initiative conceptuelle.
Le Gouvernement chinois vient de rendre public un « Document conceptuel sur l’Initiative de Sécurité globale ». Ce document a été présenté au public le 21 février 2023. Il propose une conception globale des enjeux de la sécurité internationale. Cette approche valorise la sécurité collective en tous les domaines. Elle s’appuie sur la nécessité du multilatéralisme et sur le rôle des Nations-Unies. Celles-ci sont mises au centre de l’initiative.
Ce document ne traite pas spécifiquement de la guerre en Ukraine, même s’il y fait très explicitement référence. Il est beaucoup plus général. On peut penser qu’un document de ce type et l’initiative politique de sécurité globale dont il est porteur, ne sont évidemment pas étranger au contexte international et au conflit en Ukraine. C’est en tous les cas un cadrage que la Chine se donne afin de caractériser, selon elle, le sens de sa montée en puissance et les marges d’action que cela lui donne.
Ce document, en vérité, apparaît beaucoup plus important par son opportunité politique dans le contexte mondial actuel, que par son contenu qui est une forme de réinterprétation élargie et précisée de la Charte des Nations-Unies. Rappeler le rôle central des Nations-Unies aujourd’hui, dans une situation de guerre, est naturellement pertinent. On peut aussi remarquer que les options et les propositions énoncées dans ce « document conceptuel » constituent une critique directe, et même explicite des politiques conduites par Washington, mais aussi par Moscou dans sa guerre en Ukraine : respect des buts et principes de la Charte des Nations-Unies, droit international, souveraineté, non ingérence, sécurité coopérative et indivisible, multilatéralisme, dialogue, résolution pacifique des différends, refus de la guerre et du recours « abusif » aux sanctions comme solutions pour régler les conflits… Au fond, le document chinois est très accusateur quant à la guerre et vis à vis des pratiques de la Russie en Ukraine.
On peut cependant s’interroger. Dans quelle mesure toutes ces options positives correspondent aux choix propres à la Chine elle-même, notamment dans son « étranger proche ». Par exemple en matière de droit international, et singulièrement concernant le droit de la mer. Ses postures de force ou ses faits accomplis, ses installations de systèmes militaires sur des territoires d’appartenance contestée dans les mers adjacentes (Mer de Chine méridionale ou détroit de Taïwan) tiennent manifestement davantage des pratiques liées aux stratégies de puissance que Pékin dénonce par ailleurs. Et cette politique contribue à nourrir de vives tensions et des inquiétudes quant au principe de la liberté de navigation.
On pourra aussi objecter que le « document conceptuel » chinois ne traite pas la question de la démocratie comme exigence universelle devant marquer l’esprit des relations internationales et sociales dans le monde (comme le fait la Charte des Nations-Unies dans son « intention » générale et notamment dans son article 1 §3). Même si l’instrumentalisation de cette question par les puissances occidentales, et singulièrement par les États-Unis, créée une situation problématique. Cela n’aide pas, en effet, à une mise en cause pourtant indispensable de la nature de l’ordre international actuel, et de ses moteurs idéologiques et politiques.
Il reste que l’initiative de la Chine, qui devrait faire ultérieurement l’objet d’autres explicitations politiques (il est question d’un discours de Xi Jinping) est importante en soi pour les raisons suivantes :
1- Cette initiative montre une évolution du positionnement chinois. La Chine a manifesté une gêne voire un certain recul quant à l’opportunité de la guerre de Poutine en Ukraine. Sans qu’elle ait décidé de prendre ses distances avec son partenaire russe. Y compris sur les aides matérielles octroyées à Moscou comme l’achat d’hydrocarbures ou la fourniture de d’équipements non létaux… Avec cette initiative, Pékin fait le choix de pousser très explicitement à une solution politique négociée. Ce qui est une spécificité marquante puisque toutes les autres puissances membres permanents du Conseil de sécurité poussent à « gagner la guerre »… contre la Russie. Les Européens et notamment la France devraient saisir cette nouvelle situation pour pouvoir avancer dans la voie de la négociation et donner de la crédibilité à un règlement politique. Il leur faut saisir cette occasion avec détermination.
2- Il ne peut y avoir de solution politique à la guerre sans un consensus et un engagement actif des principales puissances, y compris la Chine et les États-Unis. Au-delà du discours officiel de l’Administration américaine (nous soutiendrons Kiev jusqu’au bout et tant que l’Ukraine nous le demandera…), on sait qu’il y a un réel débat à Washington sur l’attitude à tenir. Mark Milley, Chef d’État major des armées US, à plusieurs reprises, a rappelé la nécessité d’une négociation. Il l’a fait plusieurs fois en présence de Lloyd Austin, Secrétaire d’État US à la défense, ce qui n’est pas un hasard. Compte tenu du contexte politique intérieur (majorité républicaine à la Chambre des représentants), mais aussi des difficultés et des coûts de l’aide militaire à l’Ukraine, on peut penser que Washington pourrait aussi s’engager sur la voie d’un règlement politique. Ce n’est pas impossible. Soulignons une fois encore que les Européens et notamment la France pourraient y contribuer… mais il leur faudrait pour cela montrer un peu plus d’intrépidité politique.
3- L’opportunité de l’initiative chinoise tient aussi à sa dimension globale. En effet, il ne faut pas seulement trouver des accords susceptibles de régler les différends russo-ukrainiens. Il faut inscrire tout règlement dans une approche inclusive traitant en particulier de l’ensemble des enjeux européens et internationaux de sécurité collective, y compris nucléaires. Cette guerre est devenue de facto un conflit OTAN/Russie. La dimension de la solution devra en tenir compte. Cela pourra même faciliter un positionnement de la Russie comme puissance qui compte dans un tel processus qui devrait avoir pour ambition de préparer l’avenir et surtout les conditions d’un nouvel ordre européen et international de sécurité collective assumé et assuré. Ce qui n’a pas été entrepris en 1989-1991 devrait pouvoir être engagé maintenant.
Il y a une perspective possible et nécessaire autre que celle de la guerre.
Pour combler le vide médiatique et politique sur la question, et pas seulement pour cela, voici, en français et dans son intégralité, le Document conceptuel sur l’initiative de sécurité globale présenté par la Chine.
Ministry of Foreign Affairs of the People’s Republic of China 2023-02-21
I. Contexte
La question de la sécurité est liée au bien-être des peuples de tous les pays, à la noble cause de la paix et du développement dans le monde, et à l’avenir de l’humanité.
Aujourd’hui, notre monde, notre époque et notre histoire connaissent des changements sans précédent, et la communauté internationale est confrontée à de multiples risques et défis rarement vus auparavant. Les points chauds de la sécurité régionale ne cessent de s’enflammer, les conflits locaux et les turbulences sont fréquents, la pandémie de COVID-19 persiste, l’unilatéralisme et le protectionnisme ont considérablement augmenté et les menaces traditionnelles et non traditionnelles pour la sécurité sont imbriquées. Les déficits en matière de paix, de développement, de sécurité et de gouvernance se creusent, et le monde se trouve une fois de plus à un carrefour de l’histoire.
C’est une époque riche en défis. C’est aussi une ère pleine d’espoir. Nous sommes convaincus que les tendances historiques de paix, de développement et de coopération gagnant-gagnant sont inarrêtables. Le maintien de la paix et de la sécurité dans le monde et la promotion du développement et de la prospérité à l’échelle mondiale devraient être la quête commune de tous les pays. Le président chinois Xi Jinping a proposé l’Initiative de sécurité globale (ISG), appelant les pays à s’adapter à un paysage international en profonde mutation dans un esprit de solidarité, et à relever les défis complexes et imbriqués en matière de sécurité dans un esprit gagnant-gagnant. La GSI vise à éliminer les causes profondes des conflits internationaux, à améliorer la gouvernance de la sécurité mondiale, à encourager les efforts internationaux conjoints pour apporter plus de stabilité et de certitude à une époque volatile et changeante, et à promouvoir une paix et un développement durables dans le monde.
II. Concepts et principes fondamentaux
1. Rester attaché à la vision d’une sécurité commune, globale, coopérative et durable. En 2014, le président Xi Jinping a initié une nouvelle vision de la sécurité commune, globale, coopérative et durable, qui a été largement reconnue et soutenue par la communauté internationale. L’essence de cette nouvelle vision de la sécurité consiste à préconiser un concept de sécurité commune, en respectant et en sauvegardant la sécurité de chaque pays ; une approche holistique, en maintenant la sécurité dans les domaines traditionnels et non traditionnels et en améliorant la gouvernance de la sécurité de manière coordonnée ; un engagement en faveur de la coopération, en instaurant la sécurité par le dialogue politique et la négociation pacifique ; et la poursuite d’une sécurité durable, en résolvant les conflits par le développement et en éliminant le terreau de l’insécurité. Nous pensons que la sécurité ne sera solidement établie et durable que si elle est sous-tendue par la moralité, la justice et les bonnes idées.
2. Restez engagés à respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de tous les pays. L’égalité souveraine et la non-ingérence dans les affaires intérieures sont des principes de base du droit international et les normes les plus fondamentales régissant les relations internationales contemporaines. Nous croyons que tous les pays, grands ou petits, forts ou faibles, riches ou pauvres, sont des membres égaux de la communauté internationale. Leurs affaires intérieures ne doivent faire l’objet d’aucune ingérence extérieure, leur souveraineté et leur dignité doivent être respectées, et leur droit de choisir indépendamment des systèmes sociaux et des voies de développement doit être défendu. L’indépendance et l’égalité souveraines doivent être défendues, et des efforts doivent être faits pour que tous les pays bénéficient de l’égalité en termes de droits, de règles et d’opportunités.
3. Rester engagé à respecter les buts et principes de la Charte des Nations-Unies. Les buts et principes de la Charte des Nations-Unies sont le fruit d’une profonde réflexion des peuples du monde entier sur les leçons amères des deux guerres mondiales. Ils constituent le projet institutionnel de l’humanité en matière de sécurité collective et de paix durable. Les diverses confrontations et injustices dans le monde d’aujourd’hui ne se sont pas produites parce que les buts et principes de la Charte des Nations-Unies sont dépassés, mais parce qu’ils ne sont pas maintenus et mis en œuvre efficacement. Nous appelons tous les pays à pratiquer un véritable multilatéralisme ; à défendre fermement le système international avec l’ONU en son cœur, l’ordre international fondé sur le droit international et les normes fondamentales des relations internationales fondées sur la Charte des Nations-Unies ; et à défendre l’autorité de l’ONU et son statut de principale plate-forme de gouvernance de la sécurité mondiale. La mentalité de la guerre froide, l’unilatéralisme, la confrontation entre blocs et l’hégémonisme contredisent l’esprit de la Charte des Nations-Unies et doivent être combattus et rejetés.
4. Rester engagé à prendre au sérieux les préoccupations légitimes de tous les pays en matière de sécurité. L’humanité est une communauté de sécurité indivisible. La sécurité d’un pays ne doit pas se faire au détriment de celle des autres. Nous pensons que tous les pays sont égaux en termes d’intérêts de sécurité. Les préoccupations légitimes et raisonnables de tous les pays en matière de sécurité doivent être prises au sérieux et traitées comme il se doit, et non ignorées de manière persistante ou remises en cause de manière systématique. Tout pays, tout en recherchant sa propre sécurité, doit tenir compte des préoccupations raisonnables des autres en matière de sécurité. Nous défendons le principe de la sécurité indivisible, en prônant l’indivisibilité entre la sécurité individuelle et la sécurité commune, entre la sécurité traditionnelle et la sécurité non traditionnelle, entre les droits et les obligations en matière de sécurité, et entre la sécurité et le développement. Il devrait y avoir une architecture de sécurité équilibrée, efficace et durable, afin de réaliser la sécurité universelle et la sécurité commune.
5. Rester engagés à résoudre pacifiquement les différences et les différends entre les pays par le dialogue et la consultation. La guerre et les sanctions ne sont pas une solution fondamentale aux différends ; seuls le dialogue et la consultation sont efficaces pour résoudre les différends. Nous demandons aux pays de renforcer la communication stratégique, d’accroître la confiance mutuelle en matière de sécurité, d’atténuer les tensions, de gérer les différences et d’éliminer les causes profondes des crises. Les principaux pays doivent faire respecter la justice, assumer les responsabilités qui leur incombent, soutenir les consultations sur un pied d’égalité et faciliter les pourparlers de paix, jouer les bons offices et jouer le rôle de médiateur en fonction des besoins et de la volonté des pays concernés. La communauté internationale doit soutenir tous les efforts propices au règlement pacifique des crises, et encourager les parties en conflit à instaurer la confiance, à régler les différends et à promouvoir la sécurité par le dialogue. Le recours abusif aux sanctions unilatérales et à la juridiction du bras long ne résout pas un problème, mais ne fait que créer davantage de difficultés et de complications.
6. Rester engagé à maintenir la sécurité dans les domaines traditionnels et non traditionnels. Dans le monde d’aujourd’hui, l’intention et l’étendue de la sécurité s’élargissent. La sécurité est davantage interconnectée, transnationale et diversifiée. Les menaces traditionnelles et non traditionnelles pour la sécurité sont devenues étroitement liées. Nous encourageons tous les pays à mettre en pratique les principes de consultation approfondie, de contribution conjointe et de partage des avantages dans la gouvernance mondiale, et à travailler ensemble pour résoudre les différends régionaux et relever les défis mondiaux tels que le terrorisme, le changement climatique, la cybersécurité et la biosécurité. Il convient de déployer des efforts concertés pour explorer de multiples voies, élaborer une solution globale et améliorer les règles pertinentes, de manière à trouver des solutions durables, à promouvoir la gouvernance mondiale de la sécurité et à prévenir et résoudre les problèmes de sécurité.
Ces six engagements sont liés entre eux et se renforcent mutuellement, et constituent un ensemble organique d’unité dialectique. Parmi eux, la vision d’une sécurité commune, globale, coopérative et durable fournit une orientation conceptuelle ; le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de tous les pays est le principe de base ; se conformer aux buts et principes de la Charte des Nations-Unies est une référence essentielle ; prendre au sérieux les préoccupations légitimes de tous les pays en matière de sécurité est un principe important, résoudre pacifiquement les différences et les différends entre les pays par le dialogue et la consultation est un choix incontournable ; et maintenir la sécurité dans les domaines traditionnels et non traditionnels est une exigence inhérente.
III. Priorités de la coopération
Notre aspiration commune est de parvenir à une paix mondiale durable, de sorte que tous les pays puissent jouir d’un environnement extérieur pacifique et stable et que leurs populations puissent mener une vie heureuse, leurs droits étant pleinement garantis. Comme des passagers à bord du même navire, les pays doivent travailler solidairement pour favoriser une communauté de sécurité partagée pour l’humanité et construire un monde libéré de la peur et jouissant d’une sécurité universelle.
Pour concrétiser ces visions, la Chine est prête à mener une coopération bilatérale et multilatérale en matière de sécurité avec tous les pays et organisations internationales et régionales dans le cadre de l’Initiative de sécurité globale, et à promouvoir activement la coordination des concepts de sécurité et la convergence des intérêts. La Chine appelle toutes les parties à mener une coopération unique ou multiple dans les domaines suivants, sans s’y limiter, afin de poursuivre l’apprentissage mutuel et la complémentarité et de promouvoir conjointement la paix et la tranquillité dans le monde :
1. Participer activement à la formulation d’un nouvel agenda pour la paix et d’autres propositions présentées par le Secrétaire général des Nations-Unies dans le cadre de notre agenda commun. Soutenir les efforts des Nations-Unies pour renforcer la prévention des conflits et exploiter pleinement l’architecture de consolidation de la paix pour aider les États sortant d’un conflit à consolider la paix. Exploiter davantage le sous-fonds du Secrétaire général pour la paix et la sécurité du Fonds d’affectation spéciale Chine/Nations-Unies pour la paix et le développement et soutenir un rôle plus important des Nations-Unies dans les affaires de sécurité mondiale.
Soutenir les Nations-Unies dans le renforcement de leur capacité à mettre en œuvre leur mandat de maintien de la paix, respecter les trois principes de « consentement des parties, d’impartialité et de non-recours à la force sauf en cas de légitime défense et de défense du mandat » pour les opérations de maintien de la paix, donner la priorité aux solutions politiques et adopter une approche globale pour traiter à la fois les symptômes et les causes profondes. Fournir aux opérations de maintien de la paix des ressources adéquates. Soutenir la fourniture d’une aide financière suffisante, prévisible et durable à l’Union Africaine (UA) pour qu’elle puisse mener des opérations de maintien de la paix autonomes.
2. Promouvoir la coordination et une interaction saine entre les grands pays et établir une relation entre les grands pays caractérisée par une coexistence pacifique, une stabilité globale et un développement équilibré. Les grands pays assument des responsabilités particulièrement importantes en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales. Appeler les grands pays à donner l’exemple en respectant l’égalité, la bonne foi, la coopération et l’état de droit, et en se conformant à la Charte des Nations-Unies et au droit international. Adhérer au respect mutuel, à la coexistence pacifique et à la coopération gagnant-gagnant, s’en tenir à la ligne de base de l’absence de conflit et de confrontation, rechercher un terrain d’entente tout en réservant les différences, et gérer les différences. 3. Maintenir fermement le consensus selon lequel « une guerre nucléaire ne peut être gagnée et ne doit jamais être menée ». Se conformer à la déclaration conjointe sur la prévention de la guerre nucléaire et la prévention de la course aux armements publiée par les dirigeants des cinq États dotés d’armes nucléaires en janvier 2022. Renforcer le dialogue et la coopération entre les États dotés d’armes nucléaires afin de réduire le risque de guerre nucléaire. Sauvegarder le régime international de non-prolifération nucléaire fondé sur le traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP) et soutenir activement les efforts des pays des régions concernées pour créer des zones exemptes d’armes nucléaires. Promouvoir la coopération internationale en matière de sécurité nucléaire, afin de mettre en place un système international de sécurité nucléaire équitable, coopératif et mutuellement bénéfique.
