Sur le Liban et la guerre…

Antonios Abou Kasm est avocat international. Il est aussi Doyen de la Faculté de Science politique et des Relations internationales à l’Université « La Sagesse » de Beyrouth (ULS). Cette Université libanaise renommée a été fondée en 1999. La création de sa Faculté de droit remonte cependant à l’année 1875.

Cet entretien a été finalisé le 17 avril 2024.

1) Hier, 15 années de guerre civile, de déstabilisations et d’interventions extérieures n’avaient pas conduit, malgré la durée et la brutalité du conflit, à faire du Liban ce que l’on appelle un État déliquescent ou un État failli. Le cumul des chocs majeurs de la période (crise institutionnelle, assassinats de personnalités politiques, explosion au Port de Beyrouth, crise économique structurelle…) a-t-il fait rentrer votre pays sur ce chemin dangereux ? A quelles conditions, d’après vous, le Liban pourrait-il retrouver une stabilité politique et institutionnelle, et une sécurité garantie… c’est à dire les moyens d’assurer durablement le consensus national nécessaire ?

Antonios Abou Kasm : le Liban pourra retrouver sa stabilité politique et institutionnelle d’abord s’il existe une réelle volonté internationale de le protéger des implications liées aux guerres dans la région… tout en respectant sa composition multiconfessionnelle. Et sans intervention visant à changer ses réalités pour en faire une victime de la nouvelle géopolitique régionale. Le consensus national nécessaire sera assuré lorsque le Liban cessera d’être l’une des scènes de confrontation entre les puissances occidentales et régionales. Le Liban, dans l’équation géopolitique actuelle, est en quelque sorte posé sur la table des enjeux comme dossier équivalent ou alternatif à celui du Yémen.

Certes, personne ne peut nier que le Hezbollah constitue le bras armé régional de l’Iran. Une résistance organisée disposant d’une idéologie politico-religieuse célébrée par une majorité écrasante des chiites au Liban. En raison du rôle politique accentué joué par le Hezbollah en tant que résistance islamique dans le monde arabe, le Liban reste ainsi une aire de conflit. D’autant plus sûrement qu’Israël occupe toujours des territoires libanais en violation du droit international et des résolutions onusiennes. L’affrontement israélo-iranien, jusqu’ici indirect au Sud-Liban, a donné lieu à une « guerre de proxys » dans une certaine légitimité en considération de la réalité de l’occupation imposée par Israël, et des activités militaires hostiles qui s’y rattachent. Cela dit, le retrait israélien des territoires libanais occupés, la mise en œuvre des résolutions du Conseil de Sécurité exigeant le retrait des troupes israéliennes et le respect de la souveraineté libanaise, constituent une donnée essentielle de base quant à la stabilité sécuritaire au Liban, et à ses effets directs sur le développement économique. Malheureusement, la guerre actuelle de Gaza, accentue les hostilités entre le Hezbollah, Israël et d’autres organisations armées palestiniennes. Elle tend à faire glisser le Liban dans une dangereuse situation de guerre pour l’instant non déclarée. La carence des institutions constitutionnelles et étatiques s’accentue de jour en jour. Le blocage politique est profondément inquiétant à cause de la confrontation de deux courants opposés sur la question de la pertinence d’une résistance de type militaire. La restitution de la souveraineté du Liban, constitue le premier pilier de la nécessaire stabilité politique et institutionnelle.

2) Est-ce qu’il existe au Liban un soutien important, majoritaire ou plus large, envers le peuple palestinien, et une reconnaissance de l’importance de la question de Palestine pour l’avenir du Proche-Orient ? Dans quelle mesure les divisions confessionnelles et politiques libanaises pèsent-elles sur les « interprétations » de la guerre Israël/Hamas ?

AAK : dans l’ensemble, tout le monde au Liban est solidaire du peuple palestinien, avec la conviction que ce peuple a droit à un État souverain. Malgré, les divergences politiques vis-à-vis du Hamas, tous les partis politiques au Liban, ainsi que l’Église maronite, condamnent les crimes odieux perpétrés contre la population de Gaza. Il y a très régulièrement des rassemblements de solidarité avec le peuple palestinien. En fait, deux courants divisent l’opinion publique au Liban. Un courant dominé par le Hezbollah. Celui-ci estime que seul l’emploi de la force armée est susceptible de résoudre et « sauver » la question palestinienne. L’ouverture des hostilités sur le front Sud du Liban vise ainsi à contraindre les forces israéliennes à disperser leurs forces… En face, un large courant croit au règlement pacifique des conflits, avec une position de neutralité du Liban dans un contexte où domine l’emploi de la force. Toutefois, ce courant ne nie pas qu’Israël est un ennemi, et que le Hezbollah est une composante politique libanaise.

En vérité, la majorité des Libanais redoute que les Israéliens engagent la guerre au Sud-Liban pour surmonter leurs difficultés militaires et leur échec de facto à Gaza. Netanyahou, cherche en effet une victoire à tout prix. Les Libanais craignent toujours que le règlement du conflit israélo-palestinien se fasse au détriment de leur pays qui reste le maillon le plus faible de la région. Le plus alarmant et le plus imprédictible, c’est la situation dans les camps palestiniens. Ici, le risque de confrontation entre factions palestiniennes est très élevé. Ce qui nuit à la cause palestinienne. L’année 2023 a connu un scénario de conflit armé au camp de Ain El-Helwé au Sud-Liban, à proximité de Saïda. Les combats furent de très forte intensité. Ils ont perduré en menaçant la sécurité de la région, et la circulation routière entre Beyrouth et le Sud. Ce genre de confrontations inter-palestiniennes, suscite le mécontentement des Libanais et tend à produire une certaine méfiance vis-à-vis de la cause palestinienne en raison de l’activité des milices. Celles-ci ont utilisé les camps du Liban pour cacher les personnes recherchées par la justice, mais aussi comme lieux de fanatisme religieux et politique. Des activistes en fuite depuis la Syrie ont pu s’installer à Ain El-Helwé et investir dans des pratiques hostiles d’influence pour gagner en légitimité. Le conflit militaire entre le Hamas et le Fatah au Liban, a singulièrement détérioré l’image du Hamas, qui fut soutenu financièrement et militairement par le Hezbollah lors des affrontements de 2023. La stratégie du Hezbollah visant à contrôler le camp de Ain El-Helwé pose aux Libanais un vrai problème touchant à la solidarité avec les Palestiniens.

La victoire escomptée par Netanyahou restera toujours un rêve parce qu’il conduit une guerre injuste, une guerre destructrice et sanglante, totalement contradictoire avec le droit humanitaire coutumier et conventionnel. Les atrocités commises constituent un obstacle durable pour toute entente politique quant à la perspective de deux États, un État israélien et un État palestinien, vivant côte à côte. La destruction humaine et culturelle de la Bande de Gaza, aura des répercussions sur les États limitrophes, notamment la Jordanie et l’Égypte, ainsi que sur le Liban. Le transfert des Palestiniens en Jordanie, en Égypte et au Liban ne pourra jamais être réalisé. Comment ces États pourraient-ils commettre le « péché originel » en offrant la terre palestinienne de Gaza aux Israéliens au nom d’une colonisation illégale ? La gouvernance de la bande de Gaza après la guerre constitue la priorité des puissances dominantes qui cherchent non pas une juste fin à la guerre, mais comment en finir de façon radicale avec toute résistance palestinienne.

3) Quelle est votre appréciation sur les plus récents discours d’Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah, qui n’avaient pas annoncé un engagement militaire direct du Hezbollah dans la guerre ? Pour certains il s’agissait tout de même d’une menace persistante d’essence iranienne, ou bien d’une posture de dissuasion à l’égard d’Israël. Jusqu’où, pour le Hezbollah, le fait d’être un parti appartenant au champ politique libanais est-il une contrainte et un frein à l’engagement militaire dans la guerre ?

AAK : dans le contexte de la guerre de Gaza, Hassan Nasrallah tient un discours classique : il participe à la guerre au nom du soutien à la cause des Palestiniens, et pour contribuer à une diminution de la concentration des forces israéliennes à Gaza… sans pour autant déclencher la guerre, sans entreprendre d’opérations qui échapperaient aux règles classiques de l’engagement militaire. Ses discours sont maintenant des hommages à ses martyrs, mais beaucoup, au sein de l’opinion publique, se demandent pour quelle cause … Dans ce contexte, le Hezbollah a perdu non pas seulement cinq cents de ses jeunes combattants, mais des cadres importants, ont été exécutés par les Israéliens après avoir été pourchassés et interceptés. Le haut niveau de la technologie militaire israélienne a surpris le Hezbollah et le Hamas. Des dirigeants iraniens ont été ciblés non pas seulement au Sud-Liban, mais aussi à Beyrouth et à Damas. Les Israéliens ont surclassé la technologie iranienne du Hezbollah qui n’a jamais pu capturer qu’un seul drone israélien sophistiqué. Il semble que le Hezbollah n’était pas assez prêt pour cette bataille, et qu’il a dû s’imposer des limites. Il n’a jamais osé franchir la « ligne bleue » (qui sert de frontière israélo-libanaise), ou essayé de libérer des territoires libanais occupés par Israël.

On constate aussi que le Hamas et Al-Jama’a Al Islamiya « n’obéissent » plus au Hezbollah. Militairement parlant, ils ne suivent pas d’instructions opérationnelles venant du Hezbollah. Ces groupes armés sont devenus autonomes, et apparemment soutenus par des puissances arabes. Donc le Hezbollah ne contrôle pas l’ensemble du champ de bataille. Au surplus, au sein de l’espace politique libanais dont les partis chrétiens, le Hezbollah n’a pas réussi à convaincre une grande partie de ses alliés, ni de la justesse de sa participation à la guerre, ni des bénéfices que le Liban tire de la résistance. Au contraire, le Liban a été exposé « gratuitement » au danger, sans que le Hezbollah, durant six mois, ait pu revendiquer une victoire concrète qui puisse correspondre aux espoirs de souveraineté des Libanais. Alors que le gouvernement ne parvient pas à assurer le respect complet de la résolution 1701 adoptée par le Conseil de sécurité de l’ONU en 2006 (1). La violation récurrente de cette résolution par Israël ne peut pas légitimer son non respect par d’autres acteurs politiques libanais.

Il apparaît cependant que le Hezbollah est devenu plus flexible afin de pouvoir opérer un retrait semi-complet de la zone au Sud du fleuve Litani. Mais il n’est pas capable d’assurer le retrait des groupes armés qui lui sont alliés. Après l’attaque israélienne contre le consulat iranien à Damas, les cartes sont redistribuées. La position de Hezbollah est hésitante. Son rôle est devenu délicat dans un contexte où Israël choisit délibérément la force et l’initiative militaire.

En tout état de cause, le Liban paye la « facture » de cette guerre à Gaza. Des centaines de milliers de libanais ont dû être déplacés hors du Sud-Liban. Ils sont devenus des réfugiés démunis et sans travail. Le plus dangereux réside dans la menace d’une destruction totale du Liban si d’aventure Israël décidait d’une offensive majeure, comme ses dirigeants en ont déclaré la possibilité. Le Hezbollah est dans une impasse politique. Il ne peut ni avancer, ni reculer. Il a perdu presque une majorité de l’opinion libanaise. Une minorité lui reste solidaire, alors que le régime syrien semble plus intéressé par ce qui passe à Kyiv, que par ce qui passe à Gaza ou au Liban Sud… Israël a utilisé le front Nord pour faire perdurer sa guerre et continuer une pression sur l’Administration Biden avant les présidentielles américaines du 5 novembre 2024 . Netanyahou cherche une victoire tout en évitant une comparution devant la justice. Il essaie ainsi de regagner de la crédibilité et de la légitimité par de nouvelles batailles.

