Pour le Pape François, la sécurité mondiale doit être intégrale…

« J’ai voulu réitérer la ferme conviction du Saint-Siège selon laquelle «l’utilisation de l’énergie atomique à des fins militaires est aujourd’hui plus que jamais un crime« 

Lettre du pape François à l’évêque d’Hiroshima à l’occasion du sommet du G7

25 mai 2023

Alors que le sommet du G7 se réunit à Hiroshima pour discuter de questions urgentes que doit affronter actuellement la communauté mondiale, je désire vous assurer de ma proximité spirituelle et de mes prières pour que le sommet produise des fruits. Le choix d’Hiroshima comme lieu de cette rencontre est particulièrement significatif à la lumière de la menace constante du recours aux armes nucléaires. Je me souviens de la profonde impression que m’a laissée la visite émouvante au Mémorial de la paix au cours de mon voyage au Japon en 2019. Là, debout, en prière silencieuse et en pensant aux victimes innocentes de l’attaque nucléaire qui avait eu lieu des décennies auparavant, j’ai voulu réitérer la ferme conviction du Saint-Siège selon laquelle «l’utilisation de l’énergie atomique à des fins militaires est aujourd’hui plus que jamais un crime, non seulement contre l’homme et sa dignité, mais aussi contre toute possibilité d’avenir dans notre maison commune » (Discours au Mémorial de la paix, 24 novembre 2019).

C’est cet avenir que les hommes et les femmes responsables regardent aujourd’hui avec préoccupation, en particulier à la suite de notre expérience d’une pandémie mondiale et de la persistance de conflits armés dans plusieurs régions, parmi lesquels la guerre dévastatrice combattue sur le sol ukrainien. Les événements des dernières années ont manifesté de façon évidente que ce n’est qu’ensemble, dans la fraternité et la solidarité, que notre famille humaine pourra tenter de guérir les blessures et d’édifier un monde juste et pacifique.

De fait, il est devenu toujours plus évident que dans le monde multipolaire du vingt-et-unième -siècle, la recherche de la paix est étroitement liée au besoin de sécurité et à la réflexion sur les moyens les plus efficaces de la garantir. Cette réflexion doit nécessairement tenir compte du fait que la sécurité mondiale doit être intégrale, capable d’inclure des questions comme l’accès à la nourriture et à l’eau, le respect de l’environnement, l’assistance sanitaire, les sources d’énergie et la distribution équitable des biens de ce monde. Un concept intégral de sécurité peut servir à ancrer le multilatéralisme et la coopération internationale entre les acteurs gouvernementaux et non-gouvernementaux, sur la base de la profonde interconnexion entre ces questions, qui rend nécessaire d’adopter, ensemble, une approche de coopération multilatérale responsable.

Hiroshima, en tant que « symbole de mémoire », proclame avec force que les armes nucléaires ne permettent pas de répondre de façon adéquate aux grandes menaces qui pèsent aujourd’hui sur la paix et d’assurer la sécurité nationale et internationale. Il suffit de considérer l’impact humanitaire et environnemental catastrophique qui découlera de l’utilisation d’armes nucléaires, ainsi que le gaspillage et la mauvaise destination de ressources humaines et économiques que leur production comporte. Nous ne devons pas non plus sous-estimer les effets du climat persistant de peur et de suspicion engendré par le simple fait de posséder ces armes, qui compromet la croissance d’un climat de confiance réciproque et de dialogue. Dans ce contexte, les armes nucléaires et les autres armes de destruction de masse représentant un multiplicateur de risque qui n’offre qu’une illusion de paix.

En vous assurant de mes prières pour vous et pour tous ceux qui sont confiés à votre soin pastoral, je m’unis à vous pour prier afin que le sommet du g7 à Hiroshima fasse prévaloir une vision clairvoyante pour jeter les bases d’une paix durable et pour une sécurité stable et durable à long terme. Avec gratitude pour votre engagement au service de la justice et de la paix, je vous donne de tout cœur ma bénédiction.

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Le G7 à Hiroshima : hypocrisie et mensonge sur le nucléaire.

Il n’y a pas de lieu plus symbolique que la ville d’Hiroshima, irrémédiablement et dramatiquement liée à celle de Nagasaki, pour exprimer une politique censée concernant les armes nucléaires. Évidemment. Le G7 a pourtant instrumentalisé ce symbole historique. (voir le document officiel à la fin)

Pour la première fois depuis sa création en 1975, le G7 réuni à Hiroshima du 19 au 21 mai 2023, s’est permis d’élaborer ce que les participants au sommet ont nommé une « vision des chefs d’État et de gouvernement du G7 d’Hiroshima sur le désarmement nucléaire ». Vous avez bien lu : une « vision » sur le désarmement… Disons-le clairement, il est choquant de devoir constater que cette « vision » ait pu susciter si peu de commentaires critiques. Quand l’hypocrisie déclaratoire dépasse les bornes, il faut réagir.

Cette déclaration souligne comme une réalité une « réduction générale des arsenaux nucléaires dans le monde depuis la fin de la Guerre froide ». Une réduction qui « doit se poursuivre » et « ne doit pas être inversée ». Certes, avec la fin de la Guerre froide, les arsenaux se sont effectivement abaissés de façon drastique en raison du nouveau contexte stratégique. La course au nucléaire militaire, cependant, a repris de façon très forte dans les années 2010, au nom de la modernisation présentée comme nécessaire, et du renforcement des capacités dans une phase nouvelle de confrontations de puissances. Tous les États détenteurs de l’arme nucléaire se sont lancés, chacun selon ses moyens et ses choix propres, dans cette relance de la compétition et de l’escalade, pour l’efficacité des armes, pour la sophistication technologique, pour la diversification des vecteurs porteurs… On en est là. Remarquons au passage que la France donne l’exemple dans les engagements que les autorités veulent prendre pour la Loi de programmation militaire pour 2024-2030. Plus généralement, il est évident que le « déclin » des arsenaux évoqué par ce texte du G7 a donc été explicitement et fortement inversé. Un sommet de chefs d’État et de gouvernement quel qu’il soit ne peut mentir par omission sur une telle réalité.

Naturellement, pour pouvoir mettre en cause la politique nucléaire de la Russie (qui mérite de fortes mises en accusations) et de la Chine, il faut pouvoir échapper soi-même à la réprobation. Washington, Paris, Londres en particulier, ont bien du chemin a faire pour pouvoir convaincre de leur bonne foi et de leur détermination à réellement agir pour le désarmement et « pour un monde sans armes nucléaires » comme le répète plusieurs fois la déclaration du G7.

Plus précisément, le texte du G7 mentionne la nécessité du désarmement, de la non-prolifération et du respect du Traité sur la Non-Prolifération (TNP). Il appelle la Chine et la Russie à s’engager en conséquence de leurs obligations découlant du TNP, et y compris de l’article 6 de ce Traité qui requiert la cessation de la course aux armements nucléaires, le désarmement et « la conclusion d’un Traité de désarmement général et complet sous un contrôle strict et efficace ». On sait depuis des lustres que cet article est resté lettre morte, en vidant le TNP de sa signification réelle, parce que les pays dotés de l’arme nucléaire ont tout simplement refusé de l’appliquer et de désarmer. Y compris ceux qui aujourd’hui se permettent de donner des leçons. La responsabilité, ici comme en d’autres domaines, est partagée et même collective. Notons aussi que cette « vision » du désarmement nucléaire, selon le G7, ne fait aucune mention du Traité d’interdiction des armes nucléaires (TIAN) signé par 92 pays et ratifié par 68 d’entre eux au premier janvier 2023. La « vision » du G7 utilise l’ONU pour dénoncer la politique nucléaire de la Corée du Nord et celle de l’Iran, mais le TIAN adopté et légitimé dans le cadre des Nations-Unies disparaît des exigences soit-disant multilatérales des 7 principales puissances du monde occidental et de leur allié japonais. C’est ce qu’on appelle une référence politique à géométrie variable.

Remarquons enfin qu’il ne suffit jamais d’appeler au respect des traités et du droit international – si important que cela puisse être – afin d’obtenir un contexte de sécurité et de stabilité réduisant les risques nucléaires. Il faut simultanément agir pour créer un contexte global favorisant la confiance, la détente, le dialogue, la coopération et le règlement politique des conflits existants. On en est loin. La « vision » du G7 ne va pas jusque là, probablement parce que l’idée même d’un processus politique en vue d’une solution négociée à la guerre en Ukraine ne fait pas partie de la « vision » occidentale. Jusqu’à quand ?

Enfin, le G7 choisit d’affirmer hautement un soutien à un Traité interdisant la production de matière fissiles pour la fabrication d’armes nucléaires (TIPMF), et un Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE). Ces traités constitueraient effectivement des moyens importants pour légitimer et appuyer le désarmement dans la voie de l’élimination des armes nucléaires. Mais les prières et les postures ne suffisent jamais. Il faut surtout changer les réalités, celles qui dominent aujourd’hui : la guerre, la forte montée des tensions et des confrontations internationales, les logiques de puissance… Tout cela est loin d’offrir une situation favorable à de nouveaux traités de désarmement. Nous sommes effectivement dans une situation inverse avec l’effondrement de ce que l’on appelle l’architecture de sécurité internationale et des accords multiples qui l’ont constitué au cours du 20ème siècle. Même le principe du non emploi en premier de l’arme nucléaire, et l’engagement à n’utiliser cette arme qu’en riposte à une attaque nucléaire sont considérés (sauf par la Chine) comme excessifs et inadaptés.

La « vision » du G7 reste limitée à une approche de confrontation. D’ailleurs, si le Traité interdisant la production de matières fissiles n’existe toujours pas dans l’ordre juridique et politique du fait de ce contexte (et pour quelques autres raisons), on observe qu’à la date du 22 août 2022, le TICE a été signé par 186 pays et ratifié par 174, parmi lesquels trois États dotés d’armes nucléaires : la Russie, la France et le Royaume-Uni. Pour pouvoir entrer en vigueur ce traité doit être signé et ratifié par 44 pays spécifiquement désignés et détenteurs de technologies nucléaires. A ce jour, il en manque huit dont les États-Unis (qui font partie des donneurs de leçons), mais aussi la Chine, la Corée du Nord, l’Égypte, l’Inde, l’Iran, Israël et le Pakistan.

Voilà les raisons pour lesquelles cette « vision » du G7 sur les armes nucléaires apparaît hypocrite et mensongère. Il est consternant de voir comment, au Japon et à Hiroshima (!) il a donc été possible d’instrumentaliser l’idée et la nécessité du désarmement nucléaire à des fins de justification stratégique, au mépris d’un minimum d’objectivité et de vérité sur les responsabilités beaucoup plus partagées que le G7 n’ose l’avouer. Il ne suffit pas, même quand c’est justifié, de critiquer Moscou et Pékin pour donner raison à Washington, à Paris et à Londres… et même à Tokyo. Dans l’ordre international actuel, les armes nucléaires restent ce qu’elles sont d’abord pour tous ceux qui en sont dotés : les armes de l’expression de la puissance. Et les armes de l’affirmation, ou de l’illusion de la sécurité nationale… car ces armes-là, en effet, n’empêchent pas la guerre, mais elles portent le risque de catastrophes. Nombre de voix politiques du Sud ont rappelé de façon très appropriée que l’enjeu nucléaire doit d’abord être considéré comme une exigence de sécurité collective. Voilà qui est essentiel : la sécurité collective. La responsabilité collective. Face au risque nucléaire, il n’y a pas d’autre « vision » pertinente que celle-ci… C’est aussi la signification du Traité d’interdiction des armes nucléaires.

DOCUMENT :

Vision des chefs d’État et de gouvernement du G7 de Hiroshima sur le désarmement nucléaire. 19 mai 2023

https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2023/05/19/vision-des-chefs-detat-et-de-gouvernement-du-g7-de-hiroshima-sur-le-desarmement-nucleaire

Version en langue anglaise :

G7 Leaders’ Hiroshima Vision on Nuclear DisarmamentMay 19, 2023 Hiroshima

Nous, chefs d’État et de gouvernement du G7, nous sommes réunis en une occasion historique à Hiroshima, qui avec Nagasaki nous rappelle les destructions sans précédent et les terribles souffrances endurées par la population de ces deux villes suite aux bombardements atomiques de 1945. En cette occasion empreinte de solennité et de recueillement, nous réaffirmons dans le présent document des chefs d’État et de gouvernement du G7, le premier du genre consacré spécifiquement au désarmement nucléaire, notre volonté de parvenir à un monde sans armes nucléaires avec une sécurité non diminuée pour tous.

Nous soulignons l’importance de la période de non-emploi des armes nucléaires qui dure depuis 77 ans. La rhétorique nucléaire irresponsable de la Russie, qui fragilise les régimes de maîtrise des armements, et sa volonté affichée de déployer des armes nucléaires en Biélorussie sont dangereuses et inacceptables. Nous rappelons la déclaration de Bali de tous les chefs d’État et de gouvernement du G20, y compris la Russie. À cet égard, nous réaffirmons que les menaces d’emploi d’armes nucléaires de la Russie, et a fortiori tout emploi d’armes nucléaires par la Russie, dans le contexte de son agression contre l’Ukraine, sont inadmissibles. Nous rappelons la déclaration commune des chefs d’État et de gouvernement des pays du P5 pour prévenir la guerre nucléaire et éviter les courses aux armements, en date du 3 janvier 2022, et nous réaffirmons qu’une guerre nucléaire ne peut être gagnée et ne doit jamais être menée. Nous appelons la Russie à se réengager, dans ses paroles et dans ses actes, en faveur des principes inscrits dans cette déclaration. Nos politiques de sécurité sont fondées sur le principe selon lequel les armes nucléaires, aussi longtemps qu’elles existeront, sont destinées à répondre à des objectifs défensifs, à dissuader une agression et à prévenir la guerre et la coercition.

La réduction générale des arsenaux nucléaires dans le monde depuis la fin de la guerre froide doit se poursuivre et la tendance ne doit pas en être inversée. Le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) doit être respecté en tant qu’il constitue la pierre angulaire du régime mondial de non-prolifération nucléaire et le fondement sur lequel poursuivre le désarmement nucléaire et les usages pacifiques de l’énergie nucléaire. Nous réaffirmons notre attachement à l’objectif ultime d’un monde sans armes nucléaires, avec une sécurité non diminuée pour tous, grâce à une approche réaliste, pragmatique et responsable. À cet égard, le plan d’action d’Hiroshima adopté par le Japon représente une contribution bienvenue. Nous déplorons vivement la décision de la Russie de remettre en question le nouveau Traité de réduction des armements stratégiques (New START) et nous appelons cette dernière à permettre un retour à la pleine mise en œuvre de ce traité. Parallèlement, l’accélération par la Chine de l’augmentation de son arsenal, sans transparence ni dialogue significatif constitue une préoccupation pour la stabilité mondiale et régionale.

Nous soulignons que la transparence est essentielle en matière d’armes nucléaires et nous saluons les mesures déjà prises par les États-Unis, la France et le Royaume-Uni pour promouvoir des mesures de transparence efficaces et responsables en fournissant des données sur leurs forces nucléaires et la taille objective de leur arsenal nucléaire. Nous appelons les États dotés d’armes nucléaires qui ne l’ont pas encore fait à suivre cet exemple. Pour promouvoir la transparence, nous appelons les États dotés d’armes nucléaires qui ne l’ont pas encore fait à nouer un dialogue constructif avec les États non dotés d’armes nucléaires en se montrant transparents sur leur arsenal nucléaire et en limitant la compétition nucléaire, notamment au moyen d’une présentation publique de leurs rapports nationaux accompagnée d’une discussion interactive avec les États non dotés d’armes nucléaires et les représentants de la société civile lors des prochaines réunions du TNP portant sur ce thème. À cet égard, nous soulignons l’intérêt de pré-notifier les activités stratégiques pertinentes afin de contribuer de manière importante à la réduction des risques. Le G7 reconnait la nécessité pour les États dotés d’armes nucléaires de prendre des mesures concrètes pour réduire les risques stratégiques. Nous demandons à la Chine et à la Russie de prendre part aux travaux de fond des enceintes multilatérales et bilatérales concernées, conformément à leurs obligations en vertu du TNP, notamment son article VI.

Nous appelons à l’ouverture immédiate de négociations, qui n’ont que trop tardé, sur l’élaboration d’un Traité interdisant la production de matières fissiles pour des armes nucléaires et autres dispositifs explosifs nucléaires (TIPMF). 2023 marque le 30eanniversaire de l’adoption consensuelle par l’Assemblée générale des Nations Unies de la résolution appelant à l’élaboration d’un tel traité, et nous demandons instamment à l’ensemble des pays d’accorder à nouveau une attention politique à l’objectif prioritaire que constitue le TIPMF pour empêcher une nouvelle course aux armements nucléaires, en déployant également tous les efforts nécessaires, indépendamment ou de manière complémentaire. À cet effet, nous appelons tous les États qui ne l’ont pas encore fait à déclarer et à maintenir des moratoires volontaires sur la production de matières fissiles pour des armes nucléaires et autres dispositifs explosifs nucléaires.

Nous sommes fermement convaincus qu’aucun État ne devrait procéder à une explosion expérimentale d’arme nucléaire ou autre explosion nucléaire, nous condamnons toute menace proférée à ce sujet, et nous soulignons qu’il est également urgent que le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) entre en vigueur. Nous demeurons attachés à faire respecter la norme internationale interdisant les explosions expérimentales d’armes nucléaires jusqu’à ce qu’elle devienne juridiquement contraignante et nous appelons tous les États à déclarer de nouveaux moratoires sur les explosions expérimentales d’armes nucléaires ou toute autre explosion nucléaire ou à maintenir ceux qui existent. Le fait que la Russie se dise prête à conduire un essai nucléaire suscite notre préoccupation et nous appelons cette dernière à respecter son moratoire sur les essais nucléaires. Nous soulignons également le rôle essentiel de la Commission préparatoire de l’Organisation du TICE (OTICE) pour détecter partout dans le monde les explosions nucléaires soupçonnées et en rendre compte. Le soutien collectif du G7 aux activités de l’OTICE s’élève en 2023 à plus de 100 millions de dollars des États-Unis. Nous réaffirmons l’engagement du G7 de fournir des ressources suffisantes pour garantir la poursuite du fonctionnement et la viabilité à long terme de tous les éléments du système de vérification du TICE et nous appelons les autres Etats à faire de même.

La non-prolifération nucléaire est indispensable pour parvenir à un monde sans armes nucléaires. Nous réaffirmons notre détermination sans faille à parvenir à l’abandon complet, vérifiable et irréversible par la Corée du Nord de ses armes nucléaires et de ses programmes nucléaires existants, ainsi que de toute autre arme de destruction massive et de tous ses programmes de missiles balistiques, conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations Unies. Nous demandons à la Corée du Nord de s’abstenir de tout nouvel acte de déstabilisation ou de provocation, notamment de tout nouvel essai nucléaire ou tir recourant à la technologie des missiles balistiques. La Corée du Nord ne peut pas obtenir, et n’obtiendra jamais, le statut d’État doté d’armes nucléaires en vertu du TNP. Il est essentiel que les sanctions soient mises en œuvre pleinement et rigoureusement par tous les États et demeurent en vigueur aussi longtemps que les programmes d’armes de destruction massive et de missiles balistiques de la Corée du Nord continueront d’exister. Nous demeurons profondément préoccupés par l’escalade ininterrompue du programme nucléaire iranien, qui ne repose sur aucune justification civile crédible et qui se rapproche dangereusement d’activités effectivement liées à l’armement. Nous réaffirmons notre détermination sans équivoque à faire en sorte que l’Iran ne puisse jamais développer une arme nucléaire et nous appelons tous les pays à soutenir la mise en œuvre de la résolution 2231 du Conseil de sécurité des Nations Unies. Nous demandons instamment à l’Iran de mettre un terme à son escalade nucléaire. Nous appelons l’Iran à respecter ses obligations juridiques et ses engagements politiques en matière de non-prolifération nucléaire sans plus tarder. Une solution diplomatique reste la meilleure solution pour mettre un terme aux préoccupations internationales concernant le programme nucléaire de l’Iran. Dans ce contexte, le Plan d’action global commun constitue toujours une référence utile. Nous demandons à l’Iran de respecter ses obligations et les engagements qu’il a pris au titre des garanties en prenant rapidement des mesures concrètes. Nous saluons et continuons de soutenir pleinement les mandats et efforts essentiels de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) en Iran.

Dans cette période d’incertitude et de tensions, il est extrêmement important de préserver, de bien doter et de renforcer les régimes existants et les autres efforts déployés sur le plan international. Nous exhortons tous les États à assumer leurs responsabilités de manière sérieuse en promouvant les usages pacifiques de l’énergie, de la science et de la technologie nucléaires, notamment s’agissant de la mise en œuvre des technologies nucléaires de nouvelle génération, afin de respecter les normes les plus rigoureuses en matière de garanties, de sûreté et de sécurité. Nous exprimons en outre notre vive préoccupation face à la tentative de la Russie de prendre le contrôle des installations nucléaires de l’Ukraine, ce qui fait peser de graves risques sur la sûreté et la sécurité et est totalement contraire au droit de l’Ukraine en vertu du TNP d’utiliser l’énergie nucléaire à des fins pacifiques. Nous réaffirmons qu’il est essentiel de mettre en œuvre les normes les plus rigoureuses au titre des garanties de l’AIEA et de parvenir à l’universalisation du Protocole additionnel, qui constituent des éléments fondamentaux du régime de non prolifération nucléaire. Nous promouvrons une chaîne d’approvisionnement nucléaire fiable et responsable, respectant les normes les plus exigeantes en matière de non-prolifération nucléaire, notamment le Protocole additionnel de l’AIEA. Nous sommes favorables à la poursuite des discussions au sein du Groupe des fournisseurs nucléaires (NSG) pour que le Protocole additionnel constitue une condition de fourniture dans les Directives du Groupe. Les pays du G7 qui choisissent de recourir à l’énergie nucléaire ou à des applications nucléaires pacifiques connexes reconnaissent que l’utilisation de l’énergie, de la science et des technologies nucléaires contribue à fournir une énergie bas carbone à un coût abordable. Nous notons la contribution des applications des technologies nucléaires, dans des domaines comme la médecine ou l’hydrologie isotopique, à la réalisation de la prospérité et des Objectifs de développement durable des Nations Unies. Nous réaffirmons notre attachement inébranlable au Partenariat mondial contre la prolifération des armes de destruction massive et des matières connexes conduit par le G7, qui a permis, depuis plus de 20 ans, de mettre en œuvre des programmes concrets suivis d’effets pour faire progresser la non-prolifération nucléaire partout dans le monde.

Nous soulignons que la transparence de la gestion du plutonium civil doit être maintenue. Nous sommes opposés à toute tentative de produire ou de soutenir la production de plutonium destiné à des programmes militaires sous couvert de programmes civils, ce qui compromet les objectifs du TNP, notamment la promotion des utilisations pacifiques de l’énergie nucléaire. À cet égard, nous insistons sur la nécessité de mettre en œuvre les Directives relatives à la gestion du plutonium (INFCIRC/549). Nous appelons tous les États qui se sont engagés à faire des rapports annuels à l’AIEA sur la quantité de plutonium qu’ils détiennent et utilisent dans leurs activités nucléaires pacifiques à respecter leurs engagements. Nous sommes conscients de la nécessité de gérer les réserves civiles d’uranium hautement enrichi de manière aussi responsable que le plutonium faisant l’objet de ces Directives. Nous nous engageons aussi à faire des efforts visant à réduire, partout dans le monde, la production et l’accumulation à des fins civiles de matières nucléaires susceptibles d’être utilisées pour des armes, une priorité.

L’avènement du monde que nous souhaitons, en faisant de notre idéal une réalité, requiert des efforts de tous, même si la voie y conduisant est étroite. Dans cette perspective, nous soulignons combien l’éducation et la sensibilisation au désarmement et à la non-prolifération sont importantes. Nous encourageons les autres dirigeants, les jeunes et l’ensemble des personnes de par le monde à visiter Hiroshima et Nagasaki pour faire connaître et conserver à l’esprit les réalités de l’utilisation des armes nucléaires dont ces deux villes témoignent. À cet effet, nous accueillons favorablement des initiatives telles que le « Fonds des jeunes leaders pour un monde exempt d’armes nucléaires » du Japon, le « réseau des jeunes professionnels » du P5, les « jeunes champions du désarmement » financé par l’Allemagne et « l’initiative des jeunes-femmes et de la nouvelle génération » mise en place par le consortium de l’UE chargé de la non-prolifération et du désarmement, ainsi que d’autres initiatives qui soutiennent la participation pleine, égale et active des femmes ainsi que de la société civile aux processus de désarmement et de non-prolifération.

Il faut préserver le contrôle des armes nucléaires.

Plus de 200 responsables des politiques de sécurité de 50 pays lancent un appel international.

Alors que les chefs d’État et de gouvernement du G7 se réunissent cette semaine à Hiroshima (19 et 21 mai 2023), l’un des deux seuls sites où l’on a pu constater les conséquences catastrophiques de l’utilisation d’armes nucléaires dans un conflit, plus de 200 dirigeants et experts de 50 États mettent en garde contre la volonté de séparer la maîtrise des armements nucléaires de la compétition entre grandes puissances.

Dans une déclaration commune coordonnée par l’European Leadership Network et l’Asia Pacific Leadership Network, quelque 26 anciens ministres des affaires étrangères et de la défense, six anciens chefs d’État, plus de 30 anciens ambassadeurs, de nombreux experts et universitaires de haut niveau et des dizaines d’anciens hauts fonctionnaires, y compris d’anciens secrétaires généraux de l’OTAN, secrétaires généraux adjoints et membres d’état-majors, dont le Commandant suprême des forces alliées en Europe (SACEUR), plaident en faveur d’une priorité en faveur de la maîtrise des armements nucléaires.

Les recommandations portent notamment sur la poursuite par la Russie et les États-Unis d’un cadre succédant au Traité New START, et sur la réaffirmation par tous les États de leur engagement à ne pas tester d’armes nucléaires et à déployer des efforts concertés en vue de l’entrée en vigueur du traité d’interdiction complète des essais nucléaires (CTBT).

Aux heures les plus sombres de la guerre froide, l’Union soviétique et les États-Unis ont pu discuter et s’entendre sur des mesures visant à réduire les risques de guerre nucléaire. Cette déclaration, approuvée par des contacts en Chine, en France, en Russie, au Royaume-Uni et aux États-Unis – les cinq États reconnus comme détenteurs d’armes nucléaires dans le cadre du traité de non-prolifération – soutient le retour à cette diplomatie et la protection du contrôle des armes nucléaires en tant qu’impératif mondial.

Sir Adam Thomson KCMG
Directeur, European Leadership Network (ELN)
Réseau européen pour le leadership
8 St James’s Square
Londres, Royaume-Uni, SW1Y 4JU
Royaume-Uni


Déclaration du 17 mai 2023 : Protéger le contrôle des armes nucléaires est un impératif mondial

Le monde a cruellement besoin de davantage de contrôle des armements nucléaires, et non de moins de contrôle (1).

En tant que responsables de la politique de sécurité de 50 pays d’Europe, d’Amérique du Nord, d’Asie et du Pacifique, nous appelons les dirigeants de la Russie, des États-Unis, de la Chine, de la France et du Royaume-Uni à veiller à ce que la maîtrise des armements nucléaires ne soit pas une nouvelle victime des compétitions géopolitiques.

En janvier de l’année dernière, ces cinq dirigeants ont déclaré que la réduction des risques stratégiques et la prévention de la guerre entre les États dotés d’armes nucléaires étaient leurs principales responsabilités, et qu’une guerre nucléaire ne pouvait jamais être gagnée et ne devait jamais être menée. En novembre 2022, les dirigeants du G20 (dont les États-Unis, la Russie, la Chine, la France, le Royaume-Uni et l’Inde) sont collectivement convenus que l’utilisation ou la menace d’utilisation d’armes nucléaires est inadmissible.

Pourtant, les pourparlers sur la stabilité stratégique entre les États-Unis et la Russie sont dans les limbes et le nouveau traité START, qui a joué un rôle indispensable pour garantir la sécurité réciproque, est désormais remis en question. Seul accord de contrôle des armes nucléaires existant entre les États-Unis et la Russie, les deux plus grands pays dotés d’armes nucléaires au monde, l’effondrement ou l’expiration du traité sans remplacement menacerait d’entraîner une course aux armements déstabilisante.

Si l’on ne parvient pas à s’entendre sur un nouveau cadre de contrôle des armes nucléaires pour remplacer le Nouveau START avant son expiration en février 2026, il sera également plus difficile d’amener la Chine, la France et le Royaume-Uni à participer au contrôle multilatéral des armes, car ces trois pays ne sont pas prêts à envisager des limites à leurs arsenaux nucléaires tant que les États-Unis et la Russie n’auront pas réduit leurs stocks d’armes nucléaires.

L’aggravation de la concurrence entre les grandes puissances a rendu encore plus difficile la progression de la maîtrise des armements nucléaires et de la réduction des risques en général, par exemple dans le cadre du traité de non-prolifération nucléaire. Le non-respect des obligations découlant de ce traité affaiblit notre sécurité nationale et collective, et ne répond pas à l’exigence d’une responsabilité d’État.

Nous avons des points de vue très différents sur les droits et les inconvénients de la concurrence géopolitique actuelle. Mais nous sommes tous d’accord pour dire qu’il est grand temps de commencer à donner la priorité au contrôle des armes nucléaires et de prendre des mesures unilatérales, bilatérales et multilatérales.

Nous appelons les États du P5 dotés d’armes nucléaires à prendre des mesures pour entamer des pourparlers sur la stabilité stratégique à différents niveaux et à reprendre les pourparlers sur la réduction des risques stratégiques dans le cadre du P5.

Nous demandons à la Russie et aux États-Unis de compartimenter la maîtrise des armements nucléaires :

– en confirmant qu’ils ne dépasseront pas les limites fixées par le nouveau traité START pour les forces nucléaires déployées, qui n’ont pas été violées jusqu’à présent

– en acceptant de lever les obstacles à la pleine mise en œuvre de leurs obligations dans le cadre du New START et en reprenant les travaux de la Commission consultative bilatérale

– en s’engageant à poursuivre des négociations de bonne foi sur un cadre succédant au New START avant son expiration en 2026.

Nous appelons tous les États signataires du traité d’interdiction complète des essais nucléaires, ainsi que les autres États qui ne l’ont pas encore fait, à réaffirmer leur engagement à ne pas procéder à des essais d’armes nucléaires et à déployer des efforts concertés en vue de l’entrée en vigueur du traité.

1) Notons que cette exigence positive et urgente du contrôle des armes nucléaires à des fins de sécurité collective n’est en rien contradictoire, mais au contraire complémentaire de la perpective nécessaire de leur élimination, comme le prévoit le Traité d’interdiction des armes nucléaires adopté et légitimé dans le cadre de l’ONU.

Signatures :

★ désigne les membres du Réseau européen de leadership

◊ désigne les membres du réseau des dirigeants de la région Asie-Pacifique
TNP États dotés d’armes nucléaires

Chine

Prof. Chen Dongxiao, President, Shanghai Institute for International Studies (SIIS) ◊

Dr Cui Liru, Senior Advisor to the China Institute of Contemporary International Relations ◊

Dr Hu Yumin, Senior Research Fellow, Grandview Institute ◊

Ren Libo, Chief Executive Officer, Grandview Institution

Prof. Shen Dingli, Professor and former executive dean at Fudan University’s Institute of International Studies and former Director of the Center for American Studies ◊

Dr Tong Zhao, visiting research scholar at the Program on Science and Global Security at Princeton University and Senior Fellow at the Nuclear Policy Program of the Carnegie Endowment for International Peace, China ◊

Prof. Yu Tiejun, Professor of International relations, Peking University

France

Benoit d’Aboville, former French PermRep at NATO and Associate researcher at FRS, Paris ★

Dr Isabelle Facon, Deputy Director, Fondation pour la Recherche Stratégique, FRS

Dr Juliette Faure, Research and Teaching Fellow, Université Paris II Panthéon-Assas (YGLN) ★

Dr Marc Finaud, Associate Fellow, Geneva Centre for Security Policy (GCSP), Vice President, Initiatives pour le désarmement nucléaire (IDN)

Benjamin Hautecouverture, Senior research fellow, Fondation pour la Recherche Stratégique, FRS

Prof. Francois Heisbourg, Senior Advisor for Europe at the International Institute for Strategic Studies and Special Advisor at Fondation pour la Recherche Stratégique ★

Pierre Lellouche, former Minister for Foreign Trade ★

General (ret) d’armée aérienne Bernard Norlain, Président Initiatives pour le Désarmement Nucléaire-IDN ★

Russia

Dr Alexey Arbatov, Head of the Center for International Security at the Primakov National Research Institute of World Economy and International Relations ★

Prof. Vladimir Baranovsky, Academic Director of the Centre for situation analysis at the Primakov National Research Institute of World Economy and International Relations (IMEMO)

Dr Alexey Gromyko, Director, Institute of Europe of the Russian Academy of Sciences ★

Nikita Gryazin, Younger Generation Leaders Network Coordinator (YGLN) ★

Dr Evgenia Issraelyan, Leading Researcher at the Arbatov Institute for US and Canada Studies, Russian Academy of Sciences, (ISKRAN)

Dr Victor Mizin, Leading Researcher at the Primakov Institute of World Economy and International Relations (IMEMO) of the Russian Academy of Sciences

Pavel Palazhchenko, Head of International and Media Relations, The Gorbachev Foundation

Dr Sergey Rogov, Academic Director of the Institute for the US and Canadian Studies of the Russian Academy of Science (ISKRAN) ★

Dr Pavel Sharikov, Institute of Europe, Russian Academy of Sciences (YGLN) ★

Dr Nikolai Sokov, Senior Fellow, Vienna Center for Disarmament and Nonproliferation

Dr Nadezhda Shvedova, Doctor of Political Sciences, Professor, Chief Researcher of the Institute for the United States and Canada Academician G.A. Arbatov of the Russian Academy of Sciences (ISKRAN)

Prof. Andrei Zagorski, Head of the Department of Arms Control and Conflict Resolution od the Center for International Security at the Primakov National Research Institute of World Economy and International Relations (IMEMO)

Natalia Zhurina, Nuclear Policy Expert (YGLN) ★

Major General (Ret.) Pavel Zolotarev, former Head of the Department of the Defence Council of the Russian Federation

United Kingdom

Rt. Hon Lord (James) Arbuthnot of Edrom, Conservative Peer in the House of Lords (UK) ★

Sir Laurie Bristow, former Ambassador and Senior Associate Fellow ★

Sebastian Brixey-Williams, Executive Director, BASIC (YGLN) ★

Lord (Des) Browne of Ladyton, former Secretary of State for Defence and Chairman of the European Leadership Network ★

Rt Hon Alistair Burt, former Minister of State for the Middle East and former Under Secretary of State, Foreign and Commonwealth Office ★

Lord (Menzies) Campbell, Member of the House of Lords and former leader of the Liberal Democrats ★

Rt. Hon Charles Clarke, former Home Secretary ★

Lord (David) Hannay of Chiswick, former Ambassador and Peer in the House of Lords ★

Sir Chris Harper KBE FRAeS, former Director General, NATO International Military Staff

Andrew Jones, Network Engagement and Digital Coordinator, European Leadership Network ★

Lord (John) Kerr, Independent Member, House of Lords; former Ambassador and Secretary-General, EU Convention ★

Esther Kersley, Commissioning Editor, European Leadership Network ★

Jane Kinninmont, Impact and Policy Director, European Leadership Network ★

Lord (Tom) King of Bridgwater, former Defence Secretary and Member of the House of Lords ★

Simon Lunn, former Secretary General of the NATO Parliamentary Assembly. Senior Associate Fellow ★

Tom McKane, former Director General Security Policy, Ministry of Defence ★

Dr Ziya Meral, ELN Senior Associate Fellow ★

Baroness (Pauline) Neville-Jones, former Security Minister ★

Lord (David) Owen, UK Foreign Secretary 1977-79; EU peace negotiators for the former Yugoslavia 1992-95 ★

Lord (Martin) Rees, former President of the Royal Society and Master of Trinity College, Cambridge★

Sir Malcolm Rifkind, former Foreign Secretary and former Chairman of the Intelligence and Security Committee of Parliament ★

Sir John McLeod Scarlett, former Chief of the British Secret Intelligence Service

Sir Graham Stacey, ELN Fellow and former COS NATO Allied Command Transformation, and DCOM NATO Joint Force Command Brunssum ★

Sophie-Jade Taylor, Senior Network Development and Communications Manager, European Leadership Network (ELN) ★

Sir Adam Thomson, Director, European Leadership Network (ELN) ★

Lord (David) Triesman, Member of the House of Lords; former Under-Secretary of State for Foreign and Commonwealth Affairs ★

Dr John R Walker, former Head of the Arms Control and Disarmament Research Unit, UK Foreign and Commonwealth Office, currently Senior Research Associate, European Leadership Network ★