4. Mettre pleinement en œuvre la résolution relative à la promotion de la coopération internationale en matière d’utilisations pacifiques dans le contexte de la sécurité internationale, adoptée lors de la 76e session de l’Assemblée générale des Nations-Unies.
Mener à bien la coopération dans des cadres tels que le comité 1540 du Conseil de sécurité des Nations-Unies, la convention sur les armes chimiques (CAC) et la convention sur les armes biologiques (CAB), promouvoir l’interdiction totale et la destruction complète des armes de destruction massive, et renforcer les capacités de tous les pays dans des domaines tels que la non-prolifération, le contrôle des exportations, la biosécurité et la protection contre les armes chimiques.
Soutenir le processus de contrôle mondial des armes conventionnelles. Soutenir la coopération entre la Chine, l’Afrique et l’Europe en matière de contrôle des armes légères et de petit calibre, en partant du principe qu’il faut respecter la volonté de l’Afrique. Soutenir la mise en œuvre de l’initiative « Faire taire les armes » en Afrique. Mettre en œuvre activement la coopération et l’assistance internationales en matière de déminage humanitaire et apporter une aide aux pays touchés dans la mesure de ses possibilités.
5. Promouvoir le règlement politique des questions internationales et régionales sensibles. Encourager les pays concernés à surmonter leurs différences et à résoudre les points chauds par un dialogue franc et la communication. Soutenir la communauté internationale pour qu’elle participe de manière constructive au règlement politique des points chauds, dans le respect du principe de non-ingérence dans les affaires intérieures, principalement par le biais de la facilitation des pourparlers de paix, en privilégiant l’équité et l’esprit pratique, et en suivant principalement l’approche consistant à traiter à la fois les symptômes et les causes profondes. Soutenir le règlement politique des points chauds tels que la crise ukrainienne par le dialogue et la négociation.
6. Soutenir et améliorer le mécanisme et l’architecture de coopération en matière de sécurité régionale centrés sur l’ANASE (ASEAN), et adhérer à la méthode de l’ANASE consistant à rechercher le consensus et à tenir compte du niveau de confort de l’autre afin de renforcer le dialogue et la coopération en matière de sécurité entre les pays de la région. Soutenir les efforts visant à promouvoir la coopération dans les domaines de sécurité non traditionnels dans le cadre de la coopération Lancang-Mékong (LMC), mettre en œuvre des projets de coopération pertinents dans le cadre du Fonds spécial LMC, et s’efforcer de favoriser une zone pilote pour la GSI afin de sauvegarder conjointement la paix et la stabilité régionales.
7. Mettre en œuvre la proposition en cinq points sur la réalisation de la paix et de la stabilité au Moyen-Orient, y compris la promotion du respect mutuel, le maintien de l’équité et de la justice, la réalisation de la non-prolifération, la promotion conjointe de la sécurité collective et l’accélération de la coopération au développement, afin d’établir conjointement un nouveau cadre de sécurité au Moyen-Orient. Soutenir la dynamique positive et les efforts des pays du Moyen-Orient pour renforcer le dialogue et améliorer leurs relations, tenir compte des préoccupations raisonnables de toutes les parties en matière de sécurité, renforcer les forces internes chargées de préserver la sécurité régionale, et aider la Ligue des États Arabes (LEA) et d’autres organisations régionales à jouer un rôle constructif à cet égard. La communauté internationale devrait prendre des mesures concrètes pour faire avancer la solution à deux États de la question palestinienne et convoquer une conférence de paix internationale plus importante, plus autorisée et plus influente, afin de parvenir rapidement à une solution juste de la question palestinienne.
8. Soutenir les efforts des pays africains, de l’Union Africaine et des organisations sous-régionales pour résoudre les conflits régionaux, lutter contre le terrorisme et préserver la sécurité maritime, appeler la communauté internationale à fournir un soutien financier et technique aux opérations de lutte contre le terrorisme menées par l’Afrique et aider les pays africains à renforcer leur capacité à préserver la paix de manière indépendante. Soutenir le traitement des problèmes africains à la manière africaine et promouvoir le règlement pacifique des points chauds dans la Corne de l’Afrique, le Sahel, la région des Grands Lacs et d’autres régions. Mettre activement en œuvre les perspectives de paix et de développement dans la Corne de l’Afrique, promouvoir l’institutionnalisation de la Conférence Chine-Corne de l’Afrique sur la paix, la gouvernance et le développement, et travailler activement au lancement de projets pilotes de coopération.
9. Aider les pays d’Amérique latine et des Caraïbes à remplir activement les engagements énoncés dans la proclamation de l’Amérique latine et des Caraïbes comme zone de paix, et aider la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes et d’autres organisations régionales et sous-régionales à jouer un rôle actif dans le maintien de la paix et de la sécurité régionales et à gérer correctement les points chauds de la région.
10. Accorder une grande attention à la situation particulière et aux préoccupations légitimes des pays insulaires du Pacifique en ce qui concerne le changement climatique, les catastrophes naturelles et la santé publique, soutenir les efforts des pays insulaires du Pacifique pour relever les défis mondiaux, et aider les pays insulaires à mettre en œuvre la stratégie 2050 pour le continent bleu du Pacifique. Accroître la fourniture de matériel, de fonds et de talents pour aider les pays insulaires à améliorer leur capacité à faire face aux menaces de sécurité non traditionnelles.
11. Renforcer le dialogue et les échanges maritimes ainsi que la coopération pratique, gérer correctement les différends maritimes et travailler ensemble pour lutter contre la criminalité transnationale en mer, notamment la piraterie et les vols à main armée, afin de préserver conjointement la paix et la tranquillité maritimes et la sécurité des voies maritimes. Appeler les pays situés en amont et en aval des fleuves transfrontaliers à s’engager activement dans la coopération internationale, à résoudre les différends pertinents par le dialogue et la consultation, à assurer la sécurité de la navigation sur les fleuves transfrontaliers, à utiliser et protéger rationnellement les ressources en eau et à protéger l’environnement écologique des fleuves transfrontaliers.
12. Renforcer le rôle des Nations-Unies en tant que coordinateur central de la lutte mondiale contre le terrorisme, soutenir la communauté internationale dans la mise en œuvre intégrale des résolutions antiterroristes de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité des Nations-Unies, ainsi que de la stratégie antiterroriste mondiale des Nations-Unies, et sévir conjointement contre toutes les organisations terroristes et les individus désignés par le Conseil de sécurité. canaliser davantage de ressources mondiales de lutte contre le terrorisme vers les pays en développement afin d’améliorer le renforcement de leurs capacités en la matière. S’opposer à l’établissement d’un lien entre le terrorisme et un pays, un groupe ethnique ou une religion en particulier. Améliorer les études et les réponses à l’impact des technologies émergentes sur les efforts de lutte contre le terrorisme au niveau mondial.
13. Approfondir la coopération internationale dans le domaine de la sécurité de l’information. La Chine a présenté l’initiative mondiale sur la sécurité des données et appelle à des efforts conjoints pour formuler des règles mondiales sur la gouvernance numérique qui reflètent la volonté et respectent les intérêts de toutes les parties. Donner suite à l’initiative de coopération entre la Chine et la LEA sur la sécurité des données et à l’initiative de coopération entre la Chine et l’Asie centrale sur la sécurité des données, s’attaquer conjointement aux diverses cybermenaces et travailler à l’établissement d’un système de gouvernance mondiale du cyberespace caractérisé par l’ouverture et l’inclusion, la justice et l’équité, la sécurité et la stabilité, la vigueur et la vitalité.
14. Renforcer la gestion des risques liés à la biosécurité. Défendre conjointement une recherche responsable en matière de biosciences et encourager toutes les parties prenantes à se référer aux lignes directrices de Tianjin en matière de biosécurité pour les codes de conduite des scientifiques, sur une base volontaire. Renforcer conjointement le développement des capacités des laboratoires en matière de biosécurité, réduire les risques de biosécurité et promouvoir le développement sain de la biotechnologie.
15. Renforcer la gouvernance internationale de la sécurité en matière d’intelligence artificielle (IA) et d’autres technologies émergentes, et prévenir et gérer les risques potentiels pour la sécurité. La Chine a publié des documents de position sur la réglementation des applications militaires et le renforcement de la gouvernance éthique de l’IA, et est prête à renforcer la communication et les échanges avec la communauté internationale sur la gouvernance de la sécurité de l’IA, à promouvoir la mise en place d’un mécanisme international avec une large participation, et à développer des cadres de gouvernance, des normes et des standards basés sur un large consensus.
16. Renforcer la coopération internationale dans le domaine de l’espace et sauvegarder l’ordre international dans l’espace en s’appuyant sur le droit international. Mener des activités dans l’espace extra-atmosphérique conformément au droit international, garantir la sécurité des astronautes en orbite et l’exploitation durable et à long terme des installations spatiales. Respecter et garantir le droit égal de tous les pays à utiliser pacifiquement l’espace. Rejeter résolument la militarisation de l’espace et la course aux armements dans l’espace, et soutenir la négociation et la conclusion d’un instrument juridique international sur le contrôle des armements dans l’espace.
17. Soutenir l’Organisation Mondiale de la Santé pour qu’elle joue un rôle de premier plan dans la gouvernance mondiale en matière de santé publique, et coordonner et mobiliser efficacement les ressources mondiales pour répondre conjointement au COVID-19 et à d’autres grandes maladies infectieuses mondiales.
18. Préserver la sécurité alimentaire et énergétique mondiale. Renforcer la coordination des actions pour maintenir le bon fonctionnement du commerce agricole international, assurer une production céréalière stable et des chaînes d’approvisionnement fluides, et éviter la politisation et la militarisation des questions de sécurité alimentaire. Renforcer la coordination de la politique énergétique internationale, créer un environnement sûr et stable pour assurer le transport de l’énergie, et maintenir conjointement la stabilité du marché mondial de l’énergie et des prix de l’énergie.
19. Appliquer pleinement et efficacement la convention des Nations-Unies contre la criminalité transnationale organisée. Encourager tous les pays à conclure ou à adhérer à des traités, conventions ou accords internationaux ou à prendre des dispositions institutionnelles pour lutter contre la criminalité transnationale. Soutenir les trois conventions internationales de l’ONU sur le contrôle des drogues, sauvegarder le système international de contrôle des drogues et préconiser la coordination, le partage des responsabilités et une coopération sincère au sein de la communauté internationale afin de relever ensemble les défis posés par le problème de la drogue et de construire une communauté qui offre à l’humanité un avenir commun exempt des méfaits de la drogue. Mener activement une coopération en matière de répression sur la base du respect de la souveraineté de chaque pays, de manière à améliorer conjointement les capacités de répression et la gouvernance en matière de sécurité. Soutenir la mise en place d’un système de formation mondial afin de former, pour les pays en développement, davantage d’agents chargés de l’application de la loi qui répondent aux besoins de sécurité de leur pays.
20. Soutenir la coopération entre les pays pour faire face au changement climatique et maintenir des chaînes d’approvisionnement et industrielles stables et fluides, et accélérer la mise en œuvre du programme de développement durable des Nations-Unies à l’horizon 2030 afin de promouvoir la sécurité durable par le biais du développement durable.
IV. Plateformes et mécanismes de coopération
1. Engager des discussions et une communication de grande envergure sur la paix et la sécurité au sein de l’Assemblée générale, des comités compétents des Nations-Unies, du Conseil de sécurité, des institutions concernées et d’autres organisations internationales et régionales, sur la base de leurs mandats respectifs, et présenter des initiatives et des propositions communes afin de forger un consensus au sein de la communauté internationale pour faire face aux défis en matière de sécurité.
2. Tirer parti des rôles de l’Organisation de coopération de Shanghai, de la coopération des BRICS, de la Conférence sur l’interaction et les mesures de confiance en Asie, du mécanisme « Chine+Asie centrale » et des mécanismes pertinents de la coopération en Asie de l’Est, et mettre en œuvre une coopération en matière de sécurité de manière progressive pour atteindre des objectifs similaires ou identiques. Promouvoir la mise en place d’une plateforme de dialogue multilatéral dans la région du Golfe et faire jouer le rôle des mécanismes de coordination et de coopération tels que la réunion des ministres des affaires étrangères des pays voisins de l’Afghanistan et la conférence Chine-Corne de l’Afrique sur la paix, la gouvernance et le développement, afin de promouvoir la paix et la stabilité régionales et mondiales.
3. Organiser en temps utile des conférences de haut niveau sur l’ICG afin de renforcer la communication politique dans le domaine de la sécurité, de promouvoir le dialogue et la coopération intergouvernementaux et d’encourager davantage la synergie au sein de la communauté internationale pour relever les défis en matière de sécurité.
4. Soutenir le forum Chine-Afrique sur la paix et la sécurité, le forum sur la sécurité au Moyen-Orient, le forum Xiangshan de Pékin, le forum sur la coopération en matière de sécurité publique mondiale (Lianyungang) et d’autres plateformes de dialogue internationales afin de contribuer à l’approfondissement des échanges et de la coopération en matière de sécurité. Promouvoir la création d’un plus grand nombre de forums sur la sécurité mondiale afin d’offrir aux gouvernements, aux organisations internationales, aux groupes de réflexion et aux organisations sociales de nouvelles plateformes leur permettant de tirer parti de leurs avantages et de participer à la gouvernance de la sécurité mondiale.
5. Créer davantage de plateformes et de mécanismes internationaux d’échange et de coopération pour relever les défis de la sécurité dans des domaines tels que la lutte contre le terrorisme, la cybersécurité, la biosécurité et les technologies émergentes, en vue d’améliorer la capacité de gouvernance dans le domaine de la sécurité non traditionnelle. Encourager davantage d’échanges et de coopération entre les académies militaires et de police de niveau universitaire. La Chine est disposée à offrir à d’autres pays en développement 5 000 possibilités de formation au cours des cinq prochaines années afin de former des professionnels capables de traiter les questions de sécurité mondiale.
La GSI, suivant le principe d’ouverture et d’inclusion, accueille et attend avec impatience la participation de toutes les parties pour enrichir conjointement sa substance et explorer activement de nouvelles formes et de nouveaux domaines de coopération. La Chine est prête à travailler avec tous les pays et les peuples qui aiment la paix et aspirent au bonheur pour relever tous les types de défis traditionnels et non traditionnels en matière de sécurité, protéger la paix et la tranquillité de la Terre et créer ensemble un avenir meilleur pour l’humanité, afin que le flambeau de la paix soit transmis de génération en génération et brille dans le monde entier./.
Position de la Chine sur le règlement politique de la crise ukrainienne24 02 2023
1. Respecter la souveraineté de tous les pays. Le droit international universellement reconnu, y compris les buts et principes de la Charte des Nations Unies, doit être strictement observé. La souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de tous les pays doivent être effectivement défendues. Tous les pays, grands ou petits, forts ou faibles, riches ou pauvres, sont des membres égaux de la communauté internationale. Toutes les parties doivent conjointement faire respecter les normes fondamentales régissant les relations internationales et défendre l’équité et la justice internationales. L’application égale et uniforme du droit international doit être encouragée, tandis que les doubles standards doivent être rejetés.
2. Abandonner la mentalité de la guerre froide. La sécurité d’un pays ne doit pas être recherchée au détriment des autres. La sécurité d’une région ne doit pas être obtenue par le renforcement ou l’expansion de blocs militaires. Les intérêts et les préoccupations légitimes de tous les pays en matière de sécurité doivent être pris au sérieux et traités correctement. Il n’existe pas de solution simple à une question complexe. Toutes les parties devraient, en suivant la vision d’une sécurité commune, globale, coopérative et durable et en gardant à l’esprit la paix et la stabilité à long terme du monde, contribuer à forger une architecture de sécurité européenne équilibrée, efficace et durable. Toutes les parties devraient s’opposer à la recherche de leur propre sécurité au détriment de celle des autres, empêcher la confrontation entre blocs et œuvrer ensemble pour la paix et la stabilité sur le continent eurasien.
3. Cesser les hostilités. Les conflits et la guerre ne profitent à personne. Toutes les parties doivent rester rationnelles et faire preuve de retenue, éviter d’attiser les flammes et d’aggraver les tensions, et empêcher la crise de se détériorer davantage, voire d’échapper à tout contrôle. Toutes les parties doivent aider la Russie et l’Ukraine à travailler dans la même direction et à reprendre le dialogue direct le plus rapidement possible, afin de désamorcer progressivement la situation et de parvenir finalement à un cessez-le-feu global.
4. Reprendre les pourparlers de paix. Le dialogue et la négociation sont la seule solution viable à la crise ukrainienne. Tous les efforts en faveur d’un règlement pacifique de la crise doivent être encouragés et soutenus. La communauté internationale doit rester attachée à la bonne approche consistant à promouvoir les pourparlers de paix, aider les parties au conflit à ouvrir la porte à un règlement politique dès que possible, et créer les conditions et les plateformes nécessaires à la reprise des négociations. La Chine continuera à jouer un rôle constructif à cet égard.