Suite au raid israélien contre un bâtiment diplomatique, le Consulat iranien à Damas, le 1er avril 2024 (2), le régime de Téhéran a déclenché dans la nuit du 13 avril une vaste opération de représailles en territoire israélien, avec plus de 300 lancements de drones et de missiles. La grande majorité de ces projectiles a été bloquée par les systèmes israéliens de protection aérienne, avec l’aide des forces américaines, jordaniennes mais aussi britanniques et françaises. Un aéroport militaire israélien à Al-Nakab, au sud du pays, a été légèrement touché, sans conséquences majeures pour cette base militaire qui abrite les chasseurs-bombardiers F35. Après quelques heures, l’Iran a annoncé la fin de l’opération, comme si celle-ci avait été délibérément conçue, vis à vis des américains et des Israéliens, pour n’avoir que des effets militaires limités. L’Iran n’a effectivement détruit aucun objectif militaire de haute valeur, tandis que l’appareil de défense israélien a montré sa capacité à empêcher la pénétration des missiles balistiques iraniens et celle des drones auxquels les Russes ont eu recours dans leurs opérations en Ukraine.

Selon Israël, il s’agit d’un double succès, militaire et politique : les frappes iraniennes du 13 avril 2024 ont offert une nouvelle « légitimité » au gouvernement Netanyahou grâce à la solidarité internationale et européenne. Israël se présente ainsi comme la victime, et cherche à faire oublier l’efficacité tragique de sa machine à tuer des innocents, notamment les crimes odieux commis par son armée contre des milliers d’enfants palestiniens.

Les frappes iraniennes vont ainsi servir au gouvernement Netanyahou pour pousser la réalisation de ses visées politico-militaires en particulier à Rafah et à la frontière Nord avec le Liban. Le Liban qui encourt plus que jamais le risque d’une grande catastrophe existentielle. Netanyahou a-t-il déjà obtenu un feu vert pour détruire Beyrouth sous le prétexte d’un soit disant droit à la défense légitime ?

1) La résolution 1701 a été adoptée le 11 août 2006, à l’unanimité des membres du Conseil de sécurité de l’ONU, pour mettre fin au conflit israélo-libanais de 2006. Elle demande notamment le retrait des forces militaires israéliennes, l’extension du contrôle du Gouvernement libanais sur l’ensemble du territoire, et le déploiement de la FINUL dans tout le Sud. Elle soutient l’intégrité territoriale et la souveraineté politique du Liban.

2) Cette attaque israélienne meurtrière (non revendiquée par Tel Aviv) a fait 16 morts dont 7 membres du Corps iranien des Gardiens de la Révolution, parmi eux deux commandants de l’unité d’élite Al-Qods dont le Général Mohammed Reza Zahedi, chargé de la Syrie et du Liban.

« L’État de Palestine » entre liquidation de la cause et poursuite de la lutte.

Je publie ci-dessous un article de Gilbert Achcar, Professeur à l’Université de Londres, School of Oriental and African Studies (SOAS) – Billet de blog du 9 avril 2024 sur Mediapart.

Cet article est la traduction d’une tribune hebdomadaire dans le quotidien de langue arabe Al-Quds al-Arabi basé à Londres. Il est paru le 9 avril en ligne et dans le numéro imprimé du 10 avril. Il propose une approche intéressante concernant la demande d’admission de la Palestine comme État membre de plein droit de l’Organisation des Nations Unies, demande dont les textes officiels figurent ci-dessous dans ce blog.

« Face à la catastrophe actuelle qui dépasse la Nakba de 1948 en horreur, atrocité, létalité, destruction et déplacement de population, « l’Autorité palestinienne » a lancé depuis Ramallah une nouvelle requête au Conseil de sécurité des Nations Unies pour sa reconnaissance comme État membre de l’organisation internationale au même titre que les autres États membres.

« La condition palestinienne s’est détériorée au-delà de tout ce qu’elle a connu en plus de 75 ans de souffrance et d’oppression, depuis que le mouvement sioniste s’est emparé de la majeure partie des terres de Palestine entre le fleuve et la mer et a achevé d’occuper ce qui restait moins de vingt ans après. Face à la catastrophe actuelle qui dépasse la Nakba de 1948 en horreur, atrocité, létalité, destruction et déplacement de population, « l’Autorité palestinienne » (AP) a lancé depuis Ramallah une initiative censée compenser les souffrances du peuple palestinien, à savoir une nouvelle requête au Conseil de sécurité des Nations Unies pour la reconnaissance de l’AP de Ramallah comme État membre de l’organisation internationale au même titre que les autres États membres.

Réjouis toi, peuple de Palestine. Tes énormes souffrances n’ont pas été en vain. Elles sont même sur le point de franchir un grand pas sur la voie d’une « solution » à ta cause, cette même « solution » (ici dans le sens de liquidation) à propos de laquelle Joe Biden – le partenaire du gouvernement sioniste dans la guerre génocidaire en cours sur la terre de Palestine – a affirmé, dès les premiers jours de la campagne effrénée lancée il y a plus de six mois, qu’il devenait urgent d’éteindre le volcan palestinien qui continue d’entrer en éruption inévitablement et par intermittence, mais à un rythme accéléré au cours des dernières années. La vérité est que Biden, à son retour à la Maison Blanche en tant que président, a cherché avant tout un « succès » politique facile au Moyen-Orient en s’efforçant d’amener le royaume saoudien à monter dans le train de la « normalisation avec Israël », que son prédécesseur, Donald Trump, avait engagé sur une nouvelle voie avec les Accords d’Abraham conclus avec la complicité des Émirats arabes unis.

Biden s’était rendu compte qu’essayer de faire avancer la soi-disant « solution à deux États » l’amènerait à une confrontation avec son « cher ami » Benjamin Netanyahu. Il choisit d’éviter cela pour des raisons opportunistes et en raison de sa passion pour le sionisme, auquel il a ouvertement déclaré un jour son adhésion personnelle. Les efforts de son administration se sont donc concentrés sur la voie de la « normalisation », négligeant celle de la « solution » jusqu’à ce que le volcan explosât à nouveau avec l’opération lancée par le Hamas et la guerre d’anéantissement menée par Israël qui s’en est suivie, sans précédent en folie et intensité de destruction depuis au moins un demi-siècle, non seulement au Moyen-Orient mais dans le monde entier. La « solution » (liquidation) est donc revenue sur la table, et le président américain a appelé à la « revitalisation » de l’AP de Ramallah. Cette dernière s’y est vite conformée, interprétant la demande à sa guise, non pas comme le remplacement par des élections démocratiques de son chef vieillissant et dépourvu de toute légitimité, mais plutôt comme le remplacement de son premier ministre par un autre aux ambitions politiques moindres, d’une manière qui n’a trompé personne.

L’AP s’est ainsi enhardie à exiger officiellement qu’on lui accorde un siège de membre ordinaire à l’ONU, au lieu de la seule décision qui aurait pu la racheter devant l’histoire, qui aurait été de déclarer la désobéissance civile à Israël de son « autorité », dépourvue de toute autorité sauf pour servir les objectifs de l’occupation et qui regarde, impuissante, non seulement l’anéantissement de Gaza, mais aussi le génocide rampant en cours en Cisjordanie même. Et s’il leur était impossible de mettre fin à leurs relations avec l’État sioniste, il aurait mieux valu pour eux d’annoncer la dissolution de leur « autorité » plutôt que de continuer à participer à la liquidation de la cause de leur peuple. Car s’ils sont aujourd’hui plus près que jamais d’obtenir le siège souhaité, ce n’est pas grâce à leurs prouesses diplomatiques, mais seulement parce qu’accorder à « l’État de Palestine » l’adhésion à part entière à l’ONU est devenu le moyen le moins coûteux pour les gouvernements occidentaux de prétendre contrebalancer quelque peu leur soutien inconditionnel à la guerre génocidaire en cours, qui a trop duré et s’est aggravée en horreur, jusqu’à l’actuel usage de la famine comme arme de guerre.

La Grande-Bretagne elle-même, par la bouche de son ministre des affaires étrangères et ancien premier ministre, a annoncé sa disposition à envisager de reconnaître « l’État » de l’AP, tandis que d’autres pays européens, dont l’Espagne suivi par la France, ont commencé à se préparer à une reconnaissance similaire. Il convient de noter que le même gouvernement britannique qui exprime sa disposition à cette reconnaissance, rejette l’appel lancé par des experts juridiques britanniques officiels et non officiels à cesser de fournir des armes à l’État d’Israël, car cela constitue une violation du droit international en partageant la responsabilité d’une guerre qui viole les règles les plus fondamentales de ce droit en matière de conduite des guerres. Il est donc devenu certain que les efforts visant à accorder à l’AP un siège régulier à l’ONU ne seront pas bloqués par un veto français ou britannique, de sorte que la seule question qui reste en suspens est de savoir ce que fera l’administration américaine. Elle a été la première à appeler à la création d’un « État palestinien », mais elle ne veut pas rompre complètement ses relations avec Netanyahu, ni d’ailleurs avec la majeure partie de l’establishment sioniste qui s’oppose à une telle démarche. Elle craint également de renforcer la position de Netanyahu en le présentant comme défenseur obstiné des intérêts sionistes face à toutes les pressions, y compris celles du grand frère et complice dans le crime. L’administration Biden pourrait donc à nouveau recourir à l’abstention sous un prétexte quelconque, avec une grande lâcheté.

Quant au résultat, il sera comme la montagne qui a accouché d’une souris, car accorder à la « Palestine » (c’est-à-dire près de dix pour cent de son territoire historique) un siège ordinaire à l’ONU n’est rien de plus qu’une souris en comparaison de l’immense montagne d’épreuves que le peuple palestinien a endurées et qu’il endure encore. Quelle valeur accorder, en effet, à un État fondé sur des territoires fragmentés sous le contrôle total de l’État sioniste, de telle sorte que sa prétendue souveraineté serait d’un type qui lui ferait envier les bantoustans créés dans le passé par le régime de l’apartheid en Afrique du Sud ?

Le seul progrès qui pourrait être réalisé par une reconnaissance internationale de l’État de Palestine serait que la première déclaration de cet État après sa reconnaissance inclue une insistance sur la cessation immédiate de l’agression en cours, un appel à imposer des réparations à l’État sioniste pour les crimes qu’il a commis, l’exigence que tous les détenus palestiniens soient libérés et que toutes les forces armées et colons sionistes soient retirés de tous les territoires occupés en 1967, y compris la Jérusalem arabe. Cela devrait être combiné avec un appel à la communauté internationale pour permettre le retour de tous les réfugiés palestiniens qui le souhaitent, et leur hébergement dans les colonies après l’évacuation des colons sionistes, tout comme les pionniers sionistes se sont installés dans les villes et villages palestiniens dont ils se sont emparés à la suite de la Nakba de 1948 après les avoir vidés de leurs habitants d’origine. Seule une telle position pourrait faire de la reconnaissance internationale de l’État de Palestine une étape dans la lutte au long cours contre le sionisme, au lieu d’être un pas vers la liquidation de la cause palestinienne.