Lord (William) Wallace, Liberal Democrat Member of the House of Lords ★

Admiral Alan West, former Head of the UK Navy, Security Minister and Cyber Security Minister ★

Nicholas Williams, OBE, Vice-President CERIS-ULB Diplomatic School of Brussels and Senior Associate Fellow ★

United States

James Acton, Co-director, Nuclear Policy Program, Carnegie Endowment for International Peace

General (ret.) John Rutherford Allen, USMC, Commander, NATO International Security Assistance Force and U.S. Forces Afghanistan, 2011-2013

Steve Andreasen, National Security Consultant, Nuclear Threat Initiative; and former Director for Defense Policy and Arms Control, National Security Council

Dr Emma Belcher, President, Ploughshares Fund

General Philip Breedlove, USAF, EASLG, Supreme Allied Commander Europe #17

Dr Pierce S. Corden, expert advisor, Holy See Mission to the UN, and former Division Chief, U.S. Arms Control and Disarmament Agency

Thomas Countryman, former United States Assistant Secretary of State for International Security and Non-proliferation

Kelsey Davenport, Director for Nonproliferation Policy, Arms Control Association

Major General (ret.) Gordon B. Davis Jr. Senior Fellow Center for European Policy Analysis, Former Deputy Assistant Secretary General for Defence Investment

Samuel Driver, PhD Candidate, Slavic Studies, Brown University (YGLN) ★

Prof Steve Fetter, University of Maryland

Prof Nancy Gallagher, Research Professor of Public Policy, University of Maryland

Dr Joseph Gerson, President, Campaign for Peace, Disarmament and Common Security

Derek Johnson, Managing Partner, Global Zero

Brigadier (ret) Feroz Hassan Khan, former Brigadier in the Pakistan Army and former Director of Arms Control and Disarmament Affairs, Strategic Plans Division, Joint Services Headquarters, Pakistan

Daryl G. Kimball, Executive Director, Arms Control Association

Douglas Lute, former US Ambassador to NATO

Sam Nunn, Co-Chair, Nuclear Threat Initiative; and former U.S. Senator

Steven Pifer, former Ambassador and former Senior Director for Russia, Ukraine and Eurasia on the National Security Council; Affiliate, Center for International Security and Cooperation, Stanford University and nonresident senior fellow, Brookings Institution

Prof William Potter, Sam Nunn and Richard Lugar Professor of Nonproliferation Studies, Middlebury Institute of International Studies at Monterey

Joan Rohlfing, President and COO, Nuclear Threat Initiative

Brigadier General (ret.) Kevin Ryan, Senior Fellow, Harvard Kennedy School Belfer Center and former Defense Attache to Moscow ◊

Sahil V. Shah, Senior Fellow and Program Manager, The Janne E. Nolan Center on Strategic Weapons, The Council on Strategic Risks ★

Dr Elena K. Sokova, Executive Director, Vienna Center for Disarmament and Non-Proliferation

Greg Thielmann, Former Director, Office of Strategic, Proliferation, and Military Affairs. Bureau of Intelligence and Research, Department of State

Dr Harlan Ullman, Chairman of the Killowen Group and Senior Advisor, The Atlantic Council

Alexander Vershbow, former NATO Deputy Secretary General; former Ambassador to Russia and South Korea; Distinguished Fellow, Atlantic Council

Prof Jingdong Yuan, former Director of the East Asia Nonproliferation Program, Middlebury Institute of International Studies; Associate Professor, Discipline of Government and International Relations and Member of the China Studies Centre, the University of Sydney

Nationality (and alphabetically)

Albania

Fatmir Mediu MP, former Defence Minister ★

Argentina

Irma Arguello, Head to the Secretariat, LALN, Latin American and Caribbean Leadership Network; founder and chair, Non-proliferation for Global Security Foundation, (NPSGlobal)

Australia

Hon Julie Bishop, Chancellor, The Australian National University, former Minister for Foreign Affairs

John Carlson, former Director-General of the Australian Safeguards and Non-Proliferation Office ◊

Prof Simon Chesterman, David Marshall Professor of Law & Vice Provost, National University of Singapore

Hon Gareth Evans, former Minister for Foreign Affairs ◊

Prof Trevor Findlay, Principal Fellow, School of Social and Political Sciences, University of Melbourne ◊

John Hallam, Australian Coordinator PNND, People for Nuclear Disarmament UN Nuclear Weapons Campaigner

Prof Marianne Hanson, Associate Professor, School of Political Science and International Studies ◊

Dr Peter Hayes, Honorary Professor, Center for International Security Studies, Sydney University, Australia and Director, Nautilus Institute in Berkeley, California ◊

Hon Robert Hill, former Minister for Defence Australia ◊

Amb Michael Kirby, former Chair of the UN Commission of Inquiry on Human Rights in North Korea ◊

Amb John McCarthy, former Ambassador to Vietnam, Mexico, Thailand, the United States, Indonesia and Japan and High Commissioner to India ◊

Hon Melissa Parke, former Minister for International Development ◊

Hon Christopher Pyne, 54th Australian Defence Minister

Amb Gary Quinlan AO, former Australian Ambassador to the United Nations and representative on the Security Council ◊

Dr Lauren Richardson, Lecturer, Department of International Relations, The Australian National University

Senator David Shoebridge, Australian Greens Senator for New South Wales

Hon Senator Jordon Steele-John, Senator for Western Australia, Australian Greens

Hon Natasha Stott Despoja AO, former Senator for South Australia, former Leader of the Australian Democrats, former Australian ambassador for women and girls, and former Chair of Our Watch ◊

Amb John Tilemann, former Australian Deputy Permanent Representative to the International Atomic Energy Agency (IAEA) ◊

Belarus

Dr Yauheni Preiherman, Director, Minsk Dialogue Council on International Relations, co-chair, YGLN ★

Belgium

Dr Ilana Bet-El, Visiting Senior Fellow, KCL and former UN Senior Advisor on the Balkans ★

Bulgaria

Dr Solomon Passy, Founding President, Atlantic Club of Bulgaria ★

Canada

Dr Zachary Paikin, Researcher, Centre for European Policy Studies, Belgium (YGLN) ★

Croatia

Prof. Ivo Slaus, Honorary President of the World Academy of Art and Science and Honorary Member of the Club of Rome ★

Czech Republic

Jan Kavan, former Minister of Foreign Affairs and Deputy Prime Minister; former President of the UN General Assembly ★

Denmark

Mogens Lykketoft, former Minister (Finance, Foreign); Speaker and President of the UN General Assembly ★

East Timor

Dionísio Babo Soares, former Minister of Foreign Affairs ◊

Finland

Dr Tarja Cronberg, former Member of Parliament, MEP, and SIPRI Distinguished Fellow ★

Dr Raimo Väyrynen, former President of the Academy of Finland, Professor emeritus of the University of Helsinki ★

Germany

Dr Stefanie Babst, former NATO Deputy Assistant Secretary and ELN Senior Associate Fellow ★

Lt. General (ret) Heinrich Brauss, former NATO Assistant Secretary General for Defence Policy and Planning ★

Dr Tobias Fella, Head, Challenges to Deep Cuts Project

Dr Alexander Graef, Senior Researcher, Institute for Peace Research and Security Policy at the University of Hamburg (IFSH) (YGLN) ★

Amb. Wolfgang Ischinger, President of the Foundation Council, Munich Security Conference Foundation; former Chairman of the Munich Security Conference ★

Dr Angela Kane, former UN High Representative for Disarmament Affairs ★

Roderich Kiesewetter, CDU member of the Bundestag and former General Staff Officer of the Bundeswehr ★

Dr Reinhard Krumm, Friedrich-Ebert-Stiftung, founder of the FES Regional Office for Security and Peace in Europe

Rüdiger Lüdeking, former Ambassador and Deputy Commissioner of the Federal Government for Disarmament and Arms Control

Dr Oliver Meier, Research and Policy Director, European Leadership Network ★

Dr Marion Messmer, Senior Research Fellow, International Security Programme, Chatham House

General (ret) Klaus Naumann, former Chief of Staff of the German armed forces; former Chairman of the NATO Military Committee ★

Amb. Rolf Nikel, Vice President German Council on Foreign Relations and former Federal Government Commissioner for Arms Control and Disarmament

Dr Hanna Notte, Senior Associate, Vienna Center for Disarmament and Non-Proliferation; Senior Associate, CSIS

Prof. Götz Neuneck, Co-Chair, Federation of German Scientists

Colonel GS (ret) Wolfgang Richter, former senior military advisor to German UN/CD and OSCE Representations

Dr Norbert Röttgen, Member of the German Parliament (CDU) ★

Nils Schmid, Member of the German Parliament and Foreign Policy Spokesman of the SPD Parliamentary Group ★

Ulf Schneider, President and Founder, SCHNEIDER GROUP ★

Brigadier General (ret) Reiner Schwalb, Vice President German Association for Security Policy and former DEU Defence Attachè to Moscow

Elisabeth Suh, Research Fellow, German Council on Foreign Relations (YGLN) ★

Maren Vieluf, Policy Consultant, International Campaign to Abolish Nuclear Weapons (YGLN) ★

Karsten D Voigt, Former German-American Coordinator and former President of the Parliamentary Assembly of NATO ★

Brigadier General (ret.) Dr Klaus Wittmann, Lecturer in Contemporary History, Potsdam University★

Georgia

Tedo Japaridze, former Minister of Foreign Affairs ★

Greece

Spiros Lampridis, former Permanent Representative of Greece to NATO ★

Hungary

Balazs Csuday, former Ambassador and Permanent Representative to the United Nations and International Organisations, Vienna ★

Dr János Martonyi, former Minister of Foreign Affairs ★

India

Commodore (ret.) C Uday Bhaskar, Director of the Society for Policy Studies (SPS), New Delhi ◊

Amb. Neelam Deo, Co-founder Gateway House, Indian Council on Global Relations ◊

Prof Happymon Jacob, Associate Professor of disarmament studies at the School of International Studies, Jawaharlal Nehru University, New Delhi

Lt Gen (ret.) Prakash Menon, former Military Adviser, National Security Council Secretariat (NSCS) and Director, Strategic Studies Programme, The Takshashila Institution

Sylvia Mishra, Senior Associate at the Institute for Security and Technology (IST), Policy Advisor at the European Leadership Network (ELN), and Chair CBRN Working Group at Women of Color Advancing Peace & Security (WCAPS) ★

Dr Rajeswari Pillai Rajagopalan, Director, Center for Security, Strategy & Technology (CSST), Observer Research Foundation ◊

Dr Manpreet Sethi, Distinguished Fellow at the Centre for Air Power Studies, New Delhi ◊

Air Chief Marshal (ret.) Shashi Tyagi, former chief of the Indian Air Force ◊

Prof Arun Vishwanathan, Associate Professor, Central University of Gujarat, India ◊

Dr Sundeep Waslekar, President, Strategic Foresight Group

Indonesia

Dr Marty Natalegawa, former Minister for Foreign Affairs and Chair of the Asia Pacific Leadership Network (APLN) ◊

Ireland

Mary Robinson, former President and Chair of the Elders

Italy

Giancarlo Aragona, former Ambassador to Moscow and London ★

Prof. Francesco Calogero, Emeritus Professor of Theoretical Physics, University of Rome La Sapienza ★

Marta Dassù, Senior Advisor for European Affairs, The Aspen Institute ★

Admiral (ret.) Giampaolo Di Paola, former Minister of Defence and former Chairman of NATO Military Committee ★

Alice Saltini, Research Coordinator, European Leadership Network ★

Prof. Carlo Schaerf, Professor of Physics (ret.), University of Rome TV ★

Stefano Stefanini, Atlantic Council, European Leadership Network, ISPI, former PermRep to NATO and Diplomatic Advisor to the President of Italy ★

Dr Nathalie Tocci, Director, Istituto Affari Internazionali ★

Amb Carlo Trezza, Scientific Advisor of Istituto Affari Internazionali, former Ambassador for Disarmament and Nonproliferation, former chairman of MTCR, UN secretary general’s Advisory Board for Disarmament Affairs, the Conference on Disarmament ★

Dr Lia Quartapelle, PD Member of the Chamber of Deputies ★

Japan

Amb Nobuyasu Abe, former United Nations Under-Secretary-General for Disarmament Affairs ◊

Doden Aiko, Special Affairs Commentator with NHK World TV ◊

Prof Nobumasa Akiyama, Professor at the School of International and Public Policy and the Graduate School of Law at Hitotsubashi University ◊

Prof Kiichi Fujiwara, Professor Emeritus, the University of Tokyo and Professor and Advisor to the President, Chiba University ◊

Prof Yoko Hirose, Professor, Faculty of Policy Management, Keio University

Mr Tadashi Inuzuka, Co-President of World Federalist Movement – Institute for Global Polity and the Executive Director of Coalition for 3+3 ◊

Amb Yoriko Kawaguchi, former Minister of Foreign Affairs ◊

Mr Akira Kawasaki, Executive Committee member of Peace Boat ◊

Amb Yasuyoshi Komizo, former Chairperson of the Hiroshima Peace Culture Foundation, former Special Assistant to the Director General of the International Atomic Energy Agency (IAEA)

Prof Wakana Mukai, Associate professor, Faculty of International Relations, Asia University

Dr Kunihiko Shimada, Principal Director, Hiroshima Organization for Global Peace (HOPe)

Ms Ayaka Shiomura, Member of the House of Councillors ◊

Prof Tatsujiro Suzuki, vice-director and professor of the Research Center for Nuclear Weapons Abolition, Nagasaki University (RECNA) ◊

Dr Takao Takahara, Senior Fellow, PRIME (International Peace Research Institute, Meiji Gakuin University)

Prof Fumihiko Yoshida, Director of the Research Center for Nuclear Weapons Abolition, Nagasaki University (RECNA) ◊

Governor Hidehiko Yuzaki, Governor of Hiroshima Prefecture ◊

Kiribati

Hon Tessie Eria Lambourne, member of the House of Assembly and Leader of the Opposition, formerly Kiribati’s Ambassador to the Republic of China from June 2018 to September 2019 and Secretary to the Cabinet ◊

Latvia

Imants Liegis, former Minister of Defence and Ambassador ★

Malaysia

Tan Sri Jawhar, former Chairman of the Institute of Strategic and International Studies Malaysia ◊

Marshall Islands

Ms Rhea Moss-Christian, former Chair of the Marshall Islands National Nuclear Commission ◊

Mexico

Ernesto Zedillo, former President of Mexico

Nepal

Amb Sujata Koirala, former Deputy Prime Minister and Minister for Foreign Affairs, Government of Nepal, Leader, Nepali Congress Party ◊

Amb Lucky Sherpa, former Member of Parliament, former Ambassador to Australia and New Zealand

Netherlands

Jan Hoekema, former MP, Ambassador, and Mayor ★

Bert Koenders, Professor Leiden University, former Minister of Foreign Affairs of the Netherlands and Under secretary General of the United Nations ★

New Zealand

Prof Robert Ayson, Professor of Strategic Studies, Victoria University of Wellington

Rt Hon. Helen Clark, former Prime Minister ◊

Dr Kevin Clements, Director the Toda Peace Institute

Hon Nikki Kaye, former Deputy Leader of the National Party, former Minister of Education and former Member of the New Zealand Parliament ◊

Dr Tanya Ogilvie-White, APLN Senior Research Adviser ◊

Ms Angela Woodward, Council Chair (Acting), Disarmament and Security Centre, Aotearoa New Zealand ◊

Nigeria

Dr Olamide Samuel, Special Advisor to the Executive Secretary, African Commission on Nuclear Energy (YGLN) ★

Norway

Kjell Magne Bondevik, former Prime Minister and founder and Emeritus Chair of the Oslo Center ★

Gro Harlem Brundtland, former Prime Minister ★

Pakistan

Dr Mansoor Ahmed, former Stanton and Postdoctoral Research Fellow with the Project on Managing the Atom/International Security Program at the Belfer Center (2015-2018)

Dr Rabia Akthar, Director, Centre for Security, Strategy and Policy Research at the University of Lahore

Prof Pervez Hoodbhoy, former member of the UN Secretary General’s Advisory Board on Disarmament (2013-2018) ◊

Gen (ret.) Jehangir Karamat, former Chief of Army Staff of the Pakistan Army ◊

Senator Mushahid Hussain Sayed, Chairman, Pakistan Senate Defence Committee & Former Minister for Information, Culture & Tourism.◊

Dr Adil Sultan Muhammad, Dean Faculty of Aerospace and Strategic Studies (FASS), Air University, Islamabad

Dr Abdul Hameed Nayyar, founding member of the International Panel on Fissile Materials

Dr Sadia Tasleem, Lecturer at the Department of Defense and Strategic Studies at Quaid-i-Azam University ◊

Philippines

Prof Mely Caballero-Anthony, Professor of International Relations, President’s Chair in International Relations and Security Studies, Associate Dean and Head of the Centre for Non-Traditional Security (NTS) Studies at the S. Rajaratnam School of International Studies, Nanyang Technological University, Singapore ◊

Poland

Adam Kobieracki, Ambassador and former NATO Assistant Secretary General for Operations ★

Dr Janusz Onyszkiewicz, former Minister of National Defence ★

Portugal

Dr Ricardo Baptista Leite, Politician, Medical Doctor, and founder and President of UNITE Parliamentarians for Global Health ★

Dr Aderito Vicente, Non-Resident Fellow, Odesa Center for Nonproliferation (OdCNP)

Republic of Korea

Lt Gen (ret.) In-Bum Chun, former Lieutenant General, ROK Army

Prof Jun Bong-geun, Professor, Institute of Foreign Affairs and National Security(IFANS), Korean National Diplomatic Academy (KNDA) ◊

Amb Kim Sung-hwan, former Minister of Foreign Affairs and Trade ◊

Dr Lee Sang Hyun, President, Sejong Institute ◊

Dr Sangsoo Lee, Associated Senior Fellow at the Institute for Security and Development Policy (ISDP), Stockholm

Prof Yongsoo Hwang, President of the Korean Institute of Nuclear Materials Management ◊

Prof Chungin Moon, former National Security Adviser to the President of the Republic of Korea ◊

Amb Kim Sook, former Korean Ambassador to the United Nations and Executive Director of Ban Ki-moon Foundation for a Better Future

Prof Man-Sung Yim, Professor, Department of Nuclear and Quantum Engineering, Director of Nuclear Nonproliferation Education and Research Center, Korea Advanced Institute of Science and Technology

Serbia

Konstantin Samofalov, former member of Parliament of Serbia, Socialdemocratic party Secretary General ★

Dr Goran Svilanović, former Minister of Foreign Affairs and former Secretary General of the Regional Cooperation Council ★

Singapore

Amb Kishore Mahbubani, Founding Dean of the Lee Kuan Yew School of Public Policy, National University of Singapore ◊

Amb Ong Keng Yong, 11th Secretary-General of ASEAN (2003-2007), Executive Deputy Chairman of the S. Rajaratnam School of International Studies at the Nanyang Technological University

Spain

Dr Mira Milosevich, Senior Analyst for Russia, Eurasia and the Balkans, Elcano Royal Institute ★

Dr Javier Solana, former Secretary General of NATO ★

Sweden

Dr Hans Blix, former Minister of Foreign Affairs and former Director General of the International Atomic Energy Agency (IAEA) ★

Ingvar Carlsson, former Prime Minister ★

Rolf Ekéus, former Chairman of UN Special Commission on Iraq, Chairman of SIPRI, Stockholm International Peace Research Institute ★

Sven Hirdman, former Ambassador to Russia, former Deputy Minister of Defence

Henrik Salander, former Ambassador for Disarmament, member Swedish Academy of War Sciences ★

Annika Soder, former state secretary for foreign affairs, Sweden, and chair of the European Institute of Peace

Switzerland

Dr Thomas Greminger, Director, Geneva Centre for Security Policy and former Secretary General of the Organization for Security and Co-operation in Europe ★

Tobias Vestner, Head of Research and Policy Advice and Head of Security and Law, Geneva Centre for Security Policy

Thailand

Amb Sawanit Kongsiri, former Deputy Minister of Foreign Affairs and former Thai representative to the International Atomic Energy Agency ◊

Amb Kasit Piromya, former Foreign Minister ◊

Turkey

Prof Dr Mustafa Aydın, President, International Relations Council ★

Hikmet Çetin, former Minister of Foreign Affairs ★

Faruk Loğoğlu, former Undersecretary of the Turkish Foreign Ministry and former Ambassador of Turkey to the United States of America ★

Vahit Erdem, former Undersecretary for Defence Industries ★

Ukraine

Valeriia Hesse, Non-Resident Fellow, Odesa Center for Nonproliferation (OdCNP) (YGLN) ★

Dr Polina Sinovets, Director, Odesa Center for Nonproliferation (OdCNP)

Vietnam

Amb Ton Nu Thi Ninh, former Ambassador of Viet Nam to the EU, former vice-chair, Foreign Affairs Committee Vietnam National Assembly ◊

Dr Minh Tuan Ta, Assistant to the President of Vietnam Fatherland Front ◊

Mon livre, à la fnac de Vélizy 2

Plus que jamais de pleine actualité… ici dans les rayons de la fnac du centre commercial Vélizy 2, à Vélizy-Villacoublay, dans toute bonne librairie, ou bien auprès des éditions du Croquant (15 euros).

https://editions-croquant.org

L’accablante responsabilité d’une guerre ne peut échapper à celui qui décide de la déclencher en dépit de ses conséquences tragiques et des risques, y compris nucléaires, qu’elle fait peser sur le monde. Cette crise majeure nous projette dans un futur incertain, alors que le multilatéralisme, l’ONU et les exigences de la sécurité collective, si nécessaires, ont déjà tellement reculé dans les relations internationales.

La pensée unique et les caricatures idéologiques qui n’ont cessé d’accompagner ce retour de la guerre inter-étatique en Europe, fait silence sur trente années post-Guerre froide d’une page d’histoire déterminante. Trente années de tensions, d’hostilités et de rivalités de puissances qui ont contribué à réunir toutes les conditions d’un conflit de haute intensité dont le peuple ukrainien paie aujourd’hui le prix le plus élevé.

Comprendre les causes de cette guerre, l’erreur stratégique de Poutine, mais aussi le rôle décisif des États-Unis et de l’OTAN est indispensable au regard des effets de dégradation profondes dont ce conflit est porteur quant au monde de demain. Cette guerre en Ukraine est un enseignement in vivo sur les réalités et les périls d’un monde chaotique, et sur la prévalence de stratégies fondées sur l’affirmation de la puissance et l’exercice de la force. Ce livre contient aussi, en français et en intégralité, et pour certains initialement confidentiels ou en accès restreint, d’importants et significatifs documents officiels américains et russes, préalables au déclenchement de la guerre…

Le Pape, la guerre et le petit chaperon rouge…

Ci-dessus, logo de l’Etat du Vatican.

Au cours de son voyage apostolique en Hongrie le Pape François s’est exprimé sur plusieurs sujets majeurs, en particulier sur la guerre en Ukraine. Ses propos, singulièrement politiques, et en contradiction manifeste avec l’esprit belligène dominant, méritent d’être relevés et salués. Le Pape a confirmé, non sans humour, qu’une initiative du Vatican est déjà en cours… ce qui est une bonne nouvelle à mettre en évidence, tandis que les médias et bien des responsables politiques font silence sur cette intervention ou médiation positive à venir. Le Pape François s’est engagé à en parler ultérieurement.

Le Pape François s’est exprimé sur d’autres sujets importants comme l’Europe ou les migrants, mais aussi sur des questions sociétales : la famille, le genre, l’avortement… L’auteur de ces lignes tient à souligner qu’il n’appouve pas toutes les déclaratios faites par le Pape François.

Voici les propos tenus par le Pape François lors d’une conférence de presse pendant le vol du retour (1) :

Dimanche 30 avril 2023

Eliana Ruggiero – AGI (Agence de presse italienne)

Saint-Père, vous avez lancé un appel à ouvrir – à rouvrir – les portes de notre égoïsme aux pauvres, aux migrants, à ceux qui ne sont pas en règle. Lors de votre rencontre avec le Premier ministre hongrois Orbán, lui avez-vous demandé de rouvrir les frontières de la route des Balkans qu’il a fermées ? Puis, ces derniers jours, vous avez également rencontré le métropolite Hilarion : Hilarion, et Orbán lui-même peuvent-ils devenir des canaux d’ouverture vers Moscou pour accélérer un processus de paix pour l’Ukraine, ou rendre possible une rencontre entre vous et le président Poutine ? Je vous remercie.

Pape François :

Je crois que la paix se fait toujours par l’ouverture de canaux, jamais par la fermeture. J’invite tout le monde à ouvrir des relations, des canaux d’amitié. Ce n’est pas facile. Le même discours que j’ai tenu en général, je l’ai tenu avec Orbán et je l’ai tenu partout.

(…)

Sur l’immigration : je pense que c’est un problème que l’Europe doit prendre en main, parce qu’il y a cinq pays qui souffrent le plus : Chypre, la Grèce, Malte, l’Italie, l’Espagne, parce que ce sont les pays méditerranéens et que la majorité y débarque. Et si l’Europe ne s’occupe pas de cela, d’une répartition équitable des migrants, le problème ne concernera que ces pays. Je pense que l’Europe doit faire en sorte que les gens sentent qu’elle est l' »Union européenne », même face à cela.
(…)
Et puis, pour finir, Hilarion. Hilarion est quelqu’un que je respecte beaucoup et nous avons toujours eu de bonnes relations. Il a eu la gentillesse de venir me voir, puis il est allé à la messe, et je l’ai aussi vu ici, à l’aéroport. Hilarion est une personne intelligente avec laquelle on peut parler, et ces relations doivent être maintenues, parce que si nous parlons d’œcuménisme et que nous disons ensuite « j’aime ceci, je n’aime pas cela »… Nous devons tendre la main à tout le monde, et aussi recevoir la main des autres. Je n’ai parlé qu’une seule fois avec le patriarche Kirill depuis le début de la guerre, 40 minutes pour zoomer, puis par l’intermédiaire d’Antony, qui remplace Hilarion et qui vient me voir : c’est un évêque qui a été pasteur à Rome et qui connaît bien l’environnement, et c’est toujours par son intermédiaire que je suis en contact avec Kirill. La rencontre que nous devions avoir à Jérusalem en juillet ou juin de l’année dernière est en suspens, mais elle a été suspendue à cause de la guerre : il faudra la faire. Et puis, avec les Russes, j’ai de bonnes relations avec l’ambassadeur qui part maintenant, ambassadeur pendant sept ans au Vatican, c’est un grand homme, un homme comme il faut. C’est une personne sérieuse, cultivée, très équilibrée. Les relations avec les Russes sont principalement le fait de cet ambassadeur. Je ne sais pas si j’ai tout dit…


Eliana Ruggiero :

S’ils pouvaient d’une manière ou d’une autre, Hilarion et Orbán, accélérer le processus de paix en Ukraine et rendre possible une rencontre entre vous et Poutine, s’ils pouvaient agir – entre guillemets – en tant qu’intermédiaires ?

Pape François :

Vous pouvez imaginer que lors de cette réunion, nous n’avons pas seulement parlé du Petit Chaperon Rouge. Nous avons parlé de toutes ces choses-là. Nous en avons parlé parce que tout le monde est intéressé par le chemin de la paix. Je suis prêt. Je suis prêt à faire tout ce qui doit être fait. Une mission est déjà en cours, mais elle n’est pas encore publique, voyons…. lorsqu’elle sera rendue publique, j’en parlerai.

Note : le métropolite Hilarion est le chef du département des relations extérieures du Patriarcat de Moscou dont le Primat est le Patriarche Kirill.

1) Voyage apostolique de sa Sainteté François en Hongrie (28 – 30 avril 2023). Conférence de presse du Saint Père pendant le vol du retour. Vol papal Dimanche 30 avril 2023 https://www.vatican.va/content/francesco/fr/events/event.dir.html/content/vaticanevents/fr/2023/4/30/ungheria-voloritorno.html

Extraits du discours du Pape François sur la guerre en Ukraine et sur la paix, lors de sa rencontre avec les autorités, la société civile et le corps diplomatique à Budapest (1)

Vendredi 28 avril 2023

Après la guerre, l’Europe a été, avec les Nations-Unies, le grand espoir dans l’objectif commun que des liens plus étroits entre les nations empêcheraient de nouveaux conflits. Malheureusement, cela n’a pas été le cas. Cependant, dans le monde où nous vivons, la passion pour la politique communautaire et le multilatéralisme semble être un beau souvenir du passé : on semble assister au triste déclin du rêve choral de paix, tandis que les solistes de la guerre prennent la place. D’une manière générale, l’enthousiasme pour la construction d’une communauté des nations pacifique et stable semble s’être désintégré dans les esprits, tandis que l’on marque les zones, que l’on marque les différences, que les nationalismes recommencent à gronder et que l’on exacerbe les jugements et les tons à l’égard des autres. Au niveau international, il semble même que la politique ait pour effet d’enflammer les esprits plutôt que de résoudre les problèmes. Elle oublie la maturité acquise des horreurs de la guerre et régresse vers une sorte d’infantilisme belliqueux. Mais la paix ne viendra jamais de la poursuite d’intérêts stratégiques particuliers, mais plutôt de politiques capables de considérer l’ensemble, le développement de tous : attentives aux personnes, aux pauvres et à l’avenir, et pas seulement au pouvoir, aux gains et aux opportunités du moment.

(…)

C’est un sujet, celui de l’accueil, qui suscite beaucoup de débats à notre époque et qui est certainement complexe. Cependant, pour ceux qui sont chrétiens, l’attitude de base ne peut pas être différente de celle que saint Étienne a transmise, après l’avoir apprise de Jésus qui s’est identifié à l’étranger à accueillir (cf. Mt 25, 35). C’est en pensant au Christ présent en tant de frères et sœurs désespérés qui fuient les conflits, la pauvreté et le changement climatique, qu’il faut aborder le problème sans excuses ni retards. C’est un thème qui doit être abordé ensemble, communautairement, aussi parce que, dans le contexte où nous vivons, les conséquences affecteront tôt ou tard tout le monde. C’est pourquoi il est urgent, en tant qu’Europe, de travailler à des voies sûres et légales, à des mécanismes partagés face à un défi historique qui ne pourra être maîtrisé par le rejet, mais qui doit être accueilli pour préparer un avenir qui, s’il n’est pas ensemble, ne sera pas. Cela appelle en première ligne ceux qui suivent Jésus et veulent suivre l’exemple des témoins de l’Évangile

1) Voyage apostolique en Hongrie : Rencontre avec les autorités, la société civile et le corps diplomatique. Ancien couvent des Carmélites (Budapest).

https://www.vatican.va/content/francesco/fr/events/event.dir.html/content/vaticanevents/fr/2023/4/28/ungheria-autorita.html

Iraq : 20 ans après : quelques éclairs de lucidité…

Certains experts et chercheurs, collaborateurs de think tanks (institutions d’expertises) parmi les plus connus aux États-Unis, formulent aujourd’hui quelques vérités montrant comment la guerre en Iraq, l’hubris et l’illusion dramatique de la toute puissance américaine, il y a 20 ans, ont contribué à changer le monde… Même dans un cadre aussi politiquement et idéologiquement marqué que celui de l’Atlantic Council (1), on peut trouver des réflexions plutôt lucides touchant à l’instrumentalisation de l’argument démocratique pour légitimer la guerre, ou bien quant à la désagrégation de l’ordre social et international par la guerre et la militarisation.

Photo Codepink – USA

Voici quelques extraits d’un dossier de l’Atlantic Council, daté du 17 mars 2023, intitulé « The Iraq invasion : 20 years on, 20 years forward » (l’invasion de l’Iraq : 20 ans après, 20 ans à venir).

Lorsque les États-Unis ont envahi l’Irak il y a vingt ans, l’une des justifications publiques de la guerre était qu’elle contribuerait à étendre la démocratie dans tout le Moyen-Orient. Bien entendu, l’invasion a eu l’effet inverse : elle a déclenché un conflit sectaire sanglant en Irak, sapant gravement la réputation de la démocratie dans la région et la crédibilité de l’Amérique dans sa promotion.

(…)

Les échecs de l’administration de George W. Bush en Irak ont sérieusement fait reculer la cause de la démocratie dans la région. Dans la perception des opinions publiques arabes, la démocratisation est devenue synonyme d’exercice de la puissance militaire américaine.

(…)

Le fossé béant entre ce que les citoyens veulent et ce qu’ils obtiennent de leurs gouvernements demeure. Les indicateurs de gouvernance mondiale de la Banque mondiale montrent que, globalement, les États de la région ne sont pas plus stables politiquement, plus efficacement gouvernés, plus responsables ou plus participatifs qu’il y a vingt ans. Si les dirigeants politiques ne comblent pas cette lacune, il est probable que d’autres manifestations du type du Printemps arabe, voire des révolutions sociales, se produiront.

Ces appréciations critiques sont signées de Stephen Grand, chercheur associé à l’Atlantic Council.

Il est l’auteur de « Understanding Tahrir Square : What Transitions Elsewhere Can Teach Us About the Prospects for Arab Democracy » (Comprendre la place Tahrir : ce que toutes les transitions peuvent nous apprendre sur les perspectives de la démocratie arabe). Il est chercheur principal associé dans le cadre des programmes de l’Atlantic Council pour le Moyen-Orient.

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Voici les remarques d’une collaboratrice de l’Atlantic Council : Alia Brahimi. Alia Brahimi est chercheuse principale associée aux programmes de l’Atlantic Council sur le Moyen-Orient et animatrice du podcast Guns for Hire (Armes à louer). Ce podcast audio traite de l’enjeu du mercenariat, notamment en Libye et en Ukraine avec le groupe Wagner.

Depuis le XVIIe siècle, l’ordre mondial repose plus ou moins sur le concept de souveraineté étatique : les États sont censés détenir le monopole de la force à l’intérieur de territoires mutuellement reconnus et il leur est généralement interdit d’intervenir dans les affaires intérieures des autres États. L’invasion de l’Irak a remis en cause cette norme de trois manières importantes.

Tout d’abord, la guerre a représenté une attaque directe contre la souveraineté de l’État irakien,en contradiction avec l’interdiction de la guerre d’agression. Bien que l’administration Bush ait présenté l’invasion comme un cas d’autodéfense préventive, elle a été largement perçue comme une guerre préventive de choix contre un État qui ne représentait pas un danger évident et immédiat. En outre, les principales exceptions au respect de la souveraineté qui ont pu être développées au fil du temps avec les atrocités de masse, ou bien sous l’autorité des Nations-Unies, ne s’appliquaient pas à l’Irak. Les États-Unis ont ainsi porté un coup majeur au système international fondé sur des règles dont ils étaient l’un des principaux architectes. Cela a peut-être rendu plus imaginables les crimes d’agression commis ultérieurement par d’autres États.
(Ici l’auteur fait probablement allusion à l’agression russe en Ukraine)

Deuxièmement, les moyens de la guerre, et en particulier de l’occupation, ont favorisé la réapparition de l’industrie militaire privée. Poussées par la nécessité de soutenir deux longues guerres en Irak et en Afghanistan, les forces armées américaines sont devenues dépendantes des contractants militaires, ce qui impliquait parfois d’autoriser des civils rémunérés à tuer. L’effort des États-Unis pour (re)privatiser la guerre a remis à la mode l’utilisation de la force militaire privée, générant une industrie de plusieurs milliards de dollars qui n’est pas prête de disparaître. Avec le temps, l’expansion des sociétés militaires privées pourrait mettre en cause la prétention exclusive de l’État à l’exercice de la force et ébranler les fondements du système international actuel.

Troisièmement, les conséquences de la guerre ont conduit à l’autonomisation spectaculaire d’acteurs armés non étatiques dans la région et au-delà, qui ont lancé une attaque frontale contre la souveraineté de nombreux États. L’État islamique en Irak et en Syrie, bien sûr, a émergé au milieu de la contestation brutale du pouvoir dans l’Irak de l’après-invasion et a poursuivi son « califat » en tant qu’institution politique alternative (sunnite) pour rivaliser avec l’État-nation. Si, pour l’instant, la menace a été contenue au Moyen-Orient, elle commence seulement à prendre de l’ampleur sur le continent africain. En outre, l’Iran ayant effectivement gagné la guerre en Irak, a pu parrainer un grand nombre de groupes chiites non étatiques qui ont érodé la souveraineté des États au Liban, en Syrie, au Yémen et en Irak même.

L’invasion américaine de l’Irak nous a laissé un monde caractérisé par moins de respect pour la souveraineté des États, plus d’armes à louer et un éventail vertigineux de groupes non étatiques bien armés et déterminés.