5. Résoudre la crise humanitaire. Toutes les mesures susceptibles d’atténuer la crise humanitaire doivent être encouragées et soutenues. Les opérations humanitaires doivent respecter les principes de neutralité et d’impartialité, et les questions humanitaires ne doivent pas être politisées. La sécurité des civils doit être protégée efficacement et des couloirs humanitaires doivent être mis en place pour l’évacuation des civils des zones de conflit. Des efforts sont nécessaires pour accroître l’aide humanitaire dans les zones concernées, améliorer les conditions humanitaires et assurer un accès humanitaire rapide, sûr et sans entrave, afin d’éviter une crise humanitaire à plus grande échelle. Il convient d’aider les Nations unies à jouer un rôle de coordination dans l’acheminement de l’aide humanitaire vers les zones de conflit.
6. Protection des civils et des prisonniers de guerre (POW). Les parties au conflit doivent se conformer strictement au droit humanitaire international, éviter d’attaquer les civils ou les installations civiles, protéger les femmes, les enfants et les autres victimes du conflit, et respecter les droits fondamentaux des prisonniers de guerre. La Chine soutient l’échange de prisonniers de guerre entre la Russie et l’Ukraine et appelle toutes les parties à créer des conditions plus favorables à cette fin.
7. Assurer la sécurité des centrales nucléaires. La Chine s’oppose aux attaques armées contre les centrales nucléaires ou d’autres installations nucléaires pacifiques et appelle toutes les parties à respecter le droit international, notamment la Convention sur la sûreté nucléaire (CSN), et à éviter résolument les accidents nucléaires d’origine humaine. La Chine soutient l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) qui joue un rôle constructif dans la promotion de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires pacifiques.
8. Réduire les risques stratégiques. Les armes nucléaires ne doivent pas être utilisées et les guerres nucléaires ne doivent pas être menées. La menace ou l’utilisation d’armes nucléaires doit être combattue. La prolifération nucléaire doit être empêchée et la crise nucléaire évitée. La Chine s’oppose à la recherche, au développement et à l’utilisation d’armes chimiques et biologiques par tout pays, quelles que soient les circonstances.
9. Faciliter les exportations de céréales. Toutes les parties doivent mettre en œuvre l’initiative sur les céréales de la mer Noire, signée par la Russie, la Turquie, l’Ukraine et les Nations unies, de manière complète et efficace, de façon équilibrée, et aider les Nations unies à jouer un rôle important à cet égard. L’initiative de coopération sur la sécurité alimentaire mondiale proposée par la Chine offre une solution réalisable à la crise alimentaire mondiale.
10. Mettre fin aux sanctions unilatérales. Les sanctions unilatérales et la pression maximale ne peuvent pas résoudre la question ; elles ne font que créer de nouveaux problèmes. La Chine s’oppose aux sanctions unilatérales non autorisées par le Conseil de sécurité des Nations unies. Les pays concernés devraient cesser d’abuser des sanctions unilatérales et de la « juridiction du bras long » contre d’autres pays, afin de faire leur part dans la désescalade de la crise ukrainienne et de créer les conditions pour que les pays en développement puissent développer leurs économies et améliorer la vie de leurs populations.
11. Maintenir la stabilité des chaînes industrielles et d’approvisionnement. Toutes les parties devraient sérieusement maintenir le système économique mondial existant et s’opposer à l’utilisation de l’économie mondiale comme un outil ou une arme à des fins politiques. Des efforts conjoints sont nécessaires pour atténuer les retombées de la crise et empêcher qu’elle ne perturbe la coopération internationale dans les domaines de l’énergie, de la finance, du commerce alimentaire et des transports et qu’elle ne compromette la reprise économique mondiale.
12. Promouvoir la reconstruction post-conflit. La communauté internationale doit prendre des mesures pour soutenir la reconstruction post-conflit dans les zones de conflit. La Chine est prête à fournir une assistance et à jouer un rôle constructif dans cette entreprise.
Un livre pour mieux comprendre les causes et les enjeux…
« POUTINE, L’OTAN et la GUERRE…«
Les éditions du Croquant
Un an après le déclenchement de l’agression russe en Ukraine, il est temps d’analyser vraiment les causes et les enjeux dans cette guerre aux conséquences géopolitiques, économiques et sociales mondiales de grande ampleur. Parce qu’il faudra bien trouver une solution politique à cette tragédie, en particulier pour le peuple ukrainien qui en paie le prix le plus élevé. Parce qu’il faut identifier lucidement les stratégies occidentales et russes ayant contribué à réunir les conditions de ce conflit majeur, devenu de facto une guerre OTAN/Russie.
Cet ouvrage – « Poutine, l’OTAN et la guerre… », aux éditions du Croquant – donne des clés de compréhension. Il apporte des explications circonstanciées permettant de décrypter à la fois les ambitions néo-impérialistes de la Russie de Poutine, et une page d’histoire de quelque 30 années de confrontations de puissances et de compétitions pour un repartage des dominations, des zones d’influence, et pour une redéfinition des conditions de la sécurité en Europe et sur le plan international.
Ce livre est une approche critique des thèses idéologiques dominantes. Pour mettre fin à la guerre et construire une issue politique, qui devra de toutes façons s’imposer, une vision résolument alternative est en effet indispensable.
Jacques Fath, diplômé de Sciencespo Grenoble (1972),
et licencié en sociologie, est l’auteur de plusieurs ouvrages touchant aux relations internationales :
– Penser l’après. Essai sur la guerre, la sécurité internationale
la puissance et la paix dans le nouvel état du monde, Les éditions Arcane 17, 2014
– Terrorisme. Réalités, causes et mystifications idéologiques, éditions du Croquant , 2019
– Chaos. La crise de l’ordre international libéral. La France et l’Europe
dans l’ordre américain, éditions du Croquant, 2020
Documents. Comment se prépare un débat au Conseil de Sécurité des Nations-Unies.
Ce lundi 20 février 2023, le Conseil de Sécurité doit discuter de « la situation au Moyen-Orient, y compris de la question palestinienne », avec la possibilité de l’adoption d’une résolution que Washington a déjà qualifiée « d’inutile »… Vous trouverez ci-dessous 3 documents préliminaires à ce débat. Une lettre de Riyad Mansour, Observateur permanent de l’Etat de Palestine à l’ONU sur la situation actuelle et les mesures illégales d’Israël dans les territoires occupés. Une lettre particulièrement hargneuse de l’Ambassadeur d’Israël, Gilan Erdan. Un rapport d’information préalable du Conseil de Sécurité donnant un cadrage général. Notons que ce rapport traduit assez bien les dangers actuels de la situation, l’accélération de la colonisation, la montée de la violence répressive israélienne, la possibilité concrète d’une « nouvelle escalade », la menace qui plane sur l’UNRWA.
SECURITY COUNCIL REPORT
Independant. Impartial. Informative
What’s In Blue – Posted Friday 17 Feb. 2023
La situation au Moyen-Orient, y compris la question palestinienne : Briefing et consultation
Lundi (20 février), le Conseil de sécurité se réunira pour une séance d’information publique sur » La situation au Moyen-Orient, y compris la question palestinienne « . Le coordinateur spécial pour le processus de paix au Moyen-Orient, Tor Wennesland, et le commissaire général adjoint de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), Leni Stenseth, sont les intervenants prévus. Des consultations à huis clos sont prévues à la suite du briefing ouvert.
Au moment de la rédaction de cet article, les membres du Conseil négociaient un projet de résolution sur les colonies israéliennes en Cisjordanie, rédigé par les Émirats arabes unis (EAU) en coordination avec l’État observateur de Palestine. Il semble qu’un vote pourrait avoir lieu lundi.
Les récentes décisions d’Israël de faire progresser la colonisation en Cisjordanie devraient être au cœur de la réunion de lundi. Le 12 février, le gouvernement israélien a annoncé qu’il allait autoriser rétroactivement neuf avant-postes de Cisjordanie qui avaient été construits sans l’autorisation des autorités israéliennes. La déclaration, qui a été publiée par le cabinet de sécurité israélien, dirigé par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, indique que cette décision a été prise en réponse aux récentes attaques terroristes à Jérusalem. Selon les médias, c’est la première fois depuis 2012 qu’Israël autorise rétroactivement des avant-postes de colonies. Le communiqué annonce en outre l’approbation dans les prochains jours de la construction de nouvelles unités résidentielles dans les colonies existantes. Le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich, aurait déclaré que 10 000 unités devaient être approuvées.
Dans une lettre adressée le 13 février au Conseil de sécurité, l’observateur permanent de l’État de Palestine auprès des Nations unies, Riyad Mansour, a déclaré que ces décisions sont « une preuve supplémentaire de la politique israélienne délibérée de colonisation et d’annexion de la terre palestinienne, en violation grave du droit international, c’est-à-dire qu’elles constituent des crimes de guerre ». La lettre appelle le Conseil à parler d’une seule voix pour envoyer un message à Israël : « il doit cesser immédiatement toutes les politiques et mesures illégales, et il devra rendre des comptes pour son mépris flagrant du droit international et de la communauté internationale ». Il semble que la décision israélienne de faire progresser les activités de colonisation ait incité l’État observateur de Palestine à demander une résolution du Conseil de sécurité sur cette question.
L’annonce par Israël de l’avancée des activités de colonisation a été accueillie avec inquiétude par les principaux interlocuteurs internationaux. Le 13 février, le porte-parole du Secrétaire général, Stéphane Dujarric, a déclaré que le Secrétaire général était profondément préoccupé par la décision d’autoriser les neuf avant-postes et a réaffirmé que « toutes les colonies sont illégales au regard du droit international et constituent un obstacle majeur à la paix ». La déclaration indique également que, si ces mesures devaient être mises en œuvre, « elles compromettraient encore davantage les perspectives d’une solution viable à deux États ». Le même jour, l’UE a rejeté la décision israélienne de considérer les neuf avant-postes comme légaux au regard du droit israélien et a réaffirmé sa position selon laquelle les colonies sont illégales au regard du droit international.
Dans une rare déclaration commune publiée le 14 février, les ministres des affaires étrangères de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, du Royaume-Uni et des États-Unis se sont dits « profondément troublés » par les annonces du gouvernement israélien, ajoutant qu’ils « s’opposent fermement à ces actions unilatérales ». Le 13 février, le Secrétariat général de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) – qui compte parmi ses membres l’Albanie, le Gabon et les Émirats arabes unis – a publié une déclaration condamnant fermement les décisions visant à faire progresser la colonisation et soulignant que ces mesures sont « nulles et non avenues au regard du droit international et des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations unies ». Lundi, les membres du Conseil sont susceptibles de réitérer des messages similaires. Les membres peuvent également être intéressés par une mise à jour de Wennesland sur son engagement avec les responsables israéliens sur cette question et sur ses efforts plus larges pour désescalader les tensions.
Les membres sont susceptibles d’exprimer leur inquiétude face à la situation de plus en plus violente en Cisjordanie et en Israël et au risque concret d’une nouvelle escalade. Il est probable que les participants condamneront tous les actes de terreur et pourront faire référence aux récentes attaques perpétrées par des Palestiniens, telles que l’attaque terroriste du 27 janvier près d’une synagogue à Jérusalem-Est, au cours de laquelle sept Israéliens ont été tués par un tireur palestinien, et l’attaque à la voiture piégée du 10 février à Jérusalem-Est, qui a entraîné la mort de trois Israéliens, dont deux enfants âgés de six et huit ans. Dans une lettre adressée le 14 février au Conseil de sécurité, le représentant permanent d’Israël auprès des Nations unies, Gilad Erdan, a appelé la communauté internationale à condamner « les dernières attaques terroristes contre des civils israéliens dans les termes les plus forts et sans équivoque ».
Ces dernières semaines ont été marquées par la poursuite des raids des Forces de défense israéliennes (FDI) en Cisjordanie, la démolition de structures palestiniennes et des incidents de violence liés aux colons, comme la violente confrontation du 11 février près de l’avant-poste de Havat Yair en Cisjordanie, au cours de laquelle un Palestinien aurait été abattu par un colon. Dans une déclaration du 13 février, trois rapporteurs spéciaux du Conseil des droits de l’homme des Nations unies ont indiqué qu’au cours du mois de janvier, les autorités israéliennes auraient démoli 132 structures palestiniennes, un chiffre qui représente une augmentation de 135 % par rapport à la même période en 2022. Lundi, Mme Wennesland et les membres du Conseil pourraient appeler toutes les parties à prendre d’urgence des mesures de désescalade et à éviter les actions unilatérales. Ils devraient également souligner l’importance du respect du droit humanitaire international et de la protection des civils.
Dans son exposé, Mme Stenseth devrait fournir une mise à jour sur le travail de l’UNRWA dans ses domaines d’opérations en Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, à Gaza, en Syrie, au Liban et en Jordanie. Elle pourrait souligner le rôle stabilisateur de l’UNRWA dans la région et faire le point sur la situation financière difficile de l’Agence, qui dépend des dons volontaires et souffre depuis longtemps d’un sous-financement chronique tout en faisant face à des demandes croissantes. Lors d’une séance d’information organisée le 24 janvier à Genève, le commissaire général de l’UNRWA, Philippe Lazzarini, a déclaré que l’évolution des priorités géopolitiques, le changement de la dynamique régionale et l’émergence de nouvelles crises humanitaires ont privé de priorité le conflit israélo-palestinien, ce qui a entraîné une stagnation du financement de l’UNRWA depuis 2012. Lazzarini a également noté que la violence accrue à travers la Cisjordanie affecte la vie quotidienne des réfugiés et la capacité de l’UNRWA à fournir des services. Stenseth pourrait réitérer ces messages lundi. Les membres du Conseil sont susceptibles d’appeler les donateurs à soutenir l’UNRWA pour s’assurer que ses services puissent continuer.
A propos de « What’s in blue »: Lorsque le Conseil de sécurité approche de la phase finale de négociation d’un projet de résolution, le texte est imprimé en bleu. What’s In Blue est une série d’aperçus produits par Security Council Report sur l’évolution des actions du Conseil de sécurité. Ces aperçus complètent les prévisions mensuelles du SCR et d’autres rapports et sont conçus pour aider les lecteurs intéressés de l’ONU à se tenir au courant de ce qui pourrait bientôt être « en bleu ».
Comment la construction d’une base militaire états-unienne a conduit à des crimes contre l’humanité. Clive Baldwin Conseiller juridique senior et Anthony Gale Senior Media Officer
Cette année marque le cinquantième anniversaire des déportations forcées définitives des habitants de l’archipel des Chagos, un groupe d’îles de l’océan Indien, dans le but de permettre aux États-Unis d’établir des installations militaires sur la plus grande île, Diego Garcia. Il est terrible de constater qu’aucune considération n’a été accordée à plus d’un millier de Chagossiens expulsés de leurs foyers pour installer la base, condamnant beaucoup d’entre eux à vivre dans la pauvreté et la misère. Dans un nouveau rapport intitulé « C’est là que le cauchemar a commencé », Human Rights Watch a conclu que l’expulsion des Chagossiens par les gouvernements britannique et américain constitue un crime contre l’humanité. Ce constat accablant concernant les deux gouvernements intervient alors que de nouvelles négociations sur la souveraineté des îles ont été entamées entre le Royaume-Uni et Maurice, qui revendique l’archipel des Chagos comme faisant partie de son territoire. Anthony Gale, attaché de presse senior, s’est entretenu avec l’auteur principal du rapport, Clive Baldwin, conseiller juridique senior au sujet de ses conclusions.
Tout d’abord, pouvez-vous expliquer ce qui est arrivé aux Chagossiens et quelles ont été les conséquences de leur expulsion il y a 50 ans ?
Les îles Chagos sont un groupe d’îles situées dans l’océan Indien. Avant que les Britanniques n’expulsent de force leurs habitants, ces îles abritaient environ 1 500 Chagossiens, un peuple autochtone. Aujourd’hui, plus aucun Chagossien ne vit sur les îles. Ses seuls habitants sont l’état-major et le personnel des installations militaires états-uniennes sur Diego Garcia et quelques responsables britanniques.
Il y a plus de 50 ans, les gouvernements du Royaume-Uni et des Etats-Unis ont planifié secrètement l’expulsion de force des Chagossiens, d’abord de Diego Garcia, la plus grande île de l’archipel, afin que les États-Unis puissent y construire une base militaire sans habitants à proximité. Par la suite, le Royaume-Uni a décidé d’expulser la totalité de la population des îles Chagos, pour éviter d’avoir à rendre compte aux Nations Unies du maintien de son contrôle sur une colonie avec une population permanente. D’après les conclusions de Human Rights Watch, ce traitement constitue des crimes contre l’humanité.
Les témoignages que nous avons recueillis brossent un terrible tableau de ce qu’a été la vie des Chagossiens. Les familles qui ont quitté l’île pour de simples déplacements ont été informées que leur île avait été vendue et qu’elles ne pourraient jamais y retourner. Ceux qui ne sont pas partis à l’époque ont été, quelques années plus tard, forcés de quitter les îles Chagos pour rejoindre Maurice et les Seychelles, à des centaines de kilomètres de là. Ils n’ont pas reçu d’aide ou très peu, et beaucoup ont été confrontés à une pauvreté épouvantable. Certains nous ont décrit qu’ils vivaient dans des maisons qui devaient être consolidées en utilisant de la bouse de vache. Une femme avec qui j’ai discuté a raconté comment, après que sa famille a été forcée de quitter les îles Chagos, son frère encore bébé est mort parce que sa mère n’avait plus de lait pour l’allaiter.