Israël suspecté de génocide par la Cour internationale de Justice…

Beaucoup, dont la France, font comme si cela n’existait pas, ou bien comme si cela était sans importance. Il faut maintenant un peu de courage pour sortir du paradigme trop ancien des « trois petits singes » : je ne vois rien, je n’entends rien et je ne dis rien…

Le site américain Breaking Defense spécialisé dans les questions militaires a publié le 13 mars 2024 un article qui n’est pas sans intérêt concernant les trois plus grandes entreprises de défense israéliennes : Israel Aerospace Industrie (IAI), Elbit Systems et Raphael Advance Defense Systems. Ces trois groupes industriels et technologiques « font le point » après cinq mois de guerre à Gaza (1).

L’article souligne que ces entreprises ont mis en place des équipes travaillant 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pour approvisionner l’armée « tout en poursuivant les ventes à l’étranger ». Par exemple, l’Allemagne a acheté le système Arrow et la Finlande le système David’s Sling, des systèmes anti-aériens israéliens développés conjointement avec les États-Unis. Ces groupes industriels de défense ont ainsi enregistré à l’export des ventes records au cours des deux dernières années, en particulier avec la guerre en Ukraine. Ces cinq mois de guerre constituent pour les trois groupes, selon Breaking Defense, les mois les plus intenses dans l’histoire d’Israël.

L’article note que « les entreprises israéliennes, dont les systèmes ont été testés plus que la plupart des autres dans des conditions de combat réelles, ont donc fait de bonnes affaires ». On s’en doute. Israël, effectivement, teste des armements « à grande échelle » dans la guerre de Gaza. Ces constats conduisent cependant à quelques questions d’un autre ordre, et celles-ci doivent nécessairement être posées.

La Cour Internationale de Justice (CIJ) a statué le 26 janvier dernier sur les demandes d’urgence formulées par l’Afrique du Sud concernant le non respect par Israël de la Convention sur le génocide. La CIJ s’est déclarée compétente, ce qui signifie qu’elle reconnaît la pertinence du recours sud-africain. Et dans son ordonnance du 26 janvier 2024, elle souligne ce qu’il faut bien désigner comme une suspicion légitime de génocide de la part d’Israël, contre le peuple palestinien de Gaza. Il s’agit d’un fait judiciaire, éthique et politique majeur. On ne peut pas faire comme si cela n’existait pas, ou comme si cela n’avait aucune importance. Pourtant, c’est malgré tout, à peu près ce qui se passe aujourd’hui, en particulier dans les pays du monde occidental.

Outre les participations prévues d’Israël aux JO ou bien à l’Eurovision (mai 2024), il faut s’interroger sur la légitimité de la participation d’Israël à l’Eurosatory 2024 (le Mondial de la défense et de la sécurité du 17 au 21 juin), participation confirmée par l’article de Breaking Defense et par le site Eurosatory 2024. Et cela ne suscite manifestement pas le moindre doute. Pas la moindre initiative officielle… De la même manière, on peut aussi questionner la coopération de l’UE et de la France avec Israël dans le domaine de la défense, notamment dans celui des hautes technologies. On sait qu’ Israël veut participer à HYDEF, un vaste programme européen de défense antimissile hypersonique. La France et l’UE vont-elles accepter de coopérer sur le plan militaire avec un État suspecté de génocide par la Cour Internationale de Justice ? (2)

Au regard du comportement politique et militaire d’Israël à Gaza, amplement et légitimement condamné sur le plan international, et en considération de cette suspicion légitime de génocide qui pèse sur l’État d’Israël, la question de sanctions à la hauteur doit être très clairement soulevée et débattue aux Nations Unies, et partout où cela devrait s’imposer maintenant comme une nécessité.

Bien sûr, les États-Unis, alliés stratégiques privilégiés d’Israël n’hésiteront pas à défendre l’indéfendable. On s’en doute. La France officielle continuera, on s’en doute aussi, à s’aligner et à fermer les yeux comme elle le fait dans la durée sans sourcilier… Mais au moins les bonnes questions auront été posées. Chacun aurait ainsi l’opportunité d’assumer publiquement ses responsabilités et de montrer son attachement, insincère et hypocrite, aux droit et aux valeurs humaines universelles. Il faut un peu de courage pour sortir du paradigme trop ancien des « trois petits singes » : je ne vois rien, je n’entends rien et je ne dis rien… Est-ce trop demander ?

1) « Israel’s 3 biggest defense companies take stock after 5 months of war », Breaking Defense, Seth J. Frantzman on March 13, 2024. https://breakingdefense.com/2024/03/israels-3-biggest-defense-companies-take-stock-after-5-months-of-war/

2) Voir mon article « Israël : La France et les Européens ont t’ils des principes et une éthique ? », 17 février 2024. https://jacquesfath.international/

Le Secrétaire général de l’ONU appelle au désarmement nucléaire.

ONU Info – L’actualité mondiale / Un regard humain

Près de 80 ans après l’incinération des villes japonaises d’Hiroshima et de Nagasaki, les armes nucléaires représentent toujours un danger évident et présent pour la paix et la sécurité mondiales, a déclaré le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, au Conseil de sécurité, lundi 18 mars 2024.

https://news.un.org/fr/story/2024/03/1144071?utm_source=UN+News+-+French&utm_campaign=c49236ee3f-EMAIL_CAMPAIGN_2024_03_18_04_23&utm_medium=email&utm_term=0_0264da9d8f-c49236ee3f-%5BLIST_EMAIL_ID%5D

Appelant au désarmement maintenant, il a exhorté les États dotés d’arsenaux nucléaires à montrer la voie dans six domaines d’action qui incluent le dialogue et la responsabilité. « Les armes nucléaires sont les armes les plus destructrices jamais inventées, capables d’éliminer toute vie sur Terre. Aujourd’hui, ces armes gagnent en puissance, en portée et en furtivité. Il suffit d’une mauvaise décision, d’une erreur d’appréciation, d’une action hâtive pour qu’un lancement accidentel se produise », a-t-il prévenu.

L’horloge de la fin du monde fait tic-tac bruyamment

La réunion sur le désarmement nucléaire et la non-prolifération a été convoquée par le Japon, qui occupe la Présidence du Conseil de sécurité pour le mois de mars et, comme l’a souligné M. Guterres, le seul pays qui connaît mieux que tout autre « le coût brutal du carnage nucléaire ».

La réunion a eu lieu à un moment « où les tensions géopolitiques et la méfiance ont fait monter le risque de guerre nucléaire à son plus haut niveau depuis des décennies ». Il a déclaré que l’horloge de la fin du monde – le symbole de la proximité de l’humanité avec l’autodestruction – « tourne assez fort pour que tout le monde puisse l’entendre ». Pendant ce temps, des universitaires et des groupes de la société civile, jusqu’au pape François, des jeunes et des survivants d’Hiroshima et de Nagasaki, connus sous le nom d’Hibakusha, réclament la paix et la fin de la menace existentielle.

Pas de suite à « Oppenheimer »

Même le film hollywoodien Oppenheimer, lauréat d’un Oscar, « a donné vie à la dure réalité de la catastrophe nucléaire pour des millions de personnes dans le monde », a déclaré le Secrétaire général, ajoutant que « l’humanité ne peut pas survivre à une séquelle ». Malgré ces appels au monde pour qu’il recule, « les États possédant des armes nucléaires sont absents de la table du dialogue », a-t-il dit, tandis que « les investissements dans les outils de guerre dépassent les investissements dans les outils de paix ». M. Guterres a souligné que le désarmement est la seule voie pour « vaincre une fois pour toutes cette ombre insensée et suicidaire ».

Dialogue et renforcement de la confiance

Il a appelé les États dotés d’armes nucléaires à prendre l’initiative dans six domaines, en commençant par renouer le dialogue pour développer des mesures de transparence et de confiance afin d’empêcher tout recours à l’arme nucléaire. « Deuxièmement, les bruits de sabres nucléaires doivent cesser », a-t-il déclaré. « Les menaces d’utiliser des armes nucléaires, à quelque titre que ce soit, sont inacceptables. » Les États dotés d’armes nucléaires doivent également réaffirmer les moratoires sur les essais nucléaires, ce qui implique notamment de s’engager à éviter toute action susceptible de porter atteinte au Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICEN) de 1996, dont l’entrée en vigueur doit être une priorité.

De l’engagement à l’action

En outre, les engagements en matière de désarmement doivent se transformer en actions, accompagnées de responsabilités, dans le cadre du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). Cet accord historique, signé il y a plus de 50 ans, est le seul engagement contraignant en faveur de l’objectif de désarmement par les États qui stockent officiellement des armes nucléaires. Le Secrétaire général a également souligné la nécessité d’un accord commun de première utilisation. « Les États dotés d’armes nucléaires doivent de toute urgence convenir qu’aucun d’entre eux ne sera le premier à utiliser des armes nucléaires. En fait, personne ne devrait les utiliser, quelles que soient les circonstances », a-t-il déclaré.

Réduire les stocks

Enfin, il a appelé à une réduction du nombre d’armes nucléaires. À cet égard, il a exhorté les États-Unis et la Russie – les plus grands détenteurs d’armes nucléaires au monde – à prendre l’initiative et à trouver un moyen de reprendre les négociations en vue de la mise en œuvre complète du nouveau traité START et de s’entendre sur son successeur. M. Guterres a également souligné la responsabilité des États non dotés d’armes nucléaires de remplir leurs propres obligations de non-prolifération et de soutenir les efforts de désarmement. Il a déclaré que le Conseil de sécurité a également un rôle de leadership, notamment « en regardant au-delà des divisions actuelles et en déclarant clairement que vivre avec la menace existentielle des armes nucléaires est inacceptable ».

Soutien à Édouard Schoene.

La photo ci-dessus montre Édouard Schoene, portant une « kippa-kefieh », lors d’une manifestation de solidarité avec les Palestiniens de Gaza en 2014. L’ancien élu PCF de Fontaine a été victime d’injures et de menaces antisémites durant le week-end du 18 et 19 mars 2023.

Injures et menaces antisémites : une plainte d’Édouard Schoene classée sans suite. Est-ce qu’il y aurait, ici aussi, un 2 poids, 2 mesures ?

Je publie ci-dessous un document de Place Gre’net, média indépendant de la région grenobloise. Par Florent Mathieu, 5 mars 2024 :

FOCUS – Victime d’injures et de menaces antisémites jusqu’à son domicile au mois de mars 2023, Édouard Schoene a appris que sa plainte était finalement classée sans suite. L’ancien élu PCF de Fontaine envisage de se porter partie civile, tout en manifestant une « confiance réduite en la justice ». Le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples déplore, pour sa part, un classement susceptible de « développer un sentiment d’impunité ».

La plainte déposée par l’ancien élu communiste de Fontaine Édouard Schoene a finalement été classée sans suite, a révélé le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP) dans un communiqué en date du lundi 4 mars 2024. L’ex-élu avait déposé plainte en mars 2023, après avoir retrouvé des panneaux jetés dans son jardin comportant des injures et des menaces à caractère antisémite.

Les messages étaient particulièrement orduriers et laissaient peu de place au doute sur l’idéologie prônée par leurs auteurs. Ceux-ci évoquaient « la famille Schoene à Drancy », s’amusaient des chambres à gaz, ou proclamaient « Drancy, Auschwitz, le retour vite! Juif coco, race de merde ». Un autre panneau mentionnait quant à lui le nom d’Édouard Schoene suivi d’une croix gammée (à l’envers) et du texte « a baisé ta grand-mère ».