Évidemment, ces quelques réflexions critiques concernant les problématiques de la guerre en Iraq nous ramènent irrémédiablement à l’échec des guerres dites sans fin engagées par l’Administration Bush, mais aussi à l’actualité de la guerre et de l’invasion russe en Ukraine. Certes, au fil du temps, les guerres se suivent, mais ne se ressemblent pas. Les circonstances et la nature des affrontements armés sont toujours très composites et très différentes. On ne peut pas comparer sans prendre de grands risques… mais il y a aussi, dans un ordre international théoriquement fondé sur des règles, aujourd’hui en crise, des constantes issues de l’essentiel stratégique : les logiques de la puissance, l’exercice de la force, la mise à l’écart du politique et du multilatéralisme. Il faut donc analyser sérieusement, prendre de la hauteur, resituer les choses dans la durée… Mais faudra-t-il attendre 20 ans pour qu’un peu de lucidité et de pertinence sur les causes, sur l’histoire réelle des responsabilités, sur les enjeux de la guerre en Ukraine et sur l’ordre international actuel, fassent enfin l’objet d’un débat vraiment libre et ouvert ?

1) L’Atlantic Council, a été créé en 1961, en pleine Guerre froide. Au mois d’août de cette année-là la RDA construit le mur de Berlin. Ce laboratoire d’idées et de réflexions sur les relations internationales est connu pour ses liens avec les politiques euro-atlantiques, et avec l’OTAN.

Les dépenses militaires mondiales atteignent 2 240 $ milliards en 2022, un nouveau record.

(Stockholm, 24 avril 2023) – Le total des dépenses militaires mondiales a augmenté de 3,7 % en termes réels en 2022, pour atteindre un niveau record de 2 240 milliards de dollars. Les dépenses militaires en Europe ont connu leur plus forte augmentation annuelle depuis au moins 30 ans. Selon les nouvelles données sur les dépenses militaires mondiales publiées aujourd’hui par le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), les trois pays qui ont dépensé le plus en 2022 – les États-Unis, la Chine et la Russie- représentaient 56 % du total mondial.

STOCKHOLM INTERNATIONAL PEACE RESEARCH INSTITUTE

SIPRI Communiqué de presse du 24 avril 2023.

L’invasion de l’Ukraine et les tensions en Asie de l’Est entraînent une augmentation des dépenses.

En 2022, les dépenses militaires mondiales ont augmenté pour la huitième année consécutive atteignant un niveau record de 2 240 milliards de dollars. La hausse, de loin la plus forte, des dépenses (+13 %) a été observée en Europe et est largement imputable aux dépenses russes et ukrainiennes. Cependant, l’aide militaire à l’Ukraine et les craintes d’une menace grandissante de la part de la Russie ont fortement influencé la décision d’augmenter les dépenses de nombreux autres États, tout comme les tensions en Asie de l’Est.

« L’augmentation continue des dépenses militaires mondiales ces dernières années est un signe que nous vivons dans un monde de moins en moins sûr », déclare Dr Nan Tian, chercheur senior au programme dépenses militaires et production d’armement du SIPRI. « Les États renforcent leur puissance militaire en réponse à une détérioration du contexte sécuritaire, dont ils n’anticipent pas l’amélioration dans un avenir proche. »

Voir la suite : https://www.sipri.org/sites/default/files/MILEX%20Press%20Release%20FRE.pdf

Des forces spéciales des pays de l’OTAN participent à la guerre en Ukraine.

En dépit des évidences, les autorités françaises et plus généralement occidentales, n’ont cessé de le marteler : nous ne sommes pas en guerre contre la Russie. On sait que la réalité est bien différente. Les fuites de documents secrets du Pentagone nous en offrent une nouvelle démonstration.

Quelques semaines avant l’invasion russe de l’Ukraine d’importantes rencontres diplomatiques officielles se sont tenues, du 11 au 13 janvier 2022, à Genève (entre la Russie et les États-Unis), à Bruxelles (entre la Russie et l’OTAN) et à Vienne (entre la Russie et l’OSCE). Il s’agissait de discuter notamment des vives tensions sur l’Ukraine, les enjeux de sécurité en Europe et les propositions russes en la matière. Ces négociations furent un échec. Je l’explique dans mon livre « Poutine, l’OTAN et la guerre », pages 27 à 35 (1). Mais ces rencontres de haut niveau ont clairement mis en évidence le cadre politique et stratégique majeur qui surdétermine le conflit : la confrontation USA-OTAN / Russie. Si l’Ukraine constitue le terrain et « l’objet » de la guerre, le fondement et la cause stratégique de celle-ci est beaucoup plus global. Il s’agit de l’ordre international, des rapports de forces, des logiques de puissance à l’œuvre et de la bataille pour les zones d’influence, jusqu’aux conséquences des confrontations internationales après l’effondrement de l’URSS. Pourquoi cette évidence est-elle le plus souvent récusée avec tellement d’insistance ?

Le 24 février 2022, le Président russe lance ses blindés en territoire ukrainien, en totale négation de la Charte des Nations-Unies et du droit international. Et ce même jour, dans un nouveau discours pour expliquer l’agression qu’il commande, dès les premiers mots, il accuse l’OTAN et dénonce son extension à l’Est. Lui aussi définit ainsi le cadre du conflit et sa dimension stratégique. La Russie, on le sait, met en cause cet élargissement jusqu’à ses propres frontières.

En vérité, on ne peut s’étonner que les puissances occidentales, afin d’échapper à leurs propres responsabilités, et pour ne pas accepter une quelconque mise en cause des acquis stratégiques des années 90, aient pu systématiquement refuser d’acter ces réalités significatives. Pourtant, nul ne pouvait ignorer les sérieuses problématiques soulevées par cette extension unilatérale, avec le déséquilibre stratégique ainsi effectivement provoqué. Les risques de sécurité en furent alors décuplés, surtout dans un contexte de régression inquiétante du multilatéralisme, et de décomposition de l’architecture de sécurité internationale. Et puis, en déniant toute responsabilité dans les causes de la guerre, les puissances de l’Alliance atlantique s’octroient une « bonne » raison de décliner toute responsabilité dans un processus politique pouvant conduire à une solution négociée. C’est tellement pratique…

On ne peut comprendre les (mauvaises) raisons de la guerre si l’on ne situe pas ses causes et ses enjeux dans le cadre historique et politique plus général, alors dominant. L’énorme pression médiatico-politique exercée depuis, afin d’évacuer cette nécessité essentielle, s’est donc concentrée dès le départ sur les soit-disant obsessions perverses et bellicistes du Président russe, sur sa paranoïa, sur le syndrome de l’hubris, sur ses maladies réelles ou supposées : cancer, maladie de Parkinson, sans oublier les effets secondaires des médicaments… Bref, de quoi faire oublier qu’une montée à la guerre c’est toujours une page d’histoire, et jamais le seul fruit des décisions d’une seule personne fut-elle le premier dirigeant d’une puissance qui compte.

Un secret de Polichinelle

Les réalités, cependant, ne se laissent pas congédier et manipuler aisément. Dans « Poutine, l’OTAN et la guerre », ouvrage écrit dans les six premiers mois de la guerre, j’ai fait état (en citant une source très crédible) des forces spéciales occidentales participant à la guerre, en Ukraine, au côté des forces ukrainiennes (voir page 105). Aujourd’hui, la fuite d’une multitude de documents classifiés issus du Pentagone (y compris top-secrets) diffusés sur des médias dits sociaux et mentionnés dans la presse (surtout américaine et britannique) dévoilent ce secret de Polichinelle : des forces spéciales des pays de l’OTAN (parmi les « meilleures au monde » sur le plan militaire) sont en action sur le terrain de la guerre, au côté de l’armée ukrainienne.

Il faudra du temps pour clarifier les choses, pour mesurer l’ampleur et la nature de ces fuites, leur signification réelle et leur crédibilité. Certains documents auraient été modifiés ou trafiqués pour des raisons politico-militaires, en faveur de la Russie. Notons cependant que certains organes de presse, dont le New York Times, « ont rapporté que des fonctionnaires américains reconnaissent que de nombreux documents sont authentiques » (2). Le Washington Post le confirme (3).

Selon les informations divulguées il y aurait donc aujourd’hui (mais cela peut varier) une centaine de militaires d’élite actifs sur le terrain (97 exactement) pour des missions spécifiques non précisées : logistique, livraisons d’armes, infiltration, surveillance, entraînement ?.. beaucoup de choses sont possibles pour cette fine fleur sur-entraînée du combat occulte. Cette implication directe des pays de l’OTAN dans la guerre s’ajoute à l’aide en renseignement militaire « en temps réel » fournie en particulier par les États-Unis au forces de Kiev qui peuvent ainsi atteindre des cibles russes (souvent dites de haute valeur) avec efficacité et précision. La leçon est simple : lorsque votre ami vous aide à tuer votre ennemi… il ne peut pas prétendre ne pas participer aux combats.

Selon les informations rendues publiques, il y aurait ainsi, en Ukraine, 50 militaires britanniques, 17 lettons, 15 français, 14 américains et 1 hollandais… Naturellement, les autorités concernées ont démenti ces faits. C’est le cas en France par la voix de Sébastien Lecornu, Ministre des forces armées. C’est aussi le cas en Grande-Bretagne où le Ministère de la défense a fait valoir « un sérieux niveau d’inexactitude ». Ce qui ne constitue pas, remarquons-le, un démenti formel.

Évidemment, on se doute que les autorités concernées ne vont pas confirmer urbi et orbi que… oui, bien sûr, des militaires d’élite participent effectivement aux combats contre la Russie… Tout ce qui concerne les forces spéciales reste, en effet, du domaine secret ou discret. Avec des limites. Comme dit BBC News « ces documents confirment ce qui a fait l’objet de spéculations discrètes pendant plus d’un an » (4).

On observe l’engagement particulièrement avancé des forces spéciales britanniques (plus de la moitié de l’effectif total), avec des unités parmi les plus secrètes et les plus aguerries de l’armée britannique : le SAS (Special Air Service) (5), le « Special Boat Service », le « Special Reconnaissance Regiment », le « 18 (UKSF) Signal Regiment ». Selon le quotidien The Guardian, ces forces ne sont pas soumises à un contrôle parlementaire externe. Le Guardian souligne aussi que « les documents suggèrent que les forces spéciales pourraient faire partie d’un commandement des forces spéciales de l’OTAN coordonné par le Quartier général des opérations spéciales de l’Alliance… » (6).

Bref, après les documents divulgués en 2013 par Edward Snowden, ex-contractant de la National Security Agency (NSA), les autorités américaines, malgré toutes leurs capacités, ont quand même quelques soucis à se faire quant à leur maîtrise du renseignement. Nobody is perfect… On pourra observer la discrétion des grands médias français sur cette affaire. D’une façon générale, il est bien davantage question de l’origine des fuites que du contenu des documents divulgués. On est jamais trop prudent…

Pour écrire cet article, j’ai consulté divers organes de presse et médias, en particulier : The Guardian, BBC News, The Telegraph, euronews (en anglais), Sky News, Reuters, The Washington Post, The New York Post. JF 13 04 2023.

1) « Poutine, l’OTAN et la guerre. Sur les causes et les enjeux d’une sale guerre en Ukraine », éditions du Croquant, J. Fath, octobre 2022.

2) Voir « Up to 50 special forces present in Ukraine this year, US leak suggest », Harry Davies and Manisha Ganguly, The Guardian, April 11, 2023. https://www.theguardian.com/uk-news/2023/apr/11/up-to-50-uk-special-forces-present-in-ukraine-this-year-us-leak-suggests?CMP=Share_AndroidApp_Other

3) Voir « The discord leaks », Adam Taylor, The Washington Post, April 12, 2023. https://www.washingtonpost.com/world/2023/04/10/faq-leaked-pentagon-documents/

4) « Ukraine war : leak shows western special forces on the ground », Paul Adams and George Wright, BBC News, April 12, 2023. https://www.bbc.com/news/world-europe-65245065

5) Célèbre unité spéciale créée en 1941 par le Lieutenant britannique David Stirling. Cette unité de forces spéciales a joué un rôle majeur dans de grandes batailles de la Seconde Guerre mondiale, notamment en France, dans le cadre du débarquement de juin 1944 en Normandie.

6) « Up to 50 UK special forces present in Ukraine, US leak suggests »… article déjà cité.

DOCUMENT : le retrait des États-Unis d’Afghanistan.

L’Administration Biden a récemment transmis au Congrès deux rapports concernant le retrait américain d’Afghanistan, en août 2021. Ces rapports sont confidentiels, mais la Maison Blanche a rendu public, en date du 6 avril 2023, une synthèse de 12 pages que vous pouvez lire ci-dessous. En français et en intégralité.

Cette synthèse officielle confirme l’échec stratégique des États-Unis, ou plutôt l’effondrement d’une politique néo-impériale de guerre et de domination, présentée, on s’en souvient, comme la nécessité de mener l’offensive contre le terrorisme. Le texte présenté vise à justifier l’action américaine et à contredire les critiques, qui n’ont pas manqué, quant au catastrophique retrait d’Afghanistan, fin août 2021. L’Administration Biden certifie pourtant que tout avait été prévu et bien organisé… Les États-Unis, cependant, ne peuvent échapper à des questions essentielles : 20 ans de guerre en Afghanistan pour quels résultats ? Pour quelles conséquences ? A quel prix ?.. La débâcle américaine d’août 2021 n’est-elle pas le fruit d’une guerre illégale, illégitime et ingagnable ?

L’histoire de la responsabilité majeure des États-Unis dans la victoire des Talibans, et dans les épreuves dramatiques endurées aujourd’hui encore par le peuple afghan, reste à écrire et à faire connaître, mais à la fin du texte publié ci-dessous on peut trouver quand même un aveu involontaire mais significatif : « En fin de compte, après plus de vingt ans, plus de 2 000 milliards de dollars et la mise sur pied d’une armée afghane de 300 000 soldats, la rapidité et la facilité avec lesquelles les Talibans ont pris le contrôle de l’Afghanistan suggèrent qu’aucun scénario – à l’exception d’une présence militaire américaine permanente et considérablement élargie – n’aurait pu changer la trajectoire ». C’est la démonstration que les logiques de puissance et l’exercice de la force ne constituent jamais ni une méthode, ni une solution… En Afghanistan comme ailleurs. Parce quelles déterminent les stratégies mises en oeuvre, parce qu’elles font partie des problèmes posés en nourrissant les crises, y compris les plus tragiques. Dans le monde d’aujourd’hui, cette leçon-là, hélas, n’est pas encore (assez) admise.

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Texte intégral (traduction Deepl + JF) :


Briefing Room – Déclarations et communiqués 06 avril 2023
Pour consulter le document décrivant les décisions clés et les défis entourant le retrait des États-Unis d’Afghanistan, allez sur le site : https://www.whitehouse.gov/wp-content/uploads/2023/04/US-Withdrawal-from-Afghanistan.pdf

Lorsqu’il est entré en fonction, le Président Biden pensait que la meilleure chose à faire pour le pays était de mettre fin à la plus longue guerre de l’histoire des États-Unis et de rapatrier les troupes américaines. Comme il l’a expliqué au peuple américain, après vingt ans, les États-Unis ont accompli leur mission en Afghanistan : retirer du champ de bataille les terroristes qui ont attaqué les États-Unis le 11 septembre, y compris Oussama ben Laden, et réduire la menace terroriste qui pèse sur les États-Unis. Pendant deux décennies, les États-Unis ont également dépensé, avec leurs alliés et partenaires de l’OTAN, des centaines de milliards de dollars pour former et équiper les forces de défense et de sécurité nationales afghanes (ANDSF) et pour soutenir les gouvernements afghans successifs. Au départ, l’objectif des États-Unis n’a jamais été de construire une nation. Mais, au fil du temps, c’est ce que l’Amérique a fini par faire. Deux décennies après le début de la guerre, l’Amérique s’est enlisée dans une guerre en Afghanistan aux objectifs flous et sans fin en vue, et n’a pas suffisamment investi dans les défis de sécurité nationale d’aujourd’hui et de demain.

Les choix du Président Biden sur la manière d’exécuter un retrait d’Afghanistan ont été sévèrement limités par les conditions créées par son prédécesseur. Lorsque le Président Trump a pris ses fonctions en 2017, il y avait plus de 10 000 soldats en Afghanistan. Dix-huit mois plus tard, après avoir introduit plus de 3 000 soldats supplémentaires dans le seul but de maintenir l’impasse, le Président Trump a ordonné des pourparlers directs avec les Talibans sans consulter nos alliés et nos partenaires, ni permettre au gouvernement afghan de s’asseoir à la table des négociations. En septembre 2019, le Président Trump a enhardi les Talibans en envisageant publiquement de les inviter à Camp David à l’occasion de l’anniversaire du 11 septembre 2001. En février 2020, les États-Unis et les Talibans sont parvenus à un accord, connu sous le nom d’accord de Doha, en vertu duquel les États-Unis acceptent de retirer toutes les forces américaines d’Afghanistan d’ici mai 2021. En contrepartie, les Talibans ont accepté de participer à un processus de paix et de s’abstenir d’attaquer les troupes américaines et de menacer les grandes villes afghanes, mais seulement tant que les États-Unis restaient déterminés à se retirer avant la date limite fixée par l’accord. Dans le cadre de cet accord, le Président Trump a également fait pression sur le gouvernement afghan pour qu’il libère 5 000 combattants talibans, y compris des commandants de guerre de haut rang, sans obtenir la libération du seul otage américain connu détenu par les talibans.

Au cours des 11 derniers mois de son mandat, le Président Trump a ordonné une série de réductions des troupes américaines. En juin 2020, le Président Trump a réduit les effectifs américains en Afghanistan à 8 600 personnes. En septembre 2020, il a ordonné une nouvelle réduction à 4 500 hommes. Un mois plus tard, le président Trump a tweeté, à la surprise de ses conseillers militaires, que les troupes américaines restantes en Afghanistan devraient être « rentrées à la maison pour Noël ». Le 28 septembre 2021, le Chef d’état-major interarmées Milley a déclaré que, le 11 novembre, il avait reçu un ordre signé et non classifié ordonnant à l’armée américaine de retirer toutes ses forces d’Afghanistan au plus tard le 15 janvier 2021. Une semaine plus tard, cet ordre a été annulé et remplacé par un ordre de retrait de 2 500 soldats à la même date. Pendant la transition entre l’Administration Trump et l’Administration Biden, l’Administration sortante n’a fourni aucun plan sur la manière de mener le retrait final ou d’évacuer les Américains et les alliés afghans. En effet, aucun plan de ce type n’était en place lorsque le Président Biden est entré en fonction, alors même que le retrait total convenu était prévu dans un peu plus de trois mois.

Par conséquent, lorsque le Président Biden a pris ses fonctions le 20 janvier 2021, les Talibans se trouvaient dans la position militaire la plus forte qu’ils aient connue depuis 2001, contrôlant ou contestant près de la moitié du pays. Dans le même temps, les États-Unis ne disposaient que de 2 500 soldats sur le terrain – l’effectif le plus faible en Afghanistan depuis 2001 – et le Président Biden était confronté à l’échéance à court terme fixée par le président Trump pour retirer toutes les forces américaines d’Afghanistan d’ici mai 2021, faute de quoi les Talibans reprendraient leurs attaques contre les troupes américaines et alliées. Le 28 septembre 2021, le Secrétaire à la défense Austin a déclaré que « les renseignements étaient clairs : si nous ne partions pas conformément à cet accord, les Talibans recommenceraient à attaquer nos forces ».

Tout cela montre l’importance cruciale d’une coordination détaillée et efficace de la transition, en particulier lorsqu’il s’agit d’opérations militaires complexes dont les décisions et l’exécution passent d’une administration à l’autre, et d’accords importants conclus à la fin de l’administration sortante et dont la mise en œuvre incombera en grande partie à l’administration entrante.

La décision de partir

Le Président Biden s’était engagé à mettre fin à la guerre en Afghanistan, mais lorsqu’il est entré en fonction, il a été confronté à des réalités difficiles laissées par l’administration Trump. Le Président Biden a interrogé ses chefs militaires sur les options qui s’offraient à lui, notamment sur les conséquences d’un nouveau report de l’échéance du 1er mai. Il a demandé à ses spécialistes du renseignement s’il était possible de maintenir 2 500 soldats en Afghanistan, de les défendre contre un nouvel assaut des Talibans et de maintenir une certaine stabilité dans le pays. L’évaluation de ces professionnels du renseignement était que les États-Unis devraient envoyer davantage de forces américaines pour s’assurer que nos troupes puissent se défendre, et pour empêcher l’impasse de s’aggraver. Comme l’a déclaré le Secrétaire d’État Austin le 28 septembre 2021, « si vous restez [en Afghanistan] avec une force de 2 500 hommes, vous serez certainement aux prises avec les Talibans et vous devrez vous renforcer ». Le 29 septembre 2021, le Président Milley a déclaré : « Il est raisonnable de penser que nous devrions augmenter nos forces au-delà de 2 500 hommes, étant donné que les Talibans allaient très probablement commencer à nous attaquer. » Rien n’indique que plus de temps, plus de fonds ou plus d’Américains en danger en Afghanistan auraient permis d’obtenir une trajectoire fondamentalement différente. En effet, la rapidité avec laquelle les Talibans ont pris le contrôle du pays a montré pourquoi le maintien de 2 500 soldats n’aurait pas permis d’assurer la stabilité et la paix en Afghanistan.

Au début de l’année 2021, alors que les discussions étaient en cours, les services de renseignement et les militaires s’accordaient à dire que l’ANDSFseraient en mesure de défendre efficacement son pays et sa capitale, Kaboul. L’ANDSF disposait d’avantages considérables. Par rapport aux
Talibans, elle disposait d’effectifs et d’équipements largement supérieurs : 300 000 soldats contre 80 000 combattants talibans, une force aérienne et deux décennies d’entraînement et de soutien. Selon l’évaluation de la communauté du renseignement, les progrès des Talibans allaient s’accélérer dans de grandes parties de l’Afghanistan après le retrait complet de l’armée américaine et les Talibans pourraient s’emparer de Kaboul en l’espace d’un an ou deux. En mai 2021, l’évaluation était toujours la même, on estimait encore que Kaboul ne serait probablement pas soumise à de sérieuses pressions jusqu’à la fin de l’année 2021, après le départ des troupes américaines.

Dans de telles circonstances, le Président Biden a engagé un processus décisionnel délibéré, intensif, rigoureux et inclusif. Sa réflexion s’est appuyée sur des consultations approfondies avec son équipe de sécurité nationale, y compris des chefs militaires, ainsi que des experts extérieurs, des membres du Congrès, des alliés et des partenaires. Le Président a demandé et reçu des conseils sincères de la part d’un large éventail d’experts à l’intérieur et à l’extérieur du gouvernement. Comme l’a déclaré le Secrétaire Austin le 28 septembre 2021, « je suis tout à fait convaincu que nous avons procédé à un examen politique approfondi et je pense que toutes les parties ont eu l’occasion d’apporter leur contribution. Et cette contribution a été reçue ». Le Président Milley a également attesté le 28 septembre 2021, que les commandants sur le terrain « ont été écoutés » et qu’ils ont eu la possibilité de donner leur avis.

L’administration s’est engagée dans des consultations intensives avec les alliés au plus haut niveau, et le Président a tenu compte de leurs commentaires et de leurs différences d’opinion. Le Secrétaire d’État Blinken a déclaré le 13 septembre 2021 : « J’ai constaté beaucoup de gratitude de la part des alliés et des partenaires pour le travail que nos gens ont accompli pour s’assurer que nous pouvions tenir l’engagement que nous avons pris à leur égard. Le Secrétaire général de l’OTAN, M. Stoltenberg, a également rejeté l’affirmation selon laquelle le Président n’a pas consulté les alliés dans une interview du 10 septembre 2021 : « Vous entendez des voix différentes en Europe, et certains parlent du manque de consultation, mais j’étais présent lors de ces réunions. Bien sûr, les États-Unis ont consulté les alliés européens, mais en fin de compte, chaque nation doit prendre sa propre décision sur le déploiement de ses forces ».

En fin de compte, le Président Biden a refusé d’envoyer une autre génération d’Américains combattre dans une guerre qui aurait dû, il y a longtemps, prendre fin pour les États-Unis.

Planifier le retrait

Tout en reconnaissant la nécessité stratégique du retrait des forces américaines d’Afghanistan, le Président Biden et son équipe étaient bien conscients des défis posés, après vingt ans, par le retrait d’une zone de guerre, en particulier dans les circonstances dont ils ont hérité. Le départ de l’Administration Trump avait laissé à l’Administration Biden une date de retrait, mais aucun plan de mise en œuvre. Et après quatre années de négligence – et dans certains cas de dégradation délibérée, des systèmes, des bureaux et des fonctions de direction cruciales nécessaires à un départ sûr et ordonné.

Lorsque le président Biden a pris ses fonctions, le programme de visa spécial d’immigrant (SIV) pour les Afghans qui avaient travaillé avec nos soldats et nos diplomates nécessitait une procédure en 14 étapes basée sur un cadre législatif adopté par le Congrès et impliquant de multiples
agences gouvernementales. L’indifférence, voire l’hostilité, de l’Administration Trump à l’égard de notre engagement envers les alliés afghans a conduit à un arriéré massif de plus de 18 000 demandeurs de SIV. Bien qu’elle ait réduit ses troupes et se soit engagée à un retrait total, l’Administration Trump avait pratiquement mis fin aux entretiens SIV. Les services d’aide aux réfugiés ont été vidés de leur substance et le personnel a été considérablement réduit, forçant plus de 100 centres de réinstallation de réfugiés aux États-Unis à fermer. Enfin, le personnel fédéral de carrière a été vidé de sa substance. En novembre 2020, alors que le Président Biden s’apprêtait à prendre ses fonctions, le Département d’État employait 12 % d’employés en moins que quatre ans auparavant, au prix de lacunes importantes.

Immédiatement après son entrée en fonction, et avant même d’avoir pris la décision définitive de quitter l’Afghanistan, le Président Biden a demandé aux départements et agences de commencer à renforcer leurs capacités, notamment pour faciliter un retrait dans les délais requis. Au cours des deux premières semaines de son mandat, le Président Biden a signé l’ordre exécutif
14013 demandant aux ministères et aux agences d’augmenter les ressources et de rationaliser le processus de demande pour les demandeurs de SIV. Le 2 février, le Département d’État
a repris les entretiens SIV à Kaboul. Le Département d’État a doublé le nombre d’évaluateurs SIV à
à l’Ambassade de Kaboul, et a quintuplé le nombre d’employés chargés de traiter les demandes, qui est passé de 10 à 50 à Washington D.C. Grâce à cette augmentation, en travaillant avec le Congrès, les États-Unis sont passés de la délivrance de 100 SIV par semaine en mars, à plus de 1 000 par semaine en juillet. Pour rationaliser la procédure, ils ont réduit le délai moyen de traitement des SIV de plus d’un an. En juillet, les États-Unis ont délivré un nombre record de SIV à leurs alliés afghans et ont commencé à organiser les premiers vols de transfert de SIV.

Dès le début, le Président Biden a demandé que les préparatifs en vue d’un éventuel retrait des États-Unis prévoient toutes les éventualités, y compris celle d’une détérioration rapide de la situation en matière de sécurité, même si, à l’époque, les services de renseignement estimaient que cette situation était improbable. En mars, avant d’avoir pris sa décision finale, le Président a demandé à ses principaux responsables de la sécurité nationale, notamment le Secrétaire d’État, le Secrétaire à la défense, le Conseiller à la sécurité nationale, le Président de l’état-major interarmées et le Directeur du renseignement national, de commencer à planifier le retrait et de tenir compte d’un éventail complet d’éventualités. Une fois que le Président a pris sa décision finale, les équipes de sécurité nationale ont accéléré la planification déjà en cours. Tout au long du printemps et de l’été, le personnel du Conseil national de sécurité (NSC) a organisé des dizaines de réunions de planification de haut niveau, des répétitions officielles du retrait et des exercices sur table afin d’étudier des scénarios d’évacuation dans le cadre d’une planification responsable pour toute une série d’éventualités, même celles qui étaient en fait pires que les prévisions les plus pessimistes. Tout au long de cette période, une opération d’évacuation des non-combattants (NEO) a été considérée comme une possibilité distincte, et l’équipe de sécurité nationale a commencé à la planifier. En mars, les ministères et les agences ont été chargés d’élaborer des plans pour de multiples scénarios, y compris celui d’un environnement sécuritaire qui nécessiterait le départ de tout le personnel américain d’Afghanistan. En avril, les ministères et les agences ont été spécifiquement chargés de mettre à jour les documents de planification de la NEO. En mai, le personnel du NSC a organisé une réunion inter-agences de haut niveau au cours de laquelle ont été abordées plusieurs questions complexes liées à une NEO, notamment le calendrier, les sites de destination des évacués, le traitement, le filtrage et la logistique du transport. Il a été convenu qu’en raison de l’extrême complexité et de la planification minutieuse requises, un groupe d’experts inter-agences se réunirait régulièrement pour planifier les NEO. Lors d’une réunion des responsables de la sécurité nationale qui s’est tenue le même mois, les ministères et les agences ont été chargés de veiller à ce que les plans de réinstallation soient prêts en cas de détérioration importante de la situation sécuritaire.

Dans le cadre de cette planification, le Président Biden a ordonné, au début de l’été, le prépositionnement de moyens militaires dans la région afin de pouvoir contribuer à une évacuation à brève échéance. C’est cette décision qui a permis aux États-Unis de réagir et de se déployer suffisamment rapidement pour faciliter l’évacuation de plus de 124 000 citoyens américains, résidents permanents, partenaires afghans et alliés.

Le Président Biden a suivi les conseils de ses commandants militaires sur les décisions tactiques concernant le retrait opérationnel des forces américaines d’Afghanistan, y compris les dates de fermeture des installations, et il leur a régulièrement demandé s’ils avaient besoin de quoi que ce soit d’autre.

Alors que la planification s’intensifiait à la fin du printemps et au début de l’été, les rapports des services de renseignement ont continué à suggérer que, même si les Talibans gagnaient du terrain dans certaines provinces afghanes, la capitale, Kaboul, serait plus difficile à prendre pour les Talibans, et que les forces armées nationales afghanes (ANDSF) la défendraient. En outre, le Président Biden a exhorté le Gouvernement afghan à prendre des mesures pour renforcer la détermination des forces afghanes, notamment en habilitant le Ministre de la défense par intérim, Bismillah Khan Mohammadi – que les commandants américains avaient estimé être un chef de combat compétent – et a pressé les responsables afghans, anciens et actuels, de présenter un front uni de soutien aux forces afghanes.

Comme tout ceci l’a montré, il est nécessaire, lors de la planification des mesures d’urgence, de prévoir très tôt et à grande échelle des scénarios à faible probabilité et à haut risque. En outre, compte tenu des difficultés liées à l’évaluation de facteurs psychologiques tels que la « volonté de combattre », il est particulièrement important d’intégrer des exercices analytiques créatifs dans la planification. Certaines des idées les plus précises qui sont apparues au cours des mois de planification sur l’Afghanistan sont nées d’exercices de simulation. Notre expérience en Afghanistan a directement influencé la décision de l’Administration de mettre en place un petit groupe d’experts (« équipe Tigre ») pour planifier le scénario le plus pessimiste pour l’Ukraine – y compris des exercices de simulation – quelques mois avant l’invasion de la Russie. En fin de compte, nous avons finalement été soulagés de voir que, grâce à la bravoure du peuple ukrainien, au leadership du président Zelensky et au soutien des alliés et des partenaires sous l’égide des États-Unis, l’invasion de la Russie n’ait pas atteint ses objectifs. Mais nous étions prêts à toute une série d’éventualités et nous le restons.

Avertissement concernant une évacuation potentielle

Alors que la situation sécuritaire en Afghanistan s’est dégradée au cours de l’été, l’Administration s’est trouvée confrontée à la tension entre la mise en évidence des signes d’alerte croissants d’un effondrement potentiel, et l’affaiblissement de la confiance dans le gouvernement afghan et dans la volonté des forces afghanes de se battre. Chaque fois qu’un gouvernement est menacé par la perspective d’un effondrement – que ce soit en Afghanistan ou ailleurs – il y a une tension évidente entre le fait de souligner la confiance dans les capacités du gouvernement en place, et le fait de mettre en garde contre les risques d’échec.

En fin de compte, l’Administration a pris la décision d’informer les Américains et les partenaires afghans de manière ciblée et sans précédent sur le risque d’effondrement, notamment par de nombreuses alertes de sécurité et des dizaines de milliers d’appels téléphoniques directs et de messages aux citoyens américains, en particulier pour leur demander de quitter l’Afghanistan, mais de ne pas diffuser bruyamment et publiquement un éventuel scénario catastrophe afin d’éviter de signaler un manque de confiance dans l’ANDSF, ou la position du Gouvernement afghan. Ce calcul a été effectué sur la base de l’opinion dominante des services de renseignement et des militaires au cours des premières semaines du mois d’août, opinion selon laquelle Kaboul tiendrait jusqu’à la fin du retrait. Comme l’a déclaré le Directeur du renseignement national Avril Haines le 18 août 2021, « [l’effondrement] s’est déroulé plus rapidement que [la communauté du renseignement] ne l’avait prévu ». En effet, l’effondrement a été plus rapide que ce que les Talibans ou le gouvernement afghan avaient prévu.

Dans un environnement sécuritaire déstabilisé, nous préférons désormais communiquer de manière agressive sur les risques. C’est ce que nous avons fait avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Des mois avant l’invasion, nous avons communiqué de manière proactive des renseignements à des partenaires de confiance. Cet engagement s’est élargi, devenant plus perceptible et plus public dans les semaines qui ont précédé l’invasion de la Russie. Cette approche s’est heurtée à de fortes objections de la part de hauts fonctionnaires du gouvernement ukrainien, qui craignaient que de tels avertissements ne sèment la panique et ne précipitent la fuite des capitaux, au détriment de l’économie ukrainienne. Cependant, nos avertissements clairs et sans fard ont permis aux États-Unis de profiter d’une fenêtre critique avant l’invasion pour s’organiser avec nos alliés, planifier l’exécution rapide de notre réponse et permettre aux Américains en Ukraine de partir en toute sécurité.

Déclenchement de l’évacuation

Dès le mois de mars, le personnel du NSC a mené un processus rigoureux d’examen des conditions à l’Ambassade des États-Unis afin de garantir la sécurité de l’ensemble du personnel officiel américain à Kaboul, conformément à l’approche adoptée pour tous les postes diplomatiques des États-Unis dans le monde. Une réduction du personnel américain sur le terrain a été entrepris en considération d’un environnement de menaces, mais le personnel de base est resté. Même si de nombreux membres du personnel de l’Ambassade sont rentrés aux États-Unis, nous avons envoyé davantage d’agents consulaires à Kaboul pour traiter les demandes de SIV. L’Administration a également décidé d’organiser des vols réguliers de SIV à partir de juillet, plutôt que de lancer une évacuation aérienne massive à ce moment-là, dans l’espoir de poursuivre les opérations de l’Ambassade et les départs de SIV une fois le retrait militaire achevé.

Les services de renseignement indiquaient que l’ANDSF défendrait probablement Kaboul, et l’ordre de lancer inutilement la NEO aurait pu déclencher un effondrement en sapant la confiance dans l’ANDSF. Le 28 septembre 2021, le Président Milley a déclaré que « [même à cette époque, il n’y avait] pas d’évaluation des renseignements indiquant que le gouvernement allait s’effondrer et que l’armée allait s’effondrer en 11 jours… [À l’époque, les évaluations] parlaient encore de semaines, voire de mois ».

Le 6 août, la première capitale provinciale est tombée. Alors que les Talibans prenaient le contrôle du territoire, le Président Biden a demandé à ses principaux responsables de la sécurité nationale d’évaluer s’il convenait de lancer officiellement la NEO. Le NSC a convoqué une réunion inter-agences de haut niveau le 8 août, qui a recommandé à l’unanimité de ne pas commencer la NEO, compte tenu des conditions sur le terrain. Les responsables de la sécurité nationale se sont réunis le 9 août et ont conclu que les conditions sur le terrain ne permettaient pas de déclencher une NEO. Le 11 août, sur recommandation de ses principaux conseillers militaires, le Président a autorisé le déploiement de moyens et de personnel planifiés à l’avance pour faire face à toute une série d’éventualités. Le Président est resté en contact étroit avec son équipe, confirmant quotidiennement qu’elle disposait de ce dont elle avait besoin. Les 13 et 14 août, Kaboul a été directement menacée. Le 14 août, le Président Biden a annoncé que, sur recommandation de ses équipes diplomatiques, militaires et de renseignement, il avait officiellement lancé la NEO et ordonné le déploiement de troupes américaines supplémentaires en Afghanistan pour soutenir l’évacuation.


Nous donnons désormais la priorité aux évacuations anticipées lorsque la situation sécuritaire se dégrade. C’est ce que nous avons fait en Éthiopie et en Ukraine. Lorsque les capitales de ces deux pays ont été menacées, le Président a ordonné des ajustements dans le dispositif des ambassades en réduisant ou en évacuant leur personnel. En Éthiopie, nous avons retiré tout le personnel non urgent de l’Ambassade bien avant toute menace potentielle. Nous l’avons fait malgré les objections vigoureuses du Gouvernement éthiopien. En Ukraine, nous avons décidé d’évacuer le personnel près de deux semaines avant l’invasion de la Russie, malgré les inquiétudes de certains proches alliés et partenaires, ainsi que des Ukrainiens eux-mêmes qui craignaient que cela ne sape la confiance en l’Ukraine. Cette décision s’est traduite par un départ en bon ordre et a permis à nos équipes de remplir en toute sécurité des fonctions essentielles à distance pendant près de trois mois.