L’un des récits certainement les plus troublants concerne la dureté des expulsions des Chagossiens de leurs maisons. Les autorités britanniques ont donné l’ordre de tuer les chiens sur Diego Garcia, y compris les animaux domestiques des Chagossiens. Une Chagossienne se souvient que l’animal de compagnie de sa famille avait été emmené et tué. Pour sa famille, le but était de les inciter à partir.
Les Chagossiens qui ont été expulsés des îles Chagos par bateau ont décrit à quel point ils ont été maltraités. Lors d’un voyage, ils ont été enfermés en bas dans la cale, alors que les chevaux des îles Chagos ont voyagé sur le pont. Un haut responsable britannique avait ordonné de sauver les chevaux.
Le rapport implique le Royaume-Uni et les États-Unis dans des crimes contre l’humanité. Pouvez-vous expliquer de quoi il s’agit et comment ces critères ont été appliqués aux événements qui ont eu lieu sur les îles Chagos ?
Les crimes contre l’humanité figurent parmi les types de crimes les plus graves connus du système de justice internationale, émanant des procès de Nuremberg après la Deuxième Guerre mondiale. Compte tenu de l’ampleur et de la gravité de ces crimes, il ne s’agit pas d’une conclusion établie à la légère.
Nous estimons que le Royaume-Uni a commis au moins trois crimes contre l’humanité dans la façon dont il a traité et continue de traiter le peuple chagossien. Le premier crime, qu’il a commis avec les États-Unis, est le déplacement forcé des Chagossiens de leur terre natale. Le second est de maintenir l’interdiction faite aux Chagossiens de retourner dans leurs îles d’origine. Et le troisième est la persécution des Chagossiens fondée sur la race et l’origine ethnique.
Nous considérons que ces trois crimes ont atteint le seuil pour être qualifiés de crimes contre l’humanité. Ils sont le fait de politiques d’État systématiques et délibérées.
Parlons de la persécution raciale des Chagossiens. Comment êtes-vous parvenu à la conclusion que le traitement des Chagossiens avait un caractère raciste ?
Les autorités britanniques ont utilisé des termes racistes pour désigner les Chagossiens, d’après des documents officiels secrets qui ont maintenant été publiés. Ces documents les décrivaient entre autres comme des « hommes-vendredi », nom tiré du personnage « Vendredi » qui était un serviteur noir dans Robinson Crusoé de Daniel Defoe. Ils ont également utilisé le terme « Tarzans », une référence à l’enfant sauvage fictif qui a été élevé par de grands singes en Afrique. Ces deux qualificatifs sont sans aucun doute racistes.
Mais cela se manifeste aussi dans la façon dont le gouvernement britannique continue de traiter les Chagossiens. Le gouvernement s’est efforcé de faire valoir que les traités relatifs aux droits humains qu’il a ratifiés ne s’appliquent pas aux îles Chagos. Selon lui, les Chagossiens ne devraient pas voir leurs droits fondamentaux protégés. Lorsque vous comparez les Chagossiens avec les habitants d’autres territoires britanniques similaires abritant des bases militaires, comme les îles Malouines et Chypre, le traitement des Chagossiens est radicalement différent.
Contrairement à ce qu’il a fait aux îles Chagos, le gouvernement britannique n’a pas expulsé de force les habitants des îles Malouines, où plusieurs milliers d’habitants sont des descendants d’Européens blancs, aux fins de préserver la sécurité de ses bases, bien qu’elles accueillent d’importantes installations militaires. Il n’a pas non plus mis tout en œuvre pour priver les habitants de leurs droits humains. En réalité, le gouvernement britannique a explicitement étendu l’application de la Convention européenne des droits de l’homme aux personnes vivant à proximité de ses bases à Chypre et permet aux insulaires de saisir la Cour européenne des droits de l’homme.
Votre rapport indique que les États-Unis sont complices de crimes contre l’humanité, mais d’après ce que vous me dites, il semble que ce soit avant tout un problème britannique ?
Les États-Unis et le Royaume-Uni sont conjointement responsables du déplacement forcé des Chagossiens. Ce sont les États-Unis qui ont voulu établir une base sur Diego Garcia et les deux pays ont planifié le déplacement forcé de la population. En examinant certaines des notes secrètes qui ont été rendues publiques, on peut voir que les États-Unis ont accepté leur part de responsabilité dans le déplacement. Depuis le moment où la décision a été prise jusqu’à ce jour, le Royaume-Uni et les États-Unis ont travaillé main dans la main. Cela fait plusieurs années que les États-Unis ont tendance à tergiverser lorsque la question est soulevée ; pourtant, d’après les quelques informations qui ont été divulguées, les États-Unis semblent s’opposer au retour des Chagossiens sur les îles Chagos, en particulier sur l’île de Diego Garcia. Les gouvernements des Etats-Unis et du Royaume-Uni devraient accorder des réparations complètes aux Chagossiens pour les décennies de souffrance et de tourment provoquées par leurs actes.
Le Royaume-Uni et Maurice sont actuellement en discussion sur la souveraineté des îles Chagos. Dans quelle mesure espérez-vous que ce rapport puisse avoir une influence sur ces négociations ?
Il est important que le peuple chagossien fasse partie de ce processus. Après avoir été ignorés et malmenés pendant des décennies, il est tout à fait justifié que les Chagossiens trouvent une place centrale dans toute négociation portant sur l’avenir de leurs îles. Cela permettrait de fonder les négociations sur les droits humains.
Nous voulons également avoir la garantie que le peuple chagossien recevra des réparations ; qu’il aura le droit de retourner sur les îles s’il le souhaite ; que les îles seront restaurées afin qu’il puisse y vivre dans la dignité et qu’il recevra une indemnisation pour les mauvais traitements et les abus qu’il a subis en raison des actes des gouvernements états-unien et britannique.
Et enfin, quelle réponse aimeriez-vous voir de la part des gouvernements britannique et américain ?
Nous aimerions qu’ils assument la responsabilité de ce qu’ils ont fait, et de ce qu’ils continuent de faire, envers le peuple chagossien. Depuis des années, les ministres et les autorités britanniques affirment que le traitement des Chagossiens était honteux ou inapproprié, comme si c’était un crime qui remontait à un temps lointain. Ce sont des crimes qui ont lieu aujourd’hui, et ils doivent des réparations aux Chagossiens. Ces derniers devraient avoir le droit de décider s’ils souhaitent retourner ou non sur la terre qui leur a été volée et de recevoir une compensation financière complète pour les préjudices qu’ils ont subis. Ce crime devrait être reconnu comme le crime colonial qu’il est, et le gouvernement britannique doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour s’assurer que rien de tel ne se reproduira à l’avenir.
Seymour Hersh est un célèbre journaliste d’investigation aux États-Unis. Il est spécialisé dans les affaires militaires américaines et les services secrets, notamment pour The New Yorker et le New York Times. Il est à l’origine de nombreuses révélations, comme les actes de torture à Abou Ghraïb en Irak, ou encore le massacre de Mỹ Lai au Viêt Nam, révélation pour laquelle il a obtenu la haute distinction du prix Pulitzer.
« Le New York Times l’a qualifiée de » mystère « , mais les États-Unis ont exécuté une opération maritime clandestine qui a été gardée secrète – jusqu’à maintenant. »
Le centre de plongée et de sauvetage de la marine américaine se trouve dans un endroit aussi obscur que son nom, sur ce qui était autrefois un chemin de campagne dans la ville rurale de Panama City, une station balnéaire en plein essor dans le sud-ouest de la Floride, à 70 miles au sud de la frontière de l’Alabama. Le complexe du centre est aussi indescriptible que son emplacement : une structure en béton terne datant de l’après-guerre qui ressemble à un lycée professionnel de la banlieue ouest de Chicago. Une laverie automatique et une école de danse se trouvent de l’autre côté de ce qui est maintenant une route à quatre voies.
Depuis des décennies, le centre forme des plongeurs en eaux profondes hautement qualifiés qui, après avoir été affectés à des unités militaires américaines dans le monde entier, sont capables d’effectuer des plongées techniques pour faire le bien – en utilisant des explosifs C4 pour débarrasser les ports et les plages des débris et des munitions non explosées – et le mal, comme faire sauter des plates-formes pétrolières étrangères, obstruer les valves d’admission des centrales électriques sous-marines, détruire les écluses des canaux de navigation essentiels. Le centre de Panama City, qui possède la deuxième plus grande piscine intérieure d’Amérique, était l’endroit idéal pour recruter les meilleurs, et les plus taciturnes, diplômés de l’école de plongée qui ont réussi l’été dernier à faire ce qu’ils avaient été autorisés à faire à 260 pieds sous la surface de la mer Baltique.
En juin dernier, les plongeurs de la marine, opérant sous le couvert d’un exercice de l’OTAN de mi-été largement médiatisé, connu sous le nom de BALTOPS 22, ont placé les explosifs déclenchés à distance qui, trois mois plus tard, ont détruit trois des quatre pipelines de Nord Stream, selon une source ayant une connaissance directe de la planification opérationnelle.
Deux de ces gazoducs, connus sous le nom de Nord Stream 1, approvisionnaient depuis plus de dix ans l’Allemagne et une grande partie de l’Europe occidentale en gaz naturel russe bon marché. Une deuxième paire de gazoducs, appelée Nord Stream 2, avait été construite mais n’était pas encore opérationnelle. Aujourd’hui, alors que les troupes russes se massent à la frontière ukrainienne et que la guerre la plus sanglante en Europe depuis 1945 est imminente, le président Joseph Biden a vu dans ces gazoducs un moyen pour Vladimir Poutine de mettre le gaz naturel au service de ses ambitions politiques et territoriales.
Interrogée pour un commentaire, Adrienne Watson, une porte-parole de la Maison Blanche, a déclaré dans un courriel : « C’est faux et complètement fictif. » Tammy Thorp, une porte-parole de la Central Intelligence Agency, a également écrit : « Cette affirmation est complètement et totalement fausse. »
La décision de Biden de saboter les pipelines est intervenue après plus de neuf mois de débats très secrets au sein de la communauté de sécurité nationale de Washington sur la meilleure façon d’atteindre cet objectif. Pendant la majeure partie de cette période, la question n’était pas de savoir s’il fallait effectuer la mission, mais comment l’effectuer sans que l’on sache ouvertement qui était responsable.
Il y avait une raison bureaucratique essentielle pour s’appuyer sur les diplômés de l’école de plongée du centre à Panama City. Les plongeurs n’appartenaient qu’à la marine et n’étaient pas membres du Commandement des opérations spéciales des États-Unis, dont les opérations secrètes doivent être signalées au Congrès et faire l’objet d’un compte rendu préalable aux dirigeants du Sénat et de la Chambre des représentants – le fameux « Gang des Huit ». L’administration Biden faisait tout son possible pour éviter les fuites alors que la planification se déroulait à la fin de 2021 et dans les premiers mois de 2022.
Le président Biden et son équipe de politique étrangère – le Conseiller à la sécurité nationale Jake Sullivan, le Secrétaire d’État Tony Blinken et Victoria Nuland, sous-secrétaire d’État pour les affaires politiques – avaient exprimé haut et fort leur hostilité aux deux oléoducs, qui s’étendaient côte à côte sur 750 miles sous la mer Baltique depuis deux ports différents dans le nord-est de la Russie, près de la frontière estonienne, passant près de l’île danoise de Bornholm avant de se terminer dans le nord de l’Allemagne.
Cette route directe, qui évitait tout transit par l’Ukraine, avait été une bénédiction pour l’économie allemande, qui bénéficiait d’une abondance de gaz naturel russe bon marché – suffisamment pour faire tourner ses usines et chauffer ses maisons, tout en permettant aux distributeurs allemands de vendre le gaz excédentaire, avec un bénéfice, dans toute l’Europe occidentale. Une action qui pourrait être attribuée à l’administration violerait les promesses américaines de minimiser le conflit direct avec la Russie. Le secret est essentiel.
Dès ses premiers jours, Nord Stream 1 a été considéré par Washington et ses partenaires anti-russes de l’OTAN comme une menace pour la domination occidentale. La société holding à l’origine du projet, Nord Stream AG, a été constituée en Suisse en 2005 en partenariat avec Gazprom, une société russe cotée en bourse qui génère d’énormes profits pour ses actionnaires et qui est dominée par des oligarques connus pour être sous l’emprise de Poutine. Gazprom contrôlait 51 % de la société, quatre entreprises européennes du secteur de l’énergie – une en France, une aux Pays-Bas et deux en Allemagne – se partageant les 49 % d’actions restantes et ayant le droit de contrôler les ventes en aval du gaz naturel bon marché aux distributeurs locaux en Allemagne et en Europe occidentale. Les bénéfices de Gazprom étaient partagés avec le gouvernement russe, et les recettes publiques tirées du gaz et du pétrole étaient estimées certaines années à 45 % du budget annuel de la Russie.
Les craintes politiques de l’Amérique étaient réelles : Poutine disposerait désormais d’une source de revenus supplémentaire et indispensable, et l’Allemagne et le reste de l’Europe occidentale deviendraient dépendants du gaz naturel à faible coût fourni par la Russie – tout en diminuant la dépendance européenne vis-à-vis de l’Amérique. En fait, c’est exactement ce qui s’est passé. De nombreux Allemands ont vu Nord Stream 1 comme faisant partie de la délivrance de la célèbre théorie de l’Ostpolitik de l’ancien chancelier Willy Brandt, qui permettrait à l’Allemagne d’après-guerre de se réhabiliter, ainsi que d’autres nations européennes détruites pendant la Seconde Guerre mondiale, en utilisant, entre autres initiatives, le gaz russe bon marché pour alimenter un marché et une économie commerciale prospères en Europe occidentale.
Nord Stream 1 était suffisamment dangereux, selon l’OTAN et Washington, mais Nord Stream 2, dont la construction s’est achevée en septembre 2021, doublerait, s’il est approuvé par les régulateurs allemands, la quantité de gaz bon marché qui serait disponible pour l’Allemagne et l’Europe occidentale. Le deuxième gazoduc fournirait également suffisamment de gaz pour plus de 50 % de la consommation annuelle de l’Allemagne. Les tensions ne cessent de croître entre la Russie et l’OTAN, soutenues par la politique étrangère agressive de l’administration Biden.
L’opposition à Nord Stream 2 a éclaté à la veille de l’investiture de Biden en janvier 2021, lorsque les républicains du Sénat, menés par Ted Cruz du Texas, ont soulevé à plusieurs reprises la menace politique du gaz naturel russe bon marché lors de l’audition de confirmation de Blinken comme secrétaire d’État. À ce moment-là, un Sénat unifié avait réussi à faire passer une loi qui, comme Cruz l’a dit à Blinken, « a stoppé [le gazoduc] dans son élan ». Il y aurait une énorme pression politique et économique de la part du gouvernement allemand, alors dirigé par Angela Merkel, pour que le deuxième pipeline soit mis en ligne.
Biden tiendra-t-il tête aux Allemands ? Blinken a répondu par l’affirmative, mais a ajouté qu’il n’avait pas discuté des spécificités du point de vue du futur président. « Je sais qu’il est fermement convaincu que c’est une mauvaise idée, le Nord Stream 2 », a-t-il déclaré. « Je sais qu’il voudrait que nous utilisions tous les outils de persuasion dont nous disposons pour convaincre nos amis et partenaires, y compris l’Allemagne, de ne pas aller de l’avant avec ce projet. »
Quelques mois plus tard, alors que la construction du second gazoduc touchait à sa fin, Biden a cédé. En mai, dans un revirement étonnant, l’administration a renoncé aux sanctions contre Nord Stream AG, un responsable du département d’État concédant que tenter d’arrêter le gazoduc par le biais de sanctions et de la diplomatie avait « toujours été un long chemin ». En coulisses, des responsables de l’administration auraient exhorté le président ukrainien Volodymyr Zelensky, alors menacé d’invasion par la Russie, à ne pas critiquer cette décision.
Les conséquences ont été immédiates. Les républicains du Sénat, menés par Cruz, ont annoncé un blocage immédiat de tous les candidats de Biden à la politique étrangère et ont retardé l’adoption du projet de loi annuel sur la défense pendant des mois, jusqu’à l’automne. Politico décrivit plus tard la volte-face de Biden sur le deuxième oléoduc russe comme « la seule décision, sans doute plus que le retrait militaire chaotique d’Afghanistan, qui a mis en péril l’agenda de Biden ».
L’administration était en difficulté, malgré un sursis dans la crise à la mi-novembre, lorsque les régulateurs allemands de l’énergie ont suspendu l’approbation du deuxième gazoduc Nord Stream. Les prix du gaz naturel ont grimpé de 8 % en quelques jours, alors que l’Allemagne et l’Europe craignaient de plus en plus que la suspension du gazoduc et la possibilité croissante d’une guerre entre la Russie et l’Ukraine n’entraînent un hiver froid très peu souhaité. La position d’Olaf Scholz, le nouveau chancelier allemand, n’était pas claire pour Washington. Quelques mois plus tôt, après la chute de l’Afghanistan, Scholz avait publiquement soutenu l’appel du président français Emmanuel Macron en faveur d’une politique étrangère européenne plus autonome dans un discours prononcé à Prague – suggérant clairement une moindre dépendance à l’égard de Washington et de ses actions critiques.
Pendant tout ce temps, les troupes russes se sont régulièrement et sinistrement renforcées aux frontières de l’Ukraine et, fin décembre, plus de 100 000 soldats étaient en position de frapper depuis le Belarus et la Crimée. L’inquiétude grandit à Washington, et Blinken estime que ces effectifs pourraient être « doublés en peu de temps ».