Édouard Schoene envisage de se porter partie civile

L’intéressé confirme que sa plainte a été classée sans suite et ne cache pas son amertume. « Je n’ai malheureusement pas été surpris. J’ai une confiance réduite en la justice et, en même temps, je pense qu’elle est tellement dépassée par la charge de travail que des choses passent à l’as «  explique-t-il à Place Gre’net. Les raisons du classement sans suite ? Les auteurs des injures et menaces n’ont pas pu être identifiés.

Cette amertume, le MRAP la partage dans son communiqué. L’association considère que le classement sans suite de la plainte « permet de développer un sentiment d’impunité aux auteurs d’agressions antisémites ». L’ancien adjoint PCF de Fontaine ne compte toutefois pas en rester là et envisage de se porter partie civile. « Ça permettra de savoir si une enquête policière a été menée et de demander que certaines personnes puissent être entendues par la police », indique-t-il.

Édouard Schoene n’avait pas été le seul à être visé par des messages de haine en mars 2023. Des injures et menaces contre le PCF, réalisées en utilisant les affiches du Travailleur Alpin, avaient également été découvertes. De même qu’un départ de feu près du local du parti. Là encore, des plaintes avaient été déposées, finalement classées sans suites elles aussi, indique Édouard Schoene. Ce dont les communistes n’auraient même pas été informés.

Enfin, la plainte d’Édouard Schoene faisant suite aux injures antisémites n’étaient pas sa première. L’ancien élu explique en effet avoir été menacé de mort en 2019 par Franck Sinisi lors du procès en appel de cet ancien élu FN de Fontaine, condamné pour incitation à la haine raciale après des propos anti-Roms. Des menaces « devant deux témoins » qui avaient donné lieu à une plainte… dont l’ancien adjoint indique n’avoir aucune nouvelle.

Un soutien du CRIF plus modéré que lors des faits ?

Sollicité par Place Gre’net, le parquet n’a (pas) encore apporté d’éléments supplémentaires sur les raisons du classement sans suite. Le procureur de la République, Eric Vaillant, avait pourtant été interpellé par le Président du CRIF Grenoble-Dauphiné, Hervé Gerbi, à ce sujet au moment des faits. Une réaction dont Édouard Schoene avait d’ailleurs salué la célérité. La police judiciaire s’était alors emparée de l’affaire. « Je m’étais dit que ça allait avancer », s’agace aujourd’hui l’ancien élu.

Si le Président du CRIF indique ne pas avoir d’éléments sur le classement sans suite de la plainte, il tient pour sa part à rappeler « que la lutte contre l’antisémitisme dépasse toutes les barrières et que les autorités judiciaires dont pleinement mobilisées sur cette question qui est traitée avec célérité et la conscience de l’enjeu politique pour notre société ». Une opinion, on l’aura compris, que ne partage « pas du tout » Édouard Schoene.

Le communiste se demande même si la légende d’une photo publiée (et présentée ci-dessus) sur Place Gre’net marquant son soutien à la cause palestinienne n’a pas refroidi les ardeurs du CRIF dans son soutien à son égard. « Ce n’est qu’une hypothèse, mais j’ai l’impression que ça n’a pas plu à Hervé Gerbi qui n’a pas franchement de sympathie pour les actions de solidarité avec les Palestiniens », conclut-t-il.

« Sortir de l’impasse… »

Rapport 2023-24 du Programme des Nations Unies pour le Développement.

Le Rapport sur le développement humain du PNUD appelle à une action collective pour lutter contre les inégalités croissantes et relever d’autres défis mondiaux.

RAPPORT COMPLET (français) :

https://report.hdr.undp.org/?_gl=1*17bmzu1*_ga*MTAwMjgyNTgyNS4xNzEwNTIxMDQ2*_ga_3W7LPK0WP1*MTcxMDUyMTA0Ni4xLjEuMTcxMDUyMTA1Mi41NC4wLjA

Voici quelques-unes de ses indications préoccupantes :

Le monde a atteint un nouveau record en matière de développement humain. Après une période de fléchissements importants en 2020 et 2021, l’indice de développement humain – un indicateur synthétique prenant en compte le revenu par habitant, l’éducation et l’espérance de vie – a atteint son niveau le plus élevé jamais enregistré au niveau mondial. Mais ce titre du Rapport sur le développement humain 2023-2024 du PNUD masque des réalités très préoccupantes.

Avant la crise, le monde était en bonne voie pour atteindre un IDH moyen « très élevé » à l’horizon 2030, année coïncidant avec l’échéance fixée pour la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD). Aujourd’hui, nous ne sommes plus sur la bonne voie, chaque région se trouvant en deçà de sa trajectoire d’avant 2019.

Certaines pertes de développement humain ne seront peut-être jamais compensées. Tout d’abord, quelque 15 millions de personnes sont décédées des suites de la COVID-19. Ce sont des millions de vies écourtées, un potentiel illimité qui ne sera jamais réalisé. Parmi les survivants, d’aucuns souffrent de séquelles à long terme qui limitent leurs choix, et d’aucuns ont perdu des années d’éducation qu’ils ne pourront jamais rattraper.

Une autre ombre au tableau de la reprise du développement humain est sa nature inégale. Si les pays riches montrent des signes d’une reprise soutenue, les plus pauvres sont à la peine. Tous les pays riches ont dépassé leur niveau d’IDH de 2019. En revanche, seul un pays moins avancé sur deux a retrouvé son niveau d’IDH d’avant la crise, qui était déjà faible.

Cette reprise « partielle, incomplète et inégale » laisse de côté les plus pauvres, exacerbe les inégalités et attise la polarisation politique. Pendant 20 ans, les pays les plus pauvres du monde ont réalisé des progrès dans la réduction de l’écart d’IDH avec les pays plus riches. Cette tendance s’est aujourd’hui inversée et les inégalités entre pays sont en hausse.

L’incapacité à gérer correctement nos liens d’interdépendance fait payer un lourd tribut au bien-être humain. À six ans seulement de la date butoir convenue, le monde est plus en retard dans la réalisation des ODD qu’il y a quatre ans, et régresse sur les objectifs clés concernant l’action climatique, la perte de biodiversité, la sécurité alimentaire, la pauvreté, l’inégalité et les inégalités de genre.

En 2022, le monde a connu le plus grand nombre de conflits armés étatiques depuis la Seconde Guerre mondiale. La même année, le nombre de personnes contraintes de fuir leur foyer en raison de conflits, de persécutions ou de violations des droits humains a atteint un niveau record.

Tout ne va pas bien, et nous le ressentons tous. Dans les pays riches comme dans les pays pauvres, le Rapport sur le développement humain révèle que les gens sont plus tristes et plus stressés qu’il y a 10 ans.

Le sentiment généralisé d’insécurité contribue à la polarisation qui nous empêche d’unir nos forces pour affronter les défis communs, au sein des pays et au niveau mondial. Pour sortir de l’impasse et intensifier l’action collective, le rapport préconise :

Le renforcement de la capacité d’agir : le développement doit être axé sur le renforcement de la capacité d’agir des individus, leur sentiment d’être en mesure de décider de leur propre avenir.

La réduction de la polarisation politique grâce à de nouvelles approches de gouvernance axées sur le renforcement de la voix des citoyens dans les délibérations et la lutte contre la désinformation.

L’utilisation des biens publics mondiaux au service de la stabilité climatique, pour agir face aux défis sans précédent de l’Anthropocène ; financer et bâtir une architecture du 21e siècle pour compléter la coopération internationale fondée sur l’aide humanitaire et l’aide au développement des pays à faible revenu.

Ukraine : ce que le Pape a vraiment dit.

Les médias ont commenté, sans lui donner son contexte, une phrase du Pape François sur la guerre en Ukraine: « N’ayez pas honte de négocier » a-t-il dit. Ce fut interprété sans nuances comme un appel à l’Ukraine à céder et à faire des compromis sur sa souveraineté. Le sens des paroles du Pape est différent. Il s’inscrit notamment dans une négociation internationale.

Vatican News a publié le texte intégral d’un entretien substantiel accordé début février par le Pape François à Lorenzo Buccella, journaliste de la Radio Télévision Suisse, que la chaîne suisse doit diffuser le 20 mars. Je publie ci-après les extraits les plus significatifs de ce long entretien du Pape, au cours duquel cette phrase a été prononcée :

Dans une interview accordée le 20 février dernier à la Radiotelevisione Svizzera italiana (RSI, chaîne publique suisse en langue italienne, ndlr) pour le magazine culturelle « Cliché », et qui sera diffusée le 20 mars prochain, le Saint-Père évoque les guerres qui défigurent le monde, à commencer par celles en Terre Sainte et en Ukraine. Il revient sur la signification du blanc pour lui et sur toutes les taches qui le salissent. Nous publions ci-dessous le texte intégral selon la retranscription de la RSI (avec quelques modifications).

Comment trouver une boussole pour s’orienter sur ce qui se passe entre Israël et la Palestine?

Nous devons aller de l’avant. Tous les jours, à 19 heures, j’appelle la paroisse de Gaza. 600 personnes y vivent et racontent ce qu’elles voient: c’est la guerre. Et cette guerre est menée par deux camps, pas par un seul. Les responsables sont ces deux camps-là qui se font la guerre. Et puis il n’y a pas que la guerre militaire conventionnelle, il y a aussi la « guérilla », pourrait-t-on dire, celle du Hamas par exemple, un mouvement qui n’est pas une armée. C’est une mauvaise chose.

Mais devons-nous garder espoir en tentant une médiation?

Regardons l’histoire: les guerres que nous avons vécues se terminent toutes par un accord.

En Ukraine, certains appellent au courage de la reddition, du drapeau blanc. Mais d’autres disent que cela légitimerait le camp le plus fort. Qu’en pensez-vous?

C’est une interprétation. Mais je pense que le plus fort est celui qui voit la situation, qui pense au peuple, et qui a le courage du drapeau blanc, c’est-à-dire de négocier. Et aujourd’hui, on peut négocier avec l’aide des puissances internationales. Il y en a! Le verbe « négocier » est un verbe courageux. Quand on voit qu’on est vaincu, que les choses vont mal, il faut avoir le courage de négocier. Vous avez honte, mais si tu continues comme cela, combien de morts y-aura-t-il ensuite? Ça finira plus mal encore. Négocier tant qu’il est temps, chercher un pays médiateur. Aujourd’hui, par exemple dans la guerre en Ukraine, beaucoup veulent servir de médiateurs. La Turquie s’est proposée pour cela. N’ayez pas honte de négocier avant que la situation n’empire.

Avez-vous vous-même proposé de négocier?

Moi je suis ici, c’est tout. J’ai envoyé une lettre aux Juifs d’Israël pour qu’ils réfléchissent à cette situation. Négocier n’est jamais une reddition. C’est le courage de ne pas conduire le pays au suicide. Les Ukrainiens, avec leur histoire, les pauvres, les Ukrainiens à l’époque de Staline, combien ils ont souffert…

Est-ce le blanc du courage?

On peut dire que c’est le blanc du courage. Mais parfois, la colère qui vous conduit au courage n’est pas blanche…

(…)

Il y a les taches individuelles et les taches collectives, les grandes taches qui jonchent le sol comme des guerres. Que peut-on faire?

