Proche-Orient : quand l’UE ose prendre une initiative…

LE CONSEIL DE L’UE (= LES ETATS MEMBRES) VIENNENT DE NOMMER UN REPRÉSENTANT SPÉCIAL POUR LE « PROCESSUS DE PAIX » AU MOYEN-ORIENT. IL A LA CHARGE D’AGIR EN CONFORMITÉ AVEC LA RÉSOLUTION 2334 DU CONSEIL DE SÉCURITÉ. AINSI, LES PAYS DE L’UE S’ENGAGENT. ILS FAUT LES PRENDRE AU MOT… ET LES ATTENDRE AU TOURNANT.

VOICI LE COMMUNIQUE DE PRESSE DE L’UE ET LA RÉSOLUTION DE L’ONU.

Conseil de l’Union Européenne

29/04/2021 | Communiqué de presse

Nomination d’un nouveau représentant spécial de l’UE pour le processus de paix au Moyen-Orient

« Aujourd’hui, le Conseil a nommé M. Sven Koopmans en tant que représentant spécial de l’UE (RSUE) pour le processus de paix au Moyen-Orient du 1er mai 2021 au 28 février 2023.

M. Koopmans est un spécialiste des négociations de paix, un diplomate chevronné, un homme politique national et un avocat international. Entre 2017 et 2021, il a été député aux Pays-Bas, où il a été porte-parole pour les affaires étrangères et chef de délégation à l’Assemblée parlementaire de l’OTAN. Avant cela, il a travaillé pour l’Union européenne, les Nations-Unies et d’autres organisations internationales sur les processus de paix pour Chypre, le Kosovo, le Mali, le Soudan et la Syrie, entre autres.

Le mandat du RSUE pour le processus de paix au Moyen-Orient est de fournir une contribution active au règlement final du conflit israélo-palestinien sur la base d’une solution à deux États, conformément à la résolution 2334 (2016) du CSNU (Conseil de Sécurité). Le RSUE maintiendra des contacts étroits avec toutes les parties au processus de paix ainsi qu’avec l’ONU et d’autres organisations compétentes telles que la Ligue des États arabes.

Le RSUE soutiendra également les travaux du Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, sur cette question et maintiendra une vue d’ensemble de toutes les activités régionales de l’UE liées au processus de paix au Moyen-Orient. »

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Puisque la tâche de ce nouveau représentant de l’UE est de fournir une contribution active à un règlement final, conformément à la résolution 2334 du Conseil de Sécurité, il est utile de relire cette résolution et d’exiger par la suite qu’elle soit suivie d’initiatives réelles, d’action et de résultats. Notons que cette résolution ne dit pas par quels moyens l’UE doit faire avancer une solution respectant les buts et les principes de la Charte de l’ONU, ainsi que le droit international et les résolutions des Nations-Unies. Raison de plus pour suivre avec la plus grande attention ce que l’UE, son nouveau représentant, les pays de l’UE, et notamment la France décideront de faire… Mais que vont-ils oser entreprendre?.. Est-ce qu’ils y croient vraiment ?.. De quelle crédibilité disposent-ils ?.. Poser ces questions c’est déjà commencer à répondre. Voici en tous les cas l’intégralité du texte sur lequel ils s’engagent :

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Résolution 2334 (2016)

Adoptée par le Conseil de sécurité à sa 7853e séance, le 23 décembre 2016

Le Conseil de sécurité,

Rappelant ses résolutions sur la question, notamment les résolutions 242 (1967), 338 (1973), 446 (1979), 452 (1979), 465 (1980), 476 (1980), 478 (1980), 1397 (2002), 1515 (2003) et 1850 (2008),

– Guidé par les buts et principes énoncés dans la Charte des Nations Unies et rappelant notamment que l’acquisition de territoire par la force est inadmissible,

– Réaffirmant qu’Israël, Puissance occupante, est tenu de respecter scrupuleusement ses obligations et responsabilités juridiques découlant de la quatrième Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, en date du 12 août 1949, et rappelant l’avis consultatif rendu le 9 juillet 2004 par la Cour internationale de Justice,