L’attention de l’administration s’est à nouveau portée sur Nord Stream. Tant que l’Europe resterait dépendante de ce gazoduc pour obtenir du gaz naturel bon marché, Washington craignait que des pays comme l’Allemagne soient réticents à fournir à l’Ukraine l’argent et les armes dont elle avait besoin pour vaincre la Russie.
C’est dans ce moment d’incertitude que Biden a autorisé Jake Sullivan à réunir un groupe inter-agences pour élaborer un plan.
Toutes les options devaient être mises sur la table. Mais une seule allait émerger.
PLANIFICATION
En décembre 2021, deux mois avant que les premiers chars russes n’entrent en Ukraine, Jake Sullivan a convoqué une réunion d’un groupe de travail nouvellement formé – des hommes et des femmes des chefs d’état-major interarmées, de la CIA, du département d’État et du département du Trésor – et a demandé des recommandations sur la façon de répondre à l’invasion imminente de Poutine.
Ce serait la première d’une série de réunions top secrètes, dans une salle sécurisée au dernier étage de l’Old Executive Office Building, adjacent à la Maison Blanche, qui était également le siège du President’s Foreign Intelligence Advisory Board (PFIAB). Il y a eu les habituels échanges d’idées qui ont finalement abouti à une question préliminaire cruciale : La recommandation transmise par le groupe au président serait elle réversible – par exemple, une nouvelle série de sanctions et de restrictions monétaires – ou irréversible – c’est-à-dire des actions cinétiques irréversibles ?
Ce qui est devenu clair pour les participants, selon la source ayant une connaissance directe du processus, c’est que M. Sullivan avait l’intention que le groupe élabore un plan pour la destruction des deux pipelines Nord Stream – et qu’il répondait aux souhaits du président.
Au cours des réunions suivantes, les participants ont débattu des options d’attaque. La marine propose d’utiliser un sous-marin récemment mis en service pour attaquer directement l’oléoduc. L’armée de l’air envisage de larguer des bombes à retardement qui pourraient être déclenchées à distance. La CIA a fait valoir que, quelle que soit la solution retenue, elle devait être secrète. Toutes les personnes impliquées comprennent les enjeux. « Ce n’est pas une affaire de gamins », a déclaré la source. Si l’attaque pouvait être attribuée aux États-Unis, « c’était un acte de guerre ».
À l’époque, la CIA était dirigée par William Burns, un ancien ambassadeur en Russie aux manières douces qui avait occupé le poste de secrétaire d’État adjoint dans l’administration Obama. Burns a rapidement autorisé un groupe de travail de l’Agence dont les membres ad hoc comprenaient – par hasard – quelqu’un qui connaissait les capacités des plongeurs en eaux profondes de la Marine à Panama City. Au cours des semaines suivantes, les membres du groupe de travail de la CIA ont commencé à élaborer un plan pour une opération secrète qui utiliserait des plongeurs en eaux profondes pour déclencher une explosion le long du pipeline.
Un tel projet avait déjà été réalisé auparavant. En 1971, les services de renseignements américains ont appris de sources encore non divulguées que deux unités importantes de la marine russe communiquaient par le biais d’un câble sous-marin enfoui dans la mer d’Okhotsk, sur la côte extrême-orientale de la Russie. Le câble reliait un commandement régional de la marine au quartier général continental de Vladivostok.
Une équipe triée sur le volet, composée d’agents de la Central Intelligence Agency et de la National Security Agency, a été réunie quelque part dans la région de Washington, à l’abri des regards, et a élaboré un plan, à l’aide de plongeurs de la marine, de sous-marins modifiés et d’un véhicule de sauvetage en haute mer, qui a permis, après de nombreux essais et erreurs, de localiser le câble russe. Les plongeurs ont placé un dispositif d’écoute sophistiqué sur le câble qui a réussi à intercepter le trafic russe et à l’enregistrer sur un système d’enregistrement.
La NSA a appris que des officiers supérieurs de la marine russe, convaincus de la sécurité de leur lien de communication, discutaient avec leurs pairs sans cryptage. Le dispositif d’enregistrement et sa bande devaient être remplacés tous les mois et le projet s’est poursuivi allègrement pendant une décennie jusqu’à ce qu’il soit compromis par un technicien civil de la NSA âgé de quarante-quatre ans, Ronald Pelton, qui parlait couramment le russe. Pelton a été trahi par un transfuge russe en 1985 et condamné à la prison. Les Russes ne lui ont versé que 5 000 dollars pour ses révélations sur l’opération, ainsi que 35 000 dollars pour d’autres données opérationnelles russes qu’il a fournies et qui n’ont jamais été rendues publiques.
Ce succès sous-marin, dont le nom de code était Ivy Bells, était novateur et risqué, et a permis d’obtenir des renseignements inestimables sur les intentions et la planification de la marine russe.
Pourtant, le groupe inter-agences était initialement sceptique quant à l’enthousiasme de la CIA pour une attaque secrète en haute mer. Il y avait trop de questions sans réponse. Les eaux de la mer Baltique sont fortement patrouillées par la marine russe et il n’y a pas de plates-formes pétrolières qui pourraient servir de couverture à une opération de plongée. Les plongeurs devraient ils se rendre en Estonie, juste de l’autre côté de la frontière avec les quais de chargement de gaz naturel de la Russie, pour s’entraîner en vue de la mission ? « Ce serait un coup de chèvre », a-t-on dit à l’Agence.
Tout au long de « toutes ces manigances », a déclaré la source, « certains collaborateurs de la CIA et du département d’État disaient : « Ne faites pas ça. C’est stupide et ce sera un cauchemar politique si ça se sait ».
Néanmoins, au début de 2022, le groupe de travail de la CIA a fait un rapport au groupe inter-agences de Sullivan : « Nous avons un moyen de faire sauter les pipelines. »
La suite a été stupéfiante. Le 7 février, moins de trois semaines avant l’invasion apparemment inévitable de l’Ukraine par la Russie, Biden a rencontré dans son bureau de la Maison Blanche le chancelier allemand Olaf Scholz, qui, après quelques hésitations, était maintenant fermement dans l’équipe américaine. Lors du point de presse qui a suivi, M. Biden a déclaré de manière provocante : « Si la Russie envahit l’Ukraine, il n’y aura plus de Nord Stream 2. Nous y mettrons fin ».
Vingt jours plus tôt, le sous-secrétaire Nuland avait délivré essentiellement le même message lors d’un point de presse du département d’État, avec une faible couverture médiatique. « Je veux être très claire avec vous aujourd’hui », a-t-elle déclaré en réponse à une question. « Si la Russie envahit l’Ukraine, d’une manière ou d’une autre, Nord Stream 2 n’ira pas de l’avant ».
Plusieurs des personnes impliquées dans la planification de la mission du gazoduc ont été consternées par ce qu’elles considèrent comme des références indirectes à l’attaque.
« C’était comme mettre une bombe atomique au sol à Tokyo et dire aux Japonais que nous allons la faire exploser », a déclaré la source. « Le plan prévoyait que les options soient exécutées après l’invasion et ne soient pas annoncées publiquement. Biden ne l’a tout simplement pas compris ou l’a ignoré. »
L’indiscrétion de Biden et de Nuland, s’il s’agit bien de cela, a pu frustrer certains des planificateurs. Mais elle a également créé une opportunité. Selon la source, certains hauts responsables de la CIA ont déterminé que faire sauter le gazoduc « ne pouvait plus être considéré comme une option secrète parce que le président venait d’annoncer que nous savions comment le faire. »
Le projet de faire sauter Nord Stream 1 et 2 a soudainement été déclassé d’une opération secrète nécessitant que le Congrès soit informé à une opération considérée comme une opération de renseignement hautement classifiée avec le soutien de l’armée américaine. Selon la loi, explique la source, « il n’y avait plus d’obligation légale de signaler l’opération au Congrès. Ils n’avaient plus qu’à la faire, mais elle devait rester secrète. Les Russes ont une surveillance superlative de la mer Baltique. »
Les membres du groupe de travail de l’Agence n’avaient pas de contact direct avec la Maison Blanche, et étaient impatients de savoir si le président pensait ce qu’il avait dit – c’est-à-dire si la mission était maintenant lancée. La source se souvient : « Bill Burns revient et dit : ‘Fais-le' ».
L’OPÉRATION
La Norvège était l’endroit idéal pour la mission.
Au cours de ces dernières années de crise Est-Ouest, l’armée américaine a largement étendu sa présence à l’intérieur de la Norvège, dont la frontière occidentale s’étend sur 1 400 miles le long de l’océan Atlantique Nord et se confond avec la Russie au-dessus du cercle polaire. Le Pentagone a créé des emplois et des contrats bien rémunérés, au milieu de quelques controverses locales, en investissant des centaines de millions de dollars pour moderniser et agrandir les installations de la marine et de l’armée de l’air américaines en Norvège. Les nouveaux travaux comprenaient, surtout, un radar à ouverture synthétique avancé, situé très au nord, capable de pénétrer profondément en Russie et mis en ligne juste au moment où la communauté du renseignement américaine perdait l’accès à une série de sites d’écoute à longue portée en Chine.
Une base de sous-marins américains récemment remise à neuf, qui était en construction depuis des années, est devenue opérationnelle et davantage de sous-marins américains sont désormais en mesure de travailler en étroite collaboration avec leurs collègues norvégiens pour surveiller et espionner une importante redoute nucléaire russe située à 250 miles à l’est, sur la péninsule de Kola. Les États-Unis ont également agrandi considérablement une base aérienne norvégienne dans le nord du pays et livré à l’armée de l’air norvégienne une flotte d’avions de patrouille P8 Poseidon construits par Boeing pour renforcer son espionnage à longue portée de tout ce qui concerne la Russie.
En retour, le gouvernement norvégien a provoqué la colère des libéraux et de certains modérés de son parlement en novembre dernier en adoptant l’Accord complémentaire de coopération en matière de défense (SDCA). En vertu de ce nouvel accord, le système juridique américain serait compétent dans certaines « zones convenues » du Nord pour les soldats américains accusés de crimes en dehors de la base, ainsi que pour les citoyens norvégiens accusés ou soupçonnés d’interférer avec le travail de la base.
La Norvège a été l’un des premiers signataires du traité de l’OTAN en 1949, au début de la guerre froide. Aujourd’hui, le commandant suprême de l’OTAN est Jens Stoltenberg, un anticommuniste convaincu, qui a été premier ministre de Norvège pendant huit ans avant d’accéder à son haut poste à l’OTAN, avec le soutien des États-Unis, en 2014. C’est un partisan de la ligne dure sur tout ce qui concerne Poutine et la Russie, qui a coopéré avec les services de renseignement américains depuis la guerre du Vietnam. Depuis, on lui fait entièrement confiance. « Il est le gant qui va à la main américaine », a déclaré la source.
De retour à Washington, les planificateurs savaient qu’ils devaient aller en Norvège. « Ils détestaient les Russes et la marine norvégienne regorgeait d’excellents marins et plongeurs qui avaient une expérience de plusieurs générations dans l’exploration très rentable du pétrole et du gaz en haute mer », a déclaré la source. On pouvait également leur faire confiance pour garder la mission secrète. (Les Norvégiens peuvent avoir eu d’autres intérêts également. La destruction de Nord Stream – si les Américains y parvenaient – permettrait à la Norvège de vendre beaucoup plus de son propre gaz naturel à l’Europe).
Au mois de mars, quelques membres de l’équipe se sont rendus en Norvège pour rencontrer les services secrets et la marine norvégiens. L’une des questions clés était de savoir où exactement dans la mer Baltique se trouvait le meilleur endroit pour placer les explosifs. Nord Stream 1 et 2, avec chacun deux ensembles de pipelines, étaient séparés d’un peu plus d’un kilomètre sur la majeure partie du trajet, alors qu’ils se dirigeaient vers le port de Greifswald, à l’extrême nord-est de l’Allemagne.
La marine norvégienne a rapidement trouvé le bon endroit, dans les eaux peu profondes de la mer Baltique, à quelques kilomètres de l’île danoise de Bornholm. Les pipelines sont distants de plus d’un kilomètre le long d’un plancher océanique qui n’a que 260 pieds de profondeur. Les plongeurs, qui opéraient à partir d’un chasseur de mines norvégien de classe Alta, plongeaient avec un mélange d’oxygène, d’azote et d’hélium sortant de leurs bouteilles et plaçaient des charges de C4 sur les quatre pipelines avec des couvercles de protection en béton. Ce serait un travail fastidieux, long et dangereux, mais les eaux au large de Bornholm avaient un autre avantage : il n’y avait pas de grands courants de marée, qui auraient rendu la tâche de la plongée beaucoup plus difficile.
Après quelques recherches, les Américains sont d’accord.
C’est à ce moment-là que l’obscur groupe de plongée profonde de la marine à Panama City entre à nouveau en jeu. Les écoles de plongée profonde de Panama City, dont les stagiaires ont participé à l’Ivy Bells, sont considérées comme une zone secondaire indésirable par les diplômés d’élite de l’Académie navale d’Annapolis, qui recherchent généralement la gloire d’être affectés comme phoques, pilotes de chasse ou sous-mariniers. Si l’on doit devenir un « soulier noir » – c’est-à-dire un membre du commandement moins désirable des navires de surface – il y a toujours au moins une affectation sur un destroyer, un croiseur ou un navire amphibie. La guerre des mines est la moins glamour de toutes. Ses plongeurs n’apparaissent jamais dans les films d’Hollywood, ni sur la couverture des magazines populaires.
« Les meilleurs plongeurs qualifiés pour la plongée profonde forment une communauté restreinte, et seuls les meilleurs sont recrutés pour l’opération et on leur dit de se préparer à être convoqués à la CIA à Washington », a déclaré la source.
Les Norvégiens et les Américains disposaient d’un lieu et d’agents, mais il y avait une autre préoccupation : toute activité sous-marine inhabituelle dans les eaux de Bornholm pouvait attirer l’attention des marines suédoise et danoise, qui pouvaient la signaler.
Le Danemark avait également été l’un des premiers signataires de l’OTAN et était connu dans la communauté du renseignement pour ses liens particuliers avec le Royaume-Uni. La Suède avait demandé à adhérer à l’OTAN et avait fait preuve d’une grande habileté dans la gestion de ses systèmes de capteurs sonores et magnétiques sous-marins qui permettaient de repérer avec succès les sous-marins russes qui surgissaient occasionnellement dans les eaux éloignées de l’archipel suédois et étaient forcés de remonter à la surface.
Les Norvégiens se sont joints aux Américains pour insister sur le fait que certains hauts fonctionnaires du Danemark et de la Suède devaient être informés en termes généraux des éventuelles activités de plongée dans la région. De cette façon, quelqu’un de plus haut placé pouvait intervenir et empêcher qu’un rapport ne soit transmis à la chaîne de commandement, isolant ainsi l’exploitation du pipeline. « Ce qu’on leur disait et ce qu’ils savaient étaient volontairement différents », m’a dit la source (l’ambassade de Norvège, invitée à commenter cette histoire, n’a pas répondu).
Les Norvégiens ont joué un rôle clé dans la résolution d’autres obstacles. La marine russe était connue pour posséder une technologie de surveillance capable de repérer et de déclencher des mines sous-marines. Les engins explosifs américains devaient être camouflés de manière à ce que le système russe les perçoive comme faisant partie du décor naturel, ce qui nécessitait une adaptation à la salinité spécifique de l’eau. Les Norvégiens avaient une solution.
Les Norvégiens avaient également une solution à la question cruciale du moment où l’opération devait avoir lieu. Chaque année, au mois de juin, depuis 21 ans, la Sixième flotte américaine, dont le navire amiral est basé à Gaeta, en Italie, au sud de Rome, parraine un exercice majeur de l’OTAN en mer Baltique, auquel participent de nombreux navires alliés dans toute la région. L’exercice actuel, qui a lieu en juin, serait connu sous le nom de Baltic Operations 22, ou BALTOPS 22. Les Norvégiens ont proposé que ce soit la couverture idéale pour poser les mines.
Les Américains ont apporté un élément essentiel : ils ont convaincu les planificateurs de la Sixième Flotte d’ajouter au programme un exercice de recherche et développement. L’exercice, tel que rendu public par la Marine, implique la Sixième Flotte en collaboration avec les « centres de recherche et de guerre » de la Marine. L’événement en mer se déroulerait au large de l’île de Bornholm et impliquerait des équipes de plongeurs de l’OTAN qui poseraient des mines, les équipes concurrentes utilisant les dernières technologies sous-marines pour les trouver et les détruire.
C’était à la fois un exercice utile et une couverture ingénieuse. Les gars de Panama City feraient leur travail et les explosifs C4 seraient en place à la fin de BALTOPS22, avec une minuterie de 48 heures. Tous les Américains et les Norvégiens seraient partis depuis longtemps à la première explosion.
Les jours défilaient. « L’horloge faisait tic-tac, et nous étions proches de la mission accomplie », a déclaré la source.
Et puis : Washington a changé d’avis. Les bombes seraient toujours placées pendant les BALTOPS, mais la Maison Blanche craignait qu’une fenêtre de deux jours pour leur détonation soit trop proche de la fin de l’exercice, et qu’il soit évident que l’Amérique avait été impliquée.
Au lieu de cela, la Maison Blanche a formulé une nouvelle demande : « Les gars sur le terrain peuvent-ils trouver un moyen de faire exploser les pipelines plus tard sur commande ? »
Certains membres de l’équipe de planification étaient furieux et frustrés par l’indécision apparente du président. Les plongeurs de Panama City s’étaient exercés à plusieurs reprises à placer le C4 sur les pipelines, comme ils l’auraient fait pendant les BALTOPS, mais l’équipe en Norvège devait maintenant trouver un moyen de donner à Biden ce qu’il voulait – la possibilité de donner un ordre d’exécution réussi au moment de son choix.
