Mexique, 1er Juillet: enfin un gouvernement progressiste?.. un article d’Obey Ament.

L’élection présidentielle que le Mexique va vivre ce 1er juillet 2018, sera probablement qualifiée d’historique. Obey Ament, spécialiste de l’Amérique latine, explique la situation.

Pour la première fois, un candidat issu de la gauche, Andrés Manuel Lopez Obrador, dit AMLO, semble pouvoir emporter l’élection grâce à une mobilisation de l’électorat sans précédent. L’écart donné entre AMLO et le candidat qui le suit est telle qu’une tentative de fraude électorale semble désormais difficile. En 1988 , la manipulation des résultats électoraux par le pouvoir en place a empêché une victoire du candidat de la gauche, Cuauhtemoc Cardenas, et a permis l’accès à la présidence de Carlos Salinas de Gortari, candidat du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI – droite libérale).

Les élections de l’an 2000 ont donné la victoire à Vicente Fox, candidat du PAN (droite conservatrice), mettant fin à 76 années de gouvernements du PRI, éveillant l’espoir d’un changement de régime. Le PAN a gouverné pendant 12 ans dans la continuité du néolibéralisme inauguré par ses prédécesseurs pour, finalement, laisser la place au PRI revenu au pouvoir en 2012.

Andrés Manuel Lopez Obrador est candidat pour la troisième fois à cette élection. En 2006 il a perdu dans des conditions discutables face au candidat du PAN, Felipe Calderon. En 2012, il perdit encore face au candidat du PRI Enrique Peña Nieto, dans un scrutin encore manipulé et une élection marquée par une campagne de discrédit à son égard. Les médias jouèrent un rôle majeur.

Une société poussé à bout qui veut un changent réel

Cette élection de 2018 sera historique en raison du degré très élevé de rejet du régime dans une société poussée à bout et fatiguée de la corruption et de l’impunité intrinsèques au système en place. Et en raison aussi d’un désaveu des partis qui gouvernent en alternance sans apporter de solutions ni à la pauvreté et aux inégalités, ni à l’insécurité. Le crime organisé devenu tout puissant s’infiltre dans la vie politique, menaçant la possibilité d’une démocratie réelle. Si les sondages ne se trompent pas, AMLO pourrait atteindre jusqu’à 50% des suffrages exprimés, soit entre 20 et 26 millions de voix, score jamais atteint par les présidents élus depuis 1988. Ce qui montrerait une très forte mobilisation en faveur d’un changement. Le système électoral mexicain à un tour qui donne la victoire au candidat arrivé en première place même sans avoir atteint les 50% a permis l’accession à la présidence du pays d’ élus minoritaires qui ont du gouverner grâce à des compromissions et arrangements. Pour la première fois, une majorité pourrait se constituer avec des élus issus de la coalition soutenant la candidature d’AMLO.

En 2012, après l’élection du candidat du PRI, Enrique Peña Nieto, les deux partis de l’alternance PRI et PAN rejoints par le Parti de la révolution démocratique (PRD) – crée autour de Cuauhtemoc Cardenas et rassemblant l’ensemble de la gauche depuis 1989 – ont signé un « Pacte pour le Mexique » ouvrant la voie à des nouvelles contre – réformes : ouverture de la compagnie pétrolière PEMEX aux capitaux privés, privatisation de la compagnie d’électricité, mise en concurrence du secteur des télécommunications, réforme néolibérale de l’éducation inspiré les organismes internationaux, nouvelle loi du travail poussant plus loin la flexibilisation, réforme de la fiscalité (vécue comme une injustice par les classes moyennes), et fin des subventions au prix de l’essence signifiant des hausses importantes.

La recherche sans frein de la compétitivité exigée par son mode d’insertion dans la mondialisation et par les politiques néolibérales mises en place depuis 40 ans, ont fait du Mexique l’un des pays imposant les salaires les plus bas de l’Amérique latine. Le salaire moyen1 est inférieur à celui de la Chine ou d’autres pays asiatiques. Les gains en productivité ne se reflètent pas dans les revenus des travailleurs : alors que la productivité a progressé de 4% ces derniers années les salaires ont perdu 7,5%. En 10 ans, les salaires dans l’industrie manufacturière ont perdu 18%2.