L’évacuation et l’attaque d’Abbey Gate

Grâce à plusieurs mois de planification d’urgence, des troupes avaient déjà été prépositionnées près de l’Afghanistan en cas de besoin, et les forces supplémentaires déployées par le Président Biden le 14 août étaient sur le terrain à Kaboul dans les 48 heures. Dans les 72 heures qui ont suivi, elles ont sécurisé l’Aéroport international Hamid Karzai (HKIA) afin que les vols puissent reprendre.

Une fois l’évacuation lancée, le Président Biden a donné à plusieurs reprises des instructions claires pour donner la priorité à la protection des forces, en s’appuyant sur l’avis de ses hauts responsables militaires sur la meilleure façon de prendre les décisions opérationnelles. Comme l’a déclaré le Secrétaire d’État Blinken le 14 septembre 2021, « grâce à cette planification [antérieure] d’un large éventail d’éventualités, nous avons pu retirer notre Ambassade et transférer le reste de notre personnel à l’aéroport dans les 48 heures ». Le Gouvernement américain a facilité le départ en toute sécurité des membres du personnel restants et de leurs familles, soit environ 2 500 personnes pendant l’évacuation. Pour gérer la menace potentielle d’une attaque terroriste, le Président a demandé à plusieurs reprises si l’armée avait besoin d’un soutien supplémentaire pour mener à bien sa mission à l’aéroport de Hong Kong. Les hauts responsables militaires ont confirmé qu’ils disposaient de ressources et d’autorités suffisantes pour contenir les menaces, y compris celles posées par ISIS-K (l’État islamique au Khorassan).

Le 25 août, le Président a été informé par de hauts responsables militaires que la poursuite des évacuations pendant 48 heures supplémentaires présentait un risque gérable pour la force et offrait les meilleures chances de succès pour l’évacuation des citoyens américains et des partenaires afghans. L’ensemble de l’équipe de sécurité nationale, y compris les hauts responsables militaires, a soutenu cet engagement à poursuivre les opérations, malgré les risques connus, et le Président a accepté la recommandation de prolonger les opérations d’évacuation pour cette période.

Pendant la NEO, les décisions spécifiques concernant les portes d’accès à l’aéroport ont été prises par les commandants sur le terrain. Dans l’après-midi du 25 août, les commandants ont décidé de laisser la porte d’Abbey ouverte pour faciliter l’évacuation des forces britanniques et des partenaires afghans. Selon le rapport 2021 du commandement central américain, « si le commandant de la JTF-CR [Joint Task-Force-Crisis Response] avait décidé de fermer l’Abbey Gate alors que les forces britanniques s’occupaient encore des évacués, il les aurait isolés à l’hôtel Baron ». Dans la soirée du 26 août, un kamikaze a fait détoner un explosif à l’extérieur d’Abbey Gate, tuant 13 militaires et 170 Afghans, et blessant 45 autres militaires, un bilan humain tragique. Nous regrettons la perte de ces 13 héros et nous nous engageons à continuer à soutenir leurs familles et les blessés ayant survécu. Après l’horrible attentat d’Abbey Gate, le Président a consulté de hauts responsables militaires pour savoir s’il fallait mettre fin immédiatement à la NEO. Il a été informé que la menace pesant sur les forces américaines était gérable et qu’il convenait de poursuivre l’opération jusqu’au 31 août afin de maximiser l’évacuation des Américains, des forces alliées et des partenaires afghans.

Les forces américaines sont restées vigilantes afin de se protéger contre de nouvelles attaques pendant que l’évacuation se poursuivait. Le lendemain de l’attaque, le 27 août, l’armée américaine a lancé une attaque de drone dans la province de Nangarhar, tuant deux individus très connus appartenant à l’ISIS-K. Le 29 août, alors que l’évacuation touchait à sa fin – et au lendemain de l’horrible attentat d’Abbey Gate – des rapports ont fait état de mouvements de véhicules et d’individus liés à l’attentat d’Abbey Gate, indiquant qu’une nouvelle attaque terroriste contre le personnel américain à l’HKIA pourrait être imminente. Pour contrer cette menace immédiate, l’armée américaine a lancé une attaque de drone à Kaboul qui a tué par erreur dix civils. Cette erreur tragique s’explique notamment par le fait que l’environnement de menace volatile et à haut risque a conduit l’équipe à évaluer de manière inexacte que la cible représentait une menace imminente pour les personnes sur le terrain.

Le Président a reçu et accepté l’avis unanime de ses principaux responsables de la sécurité nationale de mettre fin à l’évacuation le 31 août, compte tenu du risque élevé d’escalade des attaques contre les troupes américaines si elles restaient plus longtemps sur place. Depuis le début de l’évacuation, le 14 août, jusqu’à son achèvement, le 31 août, le personnel militaire et civil américain s’est efforcé, 24 heures sur 24, de mettre en œuvre le plus grand pont aérien de non-combattants de l’histoire des États-Unis. Comme l’a expliqué le secrétaire Austin le 28 septembre 2021, « rien que pour les avions militaires, nous avons effectué plus de 387 sorties, soit une moyenne de près de 23 par jour. Au plus fort de l’opération, un avion décollait toutes les 45 minutes. Et pas une seule sortie n’a été manquée pour des raisons de maintenance, de carburant ou de problèmes logistiques. Il s’agit du plus grand pont aérien de l’histoire des États-Unis, et il a été exécuté en 17 jours ».

Le Ministère de la défense a procédé à des analyses détaillées après l’attentat tragique qui a coûté la vie à des Américains et à d’autres personnes à Abbey Gate, ainsi qu’à l’attaque de drone qui a tragiquement tué dix civils, et a mis en œuvre les enseignements qu’il en a tirés. Après l’attaque de Kaboul, le Secrétaire à la défense a ordonné un examen de 90 jours sur la manière dont le Ministère de la défense pourrait mieux éviter les pertes civiles dans ses activités, et il a mis en œuvre de nouvelles politiques à cet effet.

Tenir notre promesse aux citoyens américains et aux partenaires afghans

Lorsque le président Biden a pris la décision de retirer les forces américaines d’Afghanistan, il s’est engagé à donner à chaque Américain qui le souhaitait la possibilité de partir. Il s’agissait d’un engagement sans précédent, que les États-Unis n’avaient pas pris dans des situations antérieures telles que la Libye, la Syrie, le Venezuela, le Yémen et la Somalie, lorsque nous avions fermé les ambassades américaines. En outre, comme les Américains ne sont pas tenus de s’enregistrer auprès de nos ambassades lorsqu’ils se rendent dans un pays étranger, qu’ils le quittent ou qu’ils y résident, il est impossible de savoir avec précision combien d’entre eux se sont rendus dans un pays étranger.
Il est donc impossible de savoir avec précision combien d’Américains se trouvent dans un pays donné à un moment donné. Le Gouvernement américain a déployé des efforts extraordinaires pour tenir cette promesse. Comme l’a déclaré le Secrétaire d’État Blinken le 13 septembre 2021, « nous nous sommes intensément concentrés sur la sécurité des Américains en Afghanistan. En mars, nous avons commencé à les inciter à quitter le pays. Au total, entre mars et août, nous avons envoyé 19 messages spécifiques avec cet avertissement, ainsi que des offres d’aide, y compris une aide financière pour payer les billets d’avion ». Du 14 au 31 août, le Ministère a contacté directement tous les Américains connus du gouvernement américain, à plusieurs reprises et par de multiples canaux – 55 000 appels téléphoniques et 33 000 courriels au cours de ces 17 jours afin de faciliter l’évacuation de ceux qui le souhaitaient. Nombre d’entre eux avaient la double nationalité, leur famille vivait en Afghanistan depuis des générations et avait choisi de rester, et certains ont choisi de revenir en Afghanistan après le retrait de l’armée. En fin de compte, le gouvernement américain a évacué plus de 6 000 citoyens américains du pays. Nous continuons à faciliter le départ des citoyens américains qui ont choisi de rester ou de retourner en Afghanistan malgré nos sérieux avertissements. Depuis le 31 août 2021, nous avons facilité le départ de plus de 950 citoyens américains qui ont demandé de l’aide pour partir. Beaucoup doutaient que le président Biden puisse tenir sa promesse, mais il l’a fait.

Dès le début, le Président a également indiqué clairement que les États-Unis s’engageaient à aider leurs partenaires afghans. Sous l’impulsion du Président, l’ensemble de l’inter-agence s’est efforcé d’accélérer le programme SIV, ce qu’elle a fait en augmentant les ressources allouées à ce programme vital, en relançant les entretiens SIV interrompus par l’administration précédente, en multipliant par plus de quinze le nombre de personnes chargées de traiter les demandes et en passant en revue toutes les étapes de la très lourde procédure de demande. Grâce à ces efforts, le Gouvernement américain a délivré plus de SIV dans les mois précédant la chute de Kaboul qu’à n’importe quelle autre période de l’histoire du programme.

Au cours de l’évacuation, environ 70 000 Afghans vulnérables ont été évacués par le Gouvernement américain vers des installations du Ministère de la défense à l’étranger pour y être soumis à des contrôles de sécurité, à des vérifications et à l’administration de vaccins de santé publique. Le Département d’État a commencé en juin à rechercher des accords de transit pour les Afghans avec des pays tiers, a conclu des accords avec le Qatar et le Koweït en juillet et a négocié des accords avec d’autres pays, notamment l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, les Émirats Arabes Unis, Bahreïn, le Kosovo et l’Albanie. La mise en place de ce réseau de sites de transit – les « nénuphars » – n’aurait pas été possible sans le soutien de partenaires internationaux au Moyen-Orient et en Europe. Les évacués afghans ont ensuite été transportés par avion vers huit « refuges » nationaux du Ministère de la défense. Les personnes nécessitant des soins médicaux particuliers ont été transférées au Centre médical militaire national Walter Reed et dans des hôtels situés à proximité. Plus de 10 000 membres du personnel de l’État, de la défense et de la sécurité intérieure ont soutenu cet effort humanitaire sans précédent. Des groupes d’anciens combattants, des organisations à but non lucratif, des administrations locales et d’État, des entreprises et d’autres organisations ont travaillé 24 heures sur 24 pour contribuer à l’effort d’évacuation. Qu’il s’agisse d’aider les demandeurs d’asile à remplir les formalités administratives ou de faire don de ressources pour aider les familles à se réinstaller, ces partenaires ont été et restent essentiels à nos efforts.

Malgré des prédictions contraires, nous avons facilité et continuerons à faciliter le départ et la réinstallation de nos partenaires afghans grâce à Enduring Welcome, notre effort pluriannuel pour réinstaller aux États-Unis ceux qui ont travaillé avec et pour nous, par le biais de diverses voies d’immigration légale. Nous sommes fiers d’avoir accueilli environ 100 000 Afghans dans le cadre de l’opération Allies Welcome et maintenant avec Enduring Welcome. Nous continuons également à exploiter les ressources et l’expertise que nous avons vues émerger lors des évacuations pour aider les nouveaux arrivants afghans et aider ceux qui sont arrivés l’année dernière à s’intégrer. Avec l’aide de neuf agences nationales de réinstallation des réfugiés et d’un réseau d’environ 200 organisations locales affiliées, chaque famille afghane a été réinstallée dans les communautés américaines. Nous avons également besoin que le Congrès adopte une législation, telle que la Loi sur la compensation afghane, pour aider ceux qui rejoignent de nouvelles communautés à bien s’installer et à s’intégrer.

Nous sommes désormais déterminés et clairs quant au soutien que le Gouvernement américain est en mesure d’apporter aux Américains à l’étranger dans des conditions difficiles, ainsi qu’aux limites de ce soutien. C’est ce que nous avons fait en Ukraine et en Éthiopie. Nous avons envoyé des messages proactifs sur les risques et expliqué clairement et à plusieurs reprises que ceux qui choisissaient de rester ne pouvaient pas s’attendre à ce que le Gouvernement américain les évacue. Dans nos messages publics, nous avons également fait la distinction entre les populations que le Gouvernement américain pouvait directement évacuer en cas de besoin – principalement son propre personnel – et les autres qui devaient tenir compte de nos avertissements et planifier leurs propres évacuations, comme les simples citoyens américains.

Reconstruire les capacités à long terme

Le retrait est terminé, mais nous devons continuer à travailler pour reconstruire les systèmes dont nous avons besoin pour répondre à une future crise. L’Administration Trump a vidé de sa substance une grande partie de la main-d’œuvre professionnelle, y compris aux niveaux supérieurs, à un moment où davantage de ressources étaient nécessaires. La capacité nécessaire en cas de crise n’est pas quelque chose que l’on peut simplement « démarrer ». Pour être en mesure de gérer une crise en cours, il faut travailler en permanence au développement de notre personnel, à la mise en place de nos processus internes et à l’établissement de partenariats.

Nous investissons massivement dans la création de capacités supplémentaires : attirer, retenir et améliorer les talents au sein du personnel fédéral, que nous considérons comme une source fondamentale de force pour notre sécurité nationale. Nous mettons également en place de nouveaux types de partenariats. Pendant le retrait, les ressources et l’expertise des organisations à but non lucratif, des associations d’anciens combattants, des entreprises et d’autres organisations ont joué un rôle essentiel dans nos efforts. Aujourd’hui, nous nous appuyons sur ces partenariats pour aider les nouveaux arrivants afghans et ceux qui sont déjà arrivés à s’intégrer.

Renforcer la position des États-Unis

Lorsque le Président Biden a annoncé sa décision de retirer les forces américaines d’Afghanistan, certaines voix se sont élevées pour douter que l’Amérique en sortirait plus sûre et plus forte. Le Président Biden a promis aux Américains que nous maintiendrions une capacité durable à faire face aux menaces terroristes en Afghanistan sans avoir à envoyer des milliers de soldats sur le terrain. En juillet 2022, il a démontré cette capacité lors de l’opération réussie qui a permis de tuer l’émir d’Al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri. En outre, lorsque le Président Biden a pris sa décision en 2021, il a reconnu à juste titre que la menace terroriste d’aujourd’hui était plus diverse et plus diffuse qu’en 2001. Sa décision de quitter l’Afghanistan a permis de libérer des ressources militaires, de renseignement et d’autres ressources essentielles pour contrer les menaces terroristes dans le monde entier, notamment en Syrie, en Irak, en Somalie et au Yémen. L’Administration a réussi à le faire, notamment en éliminant le chef de l’ISIS, Hajji Abdullah, et un certain nombre de dirigeants de l’ISIS en Syrie et en Somalie, grâce aux efforts continus des États-Unis en matière de lutte contre le terrorisme. Nous restons également déterminés à soutenir une aide humanitaire importante et à défendre les droits des femmes et des filles en Afghanistan, et nous continuerons à condamner et à isoler les Talibans pour leur bilan épouvantable en matière de droits de l’homme.

Plus généralement, lorsque le Président a pris la décision de quitter l’Afghanistan, certains ont craint que cela n’affaiblisse nos alliances ou ne désavantage les États-Unis sur la scène internationale. C’est le contraire qui s’est produit. Notre position dans le monde s’est considérablement améliorée, comme le montrent de nombreuses enquêtes d’opinion. Nos alliances sont plus fortes que jamais. La Finlande a été admise dans l’OTAN et la Suède le sera bientôt également. Nous consolidons nos partenariats existants et en construisons de nouveaux avec des nations du monde entier. Sur la scène mondiale, l’Amérique est en tête. Nous avons rallié nos alliés et nos partenaires pour soutenir l’Ukraine et demander des comptes à la Russie pour son agression, et pour nous renforcer dans la compétition face à la Chine. Il est difficile d’imaginer que les États-Unis auraient été en mesure de relever ces défis avec autant de succès, et surtout avec autant de ressources, si les forces américaines étaient restées en Afghanistan aujourd’hui.

En fin de compte, après plus de vingt ans, plus de 2 000 milliards de dollars et la mise sur pied d’une armée afghane de 300 000 soldats, la rapidité et la facilité avec lesquelles les Talibans ont pris le contrôle de l’Afghanistan suggèrent qu’aucun scénario – à l’exception d’une présence militaire américaine permanente et considérablement élargie – n’aurait pu changer la trajectoire. Comme l’a déclaré le Président Biden le 31 août 2021, « lorsque j’entends dire que nous aurions pu, que nous aurions dû poursuivre l’effort dit de faible qualité en Afghanistan, à faible risque pour nos militaires et à faible coût, je pense que peu de gens mesurent ce que nous avons demandé au 1 % de ce pays qui porte l’uniforme, qui est prêt à risquer sa vie pour défendre notre nation… Il n’y a rien de faible qualité, de faible risque ou de faible coût dans une guerre ».

Le projet de loi de programmation militaire: vers une « économie de guerre » parasite et dangereuse.

Les invités de MediapartTribune du 4 avril 2023 avec les signataires https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/040423/le-projet-de-loi-de-programmation-militaire-vers-une-economie-de-guerre-parasite-et-da

Pour peser sur le débat public, « actuellement dépendant d’un discours sécuritaire qui tend à devenir hégémonique », il importe que le mouvement social s’empare des questions de défense et de ventes d’armes, exhortent de nombreux acteurs associatifs.

Un train peut en cacher un autre : au moment où la loi sur les retraites requiert l’attention du mouvement social, et qu’un énième projet sur l’immigration mobilise les organisations de défense des droits des migrant-es, le gouvernement prévoit de faire voter une nouvelle loi de programmation militaire. Du fait de cette « stratégie du choc », ce projet risque de passer inaperçu.

Le déficit de contrôle démocratique est accru, puisque l’actuelle loi se poursuit jusqu’en 2025. Sans bilan de ce qui est en cours, dans un contexte géostratégique de plus en plus tendu, l’objectif déclaré est de s’adapter aux risques de conflit inter-étatique majeur (de « haute intensité »). Ajoutée aux retraits des corps expéditionnaires du Mali et du Burkina-Faso, retraits imposés par les peuples et leurs gouvernements, et à la dénonciation des accords de coopération militaire datant de 1961, cette situation devrait amener un vrai débat dans le pays.

Le président Macron, chef des armées, demande une augmentation qui aboutit, en faisant la somme des deux lois (2018-2025 & 2024-2030), au doublement de leur budget et à l’instauration d’une « économie de guerre ». La hausse budgétaire en Allemagne est inférieure (approximativement de 100 milliards d’euros) [1] ; il est vrai qu’à la différence de la France, ce pays voisin n’a plus d’empire à gérer [2]…

Cette option vient opposer un refus au Secrétaire général de l’ONU au moment où António Guterres énonce une priorité, le droit à la paix, « Une paix dans le respect de la Charte des Nations Unies et du droit international ». « L’invasion de l’Ukraine par la Russie inflige des souffrances indicibles au peuple ukrainien et a de profondes répercussions mondiales » [3].

Attention, cela dit, aux « deux poids et deux mesures » : la cristallisation du monde occidental sur cette guerre n’est pas suivie par le reste du monde qui s’interroge sur le rôle de l’OTAN depuis la fin de la guerre froide, et qui conserve le souvenir de la destruction de pays, tels l’Irak et la Libye, dans l’indifférence générale.

Nous devons exiger de nos gouvernants qu’ils prennent les moyens de refuser les politiques de puissance de tous les côtés et de construire « un Nouvel Agenda pour la paix ».

Et quel bilan tirer des opérations extérieures au Sahel, si ce n’est celui de leur échec à réduire le terrorisme islamiste ? Cet échec légitime le soupçon d’une stratégie d’occupation pour d’autres motifs, notamment de type économique. Outre le développement de la misère sociale, la politique extractiviste et prédatrice, au Niger par exemple, met en danger les écosystèmes. La responsable altermondialiste, Aminata Traoré, plaide depuis 2013 pour des négociations avec les factions rebelles [4].

Ces annonces budgétaires, plutôt qu’à un lobby militaro-industriel pléthorique (Thalès, Safran, Naval Groupe, Dassault, Airbus…), seraient utiles pour les chômeurs dont les droits ont été réduits drastiquement dans la dernière période, pour une Éducation nationale, une Université et un secteur de la Santé de plus en plus en déshérence, pour le régime des retraites…

La loi sur les retraites prévoit que le statut spécial des militaires comme des policiers soit maintenu (partir plus tôt, à 57 ans voire 52 pour les policiers), alors que d’autres régimes sont remis en cause et qu’un important effort supplémentaire est demandé aux salarié-es [5]. Au nom de l’équité, la légitimité ou non de ce traitement spécifique des secteurs régaliens, spécialistes du maintien de l’ordre et de la Défense, est à mettre dans le débat public.

Une « économie de guerre », n’est-ce pas une économie parasite, au service de la stratégie unilatérale de l’OTAN et de l’Union européenne, c’est -à-dire d’une vision du monde étroitement occidentaliste ? Dans une période marquée par le regain des nationalismes souvent au mépris des systèmes démocratiques, ce serait un choix périlleux. Et comment légitimer ce choix de défense nationale, alors que les gouvernements successifs, depuis le mandat Hollande-Le Drian, démultiplient les ventes d’armes, en particulier à des dictatures du Moyen Orient responsables de la répression de « printemps démocratiques arabes » ou de guerres meurtrières (Egypte, Arabie saoudite…) ? Ce choix de production est-il compatible, par ailleurs, avec le principe d’un développement durable qui impose de limiter l’accumulation de biens inessentiels ?

Pour peser sur le débat public, actuellement dépendant d’un discours sécuritaire qui tend à devenir hégémonique, il importe que le mouvement social s’empare de ce sujet.

Pour le rejet de ce projet de loi de programmation militaire en l’état (dans son objectif budgétaire notamment).

Pour la démocratisation du débat public sur les questions de défense et de ventes d’armes, et une meilleure implication du Parlement.

Pour le respect des prérogatives des Etats africains et l’arrêt des opérations extérieures au Sahel.

Pour le soutien à la résistance des peuples contre tous les impérialismes, y compris russe, israélien, chinois…

Pour un débat sur le maintien ou pas de la France dans l’OTAN.

Pour un débat sur la Défense européenne et le renforcement de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe.

Pour la promotion d’une vraie diplomatie internationale, notamment dans le cadre de l’ONU, qui favorise l’accès à une mondialisation multilatérale et pacifiée [6].

Pour un renforcement des moyens donnés à la résolution non violente des conflits et à la défense civile non violente.

Pour l’obtention d’informations sur l’empreinte carbone des dépenses militaires.

Pour la reconversion de certaines industries d’armement et de leurs personnels.

Pour que la France soit observatrice lors des conférences des Etats signataires du Traité International d’Interdiction des Armes Nucléaires, comme marque d’engagement en faveur d’un désarmement nucléaire universel.

Signataires :

Nils ANDERSSON ancien éditeur-

Franc BARDOU écrivain occitaniste-

Philippe BAZIN universitaire en arts plastiques, photographe-

Nadège BOISRAMÉ, conseillère municipale à Nantes, GDS (Gauche démocratique et sociale) –

Martine BOUDET didacticienne, membre du Conseil scientifique d’Attac France-

Anne CAUWEL membre du CEDETIM, spécialiste de l’Amérique latine –

Marc CHATELLIER enseignant-chercheur (Université de Nantes), syndicaliste –

Gérard COLLET Enseignant retraité, militant associatif-

Nelly COSTECALDE, membre d’Abolition des armes nucléaires-Maison de vigilance, du Mouvement pour une alternative non-violente et de la commission paix et désarmement d’EELV-

Patrice COULON membre du MAN (Mouvement pour une Alternative Non-violente), d’Abolition des Armes Nucléaires, d’Attac et d’Eelv-

Pierre COURS-SALIES sociologue et membre de Ensemble!-

Fatima CUNY co-responsable de la commission Paix et Désarmement (EELV)-

Christian DELARUE altermondialiste (ATTAC et CADTM) et antiraciste (MRAP)-

Monique DEMARE membre de la commission Démocratie Attac-

Françoise DUTHU ancienne députée au Parlement Européen du groupe Verts/ALE, membre de la commission Paix et désarmement –

Thierry DUVERNOY, membre d’Abolition des armes nucléaires – Maison de Vigilance-

Didier EPSZTAJN, animateur du blog « Entre les lignes entre les mots »

Jacques FATH spécialiste en relations internationales

Yann FIEVET socio-économiste-

Patrick FODELLA membre Commission Union Européenne ATTAC-

Sylviane FRANZETTI citoyenne occitaniste-

Suzanne GLANER membre de l’Union pacifiste et sympathisante de AAN et du Mouvement de la paix-

Denis GUENNEAU membre de la commission Paix et Désarmement d’EELV-

Patrick HUBERT, co-président du MAN 71-

Frédéric LEBARON sociologue, association Savoir/Agir-

Laurent LINTANF, membre du bureau de la commission Paix et désarmement d’EELV, militant antinucléaire –

Michèle LECLERC-OLIVE chercheure CNRS-EHESS, présidente de CORENS (Collectif Régional pour la Coopération Nord-Sud – Hauts de France) et de CIBELE (Collectif Régional pour la Coopération Nord-Sud – Ile de France)- ‌‌

Philippe LE CLERRE, responsable du groupe local Vent de Nord-Ouest (Les Verts 77) –

Gérard LEVY co-responsable de la commission nationale paix et désarmement EÉLV ; conseiller municipal aux Clayes 78-

Olivier LONG artiste plasticien, universitaire Paris 1 Panthéon-Sorbonne-

Gustave MASSIAH, économiste altermondialiste, CEDETIM-

Françoise MAUVAIS membre d’ Attac Paris Centre-

Christophe MILESCHI professeur des universités, Nanterre

Martine MONIER membre d’Attac

Guy MONTARIOL

Luigi MOSCA, physicien, membre de l’association ‘Abolition des Armes Nucléaires – Maison de Vigilance’, partner d’ICAN-

Aviva PAVLOVSKY Aide-soignante et membre du collectif Abolition des Armes militaires MDV –

Serge PERRIN animateur du réseau international du Mouvement pour une Alternative Non-violente

Evelyne PERRIN présidente de Stop Précarité

Jean-Luc PICARD-BACHELLERIE membre de la commission Démocratie Attac France-

Yves QUINTAL responsable altermondialiste, Ensemble ! (Lot) –

Alain REFALO enseignant, membre du MAN (Mouvement pour une Alternative Non-violente)-

Serigne SARR responsable altermondialiste (Sénégal)-

Serge SENINSKY, commission Migrations Attac France-

Robert SIMON, membre de la commission Paix et désarmement d’EELV, membre du Mouvement pour une Alternative Non Violente, membre d’ATTAC-

Gérard TAUTIL responsable et auteur occitaniste-

Sabine TAUTIL enseignante-

Marie Claude THIBAUD membre du CA d’Abolition des Armes Nucléaires-Maison de Vigilance –

Aminata TRAORE ancienne ministre de la Culture du Mali, présidente du FORAM/Forum pour un autre Mali

Christiane VOLLAIRE philosophe (laboratoire CRTD du CNAM et Institut Convergences Migrations au Collège de France)……

Avec le soutien du réseau CADTM Afrique et du MAN 71

(Mouvement pour une alternative non-violente de Saône-et-Loire)

[1]https://www.lemonde.fr/international/article/2023/01/20/emmanuel-macron-annonce-une-enveloppe-de-413-milliards-d-euros-pour-le-financement-des-armees-dans-les-sept-annees-a-venir_6158657_3210.html

La rencontre de l’OTAN de Madrid de juin 2022 est à l’origine de cette politique, qui est planifiée à l’échelle européenne: https://www.nato.int/cps/fr/natohq/news_197574.htm

[2] Claude Serfati, L’État radicalisé- La France à l’ère de la mondialisation armée (La Fabrique, 2022) https://lafabrique.fr/letat-radicalise/

Nils Andersson, Le Capitalisme c’est la guerre, Terrasses éditions, 2021 https://www.cairn.info/revue-la-pensee-2021-3-page-154.htm

Selon les députés ultramarins, « Le président de la République et son gouvernement préparent activement une nouvelle loi de programmation militaire (…) destinée notamment à renforcer les forces dites « de souveraineté » en outre-mer afin de sécuriser les 10,2 millions de km2 composant la Zone économique exclusive de la France. Mais ils détournent sciemment le regard lorsqu’il s’agit d’assurer des conditions de vie (et de retraite) décentes aux populations des territoires qui lui assurent son rang de deuxième puissance maritime mondiale.»

https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/02/04/les-deputes-ultramarins-condamnent-les-propos-du-ministre-de-linterieur-et-des-outre-mer /

[3] https://news.un.org/fr/story/2023/02/1132042

[4] « Ils veulent nous conduire à la guerre » Interview d’Aminata Traoré (29 Déc 2022)

https://www.investigaction.net/fr/133379/

[5]https://www.lopinion.fr/economie/reforme-des-retraites-les-principales-annonces-elisabeth-borne

[6] Mouvement de la paix, « Loi de programmation militaire (2024-2030) – A nous d’imposer la primauté du droit sur la force pour créer le droit des peuples à vivre en paix ! » (26 janvier 2023) https://www.mvtpaix.org/wordpress/loi-de-programmation-militaire-2024-2030/

DOCUMENT. La situation des droits humains dans le monde.

Amnesty International – Rapport 2022/23

Je publie intégralement ci-dessous la préface de ce rapport, signée par Agnès Callamard, Secrétaire générale d’Amnesty International (1). Ce rapport accorde naturellement une place importante à la question des droits humains dans le contexte de la guerre en Ukraine. Mais on retiendra la (légitime) critique, exprimée par Madame Callamard, du deux poids deux mesures caractérisant les choix effectués par les puissances occidentales. Le monde occidental, explique-t-elle, ne peut pas tolérer des actes d’agression similaires dans d’autres pays que l’Ukraine « uniquement parce que ses intérêts sont en jeu ». La Secrétaire générale donne quelques exemples, notamment concernant Israël. Elle souligne que ces exemples témoignent d’une approche ou d’un soutien sélectif et intéressé de l’Occident quant aux droits fondamentaux. Le rapport montre plus généralement ce que Agnès Callamard désigne à juste titre comme une « régulière détérioration du respect des droits fondamentaux et de l’état de droit dans le monde ». C’est effectivement une caractéristique des évolutions de l’ordre international. Un rapport à lire. En accès libre sur Internet : https://www.amnesty.org/fr/documents/pol10/5670/2023/fr/

1) Vous trouverez sur ce blog, en date du 19 juin 2019, l’intégralité du rapport d’Agnès Callamard, en tant que Rapporteure spéciale des Nations-Unies, sur l’assassinat de Jamal Khashoggi.

Les organisations de défense des droits humains dénoncent depuis plus de

10 ans une régulière détérioration du respect des droits fondamentaux et de

l’état de droit dans le monde. Comment l’année 2022 s’inscrit-elle dans cette

tendance générale ? Avons-nous vécu une nouvelle année catastrophique en

matière de droits humains ? Les normes internationales ont-elles été plus que

jamais bafouées ? Et si tel est le cas, que doit faire la communauté mondiale

pour remédier à la situation ?

En février 2022, la Russie a envahi l’Ukraine dans un déferlement de

violence militaire, qui s’est abattu sur une population et un pays en paix. En

quelques mois, des infrastructures civiles ont été détruites, des milliers de

personnes ont été tuées et bien d’autres encore ont été blessées. L’intervention

de la Russie a précipité une crise énergétique à l’échelle de la planète et a

contribué à l’affaiblissement des systèmes de production et de distribution des

denrées alimentaires, entraînant une crise alimentaire mondiale qui continue

de toucher de manière disproportionnée les pays pauvres et les personnes

racisées.

Moins d’une semaine après le début de l’invasion, le procureur de la CPI a

annoncé l’ouverture d’une enquête sur les crimes de guerre commis en

Ukraine. Le 2 mars, l’Assemblée générale des Nations unies a condamné, à

l’écrasante majorité de ses membres, l’invasion menée par la Russie,

considérée comme un acte d’agression. Parallèlement, les pays européens,

qui rejetaient depuis longtemps les réfugié·e·s, ont ouvert leurs frontières aux

Ukrainiennes et aux Ukrainiens en quête de sécurité.

Les appels en faveur de la justice et d’enquêtes concernant les crimes de

guerre se sont fait entendre avec force tout au long de l’année 2022. Peut-être

portés par cette vague, les États membres de l’ONU ont adopté lors de leur

Assemblée générale une résolution destinée à contrer le droit de veto détenu

par les membres du Conseil de sécurité, qui était une cause majeure de la

faiblesse de l’institution.

L’agression lancée par la Russie contre l’Ukraine pourrait-elle susciter un

réveil plus large ? Pourrait-elle finalement permettre au monde de s’unir autour

des droits fondamentaux et des valeurs universelles ?

DAVANTAGE DE CONFLITS, TOUJOURS PLUS MEURTRIERS

La guerre a continué de faire rage en Éthiopie. Considérée comme l’un des

conflits les plus meurtriers de l’histoire récente, elle aurait fait, selon certaines

estimations, plusieurs centaines de milliers de morts, dont beaucoup auraient

été tués à l’abri des regards, dans le cadre d’une campagne de nettoyage

ethnique discrètement menée contre les Tigréen·ne·s au Tigré occidental.

L’année 2022 a également été la plus meurtrière de la dernière décennie

pour les Palestinien·ne·s de Cisjordanie. Au moins 151 personnes, dont

plusieurs dizaines d’enfants, ont été tuées par les forces israéliennes, la

plupart dans le cadre de raids militaires et d’opérations d’arrestations qui se

sont multipliés. Au Myanmar, l’armée a systématiquement mené des

opérations punitives contre les populations karen et kayah du pays. Des

centaines de civil·e·s ont ainsi été tués et au moins 150 000 personnes ont été

déplacées. Ailleurs, comme en Haïti, au Mali, au Venezuela ou au Yémen,

entre autres, la population civile a également été victime de conflits armés ou

de violences systémiques, avec le cortège d’atteintes aux droits humains qui

les accompagne.

DES CATASTROPHES CLIMATIQUES QUI SE MULTIPLIENT, DAVANTAGE

DE PÉTROLE ET MOINS DE RÉPARATIONS

Le coût catastrophique de la crise climatique hors de contrôle est apparu

dans toute son ampleur en 2022. Les inondations, les épisodes de

sécheresse, les vagues de chaleur et les incendies ont fait de nombreuses

victimes, privé d’innombrables êtres humains de logement et de moyens de

subsistance et accru l’insécurité alimentaire.

Pourtant, face à toutes ces calamités, les dirigeant·e·s du monde, lorsqu’ils

se sont retrouvés pour la 27e Conférence des Nations unies sur les

changements climatiques (COP27) en Égypte, ne sont pas parvenus à prendre

les mesures nécessaires pour maintenir la hausse moyenne des températures

à la surface du globe sous le seuil de 1,5 °C. Les États ont refusé de s’attaquer

au premier facteur responsable du réchauffement climatique : la production et

l’utilisation des carburants fossiles.

La coopération internationale destinée à limiter la hausse des températures

n’a pas fonctionné et les négociations n’ont pas permis d’obtenir les

engagements nécessaires à l’abandon progressif de toutes les énergies

fossiles. Des progrès ont cependant été enregistrés en matière d’aide

financière aux pays les plus touchés par les catastrophes climatiques, avec la

mise en place d’un fonds pour pertes et préjudices, qui constituait une lueur

d’espoir pour celles et ceux qui se trouvaient en première ligne de la crise

climatique. Ce fonds était cependant loin d’être opérationnel et on attendait

toujours les 100 milliards de dollars des États-Unis de financement climatique

annuel promis par les pays riches aux pays en développement depuis 2009.

De leur côté, les six plus grandes compagnies pétrolières du monde

occidental ont enregistré en 2022 des bénéfices avant impôts record (plus de

200 milliards de dollars des États-Unis). Ce résultat extraordinaire n’était pas

simplement le fruit de l’agression de la Russie contre l’Ukraine et de l’envolée

des prix de l’énergie qu’elle a entraînée. Il témoignait du peu de cas fait par le

secteur des carburants fossiles, en toute connaissance de cause, des dégâts

causés au climat et à l’environnement par ses activités, ainsi que de sa

réticence à envisager des indemnisations et des réparations.

DEUX POIDS, DEUX MESURES

La pandémie de COVID-19, puis la guerre en Ukraine, ont plus que jamais

accentué le principe du « deux poids, deux mesures ». Les pays riches ont

accumulé des stocks de vaccins anti-COVID-19 et affaibli les systèmes

multilatéraux de redistribution, contribuant ainsi à aggraver les inégalités. La

situation n’a manifestement guère changé en 2022. Les pays riches n’ont rien

fait pour atténuer le poids écrasant de la dette qui pesait sur les pays en

développement.