Se voir confier un changement arbitraire de dernière minute était une chose que la CIA avait l’habitude de gérer. Mais cela a également ravivé les inquiétudes de certains quant à la nécessité et à la légalité de l’ensemble de l’opération.
Les ordres secrets du président évoquent également le dilemme de la CIA à l’époque de la guerre du Viêt Nam, lorsque le président Johnson, confronté à un sentiment croissant contre la guerre du Viêt Nam, a ordonné à l’agence de violer sa charte – qui lui interdisait expressément d’opérer à l’intérieur des États-Unis – en espionnant les leaders anti-guerre pour déterminer s’ils étaient contrôlés par la Russie communiste.
L’Agence a fini par acquiescer et, tout au long des années 1970, il est apparu clairement jusqu’où elle était prête à aller. À la suite des scandales du Watergate, des journaux ont révélé que l’Agence espionnait des citoyens américains, qu’elle participait à l’assassinat de dirigeants étrangers et qu’elle sapait le gouvernement socialiste de Salvador Allende.
Ces révélations ont conduit à une série d’auditions dramatiques au milieu des années 1970 au Sénat, dirigées par Frank Church de l’Idaho, qui ont clairement montré que Richard Helms, le directeur de l’Agence à l’époque, acceptait l’obligation de faire ce que le président voulait, même si cela signifiait violer la loi.
Dans un témoignage inédit, à huis clos, Helms a expliqué avec regret que « vous avez presque une Immaculée Conception lorsque vous faites quelque chose » sous les ordres secrets d’un président. « Que ce soit bien que vous l’ayez, ou mal que vous l’ayez, [la CIA] travaille selon des règles et des règles de base différentes de celles de toute autre partie du gouvernement ». Il disait essentiellement aux sénateurs que lui, en tant que chef de la CIA, comprenait qu’il avait travaillé pour la Couronne, et non pour la Constitution.
Les Américains à l’œuvre en Norvège fonctionnaient selon la même dynamique et ont consciencieusement commencé à travailler sur le nouveau problème – comment faire détoner à distance les explosifs C4 sur l’ordre de Biden. Il s’agissait d’une mission beaucoup plus exigeante que ce que les gens de Washington avaient compris. L’équipe en Norvège n’avait aucun moyen de savoir quand le président appuierait sur le bouton. Serait-ce dans quelques semaines, dans plusieurs mois, dans six mois ou plus ?
Le C4 fixé aux pipelines serait déclenché par une bouée sonar larguée par un avion à brève échéance, mais la procédure fait appel à la technologie de traitement des signaux la plus avancée. Une fois en place, les dispositifs de temporisation fixés à l’un des quatre pipelines pourraient être déclenchés accidentellement par le mélange complexe de bruits de fond océaniques dans la mer Baltique, qui connaît un trafic intense : navires proches ou éloignés, forages sous-marins, événements sismiques, vagues et même créatures marines. Pour éviter cela, la bouée sonar, une fois en place, émettrait une séquence de sons uniques de basse fréquence, un peu comme ceux émis par une flûte ou un piano, qui seraient reconnus par le dispositif de chronométrage et déclencheraient les explosifs après un délai prédéfini. (« Vous voulez un signal qui soit suffisamment robuste pour qu’aucun autre signal ne puisse accidentellement envoyer une impulsion qui déclenche les explosifs », m’a dit le Dr Theodore Postol, professeur émérite de science, technologie et politique de sécurité nationale au MIT. M. Postol, qui a été conseiller scientifique du chef des opérations navales du Pentagone, a déclaré que le problème auquel le groupe en Norvège est confronté en raison du retard de M. Biden est une question de chance : « Plus les explosifs restent longtemps dans l’eau, plus il y a de risques qu’un signal aléatoire déclenche les bombes »).
Le 26 septembre 2022, un avion de surveillance P8 de la marine norvégienne a effectué un vol apparemment de routine et a largué une bouée sonar. Le signal s’est propagé sous l’eau, d’abord vers Nord Stream 2, puis vers Nord Stream 1. Quelques heures plus tard, les explosifs C4 de forte puissance ont été déclenchés et trois des quatre pipelines ont été mis hors service. En l’espace de quelques minutes, on a pu voir les mares de méthane qui restaient dans les pipelines fermés se répandre à la surface de l’eau et le monde a appris que quelque chose d’irréversible s’était produit.
LES RETOMBÉES
Immédiatement après l’explosion de l’oléoduc, les médias américains l’ont traitée comme un mystère non résolu. La Russie a été citée à plusieurs reprises comme un coupable probable, encouragée par des fuites calculées en provenance de la Maison Blanche, mais sans jamais établir un motif clair pour un tel acte d’auto-sabotage, au-delà de la simple vengeance. Quelques mois plus tard, lorsqu’il est apparu que les autorités russes avaient discrètement obtenu des estimations du coût de la réparation des oléoducs, le New York Times a décrit cette nouvelle comme « compliquant les théories sur l’identité des auteurs » de l’attaque. Aucun grand journal américain n’a creusé les menaces antérieures de Biden et de la sous-secrétaire d’État Nuland contre les oléoducs.
Si la raison pour laquelle la Russie chercherait à détruire son propre oléoduc lucratif n’a jamais été claire, une justification plus révélatrice de l’action du président est venue du secrétaire d’État Blinken.
Interrogé lors d’une conférence de presse en septembre dernier sur les conséquences de l’aggravation de la crise énergétique en Europe occidentale, Blinken a décrit le moment comme potentiellement bon :
« C’est une occasion formidable de supprimer une fois pour toutes la dépendance à l’égard de l’énergie russe et donc de priver Vladimir Poutine de l’armement de l’énergie comme moyen de faire avancer ses desseins impériaux. C’est très significatif et cela offre une formidable opportunité stratégique pour les années à venir, mais en attendant, nous sommes déterminés à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour nous assurer que les conséquences de tout cela ne soient pas supportées par les citoyens de nos pays ou, d’ailleurs, du monde entier. »
Plus récemment, Victoria Nuland a exprimé sa satisfaction quant à la disparition du plus récent des pipelines. Témoignant lors d’une audition de la commission des affaires étrangères du Sénat fin janvier, elle a déclaré au sénateur Ted Cruz : « Comme vous, je suis, et je pense que l’administration est, très satisfaite de savoir que Nord Stream 2 est maintenant, comme vous aimez le dire, un morceau de métal au fond de la mer. »
La source avait une vision beaucoup plus proche de la réalité de la décision de Biden de saboter plus de 1500 miles de pipeline Gazprom à l’approche de l’hiver. « Eh bien », a-t-il dit en parlant du président, « je dois admettre que ce type a une paire de couilles. Il a dit qu’il allait le faire, et il l’a fait. »
Interrogé sur les raisons pour lesquelles il pense que les Russes n’ont pas réagi, il a répondu cyniquement : » Peut-être qu’ils veulent avoir la capacité de faire les mêmes choses que les États-Unis « .
« C’était une belle histoire de couverture », a-t-il poursuivi. « Derrière, il y avait une opération secrète qui plaçait des experts sur le terrain et des équipements qui fonctionnaient sur un signal secret.
« La seule faille était la décision de le faire ».
… prévient António Guterres, Secrétaire général de l’ONU devant l’Assemblée générale face à l’imminence du minuit apocalyptique.
« Nous entamons, dit-il, l’année 2023 face à une confluence de défis sans précédent. Les guerres s’éternisent. La crise climatique fait rage. L’extrême richesse et l’extrême pauvreté s’exacerbent. Le fossé entre les nantis et les démunis clive les sociétés, les pays et le monde entier. Des divisions géopolitiques abyssales sapent la solidarité et la confiance mondiales. Cette voie est sans issue. Il nous faut un changement de cap. La bonne nouvelle, c’est que nous savons comment remonter l’horloge, qu’il s’agisse du climat, des finances, du règlement des conflits, etc. Et nous savons que l’inertie nous coûtera beaucoup plus que l’action. Mais il nous manque la vision stratégique, la réflexion et l’engagement à long terme. »
Voici l’intégralité de ce grand discours du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, sur les priorités pour l’année 2023, présenté à l’Assemblée générale le lundi 6 février 2023, à New-York. Quelques phrases ou paragraphes sont ici mis en gras en raison de leur sens et de leur importance :
Avant de commencer, je voudrais faire part de ma profonde tristesse au sujet des tremblements de terre dévastateurs qui ont frappé la Türkiye et la Syrie. Je présente mes condoléances aux familles des victimes. Les Nations Unies se mobilisent pour soutenir la réponse d’urgence. Travaillons ensemble, en solidarité, pour aider tous ceux qui sont touchés par cette catastrophe, dont beaucoup avaient déjà un besoin urgent d’aide humanitaire.
Pendant mon mandat de Haut-Commissaire aux réfugiés, je suis allé plusieurs fois travailler dans cette région, et je n’oublierai jamais l’extraordinaire démonstration de générosité des habitants de la région. Il est temps pour nous tous de faire preuve de la même solidarité que celle dont j’ai été témoin dans la région à l’égard des réfugiés fuyant l’un des conflits les plus difficiles de notre époque.
Il y a un mois, nous sommes passés à une nouvelle année. Or, il y a quelques jours, une autre horloge a tourné, l’Horloge de l’apocalypse. Cette horloge symbolique a été créée il y a 75 ans par des scientifiques atomiques, dont Albert Einstein. Chaque année, les experts mesurent à quelle distance l’humanité se trouve de minuit, autrement dit, de son autodestruction. En 2023, ils ont fait le point sur l’état du monde: l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’emballement de la catastrophe climatique, la montée des menaces nucléaires, l’affaiblissement des normes et des institutions mondiales. Et leur conclusion est sans appel.
L’Horloge de l’apocalypse est maintenant à 90 secondes de minuit, soit d’une catastrophe mondiale totale. L’humanité n’a jamais été aussi près de son heure la plus sombre, même au plus fort de la guerre froide. En vérité, l’Horloge de l’apocalypse sonne l’alarme pour toute la planète. Il nous faut nous réveiller, et nous mettre au travail.
Nous entamons l’année 2023 face à une confluence de défis sans précédent. Les guerres s’éternisent. La crise climatique fait rage. L’extrême richesse et l’extrême pauvreté s’exacerbent. Le fossé entre les nantis et les démunis clive les sociétés, les pays et le monde entier. Des divisions géopolitiques abyssales sapent la solidarité et la confiance mondiales. Cette voie est sans issue. Il nous faut un changement de cap.
La bonne nouvelle, c’est que nous savons comment remonter l’horloge, qu’il s’agisse du climat, des finances, du règlement des conflits, etc. Et nous savons que l’inertie nous coûtera beaucoup plus que l’action. Mais il nous manque la vision stratégique, la réflexion et l’engagement à long terme. Les politiciens et les décideurs sont prisonniers de ce que j’appelle une préférence pour l’instant présent. Dans la vie politique et économique, il y a un parti pris pour le court terme. Le prochain sondage. La prochaine manœuvre politique pour s’accrocher au pouvoir. Ou encore le prochain cycle économique, voire le cours de l’action du lendemain. L’avenir, c’est le problème de quelqu’un d’autre.
Ce raisonnement à court terme n’est pas seulement extrêmement irresponsable, il est immoral. Et voué à l’échec. Car les problèmes que nous connaissons aujourd’hui, ici et maintenant, en deviennent plus insolubles, plus clivants et plus dangereux. Nous devons changer l’état d’esprit des processus décisionnels.
Mon message aujourd’hui se résume à ceci: ne vous limitez pas uniquement à ce qui peut vous arriver aujourd’hui, pour tergiverser. Regardez ce qui nous arrivera à tous et à toutes demain, et agissez. Nous avons l’obligation d’agir, en profondeur et de manière systémique. Après tout, le monde n’évolue pas de façon incrémentale. Ni la technologie. Ni la destruction du climat. Nous ne pouvons pas agir de façon incrémentale. L’heure n’est pas aux petites retouches. L’heure est à la transformation. Une transformation ancrée dans tout ce qui inspire notre action, à commencer par la Charte des Nations Unies et la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Cette année marque le soixante-quinzième anniversaire de la Déclaration, l’expression de notre devoir collectif de défendre et d’exalter notre humanité commune. C’était un projet osé, ambitieux et audacieux. Nous devons nous inspirer de son esprit et de sa substance. Il nous est rappelé dans la Déclaration que « la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde ».
Lorsque je regarde les droits humains dans leur sens le plus large, dans le contexte du XXIe siècle, je vois la marche à suivre pour sortir de l’impasse. Premièrement: le droit à la paix. L’invasion de l’Ukraine par la Russie inflige des souffrances indicibles au peuple ukrainien et a de profondes répercussions mondiales.
Les perspectives de paix ne cessent de s’amenuiser. Les risques d’une nouvelle escalade et d’une effusion de sang ne cessent de croître. Je crains que le monde ne se laisse pas entraîner en aveugle dans une guerre plus grande. Il le fait les yeux grands ouverts. Le monde a besoin de paix. Une paix dans le respect de la Charte des Nations Unies et du droit international.
Nous devons œuvrer davantage pour la paix partout dans le monde. En Palestine et en Israël, où la solution des deux États s’éloigne de jour en jour. En Afghanistan, où les droits des femmes et des filles sont bafoués et où les attentats terroristes meurtriers se poursuivent. Au Sahel, où la sécurité se détériore à un rythme alarmant. Au Myanmar, qui connaît de nouvelles vagues de violence et de répression. En Haïti, où la violence en bande organisée prend tout le pays en otage. Et ailleurs dans le monde, pour les deux milliards de personnes qui vivent dans des pays touchés par des conflits et des crises humanitaires.
Si chaque pays s’acquittait des obligations de la Charte, le droit à la paix serait garanti. Lorsque les pays ne respectent pas ces engagements, ils créent un monde d’insécurité pour toutes et tous. Il est temps que nous revoyions notre approche de la paix en nous engageant de nouveau à appliquer la Charte, en mettant les droits humains et la dignité humaine au premier plan, et la prévention au cœur de notre action. Pour ce faire, il faut envisager le continuum de la paix dans sa globalité, cerner les causes profondes des conflits et empêcher les graines de la guerre de germer. Une approche qui investisse dans la prévention pour éviter les conflits, se concentre sur la médiation, fait avancer la consolidation de la paix et comprend une participation beaucoup plus large des femmes et des jeunes.
Ce sont là des éléments fondamentaux du Nouvel Agenda pour la paix, que nous proposons pour redynamiser l’action multilatérale dans un monde en transition et dans une nouvelle ère de compétition géostratégique. Le Nouvel Agenda pour la paix doit chercher à faire face à toutes les menaces, anciennes et nouvelles, quels que soient la forme qu’elles prennent ou le domaine dans lequel elles s’exercent. Au moment même où les opérations de maintien de la paix des Nations Unies célèbrent leur 75e anniversaire, de nombreuses missions manquent de ressources et subissent des attaques, et il n’y a aucune paix à maintenir. Nous renforcerons notre engagement en faveur de la réforme moyennant l’initiative Action pour le maintien de la paix Plus.
Mais dans le cadre du Nouvel Agenda pour la paix, il faut reconnaître la nécessité d’une nouvelle génération de missions d’imposition de la paix et d’opérations antiterroristes, dirigées par des forces régionales, dotées d’un mandat du Conseil de sécurité établi en vertu du chapitre VII et bénéficiant d’un financement garanti et prévisible. L’Union africaine est à cet égard un partenaire évident.
Il est également temps de remettre le désarmement et la maîtrise des armements au centre des préoccupations – réduire les menaces stratégiques liées aux armes nucléaires et œuvrer à leur élimination définitive. Les pays dotés de l’arme nucléaire doivent renoncer au recours en premier à ces armes effroyables. En fait, ils doivent y renoncer tout court, à tout moment et en tout lieu. L’utilisation dite « tactique » des armes nucléaires est absurde. Nous courons le plus grand risque depuis des décennies qu’une guerre nucléaire soit déclenchée, par accident ou à dessein. Nous devons mettre fin à la menace que font peser les 13 000 armes nucléaires détenues dans les arsenaux du monde entier.
Et aucun Agenda pour la paix ne peut méconnaître les dangers que représentent les nouvelles technologies. Il faut prévoir des mesures telles que l’interdiction internationale des cyberattaques contre les infrastructures civiles et fixer des limites au niveau international pour les systèmes d’armes létaux autonomes. Il faut protéger à tout prix le pouvoir d’action humain. Le Nouvel Agenda pour la paix vise à tirer parti au maximum du pouvoir de rassemblement de l’Organisation des Nations Unies pour former de vastes coalitions et faciliter les efforts diplomatiques. L’Initiative céréalière de la mer Noire montre que cette approche peut donner des résultats, même en pleine guerre meurtrière.
La récente visite de la Vice-Secrétaire générale en Afghanistan et les consultations qu’elle a menées dans la région et ailleurs démontrent que nous chercherons à dégager un consensus autour des droits humains, même dans les situations les plus difficiles. Cette année, allons de l’avant ensemble en suivant des approches audacieuses et innovantes afin que l’Organisation puisse mieux tenir sa promesse de « préserver les générations futures du fléau de la guerre ».