L’image d’un pays à succès colporté par certains médias européens ignore le triste sort d’un bonne moitié des Mexicains. 53 millions de personnes (43,6% de la population) vivent dans la pauvreté selon le Conseil national d’évaluation des politiques de développement social et 9,4 millions vivent dans la pauvreté extrême (7,6%). Le secteur délabré de la santé souffre des politiques d’austérité et de la corruption. 2,7% du PIB du pays sont destinés à un système de santé à plusieurs vitesses. Les familles mexicaines payent de leur poche 44,5% des dépenses en santé3et 20 millions de personnes de la population n’a aucun accès aux soins.

Les effets des politiques néolibérales ne sont pas les seules raisons du mécontentement des Mexicains. Il y a aussi le niveau atteint par la corruption et l’impunité qui l’accompagne. Le président Enrique Peña Nieto a été éclaboussé avec l’un de de ses principaux ministres par l’acquisition douteuse d’une luxueuse résidence construite par l’une des compagnies de construction ayant obtenu un juteux marché public. Le licenciement des journalistes qui ont dévoilé l’affaire sous la pression du gouvernement a été très mal reçu dans l’opinion publique. Cette affaire n’a été que le premier d’une série de scandales. Depuis 2012, 15 gouverneurs ont été arrêtés pour corruption. Celui de Veracruz, par exemple, s’était approprié de 1,8 milliard de dollars en ponctionnant le budget de l’État alors que dans les hôpitaux publics des enfants atteints par le cancer recevaient des injections diluées dans de l‘eau distillé au lieu des traitements indiqués. Entre 2013 et 2014 des ministères, des banques des entreprises, la compagnie nationale pétrolière et des universités publiques ont participé au détournement de plus de 300 millions d’euros.

La disparition des 43 étudiants d’Ayotzinapa, ainsi que d’autres massacres d’innocents commis par les forces de l’ordre et l’armée ont marqué l’ensemble de la société mexicaine qui vit déjà depuis des longues années dans un climat de violences sans fin issues des pratiques du crime organisé.

Reconfiguration politique

La participation du PRD au « Pacte pour le Mexique » a été le coup de grâce infligé à l’unité de ce parti. La grande majorité de ses militants constitue aujourd’hui la base militante et électorale du Mouvement de régénération nationale (MORENA) crée par Andrés Manuel Lopez Obrador en 2012. Lui même étant l’un des anciens présidents du PRD entre 1996 et 1999. En 2000 il fut élu Chef du gouvernement de la ville de Mexico sous la bannière du PRD. Cuauhtemoc Cardenas, lui même, avait annoncé son départ du PRD dénonçant « myopie, opportunisme et auto-satisfaction »… mais il n’a pas rejoint MORENA.

Depuis 2006 AMLO est en campagne et parcourt le Mexique nouant des liens avec la population. Il a répété inlassablement le thème principal de sa campagne : mettre fin au régime de « la mafia du pouvoir » et s’attaquer à la corruption. Il a réussi à se défaire de l’image qu’on lui avait collée, celle d’un homme radical enclin à l’usage de la violence. Il est aujourd’hui perçu comme celui qui peut changer réellement ce qui doit être changé. Les enquêtes montrent une progression de la candidature d’AMLO sur tout le territoire alors qu’en 2012 il ne bénéficiait que d’une présence plutôt inégale selon les régions. Dans la région du Nord où traditionnellement PAN et PRI ont une forte implantation, AMLO passe de 12% des préférences à 39%. Dans la région du centre-ouest il passe de 25% à 36%. Dans le centre et dans le sud, régions traditionnellement plus favorables à la gauche, AMLO passe respectivement de 39% à 54%, et de 39% à 54%.

Pour cette campagne, AMLO a fait un choix stratégique qui rappelle, au Brésil, celui qui avait permis à Luis Inacio Lula da Silva de gagner en 2002. Lula avait associé à sa campagne l’entrepreneur José Alençar qui fut son vice-président. Il forma une majorité avec un large éventail de partis allant de la droite pure à la gauche représentée par le Parti des travailleurs et le Parti communiste du Brésil. Avant sa première élection, afin de rassurer le secteur financier, Lula da Silva avait aussi accepté de négocier certaines conditions avec le FMI qu’il avait combattu des années durant.