– Condamnant toutes les mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut du Territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, notamment la construction et l’expansion de colonies de peuplement, le transfert de colons israéliens, la confiscation de terres, la destruction de maisons et le déplacement de civils palestiniens, en violation du droit international humanitaire et des résolutions pertinentes,

– Constatant avec une vive préoccupation que la poursuite des activités de peuplement israéliennes met gravement en péril la viabilité de la solution des deux États fondée sur les frontières de 1967,

– Rappelant l’obligation faite à Israël dans la Feuille de route du Quatuor et approuvée par sa résolution 1515 (2003) de geler toutes ses activités de peuplement, y compris par « croissance naturelle », et de démanteler tous les avant-postes de colonie établis depuis mars 2001,

– Rappelant également l’obligation faite aux forces de sécurité de l’Autorité palestinienne dans la Feuille de route du Quatuor de continuer de mener des opérations efficaces en vue de s’attaquer à tous ceux qui se livrent à des activités terroristes et de démanteler les moyens des terroristes, notamment en confisquant les armes illégales,

– Condamnant tous les actes de violence visant des civils, y compris les actes de terreur, ainsi que tous les actes de provocation, d’incitation à la violence et de destruction,

– Réitérant sa vision d’une région où deux États démocratiques, Israël et la Palestine, vivent côte à côte, en paix, à l’intérieur de frontières sûres et reconnues,Soulignant que le statu quo n’est pas viable et que des mesures importantes, compatibles avec le processus de transition prévu dans les accords antérieurs, doivent être prises de toute urgence en vue de

i) stabiliser la situation et inverser les tendances négatives sur le terrain, qui ne cessent de fragiliser la solution des deux États et d’imposer dans les faits la réalité d’un seul État, et de

ii) créer les conditions qui permettraient d’assurer le succès des négociations sur le statut final et de faire progresser la solution des deux États par la voie de négociations et sur le terrain,

1.Réaffirme que la création par Israël de colonies de peuplement dans le Territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, n’a aucun fondement en droit et constitue une violation flagrante du droit international et un obstacle majeur à la réalisation de la solution des deux États et à l’instauration d’une paix globale, juste et durable;

2. Exige de nouveau d’Israël qu’il arrête immédiatement et complètement toutes ses activités de peuplement dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et respecte pleinement toutes les obligations juridiques qui lui incombent à cet égard;

3. Souligne qu’il ne reconnaîtra aucune modification aux frontières du 4 juin 1967, y compris en ce qui concerne Jérusalem, autres que celles convenues par les parties par la voie de négociations;

4. Souligne qu’il est essentiel qu’Israël mette un terme à toutes ses activités de peuplement pour préserver la solution des deux États, et demande l’adoption immédiate de mesures énergiques afin d’inverser les tendances négatives sur le terrain, qui mettent en péril la solution des deux États;

5. Demande à tous les États, compte tenu du paragraphe 1 de la présente résolution, de faire une distinction, dans leurs échanges en la matière, entre le territoire de l’État d’Israël et les territoires occupés depuis 1967;

6. Demande que des mesures immédiates soient prises pour prévenir tous les actes de violence visant des civils, y compris les actes de terreur, ainsi que tous les actes de provocation et de destruction, demande que les auteurs de tels actes en répondent, et appelle au respect des obligations qu’impose le droit international de renforcer l’action menée pour lutter contre le terrorisme, notamment par la coordination en matière de sécurité, et de condamner sans équivoque tous les actes de terrorisme;

7. Demande aux deux parties d’agir dans le respect du droit international, notamment du droit international humanitaire, et des accords et des obligations qu’elles ont précédemment contractés, de faire preuve de calme et de retenue et de s’abstenir de tout acte de provocation et d’incitation à la violence et de toute déclaration incendiaire, dans le but, notamment, de désamorcer la situation sur le terrain, de rétablir la confiance, de montrer, par leurs politiques et leurs actes, un véritable attachement à la solution des deux États et de créer les conditions nécessaires à la promotion de la paix;