Deuxièmement: les droits sociaux et économiques et le droit au développement. Soyons clairs. Quand la pauvreté et la faim s’aggravent dans le monde… Quand les pays en développement sont contraints de payer des coûts d’emprunt cinq fois plus élevés que les économies avancées… Quand les pays à revenu intermédiaire vulnérables se voient refuser un financement à des conditions concessionnelles et un allégement de la dette… Quand les 1% les plus riches ont accaparé près de la moitié de toutes les nouvelles richesses au cours des 10 dernières années… Quand les gens sont embauchés un jour et licenciés le lendemain, mais ne bénéficient d’aucune forme de protection sociale… Quand on voit toutes ces failles béantes et bien d’autres… De toute évidence, il y a quelque chose qui cloche dans notre système économique et financier.
L’architecture financière mondiale est au cœur du problème. Elle devrait être le moyen par lequel la mondialisation profite à toutes et à tous. Et pourtant, elle échoue. Il ne faut pas seulement faire évoluer l’architecture financière mondiale; il faut la transformer radicalement.
L’heure est venue pour un nouveau Bretton Woods. Un nouvel engagement, celui de placer les besoins extraordinaires des pays en développement au centre de chaque décision et de chaque mécanisme du système financier mondial. Une nouvelle détermination, celle de s’attaquer aux inégalités criantes et aux injustices effarantes mises à nu une fois de plus par la pandémie et la riposte. Une nouvelle volonté de faire en sorte que les pays en développement soient bien plus entendus dans les institutions financières mondiales. Et une nouvelle architecture de la dette qui englobe l’allégement et la restructuration de la dette des pays vulnérables, y compris les pays à revenu intermédiaire dans le besoin, tirant parti de l’impulsion donnée par le programme de Bridgetown.
Les banques multilatérales de développement en particulier doivent changer leur modèle de fonctionnement. Elles devraient multiplier leur impact en se servant massivement de leurs fonds pour attirer des flux de capitaux privés plus importants et donner les moyens aux pays en développement d’atteindre les Objectifs de développement durable. Cela implique d’augmenter les garanties et d’adopter des positions de première perte dans les coalitions d’institutions financières pour soutenir les pays en développement. Sans réforme en profondeur, les pays et les personnes les plus riches continueront à accumuler les richesses, ne laissant que des miettes aux populations et aux pays du Sud.
Nous attacher à mener à bien ces réformes systémiques, c’est aussi l’occasion pour nous de sauver les Objectifs de développement durable, d’abord à la Conférence sur les Pays les moins avancés qui se tiendra le mois prochain, puis au Sommet sur les objectifs de développement durable de septembre. Je ne vais pas mâcher mes mots: le Sommet sur les objectifs de développement durable sera LE moment phare de 2023. À mi-chemin de l’échéance de 2030, la distance qui reste à parcourir pour atteindre les objectifs de développement durable semble pourtant s’allonger. Les pays devraient venir au Sommet avec des objectifs clairs, pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion et faire avancer l’égalité des genres. Et le monde entier doit s’unir, dès maintenant, pour mobiliser des ressources.
Cela veut dire veiller de toute urgence à ce que les économies en développement disposent des liquidités nécessaires pour financer les investissements dans l’éducation de qualité, les soins de santé universels et la préparation aux pandémies, le travail décent et la protection sociale. Ces éléments constituent les bases saines d’un Nouveau contrat social fondé sur l’égalité des droits et l’égalité des chances pour toutes et tous, comme présenté dans mon rapport sur Notre Programme commun.
D’ici au Sommet sur les objectifs de développement durable, je demande instamment au G20 de s’entendre sur le plan de relance des ODD que j’ai proposé au Sommet du G20 de novembre dernier pour soutenir les pays du Sud. Bien que ces derniers jours les nouvelles concernant les économies nord-américaine, européenne et chinoise soient un peu meilleures, n’oublions pas les difficultés colossales auxquelles se heurtent les pays en développement et, de fait, les travailleuses et les travailleurs du monde entier. Je continuerai de faire pression pour une action immédiate et des réformes en profondeur, en mettant le pouvoir fédérateur de l’Organisation au service d’un véritable changement.
Le droit au développement est indissociable du droit à un environnement propre, sain et durable. Nous devons mettre un terme à la guerre implacable et insensée que nous menons sans merci contre la nature. Elle fait courir à notre monde un risque immédiat, celui de dépasser la limite du réchauffement climatique, fixée à 1,5 degré, et de se diriger vers une hausse mortelle des températures de 2,8 degrés.
Pendant ce temps, l’humanité détruit avec une violence inouïe la riche biodiversité qui l’entoure et cette destruction a des conséquences brutales, parfois irréversibles, pour les populations et la planète. Nos océans étouffent à cause de la pollution, des plastiques et des produits chimiques. Et une surconsommation vampirique draine l’élément vital de notre planète: l’eau. L’année 2023 est une année charnière. Elle doit être celle d’une action climatique qui change la donne. Il nous faut une révolution pour stopper la destruction. Finies les demi-mesures. Finies les excuses. Fini l’écoblanchiment. Finie la cupidité illimitée de l’industrie des combustibles fossiles et de ceux qui la font vivre.
Nous devons nous concentrer sur deux priorités urgentes: réduire les émissions et réaliser la justice climatique. Il faut réduire de moitié les émissions mondiales au cours de cette décennie. Cela signifie qu’il faut prendre des mesures beaucoup plus ambitieuses pour réduire la pollution par le carbone en accélérant le passage des combustibles fossiles aux énergies renouvelables – surtout dans les pays du G20 – et en décarbonant les secteurs industriels qui produisent le plus d’émissions: ceux de l’acier, du ciment, du transport maritime et de l’aviation.
Cela signifie concrétiser les partenariats en faveur d’une transition énergétique équitable avec l’Afrique du Sud, l’Indonésie et le Viet Nam. Cela signifie développer cette coopération grâce à un Pacte de solidarité climatique au titre duquel tous les grands émetteurs redoubleront d’efforts pour réduire leurs émissions et les pays les plus riches mobiliseront des ressources financières et techniques pour soutenir les économies émergentes dans le cadre d’une action commune visant à préserver l’objectif de 1,5 degré.
Cela signifie que les entreprises, les investisseurs et les villes doivent avoir des objectifs de réduction de leurs émissions plus ambitieux à l’horizon 2030, étayés par des mesures crédibles et immédiates; je parle ici d’émissions réelles et non de faux crédits carbone. Toutes les entreprises, villes, régions et institutions financières qui ont pris l’engagement d’atteindre l’objectif de zéro émission nette d’ici à 2050 devraient présenter leurs plans de transition d’ici septembre, assortis d’objectifs crédibles et ambitieux pour 2025 et 2030, qui soient conformes aux normes établies par mon Groupe d’experts de haut niveau.
J’ai un message particulier à l’intention des producteurs de combustibles fossiles et consorts qui se démènent pour accroître la production et engranger des bénéfices monstrueux: si vous ne pouvez pas vous engager de manière crédible sur la voie de la neutralité carbone et fixer des objectifs pour 2025 et 2030 qui couvrent toutes vos opérations, vous ne devriez pas être en activité. Votre produit principal est notre problème principal. Nous avons besoin d’une révolution des énergies renouvelables, pas d’une résurgence autodestructrice des combustibles fossiles.
L’action climatique est impossible sans un financement adéquat. Les pays développés savent ce qu’ils doivent faire: au minimum, respecter les engagements pris lors de la dernière COP; tenir la promesse de mobiliser 100 milliards de dollars en faveur des pays en développement; finir le travail commencé et mettre sur pied le fonds pour les pertes et les préjudices dont la création a été convenue à Charm el-Cheikh; doubler le financement de l’adaptation; réalimenter le Fonds vert pour le climat d’ici à la COP28; faire progresser les plans visant à mettre en place des systèmes d’alerte rapide de sorte que chaque personne sur terre soit protégée d’ici cinq ans; cesser de subventionner les combustibles fossiles et orienter les investissements vers les énergies renouvelables.
Avant la COP28, qui se tiendra en décembre, j’accueillerai en septembre le Sommet sur l’ambition climatique. L’invitation est lancée à tous les leaders, qu’il ou elle soit membre d’un gouvernement, chef d’entreprise, représentant ou représentante de la société civile. Mais il y a une condition: venez avec le projet d’accélérer l’action au cours de cette décennie et avec des plans renouvelés et ambitieux pour atteindre la neutralité carbone – ou bien, je vous en prie, ne venez pas. La COP28 sera l’occasion de dresser le tout premier Bilan mondial – un moment de vérité collective – et d’évaluer où nous en sommes et ce que nous devons faire au cours des cinq prochaines années pour atteindre les objectifs de Paris. Nous devons également donner vie au Cadre mondial de la biodiversité et établir clairement comment mobiliser des ressources suffisantes.
Quant aux gouvernements, ils doivent élaborer des plans concrets pour transformer les subventions qui sont nocives pour la nature en mesures d’incitation en faveur de la préservation de la nature et du développement durable. Agir en faveur des océans, cela veut dire conclure de nouveaux partenariats et faire davantage pour lutter contre la pollution marine, mettre fin à la surpêche, sauvegarder la biodiversité marine, et plus encore. Le Sommet consacré à l’eau, qui se tiendra en mars, doit déboucher sur un programme d’action audacieux en faveur de l’eau, témoignage du degré d’engagement accordé à cet élément vital pour notre planète. L’action climatique est la plus grande opportunité du XXIe siècle de faire progresser tous les Objectifs de développement durable. Le droit à un environnement propre, sain et durable est un droit que nous devons rendre réel pour toutes et tous.
Quatrièmement: le respect de la diversité et l’universalité des droits culturels. Quelle que soit notre origine, où que nous vivions, la culture est l’âme de l’humanité. Elle donne un sens à notre vie. L’universalité et la diversité sont essentielles aux droits culturels. Ces droits perdent tout leur sens si une culture ou un groupe est élevé au-dessus d’un autre. Mais qu’il s’agisse de destruction de sites funéraires sacrés, de conversions religieuses parrainées par l’État ou de programmes dits de rééducation, les droits culturels universels sont attaqués de toutes parts.
L’antisémitisme, le sectarisme antimusulman, la persécution des chrétiens, le racisme et l’idéologie suprématiste blanche sont en marche. Les minorités ethniques et religieuses, les réfugiés, les migrants, les populations autochtones et les membres de la communauté LGBTQI+ sont de plus en plus la cible de la haine, en ligne et hors ligne. Le fait de caricaturer la diversité comme une menace profite à de nombreuses personnes en position de pouvoir. Ils sèment la division et la haine, et utilisent les différences culturelles comme d’une arme. Les plateformes de réseaux sociaux utilisent des algorithmes qui amplifient les idées toxiques et banalisent les opinions extrémistes. Et les annonceurs financent ce modèle économique. Certaines plateformes tolèrent le discours de haine: le premier pas vers le crime de haine.
Le Programme de communication sur l’Holocauste et les Nations Unies et celui sur le génocide des Tutsis au Rwanda, ainsi que la Stratégie et le Plan d’action des Nations Unies pour la lutte contre les discours de haine, sont des exemples de notre engagement à protéger les droits culturels et la diversité dans le monde entier. Nous appelons à l’action toutes celles et ceux qui peuvent influer sur la diffusion de fausses informations et la désinformation sur Internet – gouvernements, autorités de contrôle, décideurs, entreprises technologiques, médias, société civile. Faites barrage à la haine. Installez de solides garde-fous. Soyez responsable de mots qui peuvent être destructeurs.
Dans le cadre de mon rapport sur Notre Programme commun, nous réunirons toutes les parties prenantes autour d’un Code de conduite portant sur l’intégrité de l’information sur les plateformes numériques. Nous nous pencherons également sur l’impact que la mésinformation et la désinformation ont sur de grandes questions d’ordre mondial, notamment la crise climatique.
Cinquièmement: le droit à la pleine égalité des genres. L’égalité des genres est à la fois un droit humain fondamental et une solution à certains des plus grands défis de notre monde. Et pourtant, la moitié de l’humanité est bridée par la violation des droits humains la plus répandue de notre époque. En Afghanistan, les femmes et les filles sont des exilées dans leur propre pays, bannies de la vie publique, et voient chaque aspect de leur vie contrôlé par les hommes. Comme l’a dit une jeune femme: « Nous sommes mortes, et pourtant vivantes. » En Iran, des femmes et des filles sont descendues dans la rue pour réclamer le respect des droits fondamentaux, au prix d’un lourd tribut personnel.
Si les exemples les plus extrêmes retiennent l’attention, la discrimination fondée sur le genre est mondiale, systématique, omniprésente – et elle entrave le développement de chaque pays. Les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes restent énormes, même dans les économies les plus avancées. Moins d’un quart des pays ont atteint la parité des genres dans l’enseignement secondaire supérieur. Au rythme actuel, il faudrait 286 ans pour que les femmes obtiennent le même statut juridique que les hommes partout. Et la situation ne fait qu’empirer.
Au niveau international, certains gouvernements s’opposent désormais à l’inclusion même d’une perspective de genre dans les négociations multilatérales. Nous assistons aussi à une intense remise en cause des droits des femmes et des filles. Les droits sexuels et reproductifs des femmes et leurs protections juridiques sont menacés. Je me retrouve souvent face à des panels exclusivement masculins –ou « manels »– sur des thèmes qui touchent aussi bien les femmes et les filles que les hommes et les garçons. Cette pratique doit être bannie. L’égalité des genres est une affaire de pouvoir. Le patriarcat, s’appuyant sur des millénaires de pouvoir, se réaffirme.
L’Organisation des Nations Unies s’y opposera et continuera de défendre les droits des femmes et des filles partout dans le monde. Dans ce cadre, j’ai demandé un examen indépendant de nos capacités en matière d’égalité des genres à travers tous les piliers de notre travail. Les conclusions et recommandations porteront sur les structures, le financement et le leadership, afin que nous puissions mieux servir les femmes du monde entier. Je redoublerai également d’efforts pour soutenir les mesures –y compris les quotas– visant à combler les écarts de représentation des femmes dans les élections, les conseils d’administration ou les négociations de paix. La Commission de la condition de la femme se concentrera sur les disparités fondées sur le genre dans le domaine des sciences et des technologies, qui exacerbent les énormes inégalités dans le monde numérique. Au sein de notre organisation, je préserverai et consoliderai les progrès réalisés dans les postes de haute direction et je développerai nos efforts à tous les niveaux.
Sixièmement: les droits civils et politiques comme fondement de sociétés inclusives. La liberté d’expression et la participation à la vie politique constituent l’essence même de la démocratie et renforcent les sociétés et les économies. Or, nombreuses sont les régions du monde où ces droits sont menacés, tandis que la démocratie recule. Sous couvert de pandémie de COVID-19, nous avons vu se développer une pandémie de violations des droits civils et politiques. Des lois répressives restreignent la liberté d’exprimer des opinions. Les nouvelles technologies fournissent bien souvent un alibi et des moyens de contrôler la liberté de réunion et même la liberté de circulation. Les militants des droits humains sont souvent harcelés, maltraités, mis en détention et pire encore. L’espace de la société civile se réduit sous nos yeux. Dans un nombre de croissant de pays, les médias sont en ligne de mire. L’année dernière, le nombre de journalistes et de professionnels des médias tués a grimpé de 50 pour cent. Beaucoup d’autres encore ont été harcelés, emprisonnés et torturés.
Pour contribuer à la réalisation de mon Appel à l’action en faveur des droits humains, nous nous employons à faire progresser les libertés fondamentales, à promouvoir une participation plus systématique de la société civile à tous nos travaux et à protéger l’espace civique dans le monde entier. Et nous renforçons notre soutien aux lois et politiques qui protègent les droits à la participation et à la liberté d’expression, y compris la liberté et l’indépendance des médias.
Enfin, nous devons prendre conscience que les menaces auxquelles nous sommes confrontés portent non seulement atteinte aux droits de nos contemporains, mais également aux droits des générations futures. Il s’agit là d’une responsabilité fondamentale – et d’un indicateur déterminant de bonne gouvernance. Pourtant, les générations futures sont trop souvent oubliées.
Le Sommet de l’avenir qui se tient l’an prochain doit placer ces droits au cœur de notre débat mondial: notamment faire la paix avec la nature; garantir un avenir numérique ouvert, libre et inclusif pour tous – avec un Pacte numérique mondial; éliminer les armes de destruction massive; et construire une gouvernance plus juste et plus inclusive. Et qui de mieux placés que les jeunes pour défendre cet avenir. Le nouveau Bureau des Nations Unies pour la jeunesse, qui sera opérationnel cette année, nous permettra d’accroître nos efforts en la matière.
Ce sera également l’occasion de renforcer l’action mondiale et de bâtir une Organisation des Nations Unies prête pour une nouvelle ère – une ONU plus créative, diverse, multilingue et plus proche des personnes que nous servons. Je me réjouis de pouvoir, lundi prochain, informer l’Assemblée générale plus en détail sur Notre Programme commun. Alors que nous évoquons les priorités pour cette année, il est essentiel d’appliquer une approche fondée sur les droits si nous voulons atteindre, à terme, notre priorité absolue: un monde plus sûr, plus pacifique et plus durable.
La Charte et la Déclaration universelle des droits de l’homme indiquent la voie à suivre pour sortir de l’impasse dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. Elles sont une source de solutions et une source d’espoir. Puisons dans cet espoir et agissons résolument avant qu’il ne soit trop tard. Le temps presse. Et chaque minute compte.
The myth of the « exceptionalism » of the United States, a messianic power with a universal democratic message, is becoming more and more like a moral and political train wreck.
Le texte en français en dessous.