L’agression de la Russie contre l’Ukraine est également une guerre contre

les valeurs universelles et les mécanismes multilatéraux destinés à les faire

respecter. S’il veut gagner cette guerre, le monde occidental ne peut pas dans

le même temps tolérer des actes d’agression similaires dans d’autres pays

uniquement parce que ses intérêts sont en jeu. Or, le silence assourdissant

qui a entouré les violations des droits humains commises en Arabie saoudite

et en Égypte montre bien que l’Occident ne semble pas toujours appliquer les

mêmes critères. Comme lorsqu’il fait preuve d’incohérence face aux graves

conséquences d’autres conflits en matière de droits fondamentaux, y compris

face à des crimes contre l’humanité, ou lorsqu’il s’agit d’accorder une

protection aux personnes qui cherchent à fuir les violences.

En Israël et dans les territoires occupés, le système d’apartheid s’est encore

renforcé en 2022. Les gouvernements israéliens successifs ont déployé des

mesures contraignant toujours plus de Palestinien·ne·s à partir de chez eux,

développant les colonies illégales et légalisant les implantations existantes en

Cisjordanie occupée. Plutôt que d’exiger qu’il soit mis fin à ce système

d’oppression, nombre de gouvernements occidentaux ont préféré s’en prendre

à celles et ceux qui dénonçaient l’apartheid mis en place par Israël. Les portes

de l’UE, grandes ouvertes pour accueillir les réfugié·e·s ukrainiens fuyant

l’agression russe, sont restées fermées pour les personnes qui espéraient

échapper à la répression en Afghanistan et en Syrie. Entre septembre 2021 et

mai 2022, les États-Unis ont expulsé plus de 25 000 Haïtien·ne·s, souvent

après les avoir placés en détention et leur avoir infligé des actes de torture et

d’autres mauvais traitements motivés par un racisme à l’égard des personnes

noires.

Ces quelques exemples n’ont fait que confirmer au reste du monde que

l’Occident avait une approche sélective et intéressée du soutien aux droits

fondamentaux, ce qui fragilisait l’appui international à l’Ukraine. Cette politique

du deux poids, deux mesures ne profite pas qu’aux puissances occidentales.

Ainsi, malgré les violations des droits humains généralisées, constituant de fait

des crimes contre l’humanité, perpétrées contre les Ouïghour·e·s et d’autres

minorités musulmanes, la Chine continuait d’échapper à toute condamnation

internationale de la part de l’Assemblée générale et du Conseil des droits de

l’homme de l’ONU.

LA PROTECTION DES DROITS AU NIVEAU NATIONAL

Celles et ceux qui disent que la réaction de la communauté internationale

face à l’agression russe marque l’avènement d’une ère nouvelle, où le système

mondial serait fondé sur des valeurs et sur l’état de droit, oublient

malheureusement que les droits fondamentaux sont de moins en moins

garantis par les États au niveau national.

Au Brésil, au Canada, en Suède, en Tanzanie, au Viêt-Nam et ailleurs, les

droits des populations autochtones ont été violés à chaque fois que l’État a

manqué à son devoir de les protéger face aux expropriations réalisées par de

grandes entreprises ou par les pouvoirs publics.

La Cour suprême des États-Unis a invalidé la garantie d’accès à

l’avortement, considérée depuis des années comme étant protégée par la

Constitution, remettant ainsi en cause l’exercice par des millions de femmes,

de filles et d’autres personnes de droits essentiels tels que les droits à la vie, à

la sécurité et à la non-discrimination. En Afghanistan, les talibans ont imposé

des restrictions draconiennes, refusant aux femmes et aux filles les droits à

l’éducation, au travail et à l’autonomie, tout en proclamant haut et fort le devoir

de soumission de la femme à l’homme. En Iran, la « police des mœurs » a tué

Mahsa Amini parce qu’elle ne portait pas son foulard comme il fallait. La mort

de cette jeune fille a déclenché des manifestations dans tout le pays, au cours

desquelles d’autres femmes et filles ont été blessées, arrêtées ou tuées.

L’érosion de nos libertés de manifester et de nous exprimer s’est accélérée

en 2022, au point de devenir un véritable effondrement. En Russie, des

organes de presse ont été traduits en justice et fermés pour avoir simplement

osé mentionner la guerre en Ukraine. Des journalistes étaient emprisonnés en

Afghanistan, en Éthiopie, au Myanmar, en Russie et dans des dizaines

d’autres pays. La technologie était utilisée comme une arme contre de

nombreuses personnes, pour les réduire au silence, empêcher des

rassemblements publics ou faire de la désinformation. En Iran, au Pérou ou au

Sri Lanka, entre autres, des manifestant·e·s pacifiques se sont retrouvés face à

un arsenal répressif toujours plus large, depuis la matraque jusqu’aux balles

réelles, en passant par le gaz lacrymogène et les projectiles en caoutchouc. Au

Royaume-Uni, une loi répressive a accru les pouvoirs de la police, tout en

limitant l’exercice du droit de manifester pacifiquement.

Nous avons été témoins d’actes de résistance exemplaires, par exemple de

la part de ces femmes afghanes descendant dans la rue pour manifester

contre le régime des talibans, ou de ces Iraniennes publiant sur Internet des

vidéos d’elles en train de se couper les cheveux en signe de protestation

contre les lois scélérates sur le port obligatoire du voile. Le fait que, face à la

répression, des milliers de gens se soient néanmoins unis pour écrire, signer

des pétitions ou descendre dans la rue est en soi rassurant. Ce faisant, ces

femmes et ces hommes rappellent à celles et ceux qui sont au pouvoir que

nos droits d’exiger le changement et de nous rassembler librement ne peuvent

nous être retirés.

POUR CONCLURE

L’année 2022 a peut-être marqué un tournant dans l’histoire de l’ordre

mondial. Elle aura sans conteste donné lieu à un retour sur le devant de la

scène de l’Alliance atlantique. Il aurait été difficile d’imaginer en 2021, au

lendemain du chaotique retrait d’Afghanistan, que la coopération entre les

États-Unis et les autres puissances occidentales atteindrait de nouveau un tel

niveau.

Il n’y a cependant pas eu de changement de cap sur le front des droits

humains. La chute s’est malheureusement poursuivie, sans le moindre signe

de ralentissement. L’agression russe a contribué à déstabiliser encore

davantage un système multilatéral déjà affaibli par des décennies de mépris

du droit international de la part de grandes puissances agissant en toute

impunité. La guerre a détourné non seulement des ressources, mais

également l’attention, de la crise climatique, d’autres conflits plus anciens et

de bien des souffrances humaines partout dans le monde.

La réponse de l’Occident à l’invasion de l’Ukraine par la Russie a également

mis en évidence sa politique du deux poids, deux mesures et la mollesse de

ses réactions face à tant d’autres violations de la Charte des Nations unies,

une attitude qui n’a fait qu’alimenter l’instabilité et l’impunité.

Si, pour l’avenir, il est une leçon à tirer de la guerre d’agression menée par

la Russie, c’est qu’il est fondamental de disposer d’un ordre international

fondé sur des règles appliquées de manière effective et cohérente. Les

responsables à la tête de la coalition qui soutient l’Ukraine doivent redoubler

d’efforts et nouer de nouveaux partenariats pour réaffirmer leur engagement

en faveur d’un système international au service de la majorité de la population

mondiale.

L’année 2023 sera celle du 75e anniversaire de la Déclaration universelle

des droits de l’homme, un document né des cendres d’une guerre mondiale.

N’attendons pas que la planète s’embrase une fois de plus pour vivre enfin

dans le respect de libertés et de principes acquis au prix de millions de vies.

2023 doit marquer un tournant en matière de protection des droits humains.

À défaut, les dirigeant·e·s du globe commettraient une trahison qui pourrait

mener le monde au bord de l’abîme. (02 04 23)

DOCUMENT : Le nouveau concept de politique étrangère de la Fédération de Russie.

Décret du Président de la Fédération de Russie N° 229, 31 mars 2023

Je publie ci-dessous, en intégralité et en français, le texte du nouveau concept de politique étrangère de la Fédération de Russie. Ce texte doit être analysé dans sa signification politique réelle alors que la guerre en Ukraine fait rage. Evidemment, comme pour d’autres documents présentés antérieurement, cette publication pour information ne signifie en rien une quelconque approbation des contenus de ce nouveau concept. Contenus qui apparaissent d’ailleurs en contradiction manifeste avec la politique effective de la Russie en Ukraine et dans le monde. Ce blog publie des analyses et des positionnements politiques, mais il cherche aussi à offrir un accès facile à des documents utiles pour toutes les personnes intéressées par les enjeux politiques et stratégiques internationaux.

lien pour le texte en anglais (traduction non officielle) :

https://www.mid.ru/en/foreign_policy/fundamental_documents/1860586/

Texte officiel en russe :

http://kremlin.ru/events/president/news/70811

I. Dispositions générales

1. Ce concept est un document de planification stratégique qui fournit une vision systémique des intérêts nationaux de la Fédération de Russie dans le domaine de la politique étrangère, des principes de base, des objectifs stratégiques, des objectifs majeurs et des domaines prioritaires de la politique étrangère russe.

2. Le concept est basé sur la Constitution de la Fédération de Russie, les principes et normes généralement reconnus du droit international, les traités internationaux de la Fédération de Russie, les lois fédérales, les autres statuts et règlements de la Fédération de Russie régissant les activités de politique étrangère des autorités fédérales.

3. Le concept précise certaines dispositions de la stratégie de sécurité nationale de la Fédération de Russie et tient compte des dispositions fondamentales d’autres documents de planification stratégique relatifs aux relations internationales.

4. Plus de mille ans d’indépendance, l’héritage culturel de l’ère précédente, les liens historiques profonds avec la culture européenne traditionnelle et les autres cultures eurasiennes, ainsi que la capacité à assurer la coexistence harmonieuse de différents peuples, groupes ethniques, religieux et linguistiques sur un territoire commun, qui s’est développée au cours de nombreux siècles, déterminent la position particulière de la Russie en tant que pays-civilisation unique et vaste puissance eurasienne et euro-pacifique qui rassemble le peuple russe et d’autres peuples appartenant à la communauté culturelle et civilisationnelle du monde russe.

5. La place de la Russie dans le monde est déterminée par ses ressources importantes dans tous les domaines de la vie, son statut de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, sa participation aux principales organisations et associations intergouvernementales, l’une des deux plus grandes puissances nucléaires et le successeur (personnalité juridique continue) de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS). Compte tenu de sa contribution décisive à la victoire de la Seconde Guerre mondiale et de son rôle actif dans l’élaboration du système contemporain de relations internationales et dans l’élimination du système mondial de colonialisme, la Russie est l’un des centres souverains du développement mondial qui remplit une mission historiquement unique visant à maintenir l’équilibre mondial des pouvoirs et à construire un système international multipolaire, ainsi qu’à garantir les conditions d’un développement pacifique et progressif de l’humanité sur la base d’un programme unificateur et constructif.

6. La Russie mène une politique étrangère indépendante et multisectorielle, guidée par ses intérêts nationaux et consciente de sa responsabilité particulière dans le maintien de la paix et de la sécurité aux niveaux mondial et régional. La politique étrangère russe est pacifique, ouverte, prévisible, cohérente et pragmatique et se fonde sur le respect des principes et des normes universellement reconnus du droit international et sur le désir d’une coopération internationale équitable afin de résoudre les problèmes communs et de promouvoir les intérêts communs. L’attitude de la Russie à l’égard des autres États et associations interétatiques dépend du caractère constructif, neutre ou inamical de leurs politiques à l’égard de la Fédération de Russie.

II. Le monde d’aujourd’hui : grandes tendances et perspectives d’évolution

7. L’humanité connaît actuellement des changements révolutionnaires. La formation d’un ordre mondial multipolaire plus équitable est en cours. Le modèle déséquilibré de développement mondial qui, pendant des siècles, a assuré la croissance économique avancée des puissances coloniales par l’appropriation des ressources des territoires et des États dépendants d’Asie, d’Afrique et d’Occident, est irrémédiablement en train de disparaître. La souveraineté et les possibilités concurrentielles des puissances mondiales non occidentales et des pays leaders régionaux sont renforcées. La transformation structurelle de l’économie mondiale, son passage à une nouvelle base technologique (y compris l’introduction des technologies de l’intelligence artificielle, des dernières technologies de l’information et de la communication, de l’énergie, des technologies biologiques et des nanotechnologies), la croissance de la conscience nationale, la diversité culturelle et civilisationnelle et d’autres facteurs objectifs accélèrent le processus de déplacement du potentiel de développement vers de nouveaux centres de croissance économique et d’influence géopolitique et promeuvent la démocratisation des relations internationales.

8. Les changements qui s’opèrent actuellement et qui sont généralement favorables ne sont cependant pas bien accueillis par un certain nombre d’États habitués à la logique de la domination mondiale et du néocolonialisme. Ces pays refusent de reconnaître les réalités d’un monde multipolaire et de s’accorder sur les paramètres et les principes de l’ordre mondial en conséquence. Ils tentent de freiner le cours naturel de l’histoire, d’éliminer les concurrents dans les sphères politico-militaires et économiques et de réprimer les dissidents. Un large éventail d’instruments et de méthodes illégales est utilisé, notamment l’introduction de mesures coercitives (sanctions) en contournant le Conseil de sécurité des Nations-Unies, la provocation de coups d’État et de conflits militaires, les menaces, le chantage, la manipulation de la conscience de certains groupes sociaux et de nations entières, les actions offensives et subversives dans l’espace de l’information. Une forme très répandue d’ingérence dans les affaires intérieures des États souverains est devenue l’imposition d’attitudes idéologiques néolibérales destructrices qui vont à l’encontre des valeurs spirituelles et morales traditionnelles. En conséquence, l’effet destructeur s’étend à toutes les sphères des relations internationales.

9. L’ONU et d’autres institutions multilatérales sont soumises à de fortes pressions, alors qu’elles sont artificiellement dévalorisées dans leur rôle de plates-formes d’harmonisation des intérêts des grandes puissances. Le système juridique international est mis à l’épreuve : un petit groupe d’États tente de le remplacer par le concept d’un ordre mondial fondé sur des règles (imposition de règles, de normes et de standards élaborés sans la participation équitable de tous les États intéressés). Il devient plus difficile d’élaborer des réponses collectives aux défis et menaces transnationaux, tels que le commerce illicite des armes, la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs, les agents pathogènes dangereux et les maladies infectieuses, l’utilisation des technologies de l’information et de la communication à des fins illicites, le terrorisme international, le trafic illicite de stupéfiants, de substances psychotropes et de leurs précurseurs, la criminalité organisée transnationale et la corruption, les catastrophes naturelles ou provoquées par l’homme, les migrations illégales et la dégradation de l’environnement. La culture du dialogue dans les affaires internationales se dégrade et l’efficacité de la diplomatie en tant que moyen de règlement pacifique des différends diminue. Les affaires internationales manquent cruellement de confiance et de prévisibilité.

10. La crise de la mondialisation économique s’aggrave. Les problèmes actuels, y compris sur le marché de l’énergie et dans le secteur financier, sont dus à la dégradation de nombreux modèles et instruments de développement antérieurs, à des solutions macroéconomiques irresponsables (y compris l’émission incontrôlée et l’accumulation de dettes non garanties), à des mesures restrictives unilatérales illégales et à une concurrence déloyale. L’abus par certains États de leur position dominante dans certains domaines intensifie les processus de fragmentation de l’économie mondiale et accroît les disparités dans le développement des États. De nouveaux systèmes de paiement nationaux et transfrontaliers se généralisent, l’intérêt pour de nouvelles monnaies de réserve internationales s’accroît et les conditions nécessaires à la diversification des mécanismes de coopération économique internationale sont en train d’être créées.

11. Le rôle du facteur puissance dans les relations internationales s’accroît, les zones de conflit s’étendent dans un certain nombre de régions stratégiquement importantes. Le renforcement et la modernisation déstabilisants des capacités militaires offensives et la destruction du système des traités de contrôle des armements sapent la stabilité stratégique. Le recours à la force militaire en violation du droit international, l’exploration de l’espace extra-atmosphérique et de l’espace de l’information en tant que nouvelles sphères d’action militaire, l’estompement de la ligne de démarcation entre les moyens militaires et non militaires de confrontation entre États et l’escalade de conflits armés prolongés dans un certain nombre de régions augmentent la menace pour la sécurité mondiale, renforcent le risque de collision entre les principaux États, y compris avec la participation des puissances nucléaires, et la probabilité que ces conflits s’intensifient et se transforment en une guerre locale, régionale ou mondiale.

12. Une réponse logique à la crise de l’ordre mondial est le renforcement de la coopération entre les États soumis à des pressions extérieures. La formation de mécanismes régionaux et trans-régionaux d’intégration économique et d’interaction dans divers domaines et la création de partenariats multiformes pour résoudre des problèmes communs sont intensifiées. D’autres mesures (y compris unilatérales) sont également prises pour protéger les intérêts nationaux vitaux. Le niveau élevé d’interdépendance, la portée mondiale et la nature transnationale des défis et des menaces limitent la capacité des États individuels, des alliances militaro-politiques, commerciales et économiques à garantir la sécurité, la stabilité et la prospérité. Des solutions efficaces aux nombreux problèmes de notre époque et le développement progressif pacifique des grandes et petites nations et de l’humanité dans son ensemble ne peuvent être obtenus qu’en combinant le potentiel des efforts de bonne foi de l’ensemble de la communauté internationale sur la base de l’équilibre des pouvoirs et des intérêts.

13. Considérant le renforcement de la Russie comme l’un des principaux centres de développement du monde moderne et sa politique étrangère indépendante comme une menace pour l’hégémonie occidentale, les États-Unis d’Amérique (USA) et leurs satellites ont utilisé les mesures prises par la Fédération de Russie en ce qui concerne l’Ukraine pour protéger leurs intérêts vitaux comme prétexte pour aggraver la politique anti-russe de longue date et ont déclenché un nouveau type de guerre hybride. Elle vise à affaiblir la Russie par tous les moyens possibles, notamment en sapant son rôle civilisationnel constructif, sa puissance, ses capacités économiques et technologiques, en limitant sa souveraineté en matière de politique étrangère et intérieure et en violant son intégrité territoriale. Cette politique occidentale est devenue globale et est désormais inscrite dans la doctrine. Ce n’est pas le choix de la Fédération de Russie. La Russie ne se considère pas comme un ennemi de l’Occident, elle ne s’isole pas de l’Occident et n’a pas d’intentions hostiles à son égard ; la Russie espère qu’à l’avenir les États appartenant à la communauté occidentale se rendront compte que leur politique de confrontation et leurs ambitions hégémoniques manquent de perspectives, qu’ils prendront en compte les réalités complexes d’un monde multipolaire et qu’ils reprendront une coopération pragmatique avec la Russie, guidés par les principes de l’égalité souveraine et du respect des intérêts de chacun. La Fédération de Russie est prête à dialoguer et à coopérer sur cette base.

14. En réponse aux actions inamicales de l’Occident, la Russie a l’intention de défendre son droit à l’existence et à la liberté de développement par tous les moyens disponibles. La Fédération de Russie concentrera son énergie créatrice sur les vecteurs géographiques de sa politique étrangère qui offrent des perspectives évidentes en termes de développement d’une coopération internationale mutuellement bénéfique. La majorité de l’humanité souhaite entretenir des relations constructives avec la Russie et renforcer la position de la Russie sur la scène internationale en tant que puissance mondiale influente apportant une contribution décisive au maintien de la sécurité mondiale et au développement pacifique des États. Cela ouvre un large éventail de possibilités pour l’activité fructueuse de la Fédération de Russie sur la scène internationale.

III. Intérêts nationaux de la Fédération de Russie dans le domaine de la politique étrangère, objectifs stratégiques et tâches essentielles fixés par la politique étrangère de la Fédération de Russie

15. Compte tenu des tendances à long terme de l’évolution du monde, les intérêts nationaux de la Fédération de Russie dans le domaine de la politique étrangère sont les suivants :

1) protéger le système constitutionnel, la souveraineté, l’indépendance, l’État et l’intégrité territoriale de la Fédération de Russie contre toute influence extérieure destructrice ;

2) maintenir la stabilité stratégique, renforcer la paix et la sécurité internationales ;

3) renforcer les fondements juridiques des relations internationales ;

4) protéger les droits, les libertés et les intérêts légitimes des citoyens russes, et protéger les entités russes contre les empiétements illégaux étrangers ;

5) développer un espace d’information sûr, protéger la société russe contre les influences informationnelles et psychologiques destructrices ;

6) préserver la nation russe, développer le capital humain et améliorer la qualité de vie et le bien-être des citoyens ;

7) promouvoir le développement durable de l’économie russe sur une nouvelle base technologique ;

8) promouvoir les valeurs morales et spirituelles russes traditionnelles, préserver le patrimoine culturel et historique du peuple multiethnique de la Fédération de Russie ;

9) assurer la protection de l’environnement, la conservation des ressources naturelles et la gestion de l’environnement, et s’adapter au changement climatique.

16. Sur la base de ses intérêts nationaux et de ses priorités stratégiques nationales, la Fédération de Russie concentre ses activités de politique étrangère sur la réalisation des objectifs suivants :

1) assurer la sécurité de la Fédération de Russie, sa souveraineté dans tous les domaines et son intégrité territoriale ;

2) créer un environnement extérieur favorable au développement durable de la Russie ;

3) consolider la position de la Russie en tant que centre responsable, puissant et indépendant du monde moderne.

17. Les objectifs stratégiques de la politique étrangère de la Fédération de Russie sont atteints grâce à l’accomplissement des principales tâches suivantes :

1) façonner un ordre mondial équitable et durable ;

2) maintenir la paix et la sécurité internationales, la stabilité stratégique, assurer la coexistence pacifique et le développement progressif des États et des peuples ;

3) contribuer à l’élaboration de réponses globales et efficaces de la communauté internationale aux défis et menaces communs, y compris les conflits et crises régionaux ;

4) promouvoir une coopération mutuellement bénéfique et sur un pied d’égalité avec tous les États étrangers et leurs associations en adoptant une attitude constructive, et intégrer les intérêts russes par le biais des mécanismes de la diplomatie multilatérale ;

5) lutter contre les activités antirusses menées par des États étrangers et leurs associations, et créer des conditions propices à l’arrêt de ces activités ;

6) établir des relations de bon voisinage avec les États limitrophes et contribuer à la prévention et à l’élimination des tensions et des conflits sur leurs territoires ;

7) fournir une assistance aux alliés et partenaires de la Russie pour promouvoir des intérêts communs, assurer leur sécurité et leur développement durable, que ces alliés et partenaires bénéficient ou non d’une reconnaissance internationale ou qu’ils soient ou non membres d’organisations internationales ;

8) débloquer et renforcer la capacité des associations régionales multilatérales et des structures d’intégration avec la participation de la Russie ;

9) consolider la position de la Russie dans l’économie mondiale, atteindre les objectifs de développement national de la Fédération de Russie, assurer la sécurité économique et réaliser son potentiel économique ;

10) garantir les intérêts de la Russie dans les océans, l’espace et l’espace aérien du monde ;

11) veiller à ce que la Russie soit perçue objectivement à l’étranger et consolider sa position dans l’espace international de l’information ;

12) renforcer le rôle de la Russie dans l’espace humanitaire mondial, consolider la position de la langue russe dans le monde et contribuer à la préservation à l’étranger de la vérité historique et de la mémoire du rôle de la Russie dans l’histoire mondiale ;

13) protéger à l’étranger, de manière globale et efficace, les droits, les libertés et les intérêts légitimes des citoyens et des entités russes ;

14) développer les liens avec les compatriotes vivant à l’étranger et les soutenir pleinement dans l’exercice de leurs droits, assurer la protection de leurs intérêts et préserver l’identité culturelle panrusse.

IV. Priorités de la Fédération de Russie en matière de politique étrangère

Mise en place d’un ordre mondial équitable et durable

18. La Russie s’efforce de mettre en place un système de relations internationales qui garantisse une sécurité fiable, la préservation de son identité culturelle et civilisationnelle et l’égalité des chances de développement pour tous les États, indépendamment de leur situation géographique, de la taille de leur territoire, de leur démographie, de leurs ressources et de leur capacité militaire, ou de leur structure politique, économique et sociale. Pour répondre à ces critères, le système de relations internationales doit être multipolaire et reposer sur les principes suivants :

1) l’égalité souveraine des États, le respect de leur droit à choisir des modèles de développement et l’ordre social, politique et économique ;

2) le rejet de l’hégémonie dans les affaires internationales ;

3) une coopération fondée sur l’équilibre des intérêts et le bénéfice mutuel ;

4) la non-ingérence dans les affaires intérieures ;

5) la règle du droit international dans la régulation des relations internationales, avec l’abandon par tous les États de la politique du « deux poids, deux mesures » ;

6) l’indivisibilité de la sécurité dans ses aspects mondiaux et régionaux ;

7) la diversité des cultures, des civilisations et des modèles d’organisation sociale, la non-imposition aux autres pays par tous les États de leurs modèles de développement, de leur idéologie et de leurs valeurs, et le recours à une ligne directrice spirituelle et morale commune à toutes les religions traditionnelles du monde et à tous les systèmes éthiques laïques ;

8) un leadership responsable de la part des nations dirigeantes visant à assurer des conditions de développement stables et favorables, tant pour elles-mêmes que pour tous les autres pays et peuples ;

9) le rôle primordial des États souverains dans la prise de décision concernant le maintien de la paix et de la sécurité internationales.

19. Afin de contribuer à l’adaptation de l’ordre mondial aux réalités d’un monde multipolaire, la Fédération de Russie entend faire de l’adaptation de l’ordre mondial aux réalités d’un monde multipolaire une priorité :

1) éliminer les vestiges de la domination des États-Unis et d’autres États hostiles dans les affaires mondiales, créer les conditions permettant à tout État de renoncer à ses ambitions néocoloniales ou hégémoniques ;

2) améliorer les mécanismes internationaux visant à garantir la sécurité et le développement aux niveaux mondial et régional ;

3) restaurer le rôle de l’ONU en tant que mécanisme central de coordination pour concilier les intérêts des États membres de l’ONU et leurs actions dans la poursuite des objectifs de la Charte de l’ONU ;

4) renforcer la capacité et le rôle international de l’association interétatique des BRICS, de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), de la Communauté des États indépendants (CEI), de l’Union économique eurasienne (UEE), de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), de l’ICR (Russie, Inde, Chine) et d’autres associations interétatiques et organisations internationales, ainsi que des mécanismes à forte participation russe ;

5) soutenir l’intégration régionale et sous-régionale au sein d’institutions multilatérales, de plateformes de dialogue et d’associations régionales conviviales en Asie-Pacifique, en Amérique latine, en Afrique et au Moyen-Orient ;

6) renforcer la durabilité et le développement progressif du système juridique international ;

7) garantir à tous les États un accès équitable aux avantages de l’économie mondiale et de la division du travail au niveau international, ainsi qu’aux technologies modernes dans l’intérêt d’un développement juste et équitable (y compris en ce qui concerne la sécurité énergétique et alimentaire mondiale) ;

8) intensifier la coopération dans tous les domaines avec les alliés et les partenaires de la Russie et mettre fin aux tentatives d’entrave à cette coopération de la part d’États inamicaux ;

9) consolider les efforts internationaux visant à assurer le respect et la protection des valeurs spirituelles et morales universelles et traditionnelles (y compris les normes éthiques communes à toutes les religions du monde), et contrer les tentatives d’imposer des visions idéologiques pseudo-humanistes ou néo-libérales, qui conduisent à la perte par l’humanité de ses valeurs spirituelles et morales traditionnelles et de son intégrité ;

10) promouvoir un dialogue constructif, des partenariats et un enrichissement mutuel des différentes cultures, religions et civilisations.

L’État de droit dans les relations internationales

20. La garantie de l’État de droit dans les relations internationales est l’un des fondements d’un ordre mondial juste et durable, du maintien de la stabilité mondiale, d’une coopération pacifique et fructueuse entre les États et leurs associations, et constitue un facteur d’apaisement des tensions internationales et d’amélioration de la prévisibilité de l’évolution du monde.

21. La Russie préconise constamment le renforcement des fondements juridiques des relations internationales et respecte fidèlement ses obligations juridiques internationales. Dans le même temps, les décisions des organes interétatiques adoptées sur la base des dispositions des traités internationaux de la Fédération de Russie qui sont contraires à la Constitution ne peuvent pas être exécutées dans la Fédération de Russie.

22. Le mécanisme d’élaboration des normes juridiques internationales universelles doit reposer sur le libre arbitre des États souverains, et les Nations unies doivent rester le principal lieu de développement progressif et de codification du droit international. La poursuite de la promotion du concept d’un ordre mondial fondé sur des règles risque d’entraîner la destruction du système juridique international et d’autres conséquences dangereuses pour l’humanité.

23. Afin d’accroître la viabilité du système juridique international, d’empêcher sa fragmentation ou sa désintégration et d’éviter le recours inconsidéré aux normes de droit international généralement reconnues, la Fédération de Russie a l’intention de faire de l’application de ces normes une priorité :

1) s’opposer aux tentatives de remplacement, de révision ou d’interprétation arbitraire des principes du droit international consacrés par la Charte des Nations unies et la Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations unies, en date du 24 octobre 1970 ;

2) développer progressivement, y compris compte tenu des réalités d’un monde multipolaire, et codifier le droit international, principalement dans le cadre des efforts déployés sous l’égide des Nations unies, et assurer la participation du plus grand nombre possible d’États aux traités internationaux des Nations unies, ainsi que l’interprétation et l’application universelles de ces derniers ;

3) consolider les efforts déployés par les États qui prônent le rétablissement du respect universel du droit international et le renforcement de son rôle en tant que fondement des relations internationales ;

4) exclure des relations internationales la pratique consistant à prendre des mesures coercitives unilatérales illégales en violation de la Charte des Nations-Unies ;

5) améliorer le mécanisme d’application des sanctions internationales, en se fondant sur la compétence exclusive du Conseil de sécurité des Nations-Unies pour imposer de telles mesures et sur la nécessité d’assurer leur efficacité pour maintenir la paix et la sécurité internationales et prévenir une détérioration de la situation humanitaire ;

6) accélérer le processus de formulation internationale et juridique de la frontière de la Fédération de Russie et de ses limites maritimes, à l’intérieur desquelles elle exerce ses droits souverains et sa juridiction, en se fondant sur la nécessité d’apporter un soutien inconditionnel à ses intérêts nationaux et sur l’importance de renforcer les relations de bon voisinage, la confiance et la coopération avec les États limitrophes.

Renforcer la paix et la sécurité internationale

24. La Fédération de Russie part du principe que la sécurité internationale est indivisible (dans ses aspects mondiaux et régionaux) et cherche à la garantir également à tous les États sur la base du principe de réciprocité. Sur cette base, la Russie est ouverte à des actions conjointes avec tous les États et associations interétatiques intéressés pour façonner une architecture de sécurité internationale renouvelée et plus stable. Afin de maintenir et de renforcer la paix et la sécurité internationales, la Fédération de Russie entend accorder une attention prioritaire aux points suivants :

1) utiliser des moyens pacifiques, principalement la diplomatie, les négociations, les consultations, la médiation et les bons offices, pour résoudre les différends et les conflits internationaux, les régler sur la base du respect mutuel, de compromis et d’un équilibre des intérêts légitimes ;

2) établir une large coopération afin de neutraliser les tentatives d’États et d’associations interétatiques qui cherchent à dominer le monde dans le domaine militaire, à projeter leur puissance au-delà de leur zone de responsabilité, à assumer la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales, à tracer des lignes de démarcation et à assurer la sécurité de certains États au détriment des intérêts légitimes d’autres pays. Ces tentatives sont incompatibles avec l’esprit, les objectifs et les principes de la Charte des Nations unies et constituent une menace de conflits régionaux et de guerre mondiale pour les générations actuelles et futures ;

3) développer les efforts politiques et diplomatiques visant à empêcher l’utilisation de la force militaire en violation de la Charte des Nations Unies, principalement les tentatives de contourner les prérogatives du Conseil de sécurité des Nations-Unies et de violer les conditions d’utilisation du droit inaliénable à la légitime défense garanti par l’article 51 de la Charte des Nations Unies ;

4) adopter des mesures politiques et diplomatiques pour contrer les ingérences dans les affaires intérieures des États souverains, qui visent principalement à compliquer la situation politique intérieure, à provoquer un changement de régime anticonstitutionnel ou à porter atteinte à l’intégrité territoriale des États ;

5) assurer la stabilité stratégique, éliminer les conditions préalables au déclenchement d’une guerre mondiale, les risques d’utilisation d’armes nucléaires et d’autres types d’armes de destruction massive, façonner une architecture de sécurité internationale renouvelée, prévenir et résoudre les conflits armés internationaux et internes, relever les défis et les menaces transnationaux dans certains domaines de la sécurité internationale.

25. La Fédération de Russie part du principe que ses forces armées peuvent être utilisées conformément aux principes et normes généralement reconnus du droit international, aux traités internationaux de la Fédération de Russie et à la législation de la Fédération de Russie. La Russie considère l’article 51 de la Charte des Nations unies comme une base juridique adéquate et non révisable pour le recours à la force en cas de légitime défense. Les forces armées de la Fédération de Russie peuvent être utilisées, en particulier, pour repousser et prévenir une attaque armée contre la Russie et (ou) ses alliés, résoudre des crises, maintenir (rétablir) la paix sur mandat du Conseil de sécurité des Nations unies ou d’autres structures de sécurité collective avec la participation de la Russie dans leur zone de responsabilité, protéger leurs citoyens à l’étranger, lutter contre le terrorisme international et la piraterie.

26. En cas d’actes inamicaux d’États étrangers ou de leurs associations menaçant la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Fédération de Russie, y compris ceux impliquant des mesures restrictives (sanctions) de nature politique ou économique ou l’utilisation des technologies modernes de l’information et de la communication, la Fédération de Russie considère qu’il est licite de prendre les mesures symétriques et asymétriques nécessaires pour réprimer ces actes inamicaux et pour empêcher qu’ils ne se reproduisent à l’avenir.

27. Afin d’assurer la stabilité stratégique, d’éliminer les conditions préalables au déclenchement d’une guerre mondiale et les risques d’utilisation d’armes nucléaires et d’autres types d’armes de destruction massive, et de mettre en place une nouvelle architecture de sécurité internationale, la Fédération de Russie a l’intention d’accorder une attention prioritaire aux points suivants :

1) la dissuasion stratégique, qui empêche l’aggravation des relations interétatiques à un niveau susceptible de provoquer des conflits militaires, y compris par l’utilisation d’armes nucléaires et d’autres types d’armes de destruction massive ;

2) renforcer et développer le système des traités internationaux dans les domaines de la stabilité stratégique, de la maîtrise des armements, de la prévention de la prolifération des armes de destruction massive, de leurs vecteurs et des biens et technologies connexes (en tenant compte également du risque que les composants de ces armes tombent entre les mains d’acteurs non étatiques) ;

3) renforcer et développer les fondements politiques internationaux (arrangements) pour maintenir la stabilité stratégique, les régimes de maîtrise des armements et de non-prolifération de tous les types d’armes de destruction massive et de leurs vecteurs, en prenant obligatoirement en compte de manière globale et cohérente tous les types d’armes et les facteurs affectant la stabilité stratégique ;

4) prévenir une course aux armements et empêcher son transfert à de nouveaux environnements, en créant les conditions d’une nouvelle réduction progressive du potentiel nucléaire, en tenant compte de tous les facteurs affectant la stabilité stratégique ;

5) accroître la prévisibilité des relations internationales, mettre en œuvre et, le cas échéant, améliorer les mesures de confiance dans les domaines militaire et international, et prévenir les incidents armés non intentionnels ;

6) la mise en œuvre de garanties de sécurité à l’égard des États parties aux traités régionaux sur les zones exemptes d’armes nucléaires ;

7) maîtrise des armes conventionnelles, lutte contre le trafic illicite d’armes légères et de petit calibre ;

8) renforcer la sûreté et la sécurité nucléaires au niveau mondial et prévenir les actes de terrorisme nucléaire ;

9) développer la coopération dans le domaine des utilisations pacifiques de l’énergie atomique pour répondre aux besoins de tous les États intéressés en combustible et en énergie, en tenant compte du droit de chaque État de déterminer de manière indépendante sa politique nationale dans ce domaine ;

10) renforcer le rôle des mécanismes multilatéraux de contrôle des exportations dans les domaines de la sécurité internationale et de la non-prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs, en s’opposant à la transformation de ces mécanismes en un outil de restrictions unilatérales qui entravent la mise en œuvre d’une coopération internationale légitime.