Il s’agit d’une tache collective. Il y a un mois le secrétaire pour l’économie m’a fait un compte rendu de la situation au Vatican -toujours en déficit- il m’a dit: “savez-vous où se trouvent aujourd’hui les investissements qui rapportent le plus? L’industrie des armes“. Vous gagnez de l’argent en tuant, en faisant des bénéfices grâce à l’industrie des armes. La guerre est terrible. Et il n’y a pas de guerre blanche. La guerre est rouge ou noire. Je raconte souvent ceci: lorsque je me suis rendu en 2014 (au cimetière militaire) à Redipuglia, j’ai pleuré. Il m’est arrivé la même chose à Anzio, et tous les 2 novembre, je vais dans un cimetière pour célébrer la messe. La dernière fois, je suis allé au cimetière britannique et j’ai regardé l’âge des garçons. C’est terrible. Je l’ai déjà dit, mais je le répète: lors de la commémoration du débarquement en Normandie, tous les chefs de gouvernement ont célébré cette date, mais personne n’a dit que 20 000 garçons avaient laissé la vie sur cette plage.

L’homme comprend très bien ce qu’impliquent les guerres, mais il y succombe toujours. Je pense aussi à vous avec vos appels… Comment se fait-il que vous ne parveniez pas à faire passer le message sur le nombre de victimes que la guerre entraîne?

Je prends deux images. Une qui me touche toujours et je le dis: l’image de la mère lorsqu’elle reçoit cette lettre: « Madame, nous avons l’honneur de vous dire que votre fils est un héros et voici la médaille ». Je m’intéresse au fils, pas à la médaille. On a enlevé leur fils à ces familles et on leur a donné une médaille. Elles sentent que l’on se moque un peu d’elles. Et puis une autre image. J’étais en Slovaquie. Je devais aller d’une ville à l’autre en hélicoptère. Mais à cause du mauvais temps, ce n’était pas possible. J’ai donc fait le voyage en voiture. J’ai traversé plusieurs petits villages. Les gens ont entendu à la radio que le Pape passait et sont descendus dans la rue pour me voir. Il y avait des enfants, des petites filles, des jeunes couples, et puis des grands-mères. Mais ils manquaient les grands-pères: c’est à cause de la guerre. Il n’y a plus de grands-pères.

Il n’y a pas d’image plus forte que celle-ci pour exprimer l’héritage laissé par la guerre.

La guerre est une folie, une folie.

La colombe est le symbole de la paix, c’est le signal de la fin de la guerre. Mais il y a l’après-guerre, qui est de toute façon une autre période où toutes ces blessures doivent être recousues…

Il y a une image qui me vient toujours à l’esprit. Lors d’une commémoration, je devais parler de la paix et lâcher deux colombes. La première fois que je l’ai fait, un corbeau s’est immédiatement envolé depuis la place Saint-Pierre, a attrapé la colombe et l’a emportée. C’est dur. Et cela ressemble un peu à ce qui se passe avec la guerre.

Tant d’innocents ne peuvent pas grandir, tant d’enfants n’ont pas d’avenir. Des enfants ukrainiens viennent souvent me saluer ici, ils reviennent de la guerre. Aucun d’entre eux ne sourit, ils ne savent pas comment sourire. Un enfant qui ne sait pas sourire semble ne pas avoir d’avenir. Réfléchissons à ces choses, s’il vous plaît. La guerre est toujours une défaite, une défaite humaine, pas une défaite géographique.

Comment les puissants de la terre vous répondent-ils lorsque vous leur demandez la paix?

Certains disent: «C’est vrai, mais nous devons nous défendre»… Et vous vous rendez compte qu’ils ont des usines d’aviation pour bombarder les autres. Se défendre, non, mais détruire. Comment se termine une guerre? Par la mort, la destruction, par des enfants sans parents. Il y a toujours une situation géographique ou historique qui provoque une guerre… Il peut s’agir d’une guerre qui semble n’être motivée que par des raisons pratiques. Mais derrière une guerre, il y a l’industrie de l’armement, et donc de l’argent.

(…)

La société elle-même peut également être hypocrite, par exemple en faisant des guerres et en envoyant ensuite de l’aide humanitaire…

Les interventions humanitaires? Oui, elles sont parfois humanitaires, mais elles servent aussi à couvrir un sentiment de culpabilité. Et ce n’est pas facile.

Les responsables religieux chrétiens de France pour le cessez-le-feu et la libération des otages à Gaza.

– Pasteur Christian Krieger, coprésident du CECEF, Président de la Fédération protestante de France

– Mgr Éric de Moulins-Beaufort, coprésident du CECEF, Président de la Conférence des évêques de France

– Le Métropolite Dimitrios, coprésident du CECEF, Président de l’Assemblée des évêques orthodoxes de France. mars 08, 2024 10:10Eglises locales, Justice et paix

Communiqué du 8 mars 2024.

Nous, responsables religieux chrétiens de France, sommes solidaires de toutes les victimes de la guerre entre Israël et le Hamas et appelons au cessez-le-feu. Porteurs des valeurs de l’Évangile, nous souffrons de la désespérante situation que connaissent plus de deux millions de personnes vivant dans la bande de Gaza. Nous tenons à affirmer que la restriction d’accès à des ressources essentielles tels que les soins médicaux, la nourriture et l’eau est fondamentalement inhumaine.

Nous nous sentons solidaires de toutes les victimes de cette guerre, particulièrement des populations civiles, mais aussi des soldats ou des combattants qui portent et porteront les conséquences des actions qu’ils doivent mener. Nous avons exprimé notre solidarité au lendemain de l’attaque terroriste du 7 octobre 2023. Nous la redisons, comme c’est notre devoir, après la tuerie de plus d’une centaine de gazaouis affamés qui a eu lieu le jeudi 29 février 2024, et oblige à voir ce qu’il y a d’inhumain dans la situation présente.

Les objectifs militaires et les intérêts politiques poursuivis par cette guerre ne peuvent négliger la priorité que revêt la sauvegarde de toute vie humaine. Nous réprouvons les actes de violence qui exacerbent la souffrance humaine et empêchent l’émergence d’une paix durable. Nous exhortons les parties prenantes de cette guerre à faire de la protection de la vie humaine et de la dignité des civils, leur plus haute priorité.

Dans cet esprit, nous demandons instamment à tous les responsables politiques et religieux, d’intensifier leur action pour mettre fin à cette violence et de prendre les mesures essentielles dans le cadre d’un processus visant à instaurer une paix durable entre Israéliens et Palestiniens.

Nous demandons notamment :

– Un cessez-le-feu immédiat, pour assurer l’acheminement d’une aide humanitaire indispensable, en premier lieu les soins médicaux, la nourriture et l’eau.

– La libération immédiate de tous les otages, conformément au droit international humanitaire et aux droits humains.

– Des efforts internationaux pour ouvrir, par le dialogue, une nouvelle voie politique vers une paix durable, relancer le débat sur une solution viable à deux États, et entamer le travail sur la guérison des mémoires de tous les habitants de la région.

En ce temps de Carême, nous invitons les chrétiens de toutes les confessions, à continuer de porter instamment la situation du Proche-Orient dans leur prière, à ne pas s’habituer à cette situation de guerre et de violence, à être facilitateurs de dialogue et de rencontre là où les sensibilités des uns et des autres s’opposent, à prier et travailler sans relâche pour que tous puisent dans leur religion des raisons de servir la paix et dépasser les peurs et les colères.

Gaza : un rapport du Conseil de sécurité de l’ONU sur la famine.

Insights on the work of the UN Security Council

Security Council Report – Mardi 27 février 2024

Cet après-midi (27 février), le Conseil de sécurité tiendra une réunion d’information sur l’insécurité alimentaire à Gaza dans le cadre du point de l’ordre du jour consacré à la protection des civils dans les conflits armés. Des réunions d’information sont attendues du chef du Bureau de la coordination au service de la coordination à Genève et du Directeur de la Division de la coordination, Ramesh Rajasingham, Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), M. Maurizio Martina, Directeur adjoint du Programme alimentaire mondial (PAM), Carl Skau. La Guyane et la Suisse, points focaux du Conseil pour les conflits et la faim, auxquelles se sont joints l’Algérie et la Slovénie, ont demandé à la réunion, après que le Bureau de la coordination des affaires humanitaires eut envoyé aux membres du Conseil une note blanche, datée du 22 février, sur l’insécurité alimentaire dans la bande de Gaza.

Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires a présenté la note blanche conformément à la résolution 2417 du 24 mai 2018, dans laquelle il demandait au Secrétaire général de faire rapidement rapport sur le risque de famine causée par le conflit et d’insécurité alimentaire généralisée. Depuis plusieurs mois, les agences de l’ONU ont tiré la sonnette d’alarme sur l’insécurité alimentaire et le risque de famine dans la bande de Gaza dans le contexte de la guerre en cours entre les Israéliens et le Hamas. En décembre 2023, la Classification de la phase de sécurité alimentaire intégrée (IPC) – utilisée par les organismes de secours pour mesurer les niveaux de la faim – a publié une note spéciale estimant qu’entre le 24 novembre et le 7 décembre 2023, plus de 90 % de la population de Gaza, soit environ 2,08 millions de personnes, connaissaient des « niveaux élevés d’insécurité alimentaire », qu’il classe les conditions de crise ou pire. Il prévoyait que l’ensemble de la population, qui compterait 2,2 millions d’habitants, serait confronté à une telle insécurité alimentaire d’ici à février 2024 en raison du conflit armé. C’est la part la plus élevée de personnes confrontées à un niveau élevé d’insécurité alimentaire jamais classée dans le monde, selon le mandat. Sur ce total, environ la moitié de la population (1,17 million de personnes) devrait faire face à des niveaux d’urgence (phase 4 de l’IPC) et plus d’un demi-million de personnes devraient faire face à des conditions catastrophiques (phase 5 de l’IPC).

Le 18 février, le Groupe mondial de la nutrition a indiqué qu’environ un enfant de moins de deux ans sur six dans le nord de Gaza était en train de subir la forme de malnutrition la plus mortelle. Dans l’ensemble de Gaza, on estime que 90 % des enfants de moins de 5 ans souffrent d’une ou plusieurs maladies alors qu’ils se nourrissaient de régimes alimentaires extrêmement médiocres.

Sur la base de ces projections, la note blanche du Bureau de la coordination des affaires humanitaires indique qu’au moins 576 000 personnes à Gaza sont « loin de la famine » et « font face à des niveaux catastrophiques de privation et de famine ». La note blanche décrit les projections de décembre 2023 comme des chiffres conservateurs et dit que le risque de famine jusqu’au mois de mai 2024 augmente chaque jour que la guerre se poursuive et que les restrictions à l’accès humanitaire persistent ou s’aggravent. Se référant au rapport du Groupe mondial sur la nutrition, la note blanche fait observer que la faim et la malnutrition dans l’enfance causent des déficiences physiques et cognitives irréparables et « sapent la capacité d’apprentissage de toute une génération ». Une nouvelle analyse de l’IPC devrait être publiée à la mi-mars, selon la note.