In the United States, the Republican majority in the House of Representatives (one of the two houses of Parliament, along with the Senate) voted (218 to 211) to remove Congresswoman Ilhan Omar from the Foreign Affairs Committee. The grounds for removal include public accusations of politicization of the Intelligence Committee, security risks and years-old comments of an allegedly anti-Semitic nature. That’s all… but no further details.
The truth is that Ilhan Omar is being sanctioned and indicted in particular because of her very strong criticism of Israel’s policies. She had used the following words: « Israel has hypnotized the world » and added « May Allah wake people up and help them see the evils of Israel ». Ilhan Omar has apologized for some of the controversial phrases, but the accusation of anti-Semitism is clearly bogus. Ilhan Omar has voted in favor of parliamentary texts explicitly condemning anti-Semitism, and she stressed that « being opposed to Netanyahu and the occupation is not the same as being anti-Semitic ». She also stated that « drawing attention to the Israeli apartheid regime is a far cry from hating Jews.
We note that she got the support of Bernie Sanders (who is Jewish), and even Nancy Pelosi (former Speaker of the House of Representatives) who said: « I don’t think her intention was anti-Semitic ». Clearly, Ilhan Omar is being punished for her (legitimate) attacks on continued U.S. support for Israel, and certainly for her support of the BDS (boycott, divestment, sanctions) movement against Israeli policy.
Democrats also insist that Ilhan Omar’s expulsion from the Foreign Affairs Committee is the result of a « promise » made by Kevin McCarthy during his election campaign. McCarthy, elected from California, became Speaker of the House of Representatives. Before Ilhan Omar, he had already expelled two Democratic members from the same committee. It should be noted that his « promise » was made in retaliation for the expulsion of two far-right Republicans decided by the previous Democratic majority.
Finally, if Kevin McCarthy is putting all his energy into sanctioning a black American elected official, an ex-immigrant from Africa (of Somali origin), he has refused to sanction Lauren Boebert, elected official (by a narrow margin) from Colorado. Lauren Boebert is a right-wing ultra-conservative who, in her first term, fought to carry a gun in the Capitol and did not hesitate to heckle President Biden when he was talking about his dead son. What elegance…
Finally, Ilhan Omar has obtained the clear support of Jewish NGOs. According to the Israeli daily The Times of Israel (February 2, 2023) « …several Jewish groups, including the activist branch of the Reform movement, had denounced remarks made by McCarthy about Omar. The tone of the letter that was circulated last December was unusually combative for Jewish NGOs, and it suggested that McCarthy himself has flirted more with anti-Semitism than Omar has. As American Jewish organizations, we object to Kevin McCarthy’s pledge to strip Representative Ilhan Omar of her seat on the House Foreign Affairs Committee based on false accusations that she is anti-Semitic or anti-Israel, » the letter noted. « We ourselves may disagree with Congresswoman Omar’s views, but we categorically reject the notion that her political positions or statements of any kind warrant disqualification from serving on the committee.
Kevin McCarthy (perhaps a candidate and potential rival of Donald Trump for the November 2024 presidential election) is often presented as a politician who is less brutal and less vulgar than Trump, which in itself is not a great achievement… but it is clear that his hatred of Ilhan Omar places him in a less than stellar ideological category.
If we needed another demonstration of this radicalized drift of the right in the United States, a radicalization that can be found in many other configurations, in Israel, in Europe and elsewhere, we can recall the obsession of the Republican governor of the state of Florida, Ron DeSantis, who categorically refuses (but without explicit argument) the program (in a pilot phase) of African-American studies proposed to students in American high schools in order to improve their knowledge before university. The program covers history, including slavery and the Haitian revolution, as well as science, art, geography and politics, with contributions from prominent African Americans. Rejection of this program is considered discriminatory.
When Ilhan Omar appeared before the House of Representatives to explain herself and how she claims to « be an American »… the Republican representatives did not give her much of a chance. This is not a coincidence. Obviously, some people want to reject her not for what she says (or not), but for what she is: an African-American woman, Muslim, progressive… Enough to make American « democracy » tremble… The myth of the « exceptionalism » of the United States, a messianic power with a universal democratic message, is looking more and more like a moral and political wreck. 06 02 2023
Le mythe de « l’exceptionnalisme » des États-Unis, puissance messianique porteuse d’un message démocratique universel s’apparente de plus en plus à un naufrage moral et politique.
Aux États-Unis, la majorité républicaine de la Chambre des Représentants (une des deux chambres du Parlement, avec le Sénat) a exclut (par 218 voix contre 211) la députée Ilhan Omar de la Commission des affaires étrangères. Les motifs invoqués accumulent des accusations publiques touchant à la politisation du Comité sur le renseignement, à des risques de sécurité et à des commentaires, datant de plusieurs années, de nature prétendument antisémites. Rien que cela… mais sans autres précisions.
En vérité, Ilhan Omar est sanctionnée et mise en accusation en particulier du fait de ses très vives critiques de la politique d’Israël. Elle avait notamment utilisé ces formules : « Israël a hypnotisé le monde » en ajoutant « qu’Allah réveille les gens et les aide à voir les méfaits d’Israël ». Ilhan Omar s’est excusée pour certaines formules controversées, mais l’accusation d’antisémitisme est manifestement contrefaite. Ilhan Omar a d’ailleurs voté en faveur de textes parlementaires condamnant explicitement l’antisémitisme, et elle a souligné « qu’être opposé à Netanyahou et à l’occupation, ce n’est pas la même chose qu’être antisémite ». Elle a aussi déclaré « qu’attirer l’attention sur le régime israélien d’apartheid est loin de haïr les juifs ».
On note qu’elle a obtenu le soutien de Bernie Sanders (qui est juif), et même celui de Nancy Pelosi (ex-présidente de la Chambre des Représentants) qui a déclaré : « je ne pense pas que son intention était antisémite ». A l’évidence, Ilhan Omar est sanctionnée pour ses attaques (légitimes) contre le soutien permanent des États-Unis à Israël, et certainement pour son appui au mouvement BDS (boycott, désinvestissements, sanctions) à l’encontre de la politique israélienne.
Les Démocrates insistent aussi sur le fait que cette expulsion d’Ilhan Omar de la Commission des affaires étrangères résulte d’une « promesse » faite par Kevin McCarthy lors de sa campagne électorale. McCarthy, élu de Californie, est devenu président de la Chambre des Représentants. Avant Ilhan Omar, il avait déjà expulsé deux élus Démocrates de la même Commission. A noter que sa « promesse » avait été faite en rétorsion à l’exclusion de deux Républicains d’extrême droite décidée par la précédente majorité démocrate.
Enfin, si Kevin McCarthy met toute son énergie a sanctionner une élue américaine noire, ex-immigrée venant d’Afrique (d’origine somalienne), il a en revanche refusé de sanctionner Lauren Boebert, élue (de justesse) du Colorado. Lauren Boebert est une ultra-conservatrice d’extrême droite qui, au cours d’un premier mandat, a bataillé pour porter une arme au sein du Capitole, et n’a pas hésité à chahuter le Président Biden alors que celui-ci parlait de son fils décédé. Quelle élégance…
Enfin, Ilhan Omar a obtenu le soutien très net d’ONG juives. Selon le quotidien israélien The Times of Israël (du 2 février 2023) « … plusieurs groupes juifs, et notamment la branche activiste du mouvement Réformé, avaient dénoncé des propos tenus par McCarthy sur Omar. Le ton du courrier qui avait été diffusé en décembre dernier était inhabituellement combatif pour des ONG juives, et il laissait entendre que McCarthy lui-même a davantage flirté avec l’antisémitisme que cela n’a été le cas d’Omar. En tant qu’organisations juives américaines, nous nous opposons à la promesse faite par Kevin Mc Carthy de priver la représentante Ilhan Omar de son siège à la Commission des affaires étrangères de la Chambre sur la base d’accusations mensongères qui ont laissé entendre qu’elle serait antisémite ou anti-israélienne », notait la missive. « Nous pouvons nous-mêmes être en désaccord avec les opinions de la membre du Congrès Omar, mais nous rejetons de manière catégorique l’idée que ses positionnements ou ses déclarations politiques quelles qu’elles soient justifient que sa présence au sein de la commission soit disqualifiée ».
Kevin McCarthy (peut-être candidat à la candidature et rival potentiel de Donald Trump pour la présidentielle de novembre 2024) est souvent présenté comme une homme politique moins brutal et moins vulgaire que Trump, ce qui en soi n’est pas une grande performance… mais on voit bien que sa hargne contre Ilhan Omar le range dans une catégorie idéologique peu reluisante.
S’il fallait une autre démonstration de cette dérive radicalisée de la droite aux États-Unis, radicalisation que l’on retrouve dans bien d’autres configurations, en Israël, en Europe et ailleurs encore, on peut rappeler l’obsession du gouverneur républicain de l’État de Floride, Ron DeSantis, qui refuse catégoriquement (mais sans argument explicite) le programme (en phase pilote) d’études afro-américaines proposé aux élèves des lycées américains afin d’améliorer leurs connaissances avant l’Université. Il y est question d’histoire, notamment de l’esclavage, de la révolution haïtienne, mais aussi de sciences, d’art, de géographie, de politique… avec des contributions de personnalités afro-américaines. Le refus de ce programme est une mise à l’index discriminatoire.
Lorsqu’Ilhan Omar est intervenue devant la Chambre des Représentants pour s’expliquer et pour dire en quoi et comment elle revendique « d’être américaine »… les élus Républicains ne lui ont guère laissé plus de chance. Ce n’est pas un hasard. A l’évidence, certains veulent la rejeter non pas pour ce qu’elle dit (ou pas), mais pour ce qu’elle est : une femme afro-américaine, musulmane, progressiste… De quoi faire trembler la « démocratie » américaine… Le mythe de « l’exceptionnalisme » des États-Unis, puissance messianique porteuse d’un message démocratique universel s’apparente de plus en plus à un naufrage moral et politique. 06 02 2023
Photo ONU/Loey Felipe. Geir O. Pedersen, Envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, fait un exposé devant le Conseil de sécurité.
ONU Info – Paix et sécurité, le 25 janvier 2023 unnews@un.org
Devant le Conseil de sécurité, mercredi 25 janvier, Geir Otto Pedersen, Envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, a déploré une double crise humanitaire et économique aux proportions épiques dans ce pays, sur fond de persistance des affrontements armés, mais il a fait part d’une intensification du travail diplomatique et du dialogue entre les parties en Syrie.
« Le peuple syrien reste pris au piège d’une profonde crise humanitaire, politique, militaire, sécuritaire, économique et des droits de l’homme d’une grande complexité et d’une ampleur presque inimaginable », a déclaré Geir O. Pedersen devant les quinze membres du Conseil.
L’Envoyé spécial a ajouté que les Syriens restent profondément divisés sur leur avenir, faute d’une vision politique commune indispensable au progrès d’un véritable processus politique.
Plus encore, de nombreuses questions touchant le conflit ne sont plus depuis plusieurs années du seul ressort des Syriens, a rappelé Geir O. Pedersen. Le pays reste de facto divisé en plusieurs tronçons, où cinq armées étrangères, plusieurs groupes armés syriens et des terroristes inscrits sur la liste du Conseil de sécurité, sont tous actifs sur le terrain.
La plus grande crise de déplacement de populations au monde
Aux graves abus et violations du droit international humanitaire et des droits humains dans toute la Syrie s’ajoute une double crise humanitaire et économique aux proportions épiques due, selon l’Envoyé spécial, à plus d’une décennie de destruction, de corruption et de mauvaise gestion, aux sanctions, à l’effondrement financier libanais, à la pandémie de COVID-19 et à la guerre en Ukraine.
Notant qu’environ la moitié de sa population d’avant-guerre reste déplacée, Geir O. Pedersen a prévenu que la plus grande crise de déplacement au monde et l’une des plus importantes depuis la Seconde Guerre mondiale, est aussi un moteur d’instabilité dans toute la région, qui contribue aussi au trafic illicite de drogues.
Une indispensable solution politique globale
« Ce conflit a besoin d’une solution politique globale – rien d’autre ne peut fonctionner », a-t-il réitéré devant le Conseil de sécurité. Mais cette solution n’est malheureusement pas imminente ».
L’Envoyé spécial a décliné devant le Conseil de sécurité la liste impressionnante de ses rencontres avec les responsables des parties syriennes et les dirigeants politiques régionaux, européens, russes et américains impliqués dans la résolution du conflit et a mentionné les contacts sécuritaires et militaires entre la Syrie, la Türkyie et la Russie ces derniers mois, avant de faire un bilan provisoire des multiples priorités du processus politique souhaité par l’ONU.
Geir O. Pedersen, évoquant l’objectif d’un retour au calme et de la diminution des risques d’escalade militaire, n’a pu présenter qu’un tableau mitigé. Si l’escalade dans le Nord-Est s’est atténuée, les bombardements, les tirs de roquettes et les affrontements intermittents se sont poursuivis le long de toutes les lignes de contact, impliquant un large éventail d’acteurs, dont le gouvernement, l’opposition armée, la coalition des Forces démocratiques syriennes (FDS) et le groupe terroriste HTS (Hay’at Tahrir al-Sham), inscrit sur la liste du Conseil de sécurité, qui ont lancé plusieurs attaques transfrontalières le mois dernier.
Par ailleurs, il a noté que des frappes de drones turcs ont été signalées dans le nord-est et des frappes israéliennes ont eu lieu dans la campagne de Damas et à l’aéroport de Damas. Le groupe Daech, quant à lui, reste actif, « avec des cellules dormantes qui tuent des militaires et des civils ».
Autant de raison, aux yeux de l’Envoyé spécial, de « tenter de préserver et d’approfondir le calme, de protéger les civils et de consolider la mosaïque d’accords et d’arrangements existants en un cessez-le-feu à l’échelle nationale », tout en cherchant une approche coopérative pour lutter contre les groupes terroristes, conforme au droit international sur la protection des populations civiles.
Des progrès dans l’acheminement de l’aide humanitaire
Geir O. Pedersen s’est aussi félicité de l’adoption à l’unanimité de la résolution 2672 du Conseil de sécurité début janvier, qui a permis de proroger, certes pour six mois seulement, le passage par la frontière turque d’une aide humanitaire vitale pour des millions de personnes en Syrie, au moment où l’ampleur des besoins à l’intérieur de la Syrie est au pire niveau depuis le début du conflit, sur fond de crise économique, de dégradation des services de base et d’urgence absolue dans les camps de déplacés.
Sur le front du processus politique, l’Envoyé spécial n’a pu que rappeler son espoir de voir le Comité constitutionnel réaliser des progrès plus substantiels à Genève.
Abordant le dossier des détenus et des personnes disparues, il a dit attendre avec impatience les progrès dans la mise en place d’une institution pour les personnes disparues telle qu’elle a été demandée par le Secrétaire général de l’ONU. Il a par ailleurs rappelé que ces questions de protection des civils font partie des facteurs principaux cités par les réfugiés pour expliquer leur décision de ne pas retourner en Syrie.
Restaurer la confiance et engager le dialogue avec la société civile
L’Envoyé spécial a jugé prioritaire, aussi, de mettre en place des mesures initiales de renforcement de la confiance, assez « précises, concrètes, réciproques et vérifiables pour avoir un impact positif sur la vie des Syriens » et aider les parties à progresser dans un environnement « sûr, calme et neutre sur la voie de la mise en œuvre de la résolution 2254 » de l’ONU sur le règlement politique en Syrie.
A ce titre, il a rappelé son dialogue permanent avec les Syriens de tous niveaux et les acteurs de la société civile, les femmes en premier lieu, pour réaliser des progrès en matière de protection des civils, de gouvernance locale dans le cadre d’un future processus politique. « Les femmes et les hommes syriens avec qui nous sommes en contact continuent d’espérer que ce conflit prendra fin d’une manière qui permette aux individus de vivre dans la dignité », a conclu Geir O. Pedersen.
Le 22 novembre à Brest à l’invitation de l’Université Européenne de la Paix, le 1er décembre à l’invitation de la Fédération du PCF du Val de Marne, et le 7 décembre à l’invitation de Pugwash-France principalement sur les questions du nucléaire militaire, à l’École Normale Supérieure. Des échanges sur le fond quant aux analyses nécessaires et aux enjeux politiquesdans une actualité brulanteet préoccupante.
Plus de 700 institutions financières entretiennent des relations économiques avec des entreprises actives dans la colonisation illégale des territoires palestiniens. Parmi elles : de grandes banques françaises. C’est ce que révèle le nouveau rapport publié par la coalition d’ONGs Don’t buy into occupation (DBIO). Leur travail dévoile ces flux financiers qui soutiennent directement des violations grave des droits humains en Palestine.
Le nouveau rapport de la coalition « Don’t Buy into Occupation » (DBIO), comptant 24 organisations dont La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et l’association France Palestine Solidarité, révèle le soutien de centaines d’institutions financières à des entreprises liées à la colonisation de territoires palestiniens. Ces activités impliquent la construction illicite de colonies, des services aux colons et la surveillance des populations palestiniennes en territoire occupé. Ceci à raison de près de 300 milliards de dollars américains en prêts, souscriptions et détention d’actions et obligations.
Les institutions financières, dont des grands acteurs français tels BNP Paribas, la Société Générale, le Crédit Agricole ou encore le Groupe BCPE – qui ont décidé de soutenir à raison de 150 Millions USD des entreprises pourtant liées à la colonisation – ont l’obligation de s’assurer que leurs activités ne participent pas à la perpétuation des colonies et de leur expansion illégale.