Après avoir été deux fois le candidat du PRD, AMLO est aujourd’hui le candidat de la coalition « Ensemble nous ferons histoire ». Cette coalition rassemble MORENA, le Parti du travail (ex-maoïstes), le Parti rencontre social (conservateur évangélistes) . Mais la plate-forme qui soutient la candidature d’AMLO est bien plus large et compte des progressistes d’horizons très divers, venus du monde la culture, des intellectuels, ou bien des politiques, des personnalités de centre-droit et des hommes d’affaires…

AMLO annonce son ambition d’unir tous ceux qui veulent en finir avec le régime actuel. Il a composé une équipe qui veut refléter cette diversité. Il a mis à la tête de sa campagne deux personnalités bien connues, mais pas vraiment marquées à gauche. Tatiana Clouthier, fille de Manuel Clouthier, dirigeant charismatique et candidat aux présidentielles pour le PAN en 1988. Elle est l’une des principales porte-parole d’AMLO et coordonnatrice de sa campagne. Son discours clair et pondéré est audible pour une bonne partie des classes moyennes et il apporte une certaine modération à l’image du candidat de MORENA. Alfonso Romo Garza est chargé de la stratégie et des liens avec les entrepreneurs et les autorités de l’État. C’est un très riche homme d’affaires qui a investi dans des domaines très divers. Il a fondé Seminis, l’une des compagnies productrices de semences les plus importantes au niveau mondial. Il a des intérêts dans les biotechnologies, et des participations dans diverses grandes compagnies.

Une nouvelle alliance et un programme ambitieux

AMLO, qui compte avec un soutien populaire fort, a aussi élargi ses appuis en associant à son équipe d’autres représentants du monde économique ou des très proches des grands hommes d’affaires. Par exemple Carlos Salinas Pliego, propriétaire de Télévision Azteca, et Esteban Moctezuma qui dirigeait la Fondation Azteca, Marcos Fastlicht, beau-père du propriétaire du groupe Televisa, et Miguel Torruco, apparenté par alliance à Carlos Slim, l’homme le plus riche du Mexique.

Le rapprochement avec ces membres éminents de l’élite économique du pays n’a pas épargné à AMLO des attaques frontales ou indirectes des organisations patronales qui ont parié sur la victoire du candidat du PRI José Antonio Meade, et qui se sont tournés vers la candidature de Ricardo Anaya lorsqu’ils se sont aperçus de l’incapacité du candidat officiel à faire oublier le discrédit du parti au gouvernement. Le patronat a payé des campagnes médiatiques contre le candidat de MORENA, et des patrons ont fait pression sur leurs salariés pour qu’ils votent contre la supposée menace « populiste ». Le président de la banque espagnole, Francisco Gonzalez, s’est rendu à Mexico pour se mêler de la campagne électorale et défendre les réformes sur l’énergie et l’éducation du gouvernement d’Enrique Peña Nieto, après avoir mis en garde les Mexicains contre « un retour en arrière » qui signifierait l’élection d’un président « populiste ». La filiale mexicaine de BBVA (Banco Bilbao Vizcaya Argentina) représente 23% du marché bancaire du pays et apporte 40% des bénéfices globaux de cette banque.4

Ces attaques n’ont pas eu d’effet dans les intentions de vote des Mexicains qui voient dans le patronat un partie de la « mafia du pouvoir » qui a su s’enrichir à l’ombre de ce pouvoir. Pour désamorcer cette campagne et afin de rassurer les milieux financiers et patronaux, Alfonso Romo Garza a fait usage de ses bons offices pour permettre une rencontre entre AMLO et le Conseil mexicain d’affaires (CMN). Celui-ci rassemble le beau monde des représentants des grands capitaux. Il a été question de la réforme éducative mise en place par le gouvernement de Peña Nieto et que AMLO veut abroger, de la réforme énergétique et de la construction du nouvel aéroport de la Ville de Mexico qu’ AMLO a sévèrement questionné. Il pourrait ne pas revenir sur la réforme énergétique5 qui ouvre le pétrole mexicain aux capitaux privés, mais il donnerait un coup d’arrêt à la privatisation rampante, et les contrats déjà signés ou annoncés seraient revus ainsi que l’attribution des marchés publics pour l’aéroport international. AMLO accuse le pouvoir d’avoir cédé ces marchés de manière illégale et en favorisant des proches du gouvernement.

La corruption, l’insécurité, l’éducation et le pétrole furent des thèmes présents pendant toute la campagne électorale. Ils représentent de grands enjeux. Les propositions avancées dans le « Projet de Nation 2018-2024 » présentées le 20 novembre 2017 sont d’une grande ambition. Tellement grande qu’on peut se demander si un mandat de 6 ans suffira pour le réaliser (au Mexique il n’y a pas de réélection ).