Lors de la réunion d’aujourd’hui, Rajasingham pourrait décrire comment la guerre est à l’origine de la crise alimentaire, que la note blanche attribue aux « insensibilisation et aux hostilités qui se sont fortement intensifiées à la suite de l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023 ». La note décrit en outre les effets directs du conflit sur la production alimentaire, l’impact indirect de la guerre sur les moyens de subsistance, les marchés et l’offre et les graves problèmes que pose l’acheminement de l’approvisionnement humanitaire en vivres à Gaza et à l’intérieur de Gaza. Il note que la bande de Gaza était déjà vulnérable à l’insécurité alimentaire en raison de la pauvreté structurelle et des problèmes économiques qu’elle avait posé depuis les 16 années précédentes de restrictions imposées par les Israéliens sur le territoire. Les opérations militaires depuis le déclenchement de la guerre ont causé la perte de terres arables et détruit l’infrastructure agricole. En outre, le déplacement forcé de personnes et les ordres d’évacuation répétés – 67 % du territoire de Gaza, qui abritait auparavant 1,78 million de personnes, a été placé sous des ordres d’évacuation – a causé l’abandon ou l’inaccessibilité des terres cultivées et d’autres moyens de production alimentaire, selon la note blanche.

Les causes indirectes comprennent l’infirmation du secteur commercial de Gaza par l’incapacité de produire des denrées alimentaires localement et les restrictions importantes imposées aux importations commerciales. Cela a entraîné une pénurie de stocks, des pénuries de marchandises sur les marchés et une flambée des prix. La perturbation des moyens de subsistance a aggravé la crise de la faim. Par exemple, la pêche, qui a été une source importante de nutrition et de revenus, a complètement cessé en raison de l’interdiction de l’accès des bateaux par l’armée israélienne à la mer, selon la note blanche. Avec environ la moitié de la population entassée dans une zone étroite dans le sud de Gaza, ce qui représente une multiplication par cinq de la population de la région avant la guerre, les marchés du sud ne peuvent pas répondre aux besoins alimentaires de la population.

Malgré la dépendance à l’égard des fournitures humanitaires pour les articles essentiels en raison des restrictions imposées à la circulation des biens du secteur privé, la note blanche indique que la communauté humanitaire continue de se heurter à d’importants obstacles pour fournir les mesures nécessaires à la prévention de la famine. « Il s’agit notamment des fermetures de points de passage frontaliers, de graves restrictions à la liberté de circulation, des refus d’accès, de procédures de vérification onéreuses, des risques pour la sécurité, des incidents commis par des civils désespérés, une rupture de l’ordre public et des restrictions sur les communications et l’équipement de protection », selon la note. Il ajoute qu’il a pris des mesures pour faciliter l’aide, notamment en rouvrant le point de passage de Kerem Shalom en décembre 2023, mais que la livraison de vivres et de carburant nécessaires à sa distribution a été limitée.

Rajasingham pourrait demander que le Conseil de sécurité et d’autres États membres prennent une action immédiate pour prévenir la famine provoquée par le conflit à Gaza. Il peut réitérer les recommandations de la note blanche, qui appellent le Conseil et les autres États membres à user de leur influence, entre autres, pour garantir le respect du droit international humanitaire, pour faciliter l’accès humanitaire et accroître le financement de l’aide humanitaire multisectorielle, et pour faciliter un cessez-le-feu.

Martina et Skau devraient également parler de l’ampleur et de la gravité de l’insécurité alimentaire induite par les conflits et du risque de famine sur la base de la Classification de la phase de sécurité alimentaire intégrée (IPC) de décembre 2023. Il est également probable qu’ils feront référence à une récente mise à jour conjointe de la FAO et du PAM préparée à l’intention des membres du Conseil sur le suivi de la sécurité alimentaire en Palestine et au Soudan. Des responsables de la FAO et du PAM ont informé les membres du Conseil du rapport informel le 19 février. Selon le rapport, « la conduite des hostilités dans la bande de Gaza – y compris les bombardements aériens, terrestres et maritimes israéliens, les opérations terrestres et un blocus économique et humanitaire – a entraîné » plus de 90 % de la population dans la crise ou dans des niveaux plus graves d’insécurité alimentaire d’ici début décembre 2023.

Martina pourrait parler des effets de la guerre sur les systèmes alimentaires à Gaza du fait de la destruction des infrastructures agricoles, de la coupure de l’électricité décidée par Israël depuis le 12 octobre, des pénuries de carburant et d’eau et de la destruction totale du secteur commercial. Skau pourrait mettre l’accent sur les restrictions imposées à l’aide humanitaire. Le rapport de la FAO et du PAM indique que les restrictions, parallèlement aux hostilités en cours, ont « rendu impossibles toute opération humanitaire significative » et contribuent au risque de famine. Selon un appel éclair de la Commission en novembre 2023, selon un appel éclair de la part de la Commission en novembre 2023, selon le rapport de la FAO et du PAM, selon un appel éclair de la Banque au titre de la Cisjordanie en novembre 2023.

Martina et Skau pourraient faire remarquer qu’en vertu du droit international, les parties qui ont ordonné l’évacuation de civils sont responsables de la prise en charge adéquate des civils déplacés, notamment en assurant l’accès à la nourriture, aux conditions d’hygiène et aux abris. Toutefois, le rapport conjoint de la FAO et du PAM cite le Secrétaire général de l’ONU, M. Antonio Guterres, ainsi que d’autres organismes des Nations Unies et d’autres organismes internationaux, qui ont déclaré qu’Israël a confiné des centaines de milliers de personnes dans le sud de Gaza sans fournir d’installations sanitaires adéquates et l’accès à une alimentation, en eau et en fournitures sanitaires suffisantes.

Les membres du Conseil devraient souligner que toutes les parties doivent respecter le droit international humanitaire. Ils peuvent souligner la nécessité d’autoriser d’urgence l’aide humanitaire en raison du risque de famine. À cet égard, ils peuvent souligner qu’un cessez-le-feu humanitaire est crucial.

Les membres sont censés rappeler d’autres obligations des parties belligérantes que la résolution 2417 a réitérées. Il s’agit notamment de l’appel lancé par la résolution à toutes les parties à un conflit armé pour qu’elles protègent les civils en menant des hostilités conformément aux principes d’humanité, de distinction et de proportionnalité, ainsi que de leur responsabilité de protéger des biens indispensables à la survie de la population civile. Les membres peuvent également mentionner l’interdiction, telle qu’elle est rappelée dans la résolution 2417, contre le recours à la famine comme méthode de guerre. S’appuyant sur les recommandations de la note blanche et de la mise à jour conjointe de la FAO et de la Commission, les membres du Conseil pourraient demander la réouverture de tous les points de passage de la frontière et le rétablissement des services de base dans la bande de Gaza, y compris les gazoducs transfrontaliers, la distribution d’électricité et la reprise des marchandises commerciales sur le territoire. Les membres du Conseil devraient également souligner la nécessité d’assurer le financement des opérations de secours. Certains pourraient mentionner que cela devrait inclure le financement de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). Plusieurs pays donateurs ont suspendu leur aide à l’UNRWA après que 12 de ses membres du personnel eurent participé à l’attaque menée par le Hamas le 7 octobre 2023.

Le Mexique de la 4eme transformation…

Les Mexicains votent le 2 juin prochain. Ce qui est en jeu : la poursuite du processus de transformation du pays entamé en 2018 avec l’élection du gouvernement progressiste de Andrés Manuel Lopez Obrador. Une certitude : pour la première fois dans son histoire le Mexique sera gouverné par une femme.

Une interview d’Obey Ament, spécialiste de l’Amérique latine. Cet entretien est une version actualisée de l’interview réalisée par Luis Reygada pour le journal L’Humanité, pages numériques, en date du 4/12/2023.

Luis Reygada : Claudia Sheinbaum a été investie pour porter les couleurs du Mouvement de régénération nationale (MORENA), fondé par Andrés Manuel López Obrador (AMLO) en 2011. Comment s’est-il imposé en si peu de temps comme le principal parti de la gauche mexicaine ?

Obey Ament : Le Mexique avait besoin d’une grande force de transformation, et il y avait une grande aspiration à un changement capable de mettre fin à un régime corrompu qui avait transformé le pays en objet de prédation. Le virage à droite du Parti de la révolution démocratique (PRD) a encouragé la naissance du mouvement qui s’est structuré autour de la candidature d’Andrés Manuel Lopez Obrador (AMLO) à la présidence. AMLO a été l’un des fondateurs et président du PRD – qui réunissait initialement des communistes, des socialistes, des nationalistes révolutionnaires de l’aile gauche du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) et des militants de la gauche sociale – ; il l’a quitté pour créer le mouvement Morena en 2011, revendiquant l’héritage historique des luttes de la gauche et des progressistes mexicains.
La plupart des meilleurs cadres et militants du PRD l’ont suivi. AMLO a su s’imposer très rapidement dans tout le pays. Il a créé une dynamique politique dans un grand soutien populaire autour de sa personne et avec de l’objectif de sortir d’une longue période de néolibéralisme. Pour AMLO, qui avait été chef du gouvernement de la ville de Mexico, et avait parcouru tout le pays à plusieurs reprises, l’élection de 2018 représentait une troisième tentative de victoire. Tout le Mexique le connaissait, et c’est cette combinaison de facteurs qui lui a permis de gagner cette année-là.

Bien que Morena soit devenu un parti politique en 2014, il continue en réalité de fonctionner comme un mouvement d’une grande pluralité, avec ses avantages et ses inconvénients. C’est un outil qui a permis la mobilisation de millions de personnes ayant pour objectif la perspective d’un changement profond dans le pays. Dans un style qui a brisé le moule du politicien mexicain classique éduqué dans les grandes universités à l’étranger, AMLO, parle un langage simple dans lequel, indéniablement, le peuple se reconnaît. Il s’est toujours positionné fermement du côté des plus pauvres et s’est opposé avec énergie et sans compromis à ce qu’il appelle « la mafia du pouvoir », c’est-à-dire les politiciens de l’ancien régime liés au grand capital national.

LR : Après cinq ans de mandat, ce dernier jouit toujours d’une grande popularité. Son projet de « 4e transformation du pays » (4T) semble avoir convaincu de nombreux Mexicains, notamment dans les secteurs populaires… Comment l’expliquer ?

OA : En 2018, AMLO a eu la capacité de fédérer le rejet d’un système vieux de 90 ans, symbolisé par l’hégémonie du Parti de la révolution institutionnelle, et de créer une perspective de réel progrès social. Il y avait une grande lassitude face aux niveaux très élevés de corruption ayant imprégné les institutions et la vie économique et politique du pays. L’option présentée par le Parti d’action nationale (PAN, conservateur, démocrate-chrétien), qui a gouverné entre 2000 et 2012 en permettant une continuité aux politiques néolibérales du PRI, a également été rejetée. AMLO a ouvert la possibilité de démanteler ce régime, ce qui n’a pas laissé indifférents de nombreux Mexicains qui ont salué une lutte concrète et, dans une certaine mesure, efficace contre le cancer de la corruption. Le gouvernement actuel est également déterminé à s’attaquer à l’évasion fiscale organisée avec la complicité de certaines autorités.

LR : Lors de sa campagne, le slogan d’AMLO était « d’abord les pauvres »…

OA : En effet, la lutte contre la pauvreté a été la priorité de la 4T. Dans une certaine mesure, elle a été couronnée de succès. Les dernières enquêtes indiquent qu’entre 2018 et 2023, cinq millions de personnes sont sorties de la pauvreté principalement grâce à l’augmentation du salaire minimum (+88%), un fait historique puisqu’il avait perdu 70% au cours des 36 dernières années, et grâce à une multitude de programmes sociaux destinés aux familles, aux jeunes, aux personnes âgées, aux agriculteurs, aux étudiants…. 34% des ménages bénéficient de ces programmes. De nouveaux droits ont également été créés pour les travailleurs, par exemple en limitant la sous-traitance (externalisation) ou en démocratisant la vie syndicale. Autre point important, les peuples indigènes font partie des bénéficiaires de la lutte contre la pauvreté.