28. Afin de renforcer la sécurité régionale, de prévenir les guerres locales et régionales et de régler les conflits armés internes (principalement sur les territoires des États voisins), la Fédération de Russie a l’intention d’accorder une attention prioritaire :

1) adopter des mesures politiques et diplomatiques pour prévenir les menaces émergentes ou réduire le niveau des menaces que les territoires et États voisins font peser sur la sécurité de la Russie ;

2) aider les alliés et les partenaires à assurer leur défense et leur sécurité, en réprimant les tentatives d’ingérence extérieure dans leurs affaires intérieures ;

3) développer la coopération militaire, militaro-politique et militaro-technique avec les alliés et les partenaires ;

4) l’aide à la création et à l’amélioration des mécanismes visant à garantir la sécurité régionale et à régler les crises dans les régions importantes pour les intérêts de la Russie ;

5) Le rôle accru de la Russie dans les activités de maintien de la paix (y compris dans le cadre de la coopération avec les Nations unies, les organisations internationales régionales et les parties aux conflits), le renforcement du potentiel de maintien de la paix et de lutte contre les crises des Nations unies et de l’OTSC.

29. Afin de prévenir l’augmentation des menaces biologiques et d’assurer la sécurité biologique, la Fédération de Russie a l’intention de donner la priorité à :

1) enquêter sur les cas de mise au point, de déploiement et d’utilisation présumés d’armes biologiques et à toxines, principalement sur le territoire d’États voisins ;

2) la prévention des actes terroristes et (ou) des sabotages commis à l’aide d’agents pathogènes dangereux et l’atténuation des conséquences de ces actes et (ou) sabotages ;

3) renforcer la coopération avec les alliés et les partenaires dans le domaine de la sécurité biologique, principalement avec les États membres de l’OTSC et de la CEI.

30. Afin de garantir la sécurité internationale de l’information, de contrer les menaces qui pèsent sur elle et de renforcer la souveraineté russe dans le cyberespace mondial, la Fédération de Russie a l’intention d’accorder une attention prioritaire aux points suivants :

1) renforcer et améliorer le régime juridique international pour prévenir et résoudre les conflits interétatiques et réglementer les activités dans le cyberespace mondial ;

2) l’élaboration et l’amélioration d’un cadre juridique international pour lutter contre les utilisations criminelles des technologies de l’information et de la communication ;

3) garantir un fonctionnement et un développement sûrs et stables de l’internet, sur la base d’une participation équitable des États à la gestion de ce réseau et en excluant tout contrôle étranger sur ses segments nationaux ;

4) adopter des mesures politiques, diplomatiques et autres visant à contrer la politique des États inamicaux consistant à armer le cyberespace mondial, à utiliser les technologies de l’information et de la communication pour interférer dans les affaires intérieures des États à des fins militaires, ainsi qu’à limiter l’accès d’autres États aux technologies avancées de l’information et de la communication et à accroître leur dépendance technologique.

31. Afin d’éradiquer le terrorisme international et de protéger l’État et les citoyens russes contre les actes terroristes, la Fédération de Russie entend accorder une attention prioritaire :

1) une efficacité et une coordination accrues de la coopération multilatérale dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, y compris dans le cadre des Nations unies ;

2) renforcer le rôle décisif des États et de leurs autorités compétentes dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme ;

3) adopter des mesures politiques, diplomatiques et autres visant à contrer l’utilisation par les États d’organisations terroristes et extrémistes (y compris néo-nazies) comme outil de politique étrangère et intérieure ;

4) la lutte contre la propagation de l’idéologie terroriste et extrémiste (y compris le néonazisme et le nationalisme radical), en particulier sur l’internet ;

5) identifier les personnes et les organisations impliquées dans des activités terroristes et supprimer les canaux de financement du terrorisme ;

6) identifier et combler les lacunes de la réglementation internationale en matière de coopération dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, en tenant compte notamment des risques d’attentats terroristes perpétrés à l’aide d’agents chimiques et biologiques ;

7) renforcer la coopération multiforme avec les alliés et les partenaires dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, en leur fournissant une assistance pratique dans les opérations de lutte contre le terrorisme, y compris pour la protection des chrétiens au Moyen-Orient.

32. Afin de lutter contre le trafic et la consommation illicites de stupéfiants et de substances psychotropes qui constituent une menace sérieuse pour la sécurité internationale et nationale, la santé des citoyens et les fondements moraux et spirituels de la société russe, la Fédération de Russie entend donner la priorité aux mesures suivantes

1) renforcer la coopération internationale en vue d’éviter l’affaiblissement ou la révision du régime mondial actuel de contrôle des drogues (y compris leur légalisation à des fins non médicales) et de contrer d’autres initiatives susceptibles d’entraîner une augmentation du trafic et de la consommation de drogues illicites ;

2) fournir une assistance pratique aux alliés et aux partenaires dans la mise en œuvre des activités de lutte contre la drogue.

33. Afin de lutter contre la criminalité transnationale organisée et la corruption qui constituent une menace croissante pour la sécurité et le développement durable de la Russie, de ses alliés et de ses partenaires, la Fédération de Russie entend donner la priorité au renforcement de la coopération internationale dans le but d’éliminer les refuges pour les criminels et de renforcer les mécanismes multilatéraux qui sont conformes aux intérêts nationaux de la Russie.

34. Afin de réduire, sur le territoire de la Fédération de Russie, les risques liés aux catastrophes naturelles et d’origine humaine qui se produisent en dehors de ce territoire et de renforcer la capacité des pays étrangers à y faire face, la Fédération de Russie a l’intention de donner la priorité aux mesures suivantes :

1) renforcer le cadre organisationnel et juridique et améliorer les mécanismes d’interaction bilatérale et multilatérale dans le domaine de la protection de la population contre les urgences naturelles et d’origine humaine, renforcer les capacités d’alerte précoce et de prévision de ces urgences, et surmonter leurs conséquences ;

2) fournir une assistance pratique aux États étrangers dans le domaine de la protection contre les urgences naturelles et d’origine humaine, y compris l’utilisation des technologies et de l’expérience uniques de la Russie en matière d’intervention d’urgence.

35. Afin de lutter contre les migrations illégales et d’améliorer la réglementation des migrations internationales, la Fédération de Russie entend donner la priorité au renforcement de l’interaction dans ce domaine avec les États membres de la CEI qui mènent une politique constructive à l’égard de la Fédération de Russie.

Garantir les intérêts de la Fédération de Russie dans l’océan mondial, l’espace extra-atmosphérique et l’espace aérien

36. Afin d’étudier, d’explorer et d’utiliser l’océan mondial en vue d’assurer la sécurité et le développement de la Russie, de contrer les mesures restrictives unilatérales prises par les États hostiles et leurs associations à l’égard des activités maritimes russes, la Fédération de Russie a l’intention de donner la priorité aux éléments suivants :

1) garantir un accès libre, sûr et complet de la Russie aux environnements vitaux, essentiels et autres, aux communications de transport et aux ressources de l’océan mondial ;

2) l’exploration responsable et efficace des ressources biologiques, minérales, énergétiques et autres de l’océan mondial, le développement de réseaux de pipelines marins, la conduite de recherches scientifiques, la protection et la préservation de l’environnement marin ;

3) consolider les frontières extérieures du plateau continental de la Fédération de Russie conformément au droit international et protéger ses droits souverains sur le plateau continental.

37. Aux fins de l’étude et de l’utilisation pacifiques de l’espace extra-atmosphérique, de la consolidation de sa position de leader sur les marchés des biens, des travaux et des services spatiaux, du renforcement de son statut en tant que l’une des principales puissances spatiales, la Fédération de Russie a l’intention d’accorder la priorité aux éléments suivants :

1) promouvoir la coopération internationale en vue de prévenir une course aux armements dans l’espace, principalement par l’élaboration et la conclusion d’un traité international pertinent et, à titre d’étape intermédiaire, par l’engagement de tous les États parties à ne pas être les premiers à placer des armes dans l’espace extra-atmosphérique ;

2) la diversification géographique de la coopération internationale dans le domaine de l’espace extra-atmosphérique.

38. Afin d’utiliser l’espace aérien international dans l’intérêt de la sécurité et du développement de la Russie, en contrant les mesures restrictives unilatérales prises par les pays hostiles et leurs associations à l’égard des aéronefs russes, la Fédération de Russie a l’intention de donner la priorité aux éléments suivants :

1) garantir un accès sûr de la Russie à l’espace aérien international (ouvert) en tenant compte du principe de la liberté des vols ;

2) la diversification géographique des routes aériennes internationales pour les avions russes et le développement de la coopération dans le domaine du transport aérien, de la protection et de l’utilisation de l’espace aérien avec les États qui mènent une politique constructive à l’égard de la Russie.

Coopération et soutien économiques internationaux du développement international

39. Afin d’assurer la sécurité économique, la souveraineté économique, la croissance économique durable, le renouvellement structurel et technologique, l’amélioration de la compétitivité internationale de l’économie nationale, la préservation de la position de leader de la Russie dans l’économie mondiale, la réduction des risques et la saisie des opportunités découlant des profonds changements dans l’économie mondiale et les relations internationales ainsi que des actions inamicales des États étrangers et de leurs associations, la Fédération de Russie a l’intention de donner la priorité :

1) l’adaptation du commerce mondial et des systèmes monétaires et financiers en tenant compte des réalités du monde multipolaire et des conséquences de la crise de la mondialisation économique, avant tout en vue de réduire les possibilités pour les États hostiles d’utiliser de manière excessive leur position monopolistique ou dominante dans certaines sphères de l’économie mondiale, et de renforcer la participation des pays en développement à la gestion de l’économie mondiale ;

2) réduire la dépendance de l’économie russe à l’égard des actions inamicales des États étrangers, principalement en développant une infrastructure de paiement internationale dépolitisée, sûre et indépendante des États inamicaux et en élargissant l’utilisation des monnaies nationales dans les paiements avec les alliés et les partenaires ;

3) le renforcement de la présence russe sur les marchés mondiaux, l’augmentation des exportations non énergétiques et non basées sur les ressources ; la diversification géographique des liens économiques afin de les réorienter vers les États qui poursuivent une politique constructive et neutre à l’égard de la Fédération de Russie, tout en restant ouverts à une coopération pragmatique avec les milieux d’affaires des États inamicaux ;

4) améliorer les conditions d’accès de la Russie aux marchés mondiaux ; protéger les organisations, les investissements, les biens et les services russes à l’extérieur du pays contre la discrimination, la concurrence déloyale et les tentatives des États étrangers de réglementer unilatéralement les marchés mondiaux qui sont essentiels pour les exportations russes ;

5) protéger l’économie russe et les relations commerciales et économiques internationales contre les actions inamicales d’États étrangers en appliquant des mesures économiques spéciales en réponse à de telles actions ;

6) faciliter l’attraction en Russie d’investissements étrangers, de connaissances et de technologies de pointe et de spécialistes de haute qualité ;

7) promouvoir les processus d’intégration économique régionale et interrégionale qui servent les intérêts de la Russie, tout d’abord au sein de l’État de l’Union, de l’EAEU (Union économique eurasienne), de la CEI, de l’OCS et des BRICS, ainsi que dans la perspective de l’élaboration du Grand partenariat eurasien ;

8) tirer parti de la position géographique unique et de la capacité de transit de la Russie pour faire progresser l’économie nationale et renforcer la connectivité des transports et des infrastructures en Eurasie.

40. Dans le but de renforcer la robustesse du système des relations internationales face aux crises, d’améliorer la situation sociale et économique ainsi que la situation humanitaire dans le monde, d’atténuer les conséquences des conflits militaires, de mettre en œuvre le Programme de développement durable à l’horizon 2030, de promouvoir une attitude positive à l’égard de la Russie dans le monde, la Fédération de Russie entend promouvoir le développement international tout en donnant la priorité au développement social et économique de la République d’Abkhazie, de la République d’Ossétie du Sud, des États membres de l’EAEU, des États membres de la CEI qui soutiennent les relations de bon voisinage avec la Russie, ainsi que des États en développement qui mènent une politique constructive à l’égard de la Fédération de Russie.

Protection de l’environnement et santé mondiale

41. Afin de préserver l’environnement favorable, d’améliorer sa qualité et d’adapter intelligemment la Russie aux changements climatiques dans l’intérêt des générations actuelles et futures, la Fédération de Russie entend donner la priorité aux éléments suivants :

1) promouvoir des efforts internationaux scientifiquement fondés et non politisés pour limiter les impacts négatifs sur l’environnement (y compris la réduction des émissions de gaz à effet de serre), en maintenant et en renforçant les capacités d’absorption des écosystèmes ;

2) développer la coopération avec les alliés et les partenaires afin de lutter contre la politisation des activités internationales liées à la nature et au climat, notamment leur mise en œuvre dans un but de concurrence déloyale, d’ingérence dans les affaires intérieures des États et de limitation de la souveraineté des États en ce qui concerne leurs ressources naturelles ;

3) le maintien du droit de chaque État à choisir lui-même les mécanismes et les méthodes les mieux adaptés à la protection de l’environnement et à l’adaptation au changement climatique ;

4) faciliter l’élaboration de règles uniformes, compréhensibles et globales de régulation environnementale du climat en tenant compte de l’accord de Paris sur le climat du 12 décembre 2015, adopté dans le cadre de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques du 9 mai 1992 ;

5) accroître l’efficacité de la coopération internationale dans le domaine du développement et de l’introduction des technologies de pointe qui permettraient de préserver un environnement favorable et d’en améliorer la qualité, ainsi que d’adapter les États au changement climatique ;

6) empêcher les atteintes transfrontalières à l’environnement de la Fédération de Russie, notamment la transmission transfrontalière sur son territoire d’agents contaminants (y compris de substances radioactives), de quarantaine, de parasites des cultures très dangereux et dangereux, d’agents anti-cultures, de plantes indésirables et de micro-agents.

42. Dans le but de protéger la santé et d’assurer le bien-être social de la population de la Russie et d’autres États, la Fédération de Russie a l’intention d’accorder la priorité :

1) accroître l’efficacité de la coopération internationale dans le domaine des soins de santé et empêcher sa politisation, y compris au sein des organisations internationales ;

2) consolider les efforts internationaux afin de prévenir l’extension des maladies infectieuses dangereuses, de répondre rapidement et efficacement aux urgences sanitaires et épidémiologiques, de lutter contre les maladies chroniques non contagieuses et de surmonter les conséquences sociales et économiques des pandémies et des épidémies ;

3) l’amélioration de l’efficacité de la recherche scientifique internationale dans le domaine des soins de santé, qui vise principalement à développer et à introduire de nouveaux moyens de prévention, de diagnostic et de traitement des maladies.

Coopération humanitaire internationale

43. Afin de renforcer le rôle de la Russie dans l’espace humanitaire mondial, de susciter une attitude positive à son égard à l’étranger, d’améliorer la position de la langue russe dans le monde, de contrer la campagne de russophobie menée par les États étrangers hostiles et leurs associations, ainsi que de renforcer la compréhension et la confiance mutuelles entre les États, la Fédération de Russie entend donner la priorité à ce qui suit :

1) sensibiliser et protéger contre la discrimination à l’extérieur du pays les développements nationaux dans le domaine de la culture, des sciences et des arts, ainsi que renforcer l’image de la Russie en tant qu’État attrayant pour la vie, le travail, l’éducation et le tourisme ;

2) promouvoir la langue russe et renforcer son statut de langue de communication internationale, l’une des langues officielles des Nations unies et de plusieurs autres organisations internationales ; promouvoir son apprentissage et son utilisation à l’étranger (principalement dans les États membres de la CEI) ; préserver et renforcer le rôle de la langue russe dans la communication interethnique et interétatique, y compris au sein des organisations internationales ; protéger la langue russe contre la discrimination à l’étranger ;

3) développer des mécanismes de diplomatie publique avec la participation de représentants et d’institutions de la société civile ayant une attitude constructive à l’égard de la Russie, ainsi que de politologues, de représentants de la communauté d’experts et de scientifiques, de jeunes, de volontaires, de chercheurs et d’autres mouvements sociaux ;

4) promouvoir le développement des relations internationales entre les organisations religieuses appartenant aux religions traditionnelles de la Russie et protéger l’Église orthodoxe russe contre la discrimination à l’étranger, y compris dans l’intérêt de l’unité de l’orthodoxie ;

5) contribuer à la création d’un espace humanitaire unique entre la Fédération de Russie et les États membres de la CEI, en préservant les liens civilisationnels et spirituels séculaires entre le peuple russe et les peuples de ces États ;

6) garantir le libre accès des athlètes et des organisations sportives russes aux activités sportives internationales, faciliter leur dépolitisation, améliorer le travail des organisations intergouvernementales et publiques internationales dans le domaine du sport et développer de nouvelles formes de coopération sportive internationale avec les États menant une politique constructive à l’égard de la Russie.

44. Afin de lutter contre la falsification de l’histoire, l’incitation à la haine contre la Russie, la propagation de l’idéologie du néonazisme, de l’exclusivité raciale et nationale et du nationalisme agressif, et de renforcer les fondements moraux, juridiques et institutionnels des relations internationales contemporaines basées principalement sur les résultats universellement reconnus de la Seconde Guerre mondiale, la Fédération de Russie a l’intention de donner la priorité à :

1) diffuser à l’étranger des informations précises sur le rôle et la place de la Russie dans l’histoire mondiale et la formation d’un ordre mondial juste, y compris la contribution décisive de l’Union soviétique à la victoire sur l’Allemagne nazie et à la fondation des Nations unies, son aide considérable à la décolonisation et à la formation d’un État pour les peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine ;

2) prendre, tant au sein des plateformes internationales pertinentes qu’au niveau des relations bilatérales avec les partenaires étrangers, les mesures nécessaires pour contrer la distorsion des informations sur les événements importants de l’histoire mondiale liés aux intérêts de la Russie, y compris la suppression des crimes, la réhabilitation et la glorification des nazis allemands, des militaristes japonais et de leurs collaborateurs ;

3) prendre des mesures de riposte contre les États étrangers et leurs associations, les fonctionnaires étrangers, les organisations et les citoyens impliqués dans des actes inamicaux contre les sites russes d’importance historique et commémorative situés à l’étranger ;

4) promouvoir une coopération internationale constructive pour préserver le patrimoine historique et culturel.

Protection des citoyens et des organisations russes contre les infractions illégales commises à l’étranger, soutien aux compatriotes vivant à l’étranger, coopération internationale dans le domaine des droits de l’homme

45. Dans le but de protéger les droits, les libertés et les intérêts légitimes des citoyens russes (y compris les mineurs) et des organisations russes contre les infractions étrangères illégales, et de contrer la campagne de russophobie lancée par des États hostiles, la Fédération de Russie a l’intention de donner la priorité à :

1) le suivi des actions inamicales contre les citoyens et les organisations russes, telles que l’utilisation de mesures restrictives (sanctions) de nature politique ou économique, les poursuites judiciaires non fondées, la commission de crimes, la discrimination, l’incitation à la haine ;

2) prendre des mesures coercitives et des mesures économiques spéciales à l’encontre des États étrangers et de leurs associations, des fonctionnaires étrangers, des organisations et des citoyens impliqués dans des actes inamicaux à l’encontre des citoyens et des organisations russes et dans la violation des droits et libertés fondamentaux des compatriotes vivant à l’étranger ;

3) renforcer l’efficacité des mécanismes mondiaux, régionaux et bilatéraux de protection internationale des droits, des libertés et des intérêts légitimes des citoyens russes et de protection des organisations russes, et mettre au point de nouveaux mécanismes dans ce domaine, le cas échéant.

46. Afin de développer les liens avec les compatriotes vivant à l’étranger et de leur apporter un soutien global (compte tenu de leur contribution significative à la préservation et à la diffusion de la langue et de la culture russes) dans le cadre de leur discrimination systématique dans plusieurs États, la Fédération de Russie, en tant que noyau de la communauté civilisationnelle du monde russe, entend donner la priorité à :

1) promouvoir la consolidation des compatriotes vivant à l’étranger qui ont une attitude constructive à l’égard de la Russie et les aider à protéger leurs droits et leurs intérêts légitimes dans leurs États de résidence, principalement dans les États hostiles, à préserver leur identité culturelle et linguistique entièrement russe, les valeurs spirituelles et morales russes et leurs liens avec leur patrie historique ;

2) aider à la réinstallation volontaire dans la Fédération de Russie des compatriotes qui ont une attitude constructive à l’égard de la Russie, en particulier ceux qui sont victimes de discrimination dans leur État de résidence.

47. La Russie reconnaît et garantit les droits et libertés de l’homme et du citoyen conformément aux principes et règles généralement reconnus du droit international, et considère que le renoncement à l’hypocrisie et la mise en oeuvre fidèle par les Etats de leurs obligations dans ce domaine sont une condition du développement progressif et harmonieux de l’humanité. Dans le but de promouvoir le respect et l’observation des droits de l’homme et des libertés dans le monde, la Fédération de Russie a l’intention de donner la priorité à :

1) veiller à ce que les intérêts de la Russie et ses caractéristiques nationales, sociales, culturelles, spirituelles, morales et historiques soient pris en compte lors du renforcement des règles juridiques internationales et des mécanismes internationaux dans le domaine des droits de l’homme ;

2) surveiller et rendre publique la situation réelle en matière de respect des droits de l’homme et des libertés dans le monde, principalement dans les États qui revendiquent leur position exclusive dans le domaine des droits de l’homme et dans l’établissement de normes internationales dans ce domaine ;

3) éradiquer les politiques de double standard dans la coopération internationale en matière de droits de l’homme et faire en sorte qu’elle ne soit pas politisée, équitable et mutuellement respectueuse ;

4) la lutte contre l’utilisation des questions relatives aux droits de l’homme comme outil de pression extérieure, d’ingérence dans les affaires intérieures des États et d’influence destructrice sur les activités des organisations internationales ;

5) prendre des mesures à l’encontre des États étrangers et de leurs associations, des fonctionnaires étrangers, des organisations et des citoyens impliqués dans des violations des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Soutien à l’information pour la politique étrangère de la Fédération de Russie

48. Dans le but de former une perception objective de la Russie à l’étranger, de renforcer sa position dans l’espace mondial de l’information, de contrer la campagne coordonnée de propagande antirusse menée de manière systématique par des États inamicaux et impliquant la désinformation, la diffamation et l’incitation à la haine, et d’assurer le libre accès de la population des États étrangers à des informations exactes, la Fédération de Russie a l’intention de donner la priorité aux éléments suivants :

1) mettre à la disposition du public étranger le plus large possible des informations véridiques sur la politique étrangère et intérieure de la Fédération de Russie, son histoire et ses réalisations dans les différents domaines de la vie, ainsi que d’autres informations précises sur la Russie ;

2) faciliter la diffusion d’informations à l’étranger pour promouvoir la paix et la compréhension internationales, développer et établir des relations amicales entre les États, renforcer les valeurs spirituelles et morales traditionnelles en tant que principe unificateur pour toute l’humanité, et renforcer le rôle de la Russie dans l’espace humanitaire mondial ;

3) assurer la protection contre la discrimination à l’étranger et contribuer à renforcer la position des médias d’information et de communication russes, y compris les plateformes d’information numériques nationales, dans l’espace mondial de l’information, ainsi que les médias à l’esprit constructif des compatriotes vivant à l’étranger à l’égard de la Russie ;

4) améliorer les outils et les méthodes de soutien à l’information pour les activités de politique étrangère de la Fédération de Russie, y compris l’utilisation plus efficace des technologies modernes de l’information et de la communication, notamment les réseaux sociaux ;

5) améliorer les mécanismes internationaux et les normes de régulation et de protection des moyens d’information et de communication, afin de garantir le libre accès à ces moyens et de créer et diffuser l’information ;

6) la création d’un environnement permettant aux médias étrangers d’opérer en Russie sur la base de la réciprocité ;

7) la poursuite de la formation d’un espace d’information commun à la Fédération de Russie et aux États membres de la CEI, en renforçant la coopération dans le domaine de l’information entre les États qui mènent une politique constructive à l’égard de la Russie.

V. Les volets régionaux de la politique étrangère de la Fédération de Russie

L’étranger proche

49. Le plus important pour la sécurité, la stabilité, l’intégrité territoriale et le développement social et économique de la Russie, renforçant sa position en tant que l’un des centres souverains influents du développement et de la civilisation mondiale, est d’assurer des relations de bon voisinage durables à long terme et de combiner les forces dans divers domaines avec les États membres de la CEI, qui sont liés à la Russie par des traditions séculaires d’État commun, d’interdépendance profonde dans divers domaines, d’une langue commune et de cultures proches. Afin de poursuivre la transformation de l’étranger proche en une zone de paix, de bon voisinage, de développement durable et de prospérité, la Fédération de Russie a l’intention de donner la priorité à ce qui suit :

1) prévenir et résoudre les conflits armés, améliorer les relations interétatiques et assurer la stabilité dans l’étranger proche, notamment en empêchant le déclenchement de « révolutions de couleur » et d’autres tentatives d’ingérence dans les affaires intérieures des alliés et partenaires de la Russie ;

2) garantir la protection de la Russie, de ses alliés et de ses partenaires dans n’importe quel scénario militaire et politique dans le monde, renforcer le système de sécurité régionale fondé sur le principe de l’indivisibilité de la sécurité et le rôle clé de la Russie dans le maintien et le renforcement de la sécurité régionale, la complémentarité de l’État de l’Union, de l’OTSC et d’autres formats d’interaction entre la Russie et ses alliés et partenaires dans la sphère de la défense et de la sécurité ;

3) la lutte contre le déploiement ou le renforcement de l’infrastructure militaire d’États hostiles et d’autres menaces pour la sécurité de la Russie à l’étranger proche ;

4) approfondir les processus d’intégration qui servent les intérêts de la Russie et la coopération stratégique avec la République du Belarus, renforcer le système de coopération globale mutuellement bénéfique basé sur les potentiels combinés de la CEI et de l’UEEA (Union économique eurasienne), ainsi que développer des formats multilatéraux supplémentaires, y compris un mécanisme d’interaction entre la Russie et les États de la région de l’Asie centrale ;

5) la création d’un espace économique et politique intégré en Eurasie à long terme ;

6) prévenir et contrer les actions inamicales des États étrangers et de leurs alliances, qui provoquent des processus de désintégration dans l’étranger proche et créent des obstacles à l’exercice du droit souverain des alliés et partenaires de la Russie d’approfondir leur coopération globale avec la Russie ;

7) libérer le potentiel économique du bon voisinage, principalement avec les États membres de l’EAEU et les États désireux de développer des relations économiques avec la Russie afin de former un contour d’intégration plus large en Eurasie ;

8) soutenir globalement la République d’Abkhazie et la République d’Ossétie du Sud, en encourageant le choix volontaire, fondé sur le droit international, des peuples de ces États en faveur d’une intégration plus profonde avec la Russie ;

9) le renforcement de la coopération dans la zone de la mer Caspienne, en partant du principe que la résolution de toutes les questions relatives à cette région relève de la compétence exclusive des cinq États de la Caspienne.

L’Arctique

50. La Russie cherche à préserver la paix et la stabilité, à renforcer la durabilité environnementale, à réduire les menaces pour la sécurité nationale dans l’Arctique, à créer des conditions internationales favorables au développement social et économique de la zone arctique de la Fédération de Russie (y compris pour protéger l’habitat original et les moyens de subsistance traditionnels des populations autochtones qui y vivent), ainsi qu’à faire progresser la Route maritime du Nord en tant que corridor de transport national compétitif en rendant possible son utilisation internationale pour les transports entre l’Europe et l’Asie. Dans la poursuite de ces objectifs, la Fédération de Russie va se concentrer sur :

1) résoudre pacifiquement les questions internationales liées à l’Arctique, en partant du principe que les États de l’Arctique ont une responsabilité particulière dans le développement durable de la région et que la Convention des Nations unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 est suffisante pour réglementer les relations interétatiques dans l’océan Arctique (y compris la protection de l’environnement marin et la délimitation des zones maritimes) ;

2) contrecarrer la politique des États hostiles visant à militariser la région et à limiter la capacité de la Russie à exercer ses droits souverains dans la zone arctique de la Fédération de Russie ;

3) garantir l’inaltérabilité du régime juridique international historiquement établi des eaux maritimes intérieures de la Fédération de Russie ;

4) établir une coopération mutuellement bénéfique avec les États non arctiques qui mènent une politique constructive à l’égard de la Russie et qui s’intéressent aux activités internationales dans l’Arctique, y compris le développement de l’infrastructure de la route maritime du Nord.

Continent eurasien

La République populaire de Chine, la République de l’Inde

51. Il est particulièrement important d’approfondir les liens et de renforcer la coordination avec les centres de pouvoir et de développement mondiaux souverains et amis, situés sur le continent eurasien et engagés dans des approches qui coïncident en principe avec les approches russes d’un ordre mondial futur et de solutions aux problèmes clés de la politique mondiale, pour atteindre les buts stratégiques et les principaux objectifs de la politique étrangère de la Fédération de Russie.

52. La Russie vise à renforcer davantage le partenariat global et la coopération stratégique avec la République populaire de Chine et se concentre sur le développement d’une coopération mutuellement bénéfique dans tous les domaines, la fourniture d’une assistance mutuelle et le renforcement de la coordination sur la scène internationale afin de garantir la sécurité, la stabilité et le développement durable aux niveaux mondial et régional, tant en Eurasie que dans d’autres parties du monde.

53. La Russie continuera à développer un partenariat stratégique particulièrement privilégié avec la République de l’Inde en vue d’améliorer et d’étendre la coopération dans tous les domaines sur une base mutuellement bénéfique et mettra particulièrement l’accent sur l’augmentation du volume des échanges bilatéraux, le renforcement des investissements et des liens technologiques, et la garantie de leur résistance aux actions destructrices d’États hostiles et de leurs alliances.

54. La Russie cherche à transformer l’Eurasie en un espace continental commun de paix, de stabilité, de confiance mutuelle, de développement et de prospérité. La réalisation de cet objectif implique

1) le renforcement global du potentiel et du rôle de l’OCS pour assurer la sécurité en Eurasie et promouvoir son développement durable en renforçant les activités de l’Organisation à la lumière des réalités géopolitiques actuelles ;

2) l’établissement du vaste contour d’intégration du Grand Partenariat Eurasien en combinant le potentiel de tous les États, organisations régionales et associations eurasiennes, basé sur l’UEE, l’OCS et l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) ainsi que la conjonction des plans de développement de l’UEE et de l’initiative chinoise « One Belt One Road » tout en préservant la possibilité pour tous les États intéressés et les associations multilatérales du continent eurasien de participer à ce partenariat et – en conséquence – l’établissement d’un réseau d’organisations partenaires en Eurasie ;

3) le renforcement de l’interconnectivité économique et des transports en Eurasie, notamment par la modernisation et l’augmentation de la capacité de la ligne principale Baïkal-Amour et du chemin de fer transsibérien ; le lancement rapide du corridor de transport international nord-sud ; l’amélioration des infrastructures du corridor de transit international Europe occidentale – Chine occidentale, des régions de la mer Caspienne et de la mer Noire, et de la route maritime du Nord ; la création de zones de développement et de corridors économiques en Eurasie, y compris le corridor économique Chine – Mongolie – Russie, ainsi que le renforcement de la coopération régionale en matière de développement numérique et l’établissement d’un partenariat dans le domaine de l’énergie.

4) un règlement global en Afghanistan, une aide à la construction d’un État souverain, pacifique et neutre, doté d’une économie et d’un système politique stables, répondant aux intérêts de tous les groupes ethniques qui y vivent et ouvrant des perspectives d’intégration de l’Afghanistan dans l’espace de coopération eurasiatique.

La région Asie-Pacifique

55. Compte tenu du potentiel multiforme de la région Asie-Pacifique, qui connaît une croissance dynamique, la Fédération de Russie va se concentrer sur les points suivants :

1) renforcer la coopération économique, sécuritaire, humanitaire et autre avec les États de la région et les États membres de l’ASEAN ;

2) établir une architecture globale, ouverte, indivisible, transparente, multilatérale et équitable de sécurité et de coopération mutuellement bénéfique dans la région, fondée sur une approche collective et non alignée, et libérer le potentiel de la région en vue de l’établissement d’un grand partenariat eurasien ;

3) promouvoir un dialogue constructif non politisé et une coopération interétatique dans divers domaines, y compris à l’aide des possibilités offertes par le forum de coopération économique Asie-Pacifique ;

4) contrer les tentatives visant à saper le système régional d’alliances multilatérales de sécurité et de développement sur la base de l’ASEAN, qui repose sur les principes du consensus et de l’égalité de ses participants ;

5) développer une large coopération internationale pour contrer les politiques visant à tracer des lignes de division dans la région.

Le monde musulman

56. Les États de la civilisation islamique amie, qui a de grandes chances de s’établir en tant que centre indépendant du développement mondial dans un monde polycentrique, sont de plus en plus demandés et sont des partenaires plus fiables de la Russie pour assurer la sécurité et la stabilité ainsi que pour résoudre les problèmes économiques aux niveaux mondial et régional. La Russie cherche à renforcer la coopération globale et mutuellement bénéfique avec les États membres de l’Organisation de la coopération islamique, dans le respect de leurs systèmes sociaux et politiques et de leurs valeurs spirituelles et morales traditionnelles. Dans la poursuite de ces objectifs, la Fédération de Russie mettra l’accent sur :

1) développer une coopération pleine et confiante avec la République islamique d’Iran, apporter un soutien global à la République arabe syrienne et approfondir les partenariats multiformes et mutuellement bénéfiques avec la République de Turquie, le Royaume d’Arabie saoudite, la République arabe d’Égypte et les autres États membres de l’Organisation de la coopération islamique, compte tenu de l’étendue de leur souveraineté et du caractère constructif de leur politique à l’égard de la Fédération de Russie ;

2) la mise en place d’une architecture de sécurité et de coopération régionale globale et durable au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, fondée sur la combinaison des capacités de tous les États et alliances interétatiques de la région, y compris la Ligue des États arabes et le Conseil de coopération du Golfe. La Russie a l’intention de coopérer activement avec tous les États et associations interétatiques intéressés afin de mettre en œuvre le concept de sécurité collective de la Russie pour la région du golfe Persique, considérant la mise en œuvre de cette initiative comme une étape importante vers une normalisation durable et globale de la situation au Moyen-Orient ;

3) promouvoir le dialogue et la compréhension interconfessionnels et interculturels, consolider les efforts visant à protéger les valeurs spirituelles et morales traditionnelles et lutter contre l’islamophobie, notamment par l’intermédiaire de l’Organisation de la coopération islamique ;

4) réconcilier les différences et normaliser les relations entre les États membres de l’Organisation de la coopération islamique, ainsi qu’entre ces États et leurs voisins (principalement la République islamique d’Iran et les pays arabes, la République arabe syrienne et ses voisins, les pays arabes et l’État d’Israël), y compris dans le cadre des efforts visant à trouver une solution globale et durable à la question palestinienne ;

5) aider à résoudre et à surmonter les conséquences des conflits armés au Moyen-Orient, en Afrique du Nord, en Asie du Sud, en Asie du Sud-Est et dans d’autres régions où se trouvent des États membres de l’Organisation de la coopération islamique ;

6) libérer le potentiel économique des États membres de l’Organisation de la coopération islamique en vue d’établir le Grand partenariat eurasien.

Afrique

57. La Russie est solidaire des États africains dans leur désir d’un monde polycentrique plus équitable et de l’élimination des inégalités sociales et économiques, qui se creusent en raison des politiques néocoloniales sophistiquées de certains États développés à l’égard de l’Afrique. La Fédération de Russie a l’intention de continuer à soutenir l’établissement de l’Afrique en tant que centre distinctif et influent du développement mondial, en accordant la priorité à :

1) soutenir la souveraineté et l’indépendance des États africains intéressés, notamment par le biais de l’assistance à la sécurité, entre autres la sécurité alimentaire et énergétique, ainsi que la coopération militaire et militaro-technique ;

2) l’aide à la résolution et à l’élimination des conséquences des conflits armés en Afrique, en particulier des conflits interethniques et ethniques, en préconisant le rôle de premier plan des États africains dans ces efforts, sur la base du principe « problèmes africains – solutions africaines » ;

3) le renforcement et l’approfondissement de la coopération russo-africaine dans divers domaines sur une base bilatérale et multilatérale, principalement dans le cadre de l’Union africaine et du Forum de partenariat Russie-Afrique ;

4) accroître le commerce et l’investissement avec les États africains et les structures d’intégration africaines (principalement la zone de libre-échange continentale africaine, la Banque africaine d’import-export et d’autres organisations sous-régionales de premier plan), y compris par l’intermédiaire de l’EAEU ;

5) promouvoir et développer les liens dans le domaine humanitaire, y compris la coopération scientifique, la formation du personnel national, le renforcement des systèmes de santé, la fourniture d’autres formes d’assistance, la promotion du dialogue interculturel, la protection des valeurs spirituelles et morales traditionnelles et le droit à la liberté de religion.