La question du financement de ce projet se pose aussi. Jusqu’ici AMLO a toujours affirmé qu’il ne créera de nouveaux impôts. Il affirme pouvoir récupérer de l’argent en mettant fin aux pratiques de corruption, qu’il évalue à 10% du budget, c’est à dire, entre 300 et 500 milliards de pesos, (12,5 à 20 milliards d’euros). Il compte aussi sur « l’austérité républicaine » qui va devrait faire baisser significativement les salaires des hauts fonctionnaires et les dépenses inutiles. Ces mesures, ajoutées à une gestion saine des ressources disponibles devraient suffire.

L’État devra assumer son rôle de promoteur du développement en complément de l’initiative privée et du secteur public. Des mesures devront être prises contre l’évasion de capitaux et contre la fraude fiscale. Le secret bancaire sera éliminé et des organismes autonomes seront créés. Des grands projets d’infrastructure seront réalisés, routes, ponts, ports, écoles, hôpitaux…

Le projet d’AMLO ne rejette pas l’Accord de libre échange d’Amérique du nord (ALENA) en cours de renégociation. Mais il affirme que la relation avec les États-Unis ne peut pas se limiter à l’immigration, au libre échange et à la sécurité. Une bonne relation doit comprendre la coopération sur l’environnement, le changement climatique, les sciences et la technologie. L’agriculture et le développent rural, qui ont été gravement affectés par le traité de libre échange, doivent être une priorité. L’objectif de la lutte contre la pauvreté et les inégalités sont inséparables de cette priorité. Il est proposé une meilleure intégration entre les trois pays membres (États-Unis, Canada et Mexique) pour incorporer plus d’investissements régionaux dans les productions. A la différence des propositions de Donald Trump qui exige plus d’investissements étasuniens. En même temps le Mexique devra diversifier ses relations commerciales et renforcer celles avec l’Europe et avec l’Asie, notamment avec la Chine, principal concurrent du Mexique dans la région, pour une coopération dans des domaines tels que les énergies nouvelles, le train de grande vitesse et le commerce électronique.

Le projet d’AMLO propose aussi que le Mexique se tourne vers l’Amérique centrale dans une stratégie de long terme, avec la création d’un corridor avec d’infrastructures, avec des projets énergétiques, de tourisme et culturels.

Le projet porté par la candidature d’AMLO revendique une politique extérieure reprenant les orientations qui avaient donné au Mexique sa spécificité, et qui lui avait valut une reconnaissance internationale. Un gouvernement présidé par AMLO devrait faire de l’autodétermination des peuples et de la non-ingérence dans les affaires des autres, des principes de base. Cette position ne signifie pas indifférence mais priorité aux solutions pacifiques et négociés. Le Mexique ne cherche pas à avoir une position « réactive » mais « prospective ». Il ne doit pas chercher à réagir en donnant des leçons, mais en fonction des enjeux qui se profilent sur la base de ses intérêts nationaux et dans le respect du droit international. La politique extérieure du Mexique, sa force et poids pourront croître si le pays sait répondre à ses principaux défis interne. Hector Vasconcelos, pressenti pour être le Ministre des Relations extérieures de Lopez Obrador, affirme : « Nous voulons mettre de l’ordre la maison ». Pour lui, « c’est hypocrite et grotesque » avoir la prétention de défendre les droits de l’homme dans d’autres pays alors qu’on est même pas capable de les défendre chez soi. Il en défend les principes. Bien qu’inscrits dans la constitution, ceux-ci sont « oubliés » par les gouvernements du PRI et du PAN dans une attitude de soumission envers Washington. Hector Vasconcelos, critique ainsi l’attitude interventionniste du gouvernement d’Enrique Peña Nieto sur le Venezuela. Il voit une situation « extrêmement difficile et déplorable », mais il y a une différence entre la dénonciation des violations des droits de l’homme et l’intervention dans les conflits internes de ce pays.6

L’insécurité et le crime organisé

Le thème de l’insécurité et de la lutte contre le crime organisé est central dans l’actualité mexicaine. C’est l’une des premières préoccupations de la population. L’annonce fait par AMLO de la possibilité d’une amnistie pour les membres du crime organisé a été saisi comme un argument par les candidats du PRI et du PAN pour bien montrer le caractère irréaliste de la candidature d’AMLO. Cette proposition a dû être expliquée à plusieurs reprises par Tatiana Clouthier et par Alfonso Durazo, chargé des questions de sécurité de la coalition « Ensemble nous ferons histoire ». Ce dernier a affirmé qu’il s’agit d’une démarche légale qui prendrait en compte les droits des victimes. Le Congrès serait chargé d’élaborer une loi qui devra aussi respecter les traités internationaux signés par le Mexique qui excluent les violations graves aux droits de l’homme , l’extorsion, l’enlèvement et d’autres actes violents7. Cette loi serait soumise à une consultation citoyenne. Tatiana Clouthier a insisté sur le fait qu’une amnistie ne signifierait le « pardon pour les criminels », mais serait conçue pour aider des groupes vulnérables, des jeunes, des paysans et des migrants à sortir du milieu criminel.8

Alfonso Durazo a rappelé lors d’une conférence la méfiance qui existe dans la population à l’égard des forces de l’ordre alors que 99% des délits commis actuellement au Mexique restent dans l’impunité. « Le crime organisé, a-t-il affirmé, avance la main dans la main avec les autorités. Il n’y a pas de corruption dans la police sans corruption politique »9

Parmi les propositions les moins connues de ce « Projet de Nation » mais certainement des plus importantes sont celles qui prévoient de s’attaquer à l’évasion et à la fraude fiscale, au blanchissement de l’argent sale avec des contrôles du système bancaire, la lutte contre les paradis fiscaux et l’élimination du secret bancaire.

Lopez Obrador et l’espoir lucide d’un peuple.

La lecture de ce « projet de nation » permet de mieux comprendre les craintes patronales de voir s’installer un gouvernement assimilé à ceux des années du « développementalisme » populiste pratiqué par le PRI, ayant précédé les crises de la dette du début des années 80. Le patronat ne veut pas d’un retour de l’État directeur et régulateur. Mais surtout, il ne veut pas la fin de sa relation de complicité avec le pouvoir.

Tout semble indiquer aujourd’hui que « la mafia du pouvoir », malgré tous ses efforts, sera balayé par le suffrage d’une majorité des Mexicains. La poussée en faveur du changement est forte et c’est Andrés Manuel Lopez Obrador qui apparaît comme le seul capable de représenter cette exigence. Mais on peut aussi dire que le vote de cette majorité sera lucide. AMLO est bien celui à qui on va donner sa confiance mais ce sera bien une confiance lucide. Une enquête réalisée en mai dernier montre que 58% des personnes interrogées considèrent que le pays doit changer complètement de politique économique et de sécurité. 34% ne voient pas de candidat qui soit plus honnête que les autres, mais 32% voient en AMLO le candidat le plus honnête.10 Et 34% le considèrent comme celui qui peut apporter « un changement total » dans la façon de gouverner le pays. Cette même enquête donne à AMLO 44,5% des « préférences effectives » parmi les enquêtes.

Pour l’écrivain Hector Aguilar Camin, très critique à l’égard d’AMLO voir opposé à lui, le Mexique vit une véritable « révolte morale » . Il écrit dans le mensuel « Nexos »11 : « Là où tout le monde dit ne plus croire en rien, il y a un énorme désir de croire en quelque chose qui soit une rupture ». Aguilar Camin fait partie de ceux qui voient en AMLO un retour aux temps des gouvernements autoritaires du PRI et qui assimilent, non sans arrières pensées, le candidat de MORENA au populisme «nationaliste,  globalophobique, anti-système, antilibéral ». L’argument est facile. Il est destiné à contribuer à la campagne de peur lancée par la droite et par le gouvernement. Mais comme un aveu, cet intellectuel proche du pouvoir reconnaît ce qui est une évidence pour les Mexicains : « le changement au Mexique est la réponse aux pauvres résultats de sa démocratie, de son économie et de l’irritation publique contre une classe politique dont la corruption va de paire avec l’insensibilité face aux ravages qu’elle sème ».

Si AMLO sort victorieux de l’élection du 1er juillet, ce sera, pour le Mexique, une très forte secousse, un véritable tremblement de terre. Le pays devra faire face à de grands défis, ceux laissés par des décennies de néolibéralisme avec ses injustices et ses inégalités criantes, celui du crime organisé devenu puissant grâce à l’accumulation de richesses énormes et sa présence à tous les niveaux du fonctionnement économique, politique, institutionnel de la société. Démonter le système de corruption profondément ancré après depuis de décennies ne pourra pas se faire du jour au lendemain et la récupération de milliards qu’elle représente ne se fera pas aisément.

L’après 1er juillet s’annonce avec des changements dans la configuration politique que le Mexique connaît depuis un quart de siècle. Le PRI, qui a dominé la vie politique du pays depuis presque un siècle, devrait sortir très affaibli de cette élection. En présentant un candidat qui n’est pas membre de ce parti et qui a participé aux gouvernements du PAN et du PRI, ses dirigeants ont cru pouvoir échapper à la colère des Mexicains. Le PRI risque cependant de se retrouver avec une présence très réduite à la Chambre de députés et au Sénat, et perdra sans doute les gouvernements des États qu’il dirige.