8. Invite toutes les parties à continuer, dans l’intérêt de la promotion de la paix et de la sécurité, de déployer collectivement des efforts pour engager des négociations crédibles sur toutes les questions relatives au statut final dans le cadre du processus de paix au Moyen-Orient et selon le calendrier établi par le Quatuor dans sa déclaration du 21 septembre 2010;

9. Préconise vivement à cet égard l’intensification et l’accélération des efforts diplomatiques entrepris et de l’appui apporté aux niveaux international et régional en vue de parvenir sans tarder à une paix globale, juste et durable au Moyen-Orient, sur la base des résolutions pertinentes de l’Organisation des Nations Unies, du mandat de la conférence de Madrid, y compris le principe de l’échange de territoires contre la paix, de l’Initiative de paix arabe et de la Feuille de route du Quatuor, et de mettre fin à l’occupation israélienne qui a commencé en 1967, et souligne à cet égard l’importance que revêtent les efforts déployés pour faire avancer l’Initiative de paix arabe, l’initiative prise par la France de convoquer une conférence de paix internationale, les efforts récemment entrepris par le Quatuor ainsi que ceux déployés par l’Égypte et la Fédération de Russie;

10. Rappelle qu’il est déterminé à apporter son appui aux parties tout au long des négociations et dans la mise en œuvre d’un accord;

11. Réaffirme qu’il est résolu à examiner les moyens concrets de faire pleinement appliquer ses résolutions sur la question;

12. Prie le Secrétaire général de lui faire rapport tous les trois mois sur la mise en œuvre des dispositions de la présente résolution;

13.Décide de demeurer saisi de la question.

La frappe de Bounty: bavure tragique ou « guerre informationnelle »…

Je publie ci-dessous le texte intégral du rapport public de la MINUSMA concernant la frappe aérienne de Bounty, le 3 janvier 2021 au Mali. Selon l’ONU, cette frappe française aurait provoqué la mort d’au moins 22 personnes, dont 19 civils.

Jusqu’à présent, les autorités françaises affirment que ce bombardement ne visait que des djihadistes, arguant aujourd’hui d’une polémique relevant d’une « guerre informationnelle » et critiquant la méthodologie utilisée par les investigations de la MINUSMA.

Malgré des demandes réitérées, en particulier au Parlement, les autorités concernées et notamment le ministère des Armées, ont systématiquement refusé de produire des éléments de preuve ou d’illustration de leurs affirmations. Le 7 avril, une séance à huis clos de députés membres de la Commission de la défense et des forces armées de l’Assemblée nationale, en présence de François Lecointre, Chef d’état-major des Armées, s’est tenue à propos du rapport de la MINUSMA. Selon Médiapart qui a enquêté et interrogé certains parlementaires, « aucun élément factuel ne leur a été présenté, ni vidéo, ni document déclassifié, ni preuves concrètes ». Cette attitude de refus systématique est officiellement justifiée par une autre méthodologie, celle du secret pour la sécurité et l’efficacité des opérations militaires françaises. Il faut croire que le pouvoir exécutif craint pour la légitimité de même de Barkhane…

La sécurité et l’ efficacité des opérations ont bon dos. C’est tout de même faire bon marché des prérogatives du Parlement et de la transparence indispensable dans un tel cas de figure, lorsqu’il y a des victimes civiles, un doute persistant et pertinent, et une mise en accusation provenant de l’ONU elle-même.

Dans cette tragique affaire, alors que l’intervention militaire française montre en permanence son enlisement et son échec patent, le verrouillage officiel sur l’information, et donc sur la vérité, restera donc comme une atteinte (une de plus) à la démocratie et à l’État de droit en France.

Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali

Communiqué de presse MINUSMA

NATIONS UNIES

Rapport sur les événements de Bounty du 3 janvier 2021

Bamako, le 30 mars 2021 – La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la

stabilisation au Mali (MINUSMA) publie aujourd’hui le rapport de l’enquête sur les évènements de

Bounty du 3 janvier 2021.

Suite aux allégations faisant état de la mort de plusieurs civils suite à une frappe aérienne à proximité du

village de Bounty le 3 janvier 2021, la MINUSMA, à travers sa Division des droits de l’homme et de la

protection (DDHP), a déployé une mission spéciale d’établissement des faits du 4 janvier au 20 février

2021, avec l’appui de la Force et le soutien de la police scientifique des Nations Unies et de l’information

publique, en vue de faire la lumière sur les informations et allégations reçues.