Amérique latine et Caraïbes

58. Compte tenu du renforcement progressif de la souveraineté et du potentiel multiforme des États d’Amérique latine et des Caraïbes, la Fédération de Russie entend développer des relations avec eux sur une base pragmatique, non idéologisée et mutuellement bénéfique, en accordant une attention prioritaire :

1) aider les États latino-américains intéressés, soumis à la pression des États-Unis et de leurs alliés, à garantir leur souveraineté et leur indépendance, notamment par la promotion et l’extension de la coopération sécuritaire, militaire et militaro-technique ;

2) renforcer l’amitié, la compréhension mutuelle et approfondir le partenariat multiforme et mutuellement bénéfique avec la République fédérative du Brésil, la République de Cuba, la République du Nicaragua, la République bolivarienne du Venezuela, développer les relations avec d’autres États d’Amérique latine, en tenant compte du degré d’indépendance et du caractère constructif de leur politique à l’égard de la Fédération de Russie ;

3) accroître les échanges commerciaux et les investissements mutuels avec les États d’Amérique latine et des Caraïbes, notamment en coopérant avec la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes, le Marché commun du Sud. le système d’intégration centraméricain, l’Alliance bolivarienne pour les peuples des Amériques, l’Alliance du Pacifique et la Communauté des Caraïbes ;

4) développer les liens culturels, scientifiques, éducatifs, sportifs, touristiques et autres liens humanitaires avec les États de la région.

Région européenne

59. La plupart des États européens mènent une politique agressive à l’égard de la Russie, visant à créer des menaces pour la sécurité et la souveraineté de la Fédération de Russie, à obtenir des avantages économiques unilatéraux, à saper la stabilité politique intérieure et à éroder les valeurs spirituelles et morales traditionnelles de la Russie, ainsi qu’à créer des obstacles à la coopération de la Russie avec ses alliés et ses partenaires. Dans ce contexte, la Fédération de Russie a l’intention de défendre systématiquement ses intérêts nationaux en accordant une attention prioritaire aux points suivants :

1) réduire et neutraliser les menaces qui pèsent sur la sécurité, l’intégrité territoriale, la souveraineté, les valeurs spirituelles et morales traditionnelles et le développement socio-économique de la Russie, de ses alliés et de ses partenaires de la part d’États européens hostiles, de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe ;

2) créer les conditions nécessaires à la cessation des actions inamicales des États européens et de leurs associations, au rejet total de la politique anti-russe (y compris l’ingérence dans les affaires intérieures de la Russie) par ces États et leurs associations, et à leur transition vers une politique à long terme de bon voisinage et de coopération mutuellement bénéfique avec la Russie ;

3) la formation d’un nouveau modèle de coexistence par les États européens pour assurer le développement sûr, souverain et progressif de la Russie, de ses alliés et partenaires, et une paix durable dans la partie européenne de l’Eurasie, en tenant compte du potentiel des formats multilatéraux, y compris l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe.

60. Les conditions objectives préalables à la formation d’un nouveau modèle de coexistence avec les États européens sont la proximité géographique et les liens culturels, humanitaires et économiques profonds entre les peuples et les États de la partie européenne de l’Eurasie, qui se sont développés au cours de l’histoire. Le principal facteur qui complique la normalisation des relations entre la Russie et les États européens est l’orientation stratégique des États-Unis et de leurs alliés, qui consiste à tracer et à approfondir des lignes de démarcation dans la région européenne afin d’affaiblir et de saper la compétitivité des économies de la Russie et des États européens, ainsi que de limiter la souveraineté des États européens et d’assurer la domination mondiale des États-Unis.

61. La prise de conscience par les États européens qu’il n’y a pas d’alternative à une coexistence pacifique et à une coopération égale et mutuellement bénéfique avec la Russie, l’augmentation du niveau d’indépendance de leur politique étrangère et la transition vers une politique de bon voisinage avec la Fédération de Russie auront un effet positif sur la sécurité et le bien-être de la région européenne et aideront les États européens à prendre la place qui leur revient dans le Grand partenariat eurasiatique et dans un monde multipolaire.

Les États-Unis et les autres pays anglo-saxons

62. L’attitude de la Russie à l’égard des États-Unis a un caractère combiné, compte tenu du rôle de cet État en tant que l’un des centres souverains influents du développement mondial et en même temps le principal inspirateur, organisateur et exécutant de la politique anti-russe agressive de l’Occident collectif, source de risques majeurs pour la sécurité de la Fédération de Russie, la paix internationale, un développement équilibré, équitable et progressif de l’humanité.

63. La Fédération de Russie souhaite maintenir la parité stratégique, la coexistence pacifique avec les États-Unis et l’établissement d’un équilibre des intérêts entre la Russie et les États-Unis, compte tenu de leur statut de grandes puissances nucléaires et de leur responsabilité particulière en matière de stabilité stratégique et de sécurité internationale en général. Les perspectives de formation d’un tel modèle de relations américano-russes dépendent de la mesure dans laquelle les États-Unis sont prêts à abandonner leur politique de domination du pouvoir et à revoir leur politique anti-russe en faveur d’une interaction avec la Russie sur la base des principes d’égalité souveraine, de bénéfice mutuel et de respect des intérêts de l’autre.

64. La Fédération de Russie a l’intention d’établir des relations avec d’autres États anglo-saxons en fonction de leur volonté d’abandonner leur attitude inamicale à l’égard de la Russie et de respecter ses intérêts légitimes.

Antarctique

65. La Russie souhaite préserver l’Antarctique en tant qu’espace démilitarisé de paix, de stabilité et de coopération, maintenir un environnement durable et étendre sa présence dans la région. À ces fins, la Fédération de Russie entend accorder une attention prioritaire à la préservation, à la mise en œuvre effective et au développement progressif du système du Traité sur l’Antarctique du 1er décembre 1959.

VI. Formation et mise en œuvre de la politique étrangère de la Fédération de Russie

66. Le président de la Fédération de Russie, agissant conformément à la Constitution de la Fédération de Russie et aux lois fédérales, définit les grandes lignes de la politique étrangère, dirige la politique étrangère du pays et, en tant que chef de l’État, représente la Fédération de Russie dans les relations internationales.

67. Le Conseil de la Fédération de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie et la Douma d’État de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie, dans le cadre de leurs compétences, définissent le cadre législatif de la politique étrangère et de la mise en œuvre des obligations internationales de la Fédération de Russie, et contribuent à l’accomplissement des tâches de la diplomatie parlementaire.

68. Le gouvernement de la Fédération de Russie prend des mesures pour mettre en œuvre la politique étrangère et la coopération internationale.

69. Le Conseil d’État de la Fédération de Russie participe à l’élaboration des tâches et des objectifs stratégiques de la politique étrangère et aide le président de la Fédération de Russie à déterminer les principales orientations de la politique étrangère.

70. Le Conseil de sécurité de la Fédération de Russie définit les grandes orientations de la politique étrangère et militaire, prévoit, identifie, analyse et évalue les menaces pesant sur la sécurité nationale de la Russie, élabore des mesures pour les neutraliser, prépare des propositions à l’intention du président de la Fédération de Russie concernant l’adoption de mesures économiques spéciales en vue de garantir la sécurité nationale, examine les questions de coopération internationale liées au maintien de la sécurité, coordonne les efforts des organes exécutifs fédéraux et des organes exécutifs des entités constitutives de la Fédération de Russie pour mettre en œuvre les décisions adoptées par le président de la Fédération de Russie en vue de garantir les intérêts nationaux et la sécurité nationale, de protéger la souveraineté de la Fédération de Russie, son indépendance et l’intégrité de l’État, et de prévenir les menaces extérieures à la sécurité nationale.

71. Le ministère des affaires étrangères de la Fédération de Russie élabore une stratégie générale de la politique étrangère de la Fédération de Russie et présente des propositions pertinentes au président de la Fédération de Russie, met en œuvre la politique étrangère, coordonne les activités des organes exécutifs fédéraux dans le domaine des relations internationales et de la coopération internationale, et coordonne les relations internationales des sujets de la Fédération de Russie.

72. L’Agence fédérale pour les affaires de la Communauté des États indépendants, les compatriotes vivant à l’étranger et la coopération humanitaire internationale assiste le ministère des affaires étrangères de la Fédération de Russie dans la poursuite d’une ligne de politique étrangère uniforme en termes de coordination et de mise en œuvre des programmes de coopération humanitaire internationale, ainsi que dans la mise en œuvre de la politique de l’État dans le domaine de l’aide au développement international au niveau bilatéral.

73. D’autres organes exécutifs fédéraux mènent des activités internationales conformément à leurs compétences, au principe d’intégrité de la politique étrangère et en coordination avec le ministère des affaires étrangères de la Fédération de Russie.

74. Les entités constitutives de la Fédération de Russie établissent des contacts économiques internationaux et étrangers conformément à leurs compétences et en coordination avec le ministère des affaires étrangères de la Fédération de Russie, en tenant compte du rôle important de la coopération interrégionale et transfrontalière dans le développement des relations entre la Fédération de Russie et les États étrangers.

75. Lors de la préparation et de la mise en œuvre des décisions de politique étrangère, les organes exécutifs fédéraux travaillent avec les chambres de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie, les partis politiques russes, la Chambre civique de la Fédération de Russie, les organisations à but non lucratif, la communauté des experts et des universitaires, les associations culturelles et humanitaires, l’Église orthodoxe russe et d’autres associations religieuses russes traditionnelles, les cercles d’affaires et les médias, contribuant ainsi à leur participation à la coopération internationale. La large implication des forces sociales constructives dans le processus de politique étrangère favorise le consensus national sur la politique étrangère, aide à sa mise en œuvre et joue un rôle important en termes de résolution plus efficace d’un large éventail de questions à l’ordre du jour international.

76. Les ressources extra-budgétaires collectées sur une base volontaire dans le cadre d’un partenariat public-privé peuvent être utilisées pour financer des activités de politique étrangère.

Excellente critique de mon livre dans « Cause Commune » No 32.

Par Nicolas Devers-Dreyfus

« Jacques Fath expose avec pertinence l’ensemble des causes ayant conduit à la guerre… »

La tentative d’invasion de l’Ukraine par son grand voisin Russe sous la férule de Vladimir Poutine a signé le retour de la guerre en Europe, vingt ans après les guerres de Yougoslavie. Jacques Fath, dans un ouvrage documenté, augmenté d’utiles annexes, met sa vaste culture des relations internationales à décrypter tant les sources et les responsabilités plus que partagées d’un conflit de tous les dangers, que ce qu’il révèle des profondes modifications à l’œuvre dans l’état du monde. L’auteur montre que si la Russie est l’agresseur d’une guerre qui apporte son cortège de souffrances pour le peuple ukrainien, ses causes en sont autant l’erreur stratégique de Poutine que le dessein des États-Unis, principalement mobilisée sur sa compétition avec la Chine : muscler l’Ukraine récemment indépendante comme terrain d’une confrontation « chaude ou froide », afin d’affaiblir la Russie. Confrontation où sont entraînés les alliés de l’OTAN, source d’une déstabilisation dont les conséquences se font sentir sur tous les continents. Poutine, autre conséquence, a ranimé par l’invasion de l’Ukraine une OTAN « en état de mort cérébrale », et provoqué son élargissement.

Jacques Fath expose avec pertinence l’ensemble des causes ayant conduit à la guerre, démontre à quel point la résistance ukrainienne est autant la montée d’un sentiment national exacerbé par l’agression que l’implication formidable des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de l’OTAN, livraison de matériel militaire et de munitions, renseignement, formation, au point de surclasser les moyens de la Russie. Les vecteurs de la guerre idéologique tournent à plein, le silence se fait sur d’autres conflits, également meurtriers de par le monde. L’accès au pétrole et au gaz prime sur le « droit de l’hommisme » à utilisation variable, tandis que gaz de schiste et charbon remis en selle contredisent le discours écologique quant à l’avenir de la planète.

Le chemin à emprunter pour sortir de l’impasse d’une guerre dont on ne voit pas qu’elle pourrait avoir un vainqueur appelle, c’est la dernière partie de l’ouvrage, l’exigence d’un nouvel ordre international. Jacques Fath en énonce les principes, ceux de la construction d’une architecture de sécurité collective augmentée de la recherche de règlements pragmatiques là où nécessaire, conformes au droit international. L’auteur souligne à quel point les logiques de puissance font aujourd’hui reculer celles du droit et de la sécurité collective. Il rappelle que le peu d’engagement des puissances garantes, Allemagne et France, à faire appliquer les accords de Minsk a été un élément de l’ouverture du conflit. Le cadre de l’ONU – qu’il faudrait réformer à la mesure des changements dans le monde – est celui d’un multilatéralisme légitimé par la responsabilité collective. La solution politique au conflit en cours, que l’on n’obtiendra que par une implication des peuples, de tous les partisans de la paix, obligeant leurs gouvernants à une attitude responsable, ne suffit pas. Il convient de travailler sérieusement à la limitation et au contrôle des armements, d’abord nucléaires, à un ordre de sécurité collective en Europe et dans toutes les parties d’un monde désormais interdépendant, d’un monde « global » où chaque tension interagit. Sans doute conclut-il, la guerre d’Ukraine est-elle un avertissement pour tous les responsables, à considérer avant qu’il ne soit trop tard.

Un livre à la lecture nécessaire, pour qui veut explorer les voies d’un nouvel ordre : « dépasser la puissance, sortir des règles en épuisement du système capitaliste ».

« Poutine, l’OTAN et la guerre », Jacques Fath, Éditions du Croquant, 2023.

Poutine devant la Cour Pénale Internationale ?..

La Cour Pénale Internationale vient de lancer un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine et Maria Lvova-Belova, Commissaire russe aux droits de l’enfant. C’est un événement dont il faut comprendre le sens et les conséquences.

English below

Vladimir Poutine est donc poursuivi par la Cour pénale internationale. La CPI, le 17 mars dernier, a délivré un mandat d’arrêt à son encontre. La Russie n’est pas un État membre de cette Cour à laquelle Moscou dit ne rien devoir, n’ayant pas ratifié son statut, le Statut de Rome, comme on dit, puisque cette Cour a été créée à Rome, en 1998.

La CPI accuse le Président russe d’avoir déporté et transféré des enfants du territoire occupé d’Ukraine. Cette décision contraint donc en principe les 123 États membres de la Cour d’arrêter Vladimir Poutine afin qu’il soit transféré à La Haye… s’il met le pied sur leur territoire. Évidemment, il y a peu de possibilités que les choses se produisent ainsi, mais la signification de cette menace judiciaire n’est pas banale. Il est nécessaire d’y regarder de plus près et d’élargir le propos pour comprendre.

L’Ukraine et les États-Unis se sont félicités de la décision émanant de la Cour. Comme la Russie, cependant, ni Washington, ni Kiev ne sont parties au statut de Rome. On se souvient d’ailleurs que certaines Administrations américaines, celles de Georges W. Bush et de Donald Trump en particulier, ont même cherché à saborder la Cour. Enfin, on remarque que d’autres États, comme la Chine ou Israël, n’ont pas non plus adhéré au statut de Rome.

Sur les 5 États membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations-Unies, seuls 2 ont adhéré à la CPI : la France et la Grande-Bretagne. Paris et Londres sont effectivement beaucoup plus sensibles aux charmes des Droits de l’Homme dans la présentation (officielle) de leur politique étrangère. Mais pourquoi certains États refusent de ratifier le statut de Rome ? Ce choix est la plupart du temps motivé par la volonté de protéger leur personnel militaire en exprimant une vision stratégique propre. Plus un État projette ses forces militaires à l’extérieur, dans des conditions toujours complexes, plus il prend le risque d’exposer ses soldats aux poursuites judiciaires de la CPI. De façon plus générale, le refus d’être un État partie à la CPI correspond à une volonté d’écarter tout ce qui pourrait limiter les paramètres de la puissance et la capacité à décider l’utilisation de la force. Le rapport du judiciaire et du militaire est très direct.

Les mandats d’arrêts lancés contre Vladimir Poutine et Maria Lvova-Belova, Commissaire russe aux droits de l’enfant, constituent évidemment un événement politique puisque c’est la première fois qu’un État membre (et membre permanent) du Conseil de sécurité, est ainsi poursuivi.

La déportation et le transfert de personnes sont effectivement considérés comme des crimes de guerre (Article 8, §2 / vii du Statut de Rome). C’est probablement parce que la Cour et son procureur, Karim Khan, on aujourd’hui le plus de preuves en la matière que ces mandats d’arrêt sont centrés sur cette question, au demeurant très sensible, de la déportation d’enfants. L’ONU a cependant rendu publiques les informations dont elle dispose, et ses appréciations, concernant les nombreux crimes de guerre commis par l’armée russe dans le cours de son invasion, ainsi que quelques crimes commis par des soldats ukrainiens. Ces mandats d’arrêt visant la Russie ne seraient donc, vraisemblablement, qu’un premier acte.

Que faut-il en penser ?

On ne saurait prendre la défense des pratiques brutales et criminelles de la Russie en Ukraine. Elles confinent trop souvent à l’évidence dans un processus d’invasion, d’occupation et d’agression militaire caractérisé. Un processus dramatique dans lequel les civils et la société ukrainienne ont payé un très lourd tribut. S’aventurer à nier ou édulcorer les faits serait se déjuger peu honorablement contre l’exigence d’une certaine éthique en politique. D’autant que ces faits ne découlent pas seulement des circonstances malheureuses des combats et des périls inévitables de la guerre, mais constituent trop souvent le résultat de choix stratégiques et militaires des autorités russes. De fortes questions sont cependant posées, qui méritent d’être examinées… y compris dans l’esprit de cette exigence d’une certaine éthique en politique.

Les crimes de guerre (voire contre l’humanité) sont intrinsèquement liés à la guerre. A toutes les guerres. Le 20ème siècle nous le rappelle. Pourtant, on ne pourrait accorder la moindre « normalité », ou suggérer la moindre fatalité à cette réalité qui constitue hélas une bonne partie de l’histoire humaine. L’ignominie politique et morale fait partie des contradictions de notre… humanité. L’idée d’une justice internationale est donc fondamentalement juste. Il est bon de le rappeler.

Il est nécessaire, aussi, d’en tirer les conséquences. Pour être légitime il faut qu’une justice soit universelle, au sens de l’égalité et de l’impartialité devant les faits et devant les problématiques essentielles de la responsabilité et des droits. On en est très loin aujourd’hui. En décidant de poursuivre Poutine ainsi qu’une responsable de son régime, la CPI frappe très fort. Mais elle met ainsi en exergue, en contrepoint direct, son incapacité à traiter d’autres situations où le droit international, les droits humains, la Charte des Nations-Unies, les grands textes comme la Déclaration universelle des droits de l’homme sont gravement bafoués, sans conséquence aucune, dans une impunité caractérisée. D’autres Présidents, comme Georges W. Bush, ont commis des outrages criminels au droit sans qu’ils aient été conduits devant la CPI. On doit surtout rappeler l’exemple fourni par le traitement, ou plutôt l’incroyable et consternant non traitement judiciaire, de la question de l’occupation militaire et des crimes d’Israël en Palestine, depuis des dizaines d’années. Ce n’est pas seulement une pratique du deux poids deux mesures. La CPI expose ainsi sa faiblesse initiale et son inaction face aux logiques des plus puissants, et à cette autre « loi », celle des rapports de forces.

Certains espèrent que cette décision de poursuivre Poutine pourrait annoncer le début d’un nouvel élan, un « ressaisissement » de la CPI. Dans le contexte actuel, qui pourrait le croire ? La façon dont la CPI exerce sa mission ne peut pas être séparée du très préoccupant et durable processus en cours de recul et d’instrumentalisation du droit, de décomposition du multilatéralisme, d’affaiblissement du rôle des institutions internationales et notamment de l’ONU. Il faut bien constater qu’un processus négatif est enclenché dans une période de dégradation ouverte, au moins depuis les années 90, et marquée par une accélération de la militarisation, des tensions internationales et des logiques désinhibées de la puissance et de la force. L’exigence du respect du droit international recule dans un ordre mondial où les acquis du 20ème siècle en termes de responsabilité collective et de sécurité partagée ne cessent de régresser. Cet ordre international libéral « fondé sur des règles » ne cesse de se décomposer.

Dans ce contexte, l’option judiciaire, celle de la justice incarnée par la CPI ou bien par d’autres cours mises en place aussi pour traiter des crimes les plus graves (1), signifie et implique le choix d’une logique spécifique : juger des criminels de guerre amenés à résipiscence par une défaite militaire qui clôt un conflit. Tandis que la négociation d’une solution politique suppose la nécessité d’une crédibilité du processus engagé et des personnes chargées de le conduire à bonne fin. C’est l’idée que la justice et la paix sont inséparables. Nous allons y revenir. Cette idée n’est pas sans validité de principe, mais elle comporte évidemment le risque d’être en contradiction avec la nécessité d’une issue politique négociée. En effet, comment négocier un règlement de façon appropriée avec des personnes dotées d’un pouvoir politique, mais décrédibilisées car agissant sous la menace d’une lourde condamnation judiciaire ? Le fait d’émettre des mandats d’arrêt à l’encontre d’un belligérant ne peut pas ne pas affaiblir voire dévaluer la pertinence et la légitimité d’un règlement politique.

Dans un tel contexte, le risque est aussi de faire apparaître le choix du judiciaire comme une forme d’instrumentalisation du droit et de la justice internationale à des fins politiques. Ou tout au moins ce qui existe en tant que justice internationale. C’est probablement pour cette raison que la contradiction entre le politique et le judiciaire n’est que rarement soulignée comme une expression des réalités problématiques de l’ordre international actuel, de ses paramètres dominants… et du caractère encore balbutiant de la justice internationale. Celle-ci n’a pas encore atteint, loin de là, la capacité et la maturité nécessaires pour pouvoir échapper un tant soi peu aux rapports de forces et aux affirmations de la puissance comme paramètres hégémoniques des relations internationales.

Dans cet esprit, les mandats d’arrêt lancés par la CPI contre Vladimir Poutine et contre Maria Lvova-Belova ont à l’évidence une conséquence voire une intention politique : essayer d’isoler le Président russe et gêner ceux qui refusent toujours de le condamner, et de sanctionner la Russie. On notera que cette action judiciaire a été déclenchée peu avant la visite officielle de Xi Jinping à Moscou du 20 au 22 mars. Ce n’est évidemment pas le meilleur contexte pour une visite du Président chinois, alors que Pékin, se posant en médiateur de neutralité, vient de présenter une initiative visant à ouvrir un processus de règlement politique pour la guerre en Ukraine. On voit bien ici cette contradiction ou tension objective entre le choix de valoriser le politique, et celui de placer l’enjeu de la guerre sur le plan judiciaire.

On peut regretter que la diplomatie française ait pu exprimer par la voix de la Ministre, Madame Catherine Colonna, l’idée que la décision de la CPI « peut changer le cours des événements ». Soulignons que la meilleure manière de changer le cours des choses (ce qui apparaît urgent) serait justement de pousser de façon volontariste sur le chemin d’une solution politique. Pour briser l’escalade et chercher ainsi à éviter toute montée aux extrême qui pourrait être fatale. Pendant combien de temps encore faudra-t-il supporter l’effarant déni de cette simple exigence de bon sens ?

1) Il s’agit surtout des tribunaux pénaux internationaux mis en place suite aux guerres de l’éclatement de la Yougoslavie (1993), au génocide au Rwanda (1994) et aux actes terroristes ayant frappé le Liban à partir de 2005. La Cour internationale de Justice liée au système des Nations-Unies est d’un autre type. Elle a pour mission de régler les conflits entre États.

Will Putin face the International Criminal Court?..

The International Criminal Court has just issued an arrest warrant against Vladimir Putin and Maria Lvova-Belova, Russian Commissioner for Children’s Rights. This is an event whose meaning and consequences must be understood.

Vladimir Putin is therefore being prosecuted by the International Criminal Court. The ICC issued an arrest warrant for him on March 17. Russia is not a member state of this Court, to which Moscow says it owes nothing, having not ratified its statute, the Rome Statute, as it is called, since this Court was created in Rome in 1998.

The ICC accuses the Russian President of having deported and transferred children from the occupied territory of Ukraine. This decision obliges in principle the 123 member states of the Court to arrest Vladimir Putin and transfer him to The Hague… if he sets foot on their territory. Of course, there is little chance of this happening, but the significance of this judicial threat is not trivial. It is necessary to take a closer look and broaden the scope to understand.

Ukraine and the United States welcomed the decision of the court. Like Russia, however, neither Washington nor Kiev is a party to the Rome Statute. It should be remembered that some American administrations, those of George W. Bush and Donald Trump in particular, even sought to scuttle the Court. Finally, we note that other States, such as China and Israel, have not joined the Rome Statute either.

Of the five permanent members of the United Nations Security Council, only two have joined the ICC: France and Great Britain. Paris and London are indeed much more sensitive to the charms of Human Rights in the (official) presentation of their foreign policy. But why do some states refuse to ratify the Rome Statute? Most of the time, this choice is motivated by the desire to protect their military personnel by expressing their own strategic vision. The more a state projects its military forces abroad, in conditions that are always complex, the more it takes the risk of exposing its soldiers to the legal proceedings of the ICC. More generally, the refusal to be a state party to the ICC corresponds to a desire to set aside anything that could limit the parameters of power and the ability to decide on the use of force. The relationship between the judiciary and the military is very direct.

The arrest warrants issued against Vladimir Putin and Maria Lvova-Belova, the Russian Commissioner for the Rights of the Child, are obviously a political event, since this is the first time that a member state (and permanent member) of the Security Council has been prosecuted in this way.

The deportation and transfer of persons are indeed considered war crimes (Article 8, §2 / vii of the Rome Statute). It is probably because the Court and its Prosecutor, Karim Khan, have the most evidence in this area that these arrest warrants are focused on the very sensitive issue of the deportation of children. The UN has, however, made public the information it has, and its assessments, concerning the numerous war crimes committed by the Russian army in the course of its invasion, as well as some crimes committed by Ukrainian soldiers. These arrest warrants against Russia would therefore probably only be a first act.

What should we think about it?

One cannot defend Russia’s brutal and criminal practices in Ukraine. All too often they border on a process of invasion, occupation and military aggression. A dramatic process in which Ukrainian civilians and society have paid a very heavy price. To venture to deny or water down the facts would be a dishonorable breach of the requirement of a certain ethics in politics. All the more so since these facts are not only the result of the unfortunate circumstances of the fighting and the inevitable perils of war, but are too often the result of strategic and military choices made by the Russian authorities. Strong questions are however raised, which deserve to be examined… including in the spirit of this requirement of a certain ethics in politics.

War crimes (and even crimes against humanity) are intrinsically linked to war. To all wars. The 20th century reminds us of this. However, one cannot grant the slightest « normality », or suggest the slightest fatality to this reality which, unfortunately, constitutes a good part of human history. Political and moral ignominy is part of the contradictions of our… humanity. The idea of international justice is therefore fundamentally right. It is good to remember this.

It is also necessary to draw the consequences. To be legitimate, justice must be universal, in the sense of equality and impartiality in the face of the facts and in the face of the essential problems of responsibility and rights. We are very far from this today. By deciding to prosecute Putin and a member of his regime, the ICC is hitting hard. But it also highlights, as a direct counterpoint, its inability to deal with other situations where international law, human rights, the United Nations Charter, and major texts such as the Universal Declaration of Human Rights are seriously flouted, without any consequences, in a characterized impunity. Other presidents, such as George W. Bush, have committed criminal contempt of law without being brought before the ICC. Above all, one must recall the example provided by the treatment, or rather the incredible and appalling non-treatment by the courts, of the issue of Israel’s military occupation and crimes in Palestine for decades. This is not just a double standard. The ICC is exposing its initial weakness and inaction in the face of the logic of the most powerful, and that other « law » of power relations.

Some people hope that this decision to prosecute Putin could herald the beginning of a new momentum, a « resumption » of the ICC. In the current context, who could believe it? The way in which the ICC carries out its mission cannot be separated from the very worrying and long-lasting process of retreat and instrumentalization of the law, of the decomposition of multilateralism, of the weakening of the role of international institutions and in particular of the UN. It must be noted that a negative process is underway in a period of open degradation, at least since the 1990s, marked by an acceleration of militarization, international tensions and the uninhibited logic of power and force. The demand for respect for international law is receding in a world order where the gains of the 20th century in terms of collective responsibility and shared security are constantly regressing. This liberal international order « based on rules » is constantly breaking down.

In this context, the judicial option, that of the justice embodied by the ICC or by other courts also set up to deal with the most serious crimes (1), means and implies the choice of a specific logic: judging war criminals brought to resignation by a military defeat that ends a conflict. Whereas the negotiation of a political solution presupposes the need for credibility of the process undertaken and of the people responsible for bringing it to a successful conclusion. This is the idea that justice and peace are inseparable. We will come back to this. This idea is not without validity in principle, but it obviously carries the risk of being in contradiction with the need for a negotiated political outcome. Indeed, how can a settlement be properly negotiated with people who have political power but are discredited by the threat of a heavy judicial sentence? Issuing arrest warrants against a belligerent cannot fail to weaken or even devalue the relevance and legitimacy of a political settlement.

In such a context, there is also a risk that the choice of the judiciary will be seen as a form of instrumentalization of international law and justice for political purposes. Or at least what exists as international justice. It is probably for this reason that the contradiction between the political and the judicial is only rarely highlighted as an expression of the problematic realities of the current international order, of its dominant parameters… and of the still incipient character of international justice. The latter has not yet reached, far from it, the capacity and maturity necessary to be able to escape in any way from the power relations and the assertions of power as hegemonic parameters of international relations.

In this spirit, the arrest warrants issued by the ICC against Vladimir Putin and Maria Lvova-Belova clearly have a political consequence or intention : to try to isolate the Russian President and to embarrass those who still refuse to condemn him and to sanction Russia. It should be noted that this legal action was launched shortly before Xi Jinping’s official visit to Moscow from March 20 to 22. This is obviously not the best context for a visit by the Chinese President, while Beijing, posing as a neutral mediator, has just presented an initiative to open a political settlement process for the war in Ukraine. This contradiction or objective tension between the choice to value politics and the choice to place the stakes of the war on the judicial level is clearly visible.

It is regrettable that French diplomacy was able to express, through the voice of the Minister, Madame Catherine Colonna, the idea that the decision of the ICC « can change the course of events ». Let us emphasize that the best way to change the course of events (which appears to be urgent) would be precisely to push voluntarily for a political solution. To break the escalation and thus seek to avoid any rise to extremes that could be fatal. For how much longer will we have to put up with the appalling denial of this simple requirement of common sense?

1) These are mainly the international criminal tribunals set up following the wars of the break-up of Yugoslavia (1993), the genocide in Rwanda (1994) and the terrorist acts that struck Lebanon from 2005 onwards. The International Court of Justice linked to the United Nations system is of a different type. Its mission is to settle conflicts between states. 19 03 2023

When China shakes up the international order…

Under the aegis of China, Iran and Saudi Arabia have re-established their diplomatic relations. This announcement on March 10, 2023 was accompanied by official photos showing, in Beijing, Wang Yi, member of the Political Bureau and Director of the Foreign Affairs Office of the Chinese Communist Party, with Admiral Ali Shamkhani, Secretary of the Iranian Supreme National Security Council, and Mussad bin Mohammed Al-Aiban, Saudi Minister of State, Advisor on Political Affairs and National Security.

Nothing about this event in March 2023 – right down to the photos showing a willingness to be publicized – can be considered a triviality in international relations, after some seven years of dangerous tensions between Saudi Arabia and Iran, two key players in the Middle East. In a region where everything that happens, as much as anywhere else and probably more than anywhere else, is overdetermined by the logic of power, such a rapprochement will have important political and strategic repercussions. Let us emphasize the dimension of the event itself, which was certainly felt as a diplomatic slap in the face for Tel Aviv and even for Washington, so much so that its significance goes against Israeli and American aims. It is worth examining the potential consequences. Potential consequences … because obviously nothing can be considered as definitive. We are both in a « complicated » Middle East… and in the rapid mutations of an international order where surprises and contradictions mean that nothing is settled in advance. We shall see what happens next.

This Iranian-Saudi rapprochement under the aegis of China (which is thus taking care of two of its hydrocarbon suppliers), is shaking up the political lines of international relations, and is calling into question some situations considered to be established. The first observation is that this agreement, to the great displeasure of Washington, has been signed under the auspices of Beijing. This confirms China’s growing authority and its willingness to assume a real international role, including in delicate diplomatic contexts. The most recent past bears witness to this.

On 30 and 31 March 2022, China hosted a third meeting of foreign ministers from Afghanistan’s neighbouring countries in Tunxi, in the province of Anhui (eastern China) (1). Then, in the presence of the Taliban and the Afghan temporary government, it convened a « Troika + » with Pakistan, Russia and the United States (2), despite the tense situation caused by the war in Ukraine (3).

On 24 February 2023, China presented a document containing a « global security initiative ». It then made public a « position on the political settlement of the Ukrainian crisis ». The first document is a general text containing a global conception of international security issues. This conception places the UN at the center of an approach aimed at promoting multilateralism. It also, and perhaps above all, expresses an affirmed desire to be a power playing a positive role in the international order. The second document outlines in 12 points the principles that should guide a process of political solution to the war in Ukraine. In reality, there is a single comprehensive initiative explicitly aimed at initiating a process of political settlement to end the war. This initiative converges with the idea put forward by the Brazilian President. Lula da Silva, in fact, proposed the constitution of a group of countries that would take on the issue of a political settlement of the conflict in Ukraine. And, precisely, such a group would include China, Indonesia and India, which is chairing the G20 for the year 2023. This would contribute to extracting ourselves from an international system that is too dependent on Western hegemony and centrality.

A game-changing initiative

The Iranian-Saudi agreement, concluded thanks to Chinese negotiation/mediation (4), thus corresponds to a recent and very direct involvement of China in international security and conflict resolution issues. But this initiative changes the situation in concrete terms by raising another strategic question, that of the role of the United States in the Middle East… with the doubts that now weigh on the strength and effectiveness of this role. One may indeed wonder about the future of Washington’s role in this region, where three successive administrations (those of Obama, Trump and Biden) have already shown that an American strategic pivot to Asia means in itself a form of (relative) withdrawal from the Middle East. This cannot be equated with a contraction or weakening of the US neo-imperial role in the world. It is first and foremost a strategic adaptation to a new context, to new priorities that the United States is imposing on itself in the face of China’s rise to power. For some experts, however, Washington’s role as « peacemaker » would be called into question with this new setback resulting from the Iran-Saudi agreement under the aegis of Beijing. China would thus fill a strategic vacuum left by Washington in the Middle East.

In truth, the « peacemaker role » of the United States is a myth. A myth of Western tradition. The wars in Iraq and Afghanistan, or the unwavering support, over the decades, for Israel’s illegal policy of military occupation, fierce repression and colonization of Palestinian territory, but also of aggression against its neighbors, are reminders of this. In this context, the so-called Abraham Accords process has only contributed, in the name of peace and a « normalization » of Israel’s relations with the Arab world, to the crushing of the legitimate national rights of the Palestinian people, and of a just and lasting peace perspective.

The Iranian-Saudi agreement, however, introduces another problem with the intrusion of China into a strategic space where the United States has continued to dominate for nearly 70 years. From now on, regional diplomacy will no longer go through Washington alone… Beijing has been able to gain the political trust of Riyadh and Tehran, while these two capitals have a conflicting or difficult relationship with the United States. Beijing is succeeding where Washington is struggling. Is this a reflection and consequence of a weakening – some say a decline – of American power politics? Answering this question is more difficult than it seems (and it is not the subject of this article). In any case, it is an illustration of the decline in credibility or even the rejection of Western policy in the world. This can be seen elsewhere, for example in Africa.

While the United States and Israel are seeking, not without some differences, to coordinate their responses to Iran and the Iranian nuclear issue, including the prospect of imposing additional sanctions against Tehran, Saudi Arabia, reputed to be a traditional ally of Washington, has concluded a rapprochement agreement with Iran. Iran is considered by the United States as a hostile actor engaged in military provocations and malicious operations, and whose policy compromises stability in the Middle East by feeding eminent security risks. This is, in a few words, the picture painted by the official American texts – in particular the National Security Strategy (NSS) and the National Defense Strategy (NDS) – adopted by the Biden Administration in 2022. The orientations of the NSS and the NDS, which are based in particular on cooperation and strategic convergence with Washington’s regional partners (notably the Gulf States), appear, however, to be out of step with this Iranian-Saudi agreement.

An end to the logic of the Abraham Accords

These official texts of the Biden Administration emphasize the need to extend and deepen Israel’s growing ties with its neighbors and with other Arab countries, in a continuation of the logic of what is known as the Abraham Accords. However, one may wonder about the credibility of this logic when Saudi Arabia has just distanced itself from it resolutely by choosing a process that is completely contrary to Israeli and American hopes that Riyadh would join this « normalization » process, which already includes Bahrain, the United Arab Emirates and Morocco. Rabat has indicated that it wants to host a summit on the Abraham Accords in March 2023. Under such conditions, it is not going well…

It is indeed a hard blow, perhaps decisive, that has just been dealt to the credibility and continuation of this process, pushed yesterday by Donald Trump for the direct political benefit of Israel. As the Israeli daily Haaretz (5) points out, the dream of forming an Arab alliance against Iran has been shattered. Not to mention that Israeli policy towards the Palestinians is so brutal that it has become difficult for Riyadh, and even for other Arab capitals, to assume such an alliance in an uninhibited way.