LR : La droite avait prédit un effondrement économique et une « vénézuélisation » du pays. Nous sommes loin du chaos annoncé…

OA : Les résultats macro-économiques sont très encourageants grâce à une politique qui combine la lutte contre la grande corruption et la récupération des ressources naturelles, une dose d’austérité pour un État clientéliste, une réduction des salaires des hauts fonctionnaires et la priorité aux classes populaires. Le Mexique connaît une période de stabilité, malgré l’impact du Covid-19, et une amélioration du niveau de vie. Selon AMLO, l’État doit avoir un rôle moteur dans l’économie et le développement national. Il a lancé de grands projets d’infrastructure visant à stimuler la croissance dans les régions les plus pauvres du pays, comme le Train Interocéanique et le Train Maya, la construction du nouvel aéroport international de Mexico. Mais aussi la construction et la rénovation des raffineries de pétrole, qui ont réduit les importations en provenance des États-Unis de 900.000 à 250.000 barils par jour. Il a réussi un contrôle sur la hausse du prix du carburant, du gaz et de l’électricité pour les Mexicains. Autre point important, les privatisations de la compagnie pétrolière mexicaine Pemex et de la Compagnie fédérale d’électricité ont été stoppées, malgré les menaces des entreprises étrangères et du gouvernement américain. Il reste encore beaucoup à faire, mais les changements sont sensibles et structurels dans la mesure où ils reposent sur une idéologie qui modifie complètement le rôle de l’État dans le cadre de la société mexicaine.

LR : Claudia Sheinbaum représentait la meilleure option pour poursuivre le 4T initié par López Obrador ?

OA : Elle s’est toujours imposée comme l’option préférée au sein du bloc progressiste. Elle est perçue comme la meilleure garantie pour la continuité du projet de Morena. C’est une militante aux convictions bien ancrées à gauche depuis sa jeunesse, et son action à la tête de Mexico l’a rendue très populaire.

Claudia Sheinbaum aura de grands défis à relever : elle devra consolider les changements en cours et obtenir une majorité qualifiée qui lui permettra d’apporter à la Constitution les modifications nécessaires pour faire avancer la transformation. Elle devra également s’affirmer comme la nouvelle dirigeante du MORENA, maintenir la cohérence du projet et l’unité d’un mouvement aussi divers que le Morena.

Claudia Sheinbaum a dévoilé les « 17 points de vision stratégique » qui serviront de colonne vertébrale à son programme. Parmi eux figurent le renforcement des programmes sociaux et la consolidation du pouvoir d’achat ainsi que le renforcement des droits des travailleurs et la promotion de l’égalité réelle des femmes. Il poursuivra les efforts pour renforcer les services publics de santé et d’éducation ainsi que l’accès à un logement décent. Elle est également préoccupée par les questions que le gouvernement de Lopez Obrador, axé sur la lutte contre la pauvreté, la corruption et la récupération du pétrole, du lithium et de l’électricité pour la nation, n’avait pas incluses dans ses premières priorités : la transition énergétique vers les sources renouvelables, la garantie de la souveraineté énergétique, la protection de la biodiversité et l’atténuation du changement climatique, ainsi que la promotion du développement scientifique et technologique et de la création culturelle. Claudia Sheinbaum a démontré son style de leadership avec la création d’une équipe de personnalités diverses et compétentes. Des députés, anciens ministres, scientifiques, universitaires coordonneront une série de forums thématiques, appelés « Dialogue pour la transformation », où sera élaboré un plan de gouvernement et de développement avec la participation de différents secteurs de la société.

Pour sa part, le président Lopez Obrador a proposé le 5 février une série de propositions qui donneront un statut constitutionnel aux programmes sociaux pour les personnes âgées, aux bourses pour les étudiants les plus pauvres, à la gratuité des soins médicaux, à l’augmentation du salaire minimum toujours supérieure à l’inflation et, en même temps, à la réforme du système injuste de pensions mis en place par les gouvernements du PRI et du PAN, et au statut public de la Compagnie fédérale d’électricité. Ces propositions, qui seront soumises au vote des députés et des sénateurs, constitueront également un défi pour l’opposition, qui devra déterminer sa position, pour ou contre, à quatre mois de l’élection présidentielle. Par crainte de s’opposer à ces réformes, qui bénéficient du soutien de la majorité des Mexicains, la droite a déjà annoncé qu’elle voterait en faveur de deux d’entre elles : celle sur les retraites et celle sur le salaire minimum.

LR : C’est la force de Morena qui a poussé toute l’opposition – PAN, PRI et PRD – à s’unir pour les prochaines élections ?

OA : Les anciens partis dominants sont sortis très affaiblis des dernières élections présidentielles (2018). Le PRI a obtenu à peine 17% des voix, ce qui est très peu pour un parti hégémonique depuis 1929 (avec une pause de 2000 à 2012 où le PAN était au pouvoir). Le PAN a obtenu 22,7%. Aujourd’hui, les deux partis ne dirigent que 7 des 32 États du pays, et continuent de souffrir du discrédit et de la méfiance de la majorité des Mexicains. C’est ainsi qu’est née l’idée d’une alliance qui a proposé la candidature de la sénatrice du PAN, Xochitl Galvez au sein de ce que l’on appelle le Front large, qui comprend également le PRD, et bénéficie du soutien majeur du secteur patronal. Ils ont tenté de présenter Xochitl Galvez comme une candidate « citoyenne », fille d’une famille pauvre, qui serait étrangère aux partis d’opposition. La manœuvre n’a pas fonctionné, et la campagne de la droite avance difficilement, tout le monde se souvient de sa participation aux gouvernements du PAN et une série de révélations a mis en évidence des cas de conflits d’intérêts liés à Xochitl Galvez et à ses entreprises.

LR : Que peut-on attendre de la prochaine campagne ? L’ancien président Calderon a récemment demandé l’intervention des États-Unis pour surveiller les élections…

OA : … et la candidate de droite Xochitl Galvez, invitée récemment par le think tank Wilson Center à Washington, a appelé les États-Unis à « inscrire la démocratie dans l’agenda bilatéral », c’est-à-dire à interférer dans le processus électoral et à faire pression sur le gouvernement mexicain. Prenant le parti en faveur des critiques et de l’opposition de Washington, et des grandes capitales américaines dont les intérêts ont été malmenés par les politiques de récupération des ressources naturelles, Xochitl Galvez s’est prononcée en faveur d’une relation qui ne serait pas seulement de « partenaires » mais « d’alliés géostratégiques ».

La droite, discréditée et incapable de présenter un projet, a recours à une campagne sale, faite de fausses nouvelles, de calomnies, de manipulations médiatiques et de coups bas. La candidature de Xochitl Galvez ne décolle pas et les sondages lui donnent 20% des préférences contre 60% à Claudia Sheinbaum. Il ne reste plus à la droite que les sales campagnes, la calomnie et l’appel à l’aide de forces étrangères.

Dès le premier jour de sa présidence, la droite a attaqué le gouvernement d’AMLO en l’accusant d’être communiste, chaviste. Sheinbaum a déjà été attaquée pour ses origines juives… Il est possible que la droite essaie de construire un récit sur une soi-disant fraude possible de Morena. Il est également possible qu’il y ait des tentatives de judiciarisation du processus électoral. Il convient de rappeler que le pouvoir judiciaire n’est pas indépendant et qu’il est encore largement entre les mains de l’opposition. Cependant, les victoires du Morena à ce jour ont été écrasantes et ont laissé peu de place à de telles accusations. L’une des dernières tentatives de campagne contre le gouvernement 4T a sans doute été lancée par la DEA pour tenter d’associer Lopez Obrador au trafic de drogue. La manœuvre à laquelle la droite s’est associée a échoué, mais elle montre jusqu’où peuvent aller les ennemis du processus de changement. 13 février 2024

Israël : la France et les Européens ont-ils des principes et une éthique ?

Israël veut participer à HYDEF, un vaste programme européen de défense antimissile hypersonique. La France et l’UE vont-elles accepter de coopérer sur le plan militaire avec un État suspecté de génocide par la Cour Internationale de Justice ?

L’Union européenne, ses États membres et les groupes industriels de la défense ont lancé, non sans de vives concurrences et rivalités nationales, la mise au point de projets militaires de haute technologie, en particulier ce que l’on appelle des « intercepteurs hypersoniques », c’est à dire des systèmes de défense contre les menaces dites hyper-véloces ou hypersoniques (plus de 5 fois au moins la vitesse du son). Ces systèmes d’armements très sophistiqués permettent de faire échec à des tirs de missiles hypersoniques en les détruisant en plein vol. La France est très engagée dans ce type de projets.

En 2022, la Commission européenne a confié, pour l’horizon 2035, la conception d’un programme de cette nature, nommé HYDEF, à un groupement européen couvrant 7 pays, piloté par l’Espagne (groupe SENER) en coopération avec 14 sociétés européennes (Espagne, Allemagne, Belgique, Pologne, République tchèque, Suède, Norvège). On apprend aujourd’hui qu’Israël aurait proposé son « assistance », c’est à dire de s’inscrire dans la réalisation de ce projet européen. Il est vrai qu’Israël dispose de capacités technologiques, et d’expérience en la matière, comme en témoigne le système de protection aérienne Dôme de fer, réalisé avec une aide américaine, censé protéger Israël contre les frappes de missiles, mais dont l’efficacité est souvent mise en doute du fait d’un manque de transparence sur ses résultats réels.

Évidemment, ces armements posent de multiples questions liées en particulier à leur pertinence stratégique et militaire et à leur coût (le tir d’un seul missile d’interception avec le système Dôme de fer est évalué entre 50 et 62 000 dollars). Notons aussi au passage l’absence de compétence directe de la Commission européenne en matière de défense. Toutes ces questions doivent être examinées avec soin et faire l’objet des critiques nécessaires. Mais dans le contexte actuel cette proposition israélienne pose immédiatement de très sérieux problèmes.

Premièrement, la question est posée de la légitimité même d’une telle coopération, qu’il s’agisse d’armements de haute technologie ou autre, avec un État dont le comportement politico-militaire à Gaza a été considéré comme potentiellement génocidaire par l’ordonnance de la Cour Internationale de Justice (CIJ) en date du 26 janvier 2024. Dans son jugement quant à l’action d’Israël à Gaza, la CIJ a souligné, en effet, ce que l’on doit bien appeler une suspicion légitime de génocide. Comment les Européens pourraient-ils accepter une telle coopération ? Comment pourraient-ils justifier qu’ils sanctionnent la Russie pour sa guerre en Ukraine, tout en s’associant avec Israël dans un vaste projet militaire, alors que ce pays est suspecté de crime de génocide par la Cour Internationale de Justice ? On quitterait ici le deux poids, deux mesures pour gagner des rives morales et politiques hors de toute mesure.