Le PAN arrive divisé à cette élection après que Ricardo Anaya a imposé sa candidature poussant Margarita Zavala, épouse de l’ex-président Felipe Calderon vers la sortie. Margarita Zavala, dans un premier temps, s’est présentée comme candidate indépendante, mais elle a du retirer sa candidature au vu sondages qui lui donnaient moins de 4 %. En cas de déroute, et c’est le scénario le plus probable, Ricardo Anaya devra rendre comptes à son parti et on peut s’attendre à une guerre interne dans la droite conservatrice.

Le PRD ne sortira pas non plus indemne de cette élection. En choisissant une alliance avec la droite il est allé au terme d’un débat qui date de son congrès de Zacatecas en l’an 2000, et qui a vu s’affronter son aile anti-néolibérale et ceux qui donnaient la priorité à une alliance avec le PAN au nom du combat contre le PRI. Dix-huit ans plus tard le parti semble avoir perdu son âme et risque de perdre un grand nombre de parlementaires. Déjà, avant même l’élection du 1er juillet certains demandent une révision de la stratégie. Très probablement, la coalition avec le PAN ne durera pas long temps. Et il est fort possible qu’au moins une partie de ses élus rejoignent AMLO dans une nouvelle majorité.

MORENA deviendra-t-il un mouvement d’action politique ou va-t- il rester un mouvement électoral ? Va-t-il être un élément de mobilisation et de politisation ou va-t-il se replier dans une attitude de délégation de pouvoir laissant au gouvernement le soin de gérer et négocier avec la nouvelle opposition ? Jusqu’où ira un gouvernement présidé par AMLO ? Fera-t- il la politique en faveur des majorités pour laquelle il se bat depuis trente ans ? la présence de ses nouveaux alliés dans un prochain gouvernement va-t-elle signifier une inflexion de cette ligne ?

Les changements promis ne pourront pas se faire sans la mobilisation de tous ceux qui exigent aujourd’hui un changement fort. Cette mobilisation sera d’autant plus nécessaire qu’il est certain que la droite va à passer à la contre-offensive mobilisant les secteurs les plus conservateurs de la société comme elle a su le faire dans le passé contre les politiques progressistes du gouvernement de Lazaro Cardenas (1934-1940)

Une victoire de Andrés Manuel Lopez Obrador ferait de l’année 2018 une année charnière. S’il arrive à imposer les changements nécessaires, le Mexique pourrait commencer à devenir un pays capable de se libérer des pires fléaux qui l’accablent depuis trop longtemps. Mais rien ne se fera sans de très durs affrontements.

1 Le salaire minimum est de 88 pesos par jour, approximativement 3,65 euros/jour

2 Étude de l’Université Iberoamericana de Mexico cité par El Pais du 12 juin 2018 (édition Amériques)

3 Aseguradoras apenas cubren 3,5% del gasto en salud en México : AMIS. El Economista 25 avril 2018

7El Pais, 25 avril 2018

8Vanguardia, 24 abril 2018

11« A las puertas de AMLO », Hector Aguilar Camin, Nexos juin 2018

Kissinger et la Corée du Nord…

Daily Mail KissingerLe 2 février 2018 le quotidien britannique Daily Mail (1), titre : « Une première frappe nucléaire sur la Corée du Nord, c’est tentant, selon le légendaire diplomate américain Henri Kissinger, alors que Kim Jong-un accuse Trump de pousser à la guerre ».

Kissinger aurait été séduit par l’idée d’une frappe nucléaire préemptive sur la Corée du Nord ?.. Le Daily Mail l’affirme et le confirme en citant l’ancien Secrétaire d’État Henri Kissinger déclarant : « la tentation de lancer une première frappe sur la Corée du Nord est forte et c’est un argument rationnel ».

Une première frappe nucléaire ?..Un argument rationnel ?.. Dans la crise sur le nucléaire nord-coréen, l’option la plus crédible pour Henri Kissinger serait donc une frappe nucléaire ?.. C’était tout simplement énorme. Surtout dans un contexte où Kissinger, toujours très écouté, a déjà rencontré plusieurs fois Donald Trump… Dans une période où justement commence le débat sur la « Nuclear Posture Revue 2018 » annonçant le choix des États-Unis de renforcer l’arsenal américain et de développer des armes nucléaires d’une puissance adaptée à leur emploi dans des conflits…

Il fallait donc vérifier…

Les propos, cités plus haut, du célèbre diplomate américain sont extraits d’une audition sur « les défis globaux auxquels les États-Unis doivent faire face » tenue au Sénat le 25 janvier 2018, au sein de la Commission « Senate Armed Services ». Cette Commission du Sénat avait trois invités : Henri Kissinger, ancien Secrétaire d’État sous Richard Nixon et Gérald Ford ; George Schultz, ancien Secrétaire d’État de Ronald Reagan, et Richard Armitage, ancien Sous-secrétaire d’État adjoint de George Herbert Walker Bush (le père).

Pour comprendre, il faut regarder et écouter la vidéo de l’audition. Quant à la presse, elle traite si peu la question… Un premier constat s’impose : Kissinger n’a pas parlé d’une frappe nucléaire. En revanche, il a bien souligné que la tentation est forte d’une attaque préemptive ou préventive, et précisé qu’il s’agit d’une option « rationnelle ». Rationnelle, au sens d’une chose logique. Mais il souligne aussi – et ceci est décisif – « qu’en tout état de cause, et c’est ma façon de penser, je serais très inquiet d’une guerre de choix unilatéral aux frontières de la Chine, de la Russie et dans laquelle nous ne serions pas soutenus par une partie significative du monde, ou au moins du monde asiatique ». Ce qui est une façon de dire qu’une attaque préemptive doit être évitée dans un contexte où, précisément, ni la Chine, ni la Russie, ni d’autres États de la région, ne pourraient accepter un risque de conflit majeur. Kissinger resitue l’enjeu dans son contexte.

Pour Kissinger , un petit État comme la Corée du Nord ne présente pas, en soi, un problème de menace extrême, mais il souligne que la situation a la potentialité d’évoluer vers un paysage nucléaire que le monde n’a encore jamais vu. La Corée du Sud n’accepterait pas d’être la seule Corée sans armes nucléaires, et le Japon suivrait. La préférence de Kissinger serait dans une action conjointe avec la Chine, de pressions et de sanctions. Si cela ne donnait pas de résultats, alors nous entrerions – explique-t-il – dans un nouveau monde où se multiplient les possibilités de conflits, les proliférations, et qui ouvre ainsi à « un scénario sans précédent ». Henri Kissinger affirme aussi ne pas être favorable à la proposition chinoise et russe du « freeze to freeze » : arrêt des tests nucléaires nord-coréens contre l’arrêt des grandes manœuvres militaires américano-sud-coréennes. Selon lui, il ne faut pas légitimer la Corée du Nord comme État nucléaire. Sa dénucléarisation est une nécessité primordiale, dit-il.

Pourtant c’est bien l’option d’un « freeze to freeze » qui a été retenue au sommet de Singapour… puisque Washington a effectivement décidé de stopper sine die les grandes manœuvres en échanges des mesures prises par Pyongyang dans le cadre d’une « dénucléarisation de la Péninsule ». Un cadre fictif, en réalité. Pour Washington, en effet, et certainement pour d’autres puissances, la dénucléarisation ne concerne que la Corée du Nord… Nul ne peut croire, il est vrai, que les États-Unis seraient prêts à lâcher leur garantie nucléaire régionale et leur domination stratégique… Le cadre est fictif mais le compromis est réel. Reste à savoir jusqu’où cela pourra conduire.

L’audition d’Henri Kissinger au Sénat a pu stimuler quelques tabloïds britanniques dans leurs spéculations, mais elle n’a pas nourri les projets périlleux des faucons les plus extrémistes. Au fond, en stratège expérimenté, Kissinger a rappelé ces derniers à la simple prudence devant la dimension des enjeux et des dangers. Même Trump semble avoir pris la leçon… en tous les cas jusqu’ici. On peut regretter que ce simple aspect du débat n’est pas passé le mur médiatique en France voire en Europe.

Cette audition du Sénat américain constitue une sorte de mise en garde ou de recommandation délivrée à tous ceux qui imaginent possible d’imposer une « solution » de force et plus précisément une dénucléarisation de la Corée du Nord par la voie militaire et par la guerre. Il ne manque d’ailleurs pas de « stratégistes » et d’experts pour proposer cette voie militaire et, par exemple, ce qu’on appelle une « bloody nose strategy » (stratégie du nez ensanglanté). Il s’agirait de procéder à une attaque soigneusement ciblée et calibrée – donc ni ensemble de frappes massives, ni offensive à grande échelle – sur des objectifs militaires nord-coréens afin de montrer à Pyongyang qu’il y a « un prix à payer » pour toute action nucléaire (test de détonation nucléaire ou de missile) qui serait considérée comme inacceptable. Mais qui peut garantir que Pyongyang reconnaîtrait qu’il s’agit d’une attaque limitée ? Une telle attaque ne pourrait-elle pas dégénérer en guerre totale ? Y compris de dimension nucléaire… En vérité, les menaces nourrissent les risques plutôt qu’elle les fait reculer.

Mais ce n’est pas tout…

Au cours de l’audition, Elisabeth Warren, parlementaire appartenant à l’aile progressiste du Parti démocrate, a demandé à George Shultz s’il est toujours favorable à la « réduction des armes nucléaires ». Réponse de Shultz : « je continue de croire qu’il faut les éliminer ». On peut très bien ne pas le croire sur parole… mais à la fin de l’audition il s’est permis cet avertissement : « faites attention avec les lignes rouges ! » Dans le contexte d’un ordre mondial incertain et chaotique ce simple avertissement apparaît pertinent.

S’il y a une leçon à tirer de cette audition du Sénat américain c’est que le débat sur le nucléaire est plus compliqué qu’il ne paraît, et qu’on le présente. Il est regrettable que cette complexité ne soit pas traduite correctement quand elle n’est pas tout simplement passée sous silence. La presse n’est pas seule en cause… Il est consternant qu’il faille aller chercher quelques vieux faucons réalistes du Parti Républicain pour pouvoir illustrer cette règle essentielle de la rationalité : ne pas franchir les lignes rouges. Au moins cela : ne pas franchir les lignes rouges.

1) Article by Alastair Tancred For Mailonline and Afp Published: 12:53 BST, 2 February 2018 | Updated: 16:40 BST, 2 February 2018

Le sommet Kim-Trump ou l’illusion des « deals » et des victoires faciles.

Kim-Trump NYT 13 06 18

« ON VERRA BIEN CE QUI VA ARRIVER… »

L’enjeu d’une dénucléarisation coréenne est fondamentalement celui de la sécurité collective pour l’ensemble d’une vaste région d’Asie, et sur le plan international.

Manifestement, le sommet de Singapour entre Kim Jong-un et Donald Trump, le 12 juin 2018, suscite beaucoup plus d’interrogations qu’il n’apporte de réponses. Mais comment rester sur des interrogations alors que l’enjeu est majeur ? Au centre de cet enjeu, figure la question d’un pays, la Corée du Nord, inscrit au rang de menace directe par les principales puissances occidentales… Et devenu État nucléaire de fait, au prix d’un retrait du Traité de Non Prolifération (TNP) en 2003, afin de pouvoir se mettre à l’abri de toute offensive militaire dans un environnement hostile. Sur le fond, la question posée est donc celle du désarmement, de la prolifération nucléaire et de la sécurité internationale.

Beaucoup d’observateurs et d’experts ont ajouté à cette problématique celle de la démocratie. Arguant qu’un régime de dictature ne peut être qu’une menace pour les autres. Certes, le régime de Pyongyang et la dynastie des Kim, ne se sont pas fait connaître comme un exemple de libertés, de pluralisme et d’ouverture… En vérité, dans cette affaire, la démocratie n’est un objectif réel pour aucun des acteurs étatiques concernés.

Non pas que la question de la démocratie et de l’État de droit puisse être évacuée des problématiques afférentes aux relations internationales. Elle n’est pas subalterne. Elle peut être intelligemment liée aux conflits. Mais elle est d’un autre ordre. Et elle appelle d’autres processus politiques. Ceux qui, aujourd’hui, mêlent cette question à l’enjeu de la « dénucléarisation de la Péninsule coréenne », instrumentalisent la démocratie à des fins politiques.

L’enjeu est donc stratégique. Il porte sur le nucléaire au sens large : comme instrument de puissance militaire et comme arme politique. Le problème est bien là… Il est de considérable importance. Mais le sommet de Singapour laisse une impression de faux semblant et de mauvais théâtre. Après tant de menaces, d’insultes et de moqueries entre Kim et Trump, entendre ces deux là se congratuler l’un l’autre, faire assaut d’optimisme réjoui et d’entente presque joviale… voilà qui pouvait aisément assurer un succès médiatique mondial. Mais guère plus…

Les qualificatifs et les amabilités n’ont pas manqué : « une nouvelle ère