One can assume that the Iranian-Saudi rapprochement could also facilitate a return to negotiation on the Vienna Agreement concerning the Iranian nuclear issue (6). Such a negotiation should extend or reinstate the Joint Comprehensive Plan of Action (JCPOA), included in this Agreement, signed in 2015 and then endorsed by a Security Council resolution (resolution 2231 of July 20, 2015). This Plan of Action strictly defines in detail the technical, security and political conditions for a settlement of the issue and a lifting of sanctions against Iran. Obviously, when it comes to the nuclear issue, it is particularly difficult to predict the successful completion of commitments made. The proof was given in 2018 by the Trump Administration, which deliberately chose to torpedo the Agreement, even though Iran had complied with it for nearly 3 years. The stakes are particularly high today. It is not only about the (real) danger of nuclear proliferation. It is also a question of the strategic balance of power in the international order, and in a context of war…
Nevertheless, we can consider that the Iranian-Saudi rapprochement offers a sort of protection to Tehran, since it becomes politically difficult for Tel Aviv to envisage military action against a country that is now defined as a partner of Saudi Arabia, a difficult ally, but a precious ally of Washington, and even though Israel continues to maintain relations… with Saudi Arabia. Here again, everything is complicated for Tel Aviv.

It is easy to imagine Israeli rage at this unexpected political change which upsets its plans and ambitions. But can we predict what the new far-right government led by Benjamin Netanyahu might decide? A government criticized for its « fascist values », according to the formula of former Prime Minister Ehud Barak (7)? This government does indeed include ministers who are clearly racist and supremacist. But in this context, would Netanyahu dare to decide to use force, when a diplomatic opening may be on the horizon? The answer to this question will also depend on the support that the signatories of the JCPOA, in particular, will decide to give to a revival of the negotiation process. France and the EU are therefore directly concerned and challenged.

France and the Europeans face their responsibility

Finally, we can think that this Iranian-Saudi agreement can facilitate the lowering of tensions, dialogue and more cooperative approaches concerning, for example, the war in Yemen or the existential crisis situation in Lebanon. Real emergencies. But let us stress once again that nothing can be taken for granted or easily achieved. There would be some illusion in imagining the aftermath as an accumulation of possible « happy endings ». The fact remains that this agreement must be taken seriously for what it helps to reveal and stimulate. For the Biden Administration, it is a disappointment and a serious warning. For Israel, it is a clear failure. For the Europeans, it is an opportunity. The EU and its member states, indeed, could play a positive role in this significant shift in the balance of power in the international order. So, will there be someone, in France, Germany or elsewhere, to seize this new political moment? To try to produce solutions, or at least efforts to show what can be achieved if we give priority to diplomacy and abandon the priority of force. Or will we continue to feed confrontation and escalation?

Emmanuel Macron recently said: « I do not want the Chinese and the Turks alone to negotiate the day after » (8). All the more reason to get involved now, to take initiatives and thus widen the circle of actors acting in a convergent manner for a political outcome to the war.

The Chinese initiative forces us to rethink the issues. It may allow us to move forward. But the question is not only to know which (other) power is capable of defining itself as a major player in the Middle East and on the international scene. Some people, however, hope for the advent of a « post-American era ». If this were to happen, we would have to measure its limits for international relations. It is not enough to change leadership or preponderance. A much higher standard must be met. First, it is necessary to obtain solid and broad multilateral commitments, which are likely to be in keeping with the spirit and imperatives of collective responsibility and the political settlement of conflicts.

A different political page can be turned. Concretely. Without naivety. It would be dismaying to see the Euro-Atlantic political world reject the Chinese offer, on the pretext that it is not credible, when this offer is in fact the very discourse of the Western powers on the need for a « rules-based » international order. Those who think that the language of power is cynical by nature are right. But those who refuse to seize the opportunities to get out of it are fundamentally wrong.

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1) With the participation of Iran, Uzbekistan, Pakistan, Russia, Tajikistan, Turkmenistan.

2) Indonesia and Qatar have been invited.

3) See  » Poutine, l’OTAN et la guerre « , J.Fath, éditions du Croquant, pages 46 and 47.

4) Xi Jinping’s visit to Riyadh in December 2022, and Iranian President Ebrahim Raissi’s visit to Beijing in February 2023.

5) « Saudi-Iran – Rapprochement : In China’s Middle East, Israel Has Little Influence « , Haaretz, 10 mars 2023. https://www.haaretz.com/middle-east-news/2023-03-10/ty-article/.premium/saudi-iran-rapprochement-in-chinas-middle-east-israel-has-little-influence/00000186-cc34-d739-a9cf-dc7ecd530000

6) This Agreement was negotiated and finalized by the 5 permanent members of the Security Council, Germany, the European Union (which coordinated the negotiations), and Iran.

7) « Ehud Barak: The people must react against this government with « fascist values, » Times of Israel, January 1, 2023. https://fr.timesofisrael.com/ehud-barak-le-peuple-doit-reagir-contre-ce-gouvernement-aux-valeurs-fascistes/

8) « Emmanuel Macron on the war in Ukraine: I don’t want it to be the Chinese and the Turks alone who negotiate the day after, » Le Monde, Philippe Ricard, December 21, 2022. https://www.lemonde.fr/international/article/2022/12/21/emmanuel-macron-sur-la-guerre-en-ukraine-je-n-ai-pas-envie-que-ce-soient-les-chinois-et-les-turcs-seuls-qui-negocient-le-jour-d-apres_6155337_3210.html

Quand la Chine bouscule l’ordre international…

Sous l’égide de la Chine, l’Iran et l’Arabie Saoudite ont rétabli leurs relations diplomatiques. Cette annonce du 10 mars 2023 fut accompagnée de photos officielles montrant, à Pékin, Wang Yi, membre du Bureau Politique et Directeur du Bureau des affaires étrangères du Parti communiste chinois, avec l’Amiral Ali Shamkhani, Secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale iranien, et Mussad bin Mohammed Al-Aiban, Ministre d’État saoudien, Conseiller aux affaires politiques et à la sécurité nationale.

Rien de cet événement du mois de mars 2023 – jusqu’aux photos témoignant d’une volonté de médiatisation – ne peut être considéré comme une banalité dans les relations internationales, après quelque sept années de dangereuses tensions entre l’Arabie Saoudite et l’Iran, deux acteurs essentiels au Moyen-Orient. Dans une région où tout ce qui se produit, autant qu’ailleurs et probablement davantage qu’ailleurs, est surdéterminé par des logiques de puissance, un tel rapprochement aura d’importantes répercussions politiques et stratégiques. Soulignons la dimension de l’événement en lui-même, qui fut certainement ressenti comme une claque diplomatique pour Tel Aviv et même pour Washington, tellement sa signification va à l’encontre des visées israéliennes et américaines. Il vaut la peine d’en examiner les conséquences potentielles. Conséquences … potentielles parce qu’évidemment rien ne peut être considéré comme définitif. Nous sommes à la fois dans un Moyen-Orient « compliqué »… et dans les mutations rapides d’un ordre international où les surprises et les contradictions font que rien n’est réglé d’avance. On verra les suites.

Ce rapprochement irano-saoudien sous l’égide de la Chine (qui soigne ainsi deux de ses fournisseurs en hydrocarbures), bouscule les lignes politiques des relations internationales, et remet en cause quelques situations considérées comme établies. Le premier constat qui s’impose est que cet accord, au grand dam de Washington, est acté sous l’ascendance de Pékin. Ce qui apporte la confirmation d’une autorité chinoise grandissante, et d’une volonté d’assumer un vrai rôle international, y compris dans le cadre de contextes diplomatiques délicats. Le passé le plus récent en témoigne.

Les 30 et 31 mars 2022, en effet, la Chine avait accueilli à Tunxi, dans la province d’Anhui (Chine orientale) une troisième rencontre des Ministres des affaires étrangères des pays voisins de l’Afghanistan (1). Ensuite, en présence des Talibans et du Gouvernement temporaire afghan, elle a réuni une « Troïka + » avec le Pakistan, la Russie et les États-Unis (2), en dépit de la situation tendue du fait de la guerre en Ukraine (3).

Le 24 février 2023 la Chine a présenté un document porteur d’une « initiative de sécurité globale ». Elle a ensuite rendu publique une « position sur le règlement politique de la crise ukrainienne ». Le premier document est un texte général contenant une conception globale des enjeux de la sécurité internationale. Cette conception met l’ONU au centre d’une approche visant à favoriser le multilatéralisme. Elle traduit aussi et peut-être surtout une volonté affirmée de s’inscrire comme puissance jouant un rôle positif dans l’ordre international. Le deuxième document dessine en 12 points les principes devant guider un processus de solution politique à la guerre en Ukraine. En réalité, il y a là une seule et même initiative d’ensemble visant explicitement à enclencher un processus de règlement politique pour sortir de la guerre. Cette initiative converge avec l’idée avancée par le Président brésilien. Lula da Silva, effectivement, a proposé la constitution d’un groupe de pays qui prendraient en charge la question d’un règlement politique du conflit en Ukraine. Et, précisément, un tel groupe inclurait notamment la Chine, l’Indonésie et l’Inde qui préside le G20 pour l’année 2023. De quoi contribuer à s’extraire d’un système international trop dépendant d’une hégémonie et d’une centralité occidentales.

Une initiative qui change la donne

L’accord irano-saoudien, conclu grâce à une négociation / médiation chinoise (4), correspond donc à une implication récente et très directe de la Chine dans les enjeux de sécurité internationale et de règlement des conflits. Mais cette initiative-là change concrètement la donne en soulevant une autre question stratégique, celle du rôle des États-Unis au Moyen-Orient… avec les doutes qui pèsent désormais sur le poids et sur l’efficacité de ce rôle. On peut effectivement se demander quel est l’avenir du rôle de Washington dans cette région où trois administrations successives (celles d’Obama, de Trump et de Biden) ont déjà montré qu’un pivot stratégique américain sur l’Asie signifiait en soi une forme de retrait (relatif) du Moyen-Orient. Ce qui ne peut pas être assimilé à une contraction ou un affaiblissement du rôle néo-impérial des États-Unis dans le monde. C’est d’abord une adaptation stratégique dans un nouveau contexte, pour de nouvelles priorités que les États-Unis s’imposent face à la montée en puissance de la Chine. Pour certains experts, cependant, le rôle de « faiseur de paix » de Washington serait mis en cause avec ce nouveau recul découlant de l’accord irano-saoudien sous l’égide de Pékin. La Chine remplirait donc un vide stratégique laissé par Washington au Moyen-Orient.

En vérité, le « rôle de faiseur de paix » des États-Unis est un mythe. Un mythe de tradition occidentale. Ce que rappellent notamment les guerres en Irak et en Afghanistan, ou le soutien indéfectible, au fil des décennies, à la politique israélienne illégale d’occupation militaire, de répression féroce et de colonisation du territoire palestinien, mais aussi d’agression contre ses voisins. Dans ce contexte, le processus dit des Accords d’Abraham n’a fait que contribuer, au nom de la paix et d’une « normalisation » des relations d’Israël avec le monde arabe, à l’écrasement des droits nationaux légitimes du peuple palestinien, et d’une perspective de paix juste et durable.

L’accord irano-saoudien introduit cependant une autre problématique avec l’intrusion de la Chine dans un espace stratégique où les États-Unis n’ont cessé de dominer depuis près de 70 ans. La diplomatie régionale, dorénavant, ne passerait plus seulement par Washington… Pékin a su gagner la confiance politique de Riyad et de Téhéran alors que ces deux capitales entretiennent une relation conflictuelle, ou bien difficile avec les États-Unis. Pékin réussit là où Washington est en difficulté. Est-ce le reflet et la conséquence d’un affaiblissement – certains parlent d’un déclin – de la politique de puissance américaine ? Répondre à cette interrogation est plus difficile qu’il n’y paraît (et ce n’est pas le sujet de cet article). Il s’agit en tous les cas d’une illustration du recul de la crédibilité voire du rejet de la politique occidentale dans le monde. Ce que l’on peut constater ailleurs, par exemple en Afrique.

Alors que les États-Unis et Israël cherchent, non sans quelques divergences, à coordonner leurs réponses concernant l’Iran et l’enjeu du nucléaire iranien, y compris avec la perspective d’une imposition de sanctions additionnelles contre Téhéran, l’Arabie Saoudite, réputée allié traditionnel de Washington, conclut donc un accord de rapprochement avec l’Iran. L’Iran étant considéré par les États-Unis comme un acteur hostile se livrant à des provocations militaires et à des opérations malveillantes, et dont la politique compromet la stabilité au Moyen-Orient en alimentant des risques éminents de sécurité. C’est en quelques formules le tableau brossé par les textes officiels américains – en particulier la National Security Strategy (NSS) et la National Defense Strategy (NDS) – adoptés par l’Administration Biden en 2022. Les orientations de la NSS et de la NDS, qui reposent en particulier sur la coopération et les convergences stratégiques avec les partenaires régionaux de Washington (notamment les pays du Golfe), apparaissent cependant en décalage avec cet accord irano-saoudien.

Une fin de la logique des Accords d’Abraham

Ces textes officiels de l’Administration Biden soulignent la nécessité d’étendre et d’approfondir les liens croissants d’Israël avec ses voisins et avec d’autres pays arabes, dans une poursuite de la logique de ce qu’il est convenu d’appeler les Accords d’Abraham. On peut cependant s’interroger sur la crédibilité de cette logique alors que l’Arabie saoudite vient de s’en distancier résolument en choisissant un processus tout à fait contraire à l’espoir israélien et américain de voir Riyad rejoindre ce processus de « normalisation », dans lequel figurent déjà le Bahreïn, les Émirats Arabes Unis et le Maroc. Rabat a d’ailleurs indiqué vouloir accueillir un sommet sur les Accords d’Abraham en mars 2023. Dans de telles conditions, c’est mal parti…

C’est en effet un coup dur, peut-être décisif, qui vient ainsi d’être porté à la crédibilité et à la poursuite de ce processus, poussé hier par Donald Trump au bénéfice politique direct d’Israël. Comme le souligne le quotidien israélien Haaretz (5), le rêve de former une alliance arabe contre l’Iran est brisé. Sans compter que la politique israélienne vis à vis des Palestiniens est tellement brutale qu’il est devenu difficile pour Riyad, voire pour d’autres capitales arabes, d’assumer une telle alliance de façon désinhibée.

On peut supposer que le rapprochement irano-saoudien pourrait aussi faciliter un retour à la négociation sur l’Accord de Vienne concernant le nucléaire iranien (6). Une telle négociation devrait proroger ou rétablir le Joint Comprehensive Plan of Action (JCPOA), inclus dans cet Accord, signé en 2015 puis avalisé par une résolution du Conseil de sécurité (résolution 2231 du 20 juillet 2015). Ce Plan d’action définit strictement et en détails les conditions techniques, sécuritaires et politiques d’un règlement de la question et d’une levée des sanctions contre l’Iran. Évidemment, lorsqu’il s’agit du nucléaire, il est particulièrement difficile de prévoir la bonne fin des engagements pris. La preuve en fut donnée en 2018 par l’Administration Trump qui a délibérément choisi de torpiller l’Accord, alors que l’Iran l’avait respecté durant près de 3 années. L’enjeu est particulièrement élevé aujourd’hui. Il ne s’agit pas seulement du danger (réel) de la prolifération nucléaire. Il s’agit aussi du rapport de forces stratégiques dans l’ordre international, et dans un contexte de guerre…

On peut néanmoins considérer que le rapprochement irano-saoudien offre une sorte de protection à Téhéran puisqu’il devient politiquement difficile pour Tel Aviv d’envisager une action militaire contre un pays se définissant maintenant comme un partenaire de l’Arabie Saoudite, alliés difficile, mais allié précieux de Washington, et alors même qu’Israël continue à entretenir des relations… avec l’Arabie Saoudite. Ici encore, tout se complique pour Tel Aviv.

On imagine aisément la rage israélienne devant ce changement politique inattendu qui bouscule ses projets et ses ambitions. Mais peut-on prévoir ce que pourrait décider le nouveau gouvernement d’extrême droite dirigé par Benjamin Netanyahou ? Un gouvernement critiqué pour « ses valeurs fascistes », selon la formule de l’ancien Premier ministre Ehud Barak (7) ? Ce gouvernement comprend effectivement en son sein des ministres clairement racistes et suprémacistes. Tout est donc possible… Mais dans ce contexte, Netanyahou oserait-t-il décider l’utilisation de la force, alors qu’une ouverture diplomatique peut se dessiner ? La réponse à cette interrogation dépendra aussi du soutien que les acteurs signataires du JCPOA, eux en particulier, décideront d’accorder à une relance du processus de négociation. La France et l’UE sont donc directement concernées et interpellées.

La France et les Européens devant leur responsabilité

Enfin, on peut penser que cet accord irano-saoudien peut faciliter la baisse des tensions, le dialogue et des approches plus coopératives concernant par exemple la guerre au Yémen ou la situation de crise existentielle au Liban. De véritables urgences. Mais soulignons encore une fois qu’évidemment rien ne peut être considéré comme acquis ou facilement atteignable. Il y aurait quelque illusion à s’imaginer les suites comme un cumul de « happy end » possibles. Il reste que cet accord doit être pris au sérieux pour ce qu’il contribue à révéler et à stimuler. Pour l’Administration Biden, c’est une déconvenue et un sérieux avertissement. Pour Israël, c’est un échec patent. Pour les Européens, c’est une opportunité. L’UE et ses États membres, en effet, pourraient jouer un rôle positif dans ce déplacement significatif des rapports de forces dans l’ordre international. Alors, y aura-t-il quelqu’un, en France, en Allemagne ou ailleurs pour saisir ce moment politique nouveau ? Pour essayer de produire des solutions, ou au moins des efforts montrant ce que l’on peut obtenir à condition de privilégier la diplomatie et d’abandonner la priorité à la force. Ou bien va-t-on continuer à nourrir la confrontation et les escalades ?

Emmanuel Macron disait récemment : « je n’ai pas envie que ce soit les Chinois et les Turcs seuls qui négocient le jour d’après » (8). Raison de plus pour s’en mêler dès maintenant, pour prendre des initiatives et élargir ainsi le cercle des acteurs agissant de façon convergente pour un processus d’issue politique à la guerre.

L’initiative chinoise oblige à repenser les enjeux. Elle peut permettre d’avancer. Mais la question n’est pas seulement de savoir quelle (autre) puissance est capable de se définir comme un acteur majeur au Moyen-Orient et sur le plan international. Certains espèrent pourtant l’avènement d’une « ère post-américaine ». Si cela devait se réaliser, il faudrait en mesurer les limites pour les relations internationales. Il ne suffit pas, en effet, de changer de « leadership » ou de prépondérance. Il faut répondre à une exigence beaucoup plus élevée. Il est d’abord nécessaire d’obtenir des engagements multilatéraux solides et larges, susceptibles de s’inscrire dans l’esprit et dans les impératifs de la responsabilité collective et du règlement politique des conflits.

Une page politique différente peut s’ouvrir. Concrètement. Sans naïveté. Il serait tout de même consternant de voir le monde politique euro-atlantique rejeter l’offre chinoise, au prétexte que celle-ci n’est pas crédible, alors que cette offre reprend justement le discours même des puissances occidentales sur la nécessité d’un ordre international « fondé sur des règles ». Ceux qui pensent que le langage de la puissance est cynique par nature ont raison. Mais ceux qui refusent de saisir les opportunités permettant d’en sortir ont tort sur le fond.

1) Avec la participation de l’Iran, de l’Ouzbékistan, du Pakistan, de la Russie, du Tadjikistan, du Turkménistan.

2) L’Indonésie et le Qatar ont été invités.

3) Voir « Poutine, l’OTAN et la guerre », J.Fath, éditions du Croquant, pages 46 et 47.

4) Visite de Xi Jinping à Riyad en décembre 2022, et visite du Président iranien Ebrahim Raïssi à Pékin en février 2023.

5) «Saudi-Iran – Rapprochement: In China’s Middle East, Israel Has Little Influence », Haaretz, March 10, 2023. https://www.haaretz.com/middle-east-news/2023-03-10/ty-article/.premium/saudi-iran-rapprochement-in-chinas-middle-east-israel-has-little-influence/00000186-cc34-d739-a9cf-dc7ecd530000

6) Cet Accord a été négocié et finalisé par les 5 membres permanents du Conseil de sécurité, par l’Allemagne, l’Union européenne (qui a assuré la coordination des négociations), et par l’Iran.

7) «Ehud Barak : Le peuple doit réagir contre ce gouvernement aux « valeurs fascistes », Times of Israël, 1er janvier 2023.  https://fr.timesofisrael.com/ehud-barak-le-peuple-doit-reagir-contre-ce-gouvernement-aux-valeurs-fascistes/

8) « Emmanuel Macron sur la guerre en Ukraine : je n’ai pas envie que ce soit les Chinois et les Turcs seuls qui négocient le jour d’après », Le Monde, Philippe Ricard, 21 décembre 2022. https://www.lemonde.fr/international/article/2022/12/21/emmanuel-macron-sur-la-guerre-en-ukraine-je-n-ai-pas-envie-que-ce-soient-les-chinois-et-les-turcs-seuls-qui-negocient-le-jour-d-apres_6155337_3210.html

What political solution to the war?

Here are some ideas and proposals for reflection on the need for a political solution to the war in Ukraine. Based on the most recent developments, this text completes but does not replace a reading of my book « Putin, NATO and the war… » (published by « Croquant editions »). This book brings indeed, on this imperialist war started by Vladimir Putin and his regime, keys of understanding more than ever necessary on the causes, on the stakes, and as for the question of the responsibilities in a page of history of 30 years of confrontations of powers.

As the outcome of the war is played out in escalation and uncertainty, in an evolving and uncertain balance of power… the risks increase, and the rationality of the choices made by the actors of the war is put to the test. The possibility is growing of a spiral and a more general conflagration in an open NATO/Russia war. In this context, the dangers, including nuclear ones, are increasing. And the conditions of international security continue to deteriorate in a very worrying way. This evolution is perilous, but the debate on the strategic options to be favoured does not cease to focus on the way to pursue the war, on the question of the respective « virtues » of military victory and defeat.

Let us first note that a clear situation of « victory » or military preponderance won by Russia in the Donbass would raise essential political issues related to the sovereignty of Ukraine, and would act as a fait accompli of state aggression and acquisition of territory by force. Naturally, such an undermining/denial of fundamental political and legal principles is unacceptable in itself. It is contrary to the idea of an international order based on law and the UN Charter. While the exercise of the politics of force and domination in international relations, and the crimes that go with it, are gaining ground over the years.

Thus, we can see that Israel is imposing on the Palestinian people the consequences of its illegal and illegitimate policy of military occupation and colonization. This is done with total impunity. One can even say that Israel (for a very long time) acts in Palestine as Russia is doing today in Ukraine, in defiance of the existing rules and law. There is therefore a double standard in a conception of the universality of law that varies greatly. Whether in Ukraine, Palestine, Kurdistan, Western Sahara or elsewhere, we cannot accept such contempt for international legality and the right of peoples to self-determination, nor the slightest trivialization of the use of force as an unavoidable parameter of an international order in decay under the permanent blows of the logic of power and the politics of force and domination.

On the other hand, it is necessary to measure that a military defeat of Russia, which many political leaders are calling for, including in France, would be the best way to maintain the persistent will of a later revenge by Russia. We must indeed remember that the sanction of a balance of power is never a « solution » but always a state of affairs that imposes itself, and that too often creates the desire for revenge. A military defeat of Russia, beyond the problematic feeling of revenge that it may arouse, could have other critical consequences for the international order and for security. Such a defeat (we would have to define better what we are talking about here…) could indeed produce in Russia a series of destabilizing crises with an international scope.

In this regard, we have noted the statements of Kyrylo Boudanov, Head of Ukrainian Military Intelligence, in the daily Le Monde of February 24. He stressed that Russia will be forced to withdraw from Ukraine, « otherwise it will lead to the collapse of the Russian regime ». He adds that « the question of the political and security architecture of this region, which goes from Eastern Europe to the Asian part of Russia, will arise. (…) The world does not need, he says, a Russian Federation as it exists today, which threatens the whole world. Naturally, the time of war is also a time of ideological battles that pushes to all kinds of calculations and speculations, including the most extreme. But this is not the first time that the option of dismantling the Russian Federation has been brandished as a possibility, if not a wish, in defiance of the risks inherent in such an eventuality.

It is true that a destabilization of the Russian state and an internal political crisis, a weakening or a challenge to the integrity and unity of the Russian Federation could result in the situation created being considered by Moscow as a provoked threat, affecting Russia’s vital interests. This would seriously increase the nuclear risk. The circumstances officially foreseen by the Russian doctrine (see the strategic planning document of June 2020) for the implementation of deterrence for a possible use of nuclear weapons would be entered. The international context would be very seriously affected by a tenfold risk of war between NATO and Russia. We are not there yet… But we must be careful, the imperative requirement of responsibility in wartime is measured by the rationality of the choices made.

Choosing between the major risks of war and the difficulties of peace

One could multiply the extrapolations linked to the possibilities of victory or defeat in war. But it would still be necessary to evaluate the extent to which both are still possible, while the armies that confront each other seem weakened after a year of war of high intensity. A year so deadly and destructive that tomorrow we will probably be shocked and surprised when we will (perhaps) be able to better evaluate the hecatomb of military and civilian victims…

The essential question is not, therefore, how to win or not to lose the war for each of the protagonists, but how to set in motion a political process that can lead to a just solution, in accordance with the law and capable of guaranteeing solid and lasting conditions of collective security. With the withdrawal of Russian troops and with respect for the sovereignty and integrity of Ukraine.

No one will say that this is an easy objective to achieve. But everyone can understand that the longer the war goes on, the higher the risks of a major conflagration, and the more difficult it will be to get out of it. Between the major risks of war and the difficulties of peace… one must choose. It is now more urgent than ever to force the way to a negotiated solution. Any proposal in this direction – there are some now – must be taken into consideration. We will come back to this.

Vladimir Putin and his regime obviously bear the overwhelming responsibility for the outbreak of the war and its consequences. But we cannot pretend that the Western powers are strangers to the origins and causes of this war, and to the processes of confrontation that have contributed, along with Russia, to the creation of a context favorable to war over a 30-year period of history. However, these powers act as if their « victory » of yesterday, in the Cold War, could be prolonged today in an indisputable legitimacy and in a strategic « without fault ». This is not the case. The question of the causes of the war is obviously more complicated than is usually said. So is a solution. A political solution will have to consider and decide in particular on two categories of options: those related to the principle of sovereignty, and those related to the principles of collective security. These principles cannot be dissociated and are at the heart of the United Nations Charter. The most lucid are therefore right, who recognize the need to concretize a European security order that necessarily includes Russia. This should have a positive impact on the stability of the international order as a whole, in its rules and functioning. We must not think of a victory, but prepare a solution.

What was not voluntarily built after the collapse of the USSR should finally be designed and built today, when the fighting of this long and terrible war in Ukraine is finally over. At least to be able to install balances and new rules of common life that are accepted by all, for the security of all. Indeed, we remember that at the very beginning of the 90s, a new order became absolutely necessary in a geopolitical moment that changed the course of history. Nothing less than that… However, in this moment of change, dismayingly, nothing decisive will be done, except for the enlargement of NATO to the East. It was as if the United States and its European allies had only one thing to do: to cash in on the spoils of their « victory » in the Cold War, without the slightest regard for the requirements that were necessary at the time: mutual security in cooperation with the overall strategic and political reorganization of the European space. This historic mistake was made despite the clear warnings of recognized experts and personalities aware of the risks. This is an obvious observation, that of a gaping but voluntary political failure, because it was a strategic choice made in full awareness by the member states of the Atlantic Alliance.

Facing all the realities of history

This shortcoming, with its dramatic consequences, was not unrelated to what followed: 30 years of high tensions, permanent conflicts, use of force and military initiatives, especially Russian, to today, come to a high intensity war in a de facto conflict between NATO and Russia. A violent page of history in a chaos of threats and structural instability. It is not acceptable that these realities of history, of our history in Europe, can be so much evacuated from the public debate today. How many deaths, how much destruction, how many tragedies will the peoples have to endure before a minimum of common security and collective responsibility can finally be imposed? Is the history of wars in Europe not enough?

War is a tragedy. A tragedy for those who suffer the heavy consequences. A tragedy for those who make it and who fight on the field until they lose their lives. But a tragedy for what? Vladimir Putin, in spite of the territories he may still be able to seize, is facing a clear strategic failure. He sees himself held in check by his ambitions of power and revenge, where he thought he could easily impose himself. This is a lesson. A lesson that others have already experienced in very different circumstances. Even in France, some people have not measured what war cannot offer them.

How can we not remember François Hollande exulting on February 2, 2013 in Bamako. Carried away by enthusiasm, he declared, pathetically, « I have undoubtedly lived the most beautiful day of my political life. » He then felt that he had achieved a complete victory against rebel groups considered to be terrorists in an operation by French forces in Mali. Nearly 20 years later, France has been held in check in that country, in Burkina Faso and more generally in the Sahel. The Libyan disaster has seriously added to this. How can we not also recall Washington’s failures in Iraq and Afghanistan despite the size of the military forces involved? The « sauve-qui-peut » of American forces fleeing Kabul in August 2021, along with NATO’s failure, are another sign of the constraint of the reality of these unwinnable wars, of impossible victories. Many of those who castigate Putin’s war in Ukraine often have some difficulty remembering their illusory ambitions of power, and their own strategic failures.

China and Brazil take the lead

On February 24, 2023 (the date is not a coincidence) China presented two political documents. First, a « global security initiative », and second, a « position on the political settlement of the Ukrainian crisis ». The first document is a general text proposing a global conception of the challenges of international security, a conception that places the UN at the center of an approach that above all translates an evolution in Chinese political positioning, an affirmed desire to be a power playing a positive role in the international order. Nevertheless, it must be noted that the policy actually pursued by China, particularly in its immediate vicinity and on the adjacent seas where Washington is in full force, does not appear to be systematically consistent with the principles set out in this text.

The second document outlines in 12 points the principles that should guide a political solution to the Ukrainian crisis (the word war is never used), as well as a number of measures on concrete issues. China is moving forward cautiously. In the Western and NATO political world, this comprehensive initiative has been criticized for a lack of credibility due to China’s failure to condemn the Russian aggression. In truth, it is precisely because Beijing is a very close and powerful partner of Moscow that China can have weight and real influence on Russia. This, of course, can give relevance to the Chinese initiative, including on the international level.

It is certainly for this reason that Antony Blinken, the US Secretary of State, in a remarkable coincidence of times, clearly sought to break the credibility of the Chinese diplomatic effort by declaring that Beijing was « getting ready » to supply arms to China. At the time, the US Administration did not have any information to support such an accusation, but it seems that more details on this issue will be provided later. The American criticism therefore consists of denouncing the fact that Beijing would thus keep two irons in the fire: that of negotiation, and that of involvement in the war. This is not demonstrated. Mr Blinken does not specify how many irons in the fire Washington is keeping.

And then, despite the reservations that are always possible in a context of power competitions to which both sides actively contribute, we cannot refuse to note that China is the first country to explicitly commit itself to a very formalized process of political settlement, far from the dominant debate in the Western world, since this debate, as we have seen, revolves almost exclusively around the respective stakes of military victory or defeat. We will have to get out of it.

A new situation

Also noteworthy is the initiative of Brazilian President Lula da Silva. On February 9, during his visit to the United States, Lula proposed the creation of a « peace club » or a group of countries that would take on the issue of a political settlement of the conflict in Ukraine. This group would include China, Indonesia, India (which is chairing the G20 for 2023) and other countries that are neutral or not involved in the war. We can thus see that convergences and a new situation are emerging thanks to the so-called countries of the South. A South that is not « global », as some persist in saying, but within which a desire for independence and free choice is constantly rising, if not a clear rejection of the policies of the Western powers.

What focuses the attention of the United States and the Europeans is first of all to leave the decision of the talks to Kiev, to give priority to the strategic necessity of a military defeat of Russia, and to assure Ukraine a future military capacity to face Russia in any circumstances. In the Wall Street Journal of February 24 Bojan Pancevski and Laurence Norman write that « NATO’s top European members are considering a ‘defense pact’ with Ukraine. The journalists point out that « Germany, France and Britain see closer ties between NATO and Ukraine as a way to encourage Kiev to start peace talks with Russia later this year. They add that « Washington has said it wants Ukraine to be sufficiently armed after the war to deter any future Russian attack. (…) We need to make sure, » they say further, « that Ukraine has the capacity to deter aggression and, if necessary, to defend itself effectively against it. »

The Wall Street Journal reporters do not address the Chinese and Brazilian initiatives, but they do point to the growing doubts about Ukraine’s ability to win the war, with the belief that Western powers could not help support the Ukrainian war effort for too long. This is at the same time a kind of admission of the illusory and fragile nature of « solutions » based on force and the military.

What are the solutions to stop the war ?

Obviously, a negotiation is necessary. The belligerents must sit down around a table. But the mere necessity of a dialogue is not enough. And that is not the way things are done. A political process can take complicated, indirect and confidential paths at first. The very idea of negotiation… is negotiated, is tested mutually. Each one needs to know what perspective it wants for itself, what is possible, what are the real intentions of the other. The difference must be identified between a simple posture and a willingness to truly engage. The negotiation of a political settlement requires external contributions, sponsors, mediators/facilitators who are determined to promote a credible, « professional » and transparent political process. They must resolutely push in this direction to make politics the uncontested priority. It is therefore also for these reasons that positions (such as that of France) that consist of sparing the goat of military power relations and the cabbage of future negotiations can hardly constitute a positive contribution.

It is essential, in fact, to contribute to a climate, a context and, above all, a collective or multilateral will for a political settlement. The United Nations framework or a major pilot role for the UN should be used for this. The goal is not only to break the tragic stalemate of the fighting, even if a cease-fire must be obtained as soon as possible. It is to bring the protagonists to make decisions that may be difficult in order to reach a settlement that is as indisputable as possible in its foundations, in its intentions and in its consequences. For this to happen, external support must be clear, unambiguous and very determined.

A settlement does not exclude compromises, which are much talked about, but we do not start there. You don’t prejudge the conclusions. You negotiate on issues. Such an approach must therefore be based on fundamental principles: sovereignty, the prohibition of the use of force, territorial integrity… We must ensure that international law is applied and that the rules and practices of collective security as formulated in the United Nations Charter are respected. In particular, for Ukraine, respect for internationally recognized borders and the withdrawal of Russian troops. This approach must also provide for pragmatic settlements on specific
specific sensitive issues in order to contribute, with care, to the establishment of a secure outcome for all actors.

Respect for fundamental principles and the law must be able to incorporate this need for specific provisions of common interest to ensure the conditions for a lasting solution that is mutually accepted down to the last detail. Since in diplomacy too the devil hides in this way… One can think, for example, of the elaboration of a strategic status of neutrality for Ukraine, of a particular convention for the Russian naval forces in Crimea, of mutual agreements on the military level, of an autonomy for the territories of Donbass or, failing that, a referendum process… The list and the nature of the problems to be solved is also to be negotiated, knowing that such « endorsements » are very important, and must obtain solid international guarantees, unless the conditions for a future war are maintained.

Covering all the causes that led to the war

Finally, it is essential that a political settlement be part of an approach that aims to cover all the causes that led to the war. The solution to be built therefore goes beyond the Russian-Ukrainian conflict stricto sensu. Moreover, everything is linked. Some of the political and strategic issues characterizing the NATO/Russia relationship will have to be addressed in the form of mutual commitments between the United States, the Europeans and Russia in order to initiate new talks concerning, in particular, the need for a lasting strategic dialogue, arms control, especially nuclear arms, disarmament, and the general conditions for a new collective security order in Europe. It will be necessary to show that we have understood this page of history of 30 years of confrontation.

In this spirit, the question of the « perimeter » of NATO, and therefore of Ukraine’s membership in the Atlantic Alliance, must be raised as a major issue. Do we want to exacerbate the strategic confrontations by joining the Alliance, or should we seek, on the contrary, a stabilization that guarantees a maximum exhaustion of the causes of the conflict?

Broadening the political settlement process to include these major issues does not complicate the negotiations. It places them at the necessary level, at the level of all the global stakes characterizing this war which, from the start, was in reality, and whatever one may say, a NATO/Russia conflict.

A process that should lead to a just solution must therefore have as its essential aim to provide answers that will create a new situation for all of the issues at stake. History shows that unresolved problems (and there are many) contribute to the accumulation of political time bombs. And these always end up exploding. This is the inevitable result of power struggles and strong-arm politics that create contexts in which diplomacy and multilateralism have a hard time surviving. If an acceptable political solution to this war is reached tomorrow, then it can be said that a breakthrough will have been achieved, despite the tragedy, with the demonstration of what diplomacy and politics can achieve against force. But not only is the price to be paid exorbitant, unjustifiable, but this dirty war is not over. In the days, weeks and months to come, the actions of states, governments and politicians will have to be judged by the efforts they make to end the war. For the Ukrainian people. For human dignity… and for their own good name. 01 03 2023