Deuxièmement, le développement d’armements de très hautes technologies est manifestement issu, en France, de décisions confidentielles, en tous les cas hors de toute expression officielle transparente. La France est engagée dans le développement de ce type d’armes depuis des lustres sans que cela fasse l’objet d’une information véritable et d’un nécessaire débat public portant notamment sur la pertinence de ces armes et sur les responsabilités françaises et européennes dans le contexte international actuel. Il faudra bien sortir de cette situation antidémocratique. La proposition israélienne, par son caractère provocateur et inacceptable sur le fond, devrait être l’opportunité d’une mise au point sévère et d’une transformation des règles et des pratiques devant être appliquées dans ces domaines comme dans d’autres. C’est ce qu’exigent un État de droit et la démocratie.

Gaza et les vidéastes de l’inacceptable.

Le New York Times (NYT) a publié dans son numéro des samedi 10, et dimanche 11 février 2024 un reportage très révélateur sur les méthodes de l’armée israélienne, sur son mépris des règles pourtant imposées par le droit international humanitaire en temps de guerre (1).

Ce reportage a le mérite de montrer les finalités véritables de la guerre israélienne à Gaza. C’est une explicitation, avec forces détails, des vidéos réalisées par des soldats israéliens au cours de la guerre. Le grand quotidien américain a examiné des centaines de ces vidéos. Lorsque l’on se reporte au site du NYT, on peut visionner quelques unes d’entre elles, particulièrement éloquentes d’une violence désinhibée contre les Palestiniens, contre leur cadre de vie, leur territoire, et contre leur dignité.

Avec ces vidéos, on constate très concrètement que la stratégie israélienne n’est pas seulement l’éradication du Hamas, mais aussi – et surtout – la volonté de détruire tout l’environnement des Palestiniens : l’habitat, les bâtiments publics, des écoles, des magasins, des véhicules… Ces vidéos confirment clairement que les opérations militaires engagées visent l’ensemble du peuple palestinien dans une vaste entreprise de destruction de Gaza, d’écrasement par la force militaire du cadre de l’existence sociale de ce peuple à Gaza. Une vidéo publiée par le NYT (et visible sur son site) montre des soldats faisant exploser un bâtiment. Les images de l’explosion sont associées (on voit un militaire jouant le rôle du DJ comme dans une soirée électro) à un rythme musical dansant connu en Israël… Un véritable clip de joyeux vidéastes amateurs… Certes, la direction de l’armée a condamné en parlant de comportement déplorable ne respectant pas les ordres de l’armée. Mais le reportage le souligne, de nouvelles vidéos continuent d’apparaître en ligne.

Et puis, quelles que soient les réactions officielles, ces « clips » constituent désormais une démonstration in vivo quant à la vérité de la guerre israélienne à Gaza. Parmi les centaines de vidéos examinées par le NYT, certaines apparaissent comme banales, mais d’autres, nombreuses, traduisent à ce point la stratégie israélienne qu’elles pèseront dans la qualification des crimes commis par l’armée qui se fait désigner comme « la plus morale du monde ». Selon le NYT « l’une d’entre elles a été visionnée et cinq autres ont également été citées comme preuves dans l’affaire que l’Afrique du Sud a portée devant la Cour Internationale de Justice, accusant Israël de génocide ».

Dans une vidéo TikTok, les soldats dédient la destruction d’un bâtiment aux victimes du 7 octobre et à Eyal Golan, un chanteur israélien qui a appelé à la destruction complète de Gaza. L’Afrique du Sud a cité cette vidéo comme preuve de ce qu’elle a appelé le discours génocidaire des soldats. Certaines vidéos montrent d’ailleurs des tortures et des exécutions, mais aussi des soldats appelant à la construction de colonies israéliennes dans la Bande de Gaza. Dans un autre enregistrement, on peut voir un soldat israélien levant le pouce tandis qu’il conduit un bulldozer dans une rue de Beit Layia. Dans la légende de cette vidéo on peut lire les propos tenus par le conducteur : « j’ai arrêté de compter, dit-il, le nombre de quartiers que j’ai effacé ».

Il est possible de rapprocher tout ceci d’un autre reportage, celui-ci publié le 10 février sur le site de France Info (2). Cet article raconte l’engagement et les convictions d’Eliott (ce n’est pas son vrai prénom). Il s’agit d’un franco-israélien, aujourd’hui tireur d’élite au sein d’un commando des forces spéciales de l’armée israélienne. Dans ce reportage, Eliott n’a pas l’air de se poser beaucoup de questions, même s’il voit bien l’ampleur des destructions. Il a bien appris les éléments de langage israéliens… Pour lui, la masse consternante des victimes civiles représente « des dommages collatéraux, impossibles à éviter ». Il se permet même de légitimer politiquement ce désastre humain et politique en affirmant que, certes, tous les civils ne sont pas des terroristes, mais il l’affirme : « c’est une population qui a élu le terrorisme ». Vous avez bien lu : « une population qui a élu le terrorisme ». Ce crétin ne se rend même pas compte que la formule d’un peuple « qui a élu le terrorisme » (au-delà de son ridicule et de son absence totale de crédibilité), confirme en elle-même l’intention d’une punition collective assumée par Israël pour faire payer militairement à l’ensemble du peuple palestinien à Gaza, le prix du massacre commis par le Hamas le 7 octobre. De quoi confirmer la pertinence de l’ordonnance de la Cour Internationale de Justice visant Israël, en date du 26 janvier : une suspicion légitime de génocide.

Il faut enfin correctement mesurer la nature et l’ampleur de l’intention israélienne. Les Nations Unies ont récemment dénoncé la destruction généralisée d’infrastructures civiles par l’armée de Tel Aviv en réduisant à néant tous les bâtiments de la Bande de Gaza à moins d’un kilomètre de la barrière entre Israël et Gaza. On ne peut pas ne pas constater aussi que les destructions de blocs et de quartiers de résidences populaires dans de multiples zones de la Bande de Gaza, poussent au déplacement massif des Palestiniens vivant dans ces zones, et rendent impossibles leur retour. Le Haut commissaire des Nations Unies aux droits de l’Homme, Volker Türk, a rappelé que le transfert forcé de civils peut constituer un crime de guerre (3). On retrouve, ici encore, cette même problématique du nettoyage ethnique qui fit de la Nakba (la catastrophe de 1948) un moment fondateur du sionisme politique et du colonialisme israélien.

Est-ce qu’il y aura, en France et en Europe, suffisamment de justes courageux pour résolument dénoncer et mettre en garde contre les conséquences de cette inacceptable stratégie israélienne sur le plan des valeurs et sur celui du politique ?

NOTES :

1) « What Israeli Soldiers’ Videos Reveal: Cheering Destruction and Mocking Gazans », by Aric Toler, Sarah Kerr, Adam Sella, Arijeta Lajka and Chevaz Clarke. The New York Times, February 6, 2014.

2) « Dans mon viseur, j’ai des milliers de civils qui défilent » : un tireur d’élite franco-israélien raconte l’offensive à Gaza de l’intérieur », Pierre-Louis Caron, 10 février 2024. https://www.francetvinfo.fr/monde/proche-orient/israel-palestine/temoignage-dans-mon-viseur-j-ai-des-milliers-de-civils-qui-defilent-un-tireur-d-elite-franco-israelien-raconte-l-offensive-a-gaza-de-l-interieur_6347386.html#at_medium=5&at_campaign_group=1&at_campaign=best-of&at_offre=3&at_variant=V3&at_send_date=20240210&at_recipient_id=726375-1620827107-c932ded8

3) « L’ONU dénonce la destruction généralisée d’infrastructures civiles par l’armée israélienne », paix et sécurité, 8 février 2024. https://news.un.org/fr/story/2024/02/1142997?utm_source=UN+News+-+French&utm_campaign=8de8d07d37-EMAIL_CAMPAIGN_2024_02_08_03_23&utm_medium=email&utm_term=0_0264da9d8f-8de8d07d37-%5BLIST_EMAIL_ID%5D

Israël a tué près de 900 Palestiniens depuis que la Cour Internationale de Justice a ordonné d’empêcher les actes de génocide.

Fortes du soutien indéfectible des responsables américains, les forces israéliennes ont continué à commettre des atrocités à Gaza.

The Intercept – Prem Thakker – 2 février 2024

Je publie ici l’essentiel d’un article du magazine d’investigation The Intercept sur la poursuite des bombardements israéliens au mépris des décisions de la Cour Internationale de Justice. JF

Au cours de la semaine qui s’est écoulée depuis que la Cour internationale de justice a statué que le gouvernement israélien commettait vraisemblablement un génocide et lui a ordonné de prévenir d’éventuels nouveaux actes de génocide, les forces israéliennes n’ont fait que continuer à commettre des atrocités à l’encontre des Palestiniens.

Fortes du soutien indéfectible des responsables américains, les forces israéliennes ont tué au moins 874 Palestiniens et en ont blessé au moins 1 490 à Gaza depuis la décision de la CIJ la semaine dernière, selon les chiffres du ministère palestinien de la santé pour la période allant du samedi 27 janvier au vendredi 2 février. C’est sans compter les autres actes de violence israéliens en Cisjordanie occupée et à Jérusalem. Les pertes humaines ne doivent pas être considérées comme des « dommages collatéraux », contrairement à ce qu’a déclaré le Premier ministre Benjamin Netanyahu.

Les clips vidéo et les reportages de la semaine dernière soulignent l’horreur qui perdure. Une fosse commune contenant 30 corps menottés, les yeux bandés et exécutés a été découverte dans une école du nord de la bande de Gaza. À Gaza, une fillette de 6 ans aurait vu les forces israéliennes tirer sur sa famille et la tuer à l’intérieur même de la voiture dans laquelle elle se trouvait ; elle a apparemment survécu, mais on ne sait pas où elle se trouve.Un soldat israélien s’est filmé dans la ville de Khan Younis en reprenant la rhétorique de M. Netanyahou sur le récit biblique d’Amalek, où Dieu ordonne le meurtre d’une société entière – des commentaires qui ont aidé les avocats sud-africains à démontrer l’intention génocidaire d’Israël. « Nous avons tué des dizaines de milliers d’Amalécites », a déclaré le soldat. « La morale, c’est de comprendre que chaque Arabe est un suspect.

Lors d’un raid dans un camp de réfugiés à Jérusalem occupée, les forces israéliennes ont enchaîné un Palestinien, l’ont forcé à revêtir une tenue militaire et l’ont utilisé comme bouclier humain, a rapporté Al Jazeera.

Mardi, des soldats israéliens déguisés en personnel médical ont envahi un hôpital de Cisjordanie et exécuté trois Palestiniens en leur tirant « une balle dans la tête à bout portant ». L’un d’entre eux était hospitalisé depuis près de quatre mois après avoir été paralysé par des fragments de missiles provenant d’un drone israélien. Des Palestiniens qui ont été libérés d’une prison israélienne jeudi ont fait part de témoignages troublants d’humiliations subies à l’intérieur, leurs corps portant des traces de torture. Et dans un clip quia fait surface cette semaine, on voit un soldat israélien forcer un bus de Palestiniens kidnappés à faire l’éloge de sa famille et à dire qu’ils seront les esclaves de sa famille.

Les atrocités commises à Gaza s’inscrivent dans le contexte plus large de la misère à laquelle est confrontée la population tout entière. La BBC note que la plus grande préoccupation de l’UNICEF est « l’estimation de 19 000 enfants orphelins ou qui se sont retrouvés seuls sans adulte pour s’occuper d’eux ». CNN rapporte que les Palestiniens mangent de l’herbe et boivent de l’eau polluée dans des conditions de famine. Le Guardian rapporte 50 à 62 % des bâtiments de Gaza ont probablement été endommagés ou détruits.