L’équipe de la mission composée de quinze (15) chargés des droits de l’homme, avec le soutien de deux

(2) experts de la police scientifique des Nations Unies et de deux (2) chargés de l’information publique a

effectué ses travaux à Bamako, Mopti, Sévaré, Douentza et Bounty.

Dans le cadre de cette enquête spéciale conduite conformément à la méthodologie du Haut-

commissariat des Nations Unies aux Droits de l’homme, l’équipe a observé des règles strictes de collecte

d’information et de témoignages afin de s’assurer non seulement du respect des plus hauts standards

en la matière, mais également de la crédibilité, la pertinence et fiabilité des éléments collectés. L’équipe

a organisé des entretiens présentiels individuels avec au moins 115 personnes et avec au moins 200

personnes lors des réunions groupées, et réalisé plus d’une centaine d’entretiens téléphoniques. Elle a

également analysé au moins 150 publications, notamment des communiqués et déclarations officiels,

des articles de presse, des déclarations et positions d’autres acteurs et des sources ouvertes ainsi que

des photographies et vidéos concernant la frappe de Bounty. Le 25 janvier 2021, avec l’appui et la

couverture aérienne de la force de la MINUSMA, l’équipe s’est rendue à Bounty et visité le lieu de la

frappe aérienne, l’endroit présumé d’enfouissement des dépouilles des personnes tuées par la frappe

ainsi que le village.

« Je me félicite que ce travail important de la MINUSMA, en conformité avec son Mandat relatif aux

Droits de l’homme, ait pu être réalisé avec la coopération de toutes les parties concernées », a déclaré

le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies au Mali, et Chef de la MINUSMA,

M. Mahamat Saleh ANNADIF.

Au terme de l’enquête, la MINUSMA est en mesure de confirmer la tenue d’une célébration de mariage

qui a rassemblé sur le lieu de la frappe, une centaine de civils parmi lesquels se trouvaient cinq

personnes armées, membres présumés de la Katiba Serma.

Au moins 22 personnes, dont trois des membres présumés de la Katiba Serma présents sur le lieu du

rassemblement, ont été tuées par la frappe de la Force Barkhane survenue le 3 janvier 2021 à Bounty.

Sur les 22 personnes tuées, 19 l’ont été directement par la frappe dont 16 civils tandis que les trois

autres civils ont succombé des suites de leurs blessures au cours de leur transfèrement pour des soins

d’urgence. Au moins huit autres civils ont été blessés lors de la frappe. Les victimes sont tous des

hommes âgés de 23 à 71 ans dont la majorité habitait le village de Bounty.

L’équipe n’a constaté sur le lieu de l’incident aucun élément matériel qui aurait pu attester la présence

d’armes ou de motos tel qu’établi par le rapport des experts de la police scientifique des Nations unies.

Le groupe touché par la frappe était très majoritairement composé de civils qui sont des personnes

protégées contre les attaques au regard du droit international humanitaire. Cette frappe soulève des

préoccupations importantes quant au respect des principes de la conduite des hostilités, notamment le

principe de précaution dont l’obligation de faire tout ce qui est pratiquement possible pour vérifier que

les cibles sont bien des objectifs militaires.

Au terme de l’enquête, la MINUSMA recommande aux autorités maliennes et françaises de diligenter

une enquête indépendante, crédible et transparente afin d’examiner les circonstances de la frappe et

son impact sur la population civile de Bounty ; d’examiner de manière approfondie les processus de

mise en œuvre des précautions lors de la préparation d’une frappe ainsi que des critères utilisés pour

déterminer la nature militaire de l’objectif aux fins de l’application du principe de distinction y compris

l’appartenance à un groupe armé à la lumière de cet incident et à y apporter des modifications si

nécessaires ; d’enquêter sur les possibles violations du droit international humanitaire et du droit

international des droits de l’homme et d’établir les différentes responsabilités et d’octroyer le cas

échéant une réparation appropriée aux victimes et aux membres de leurs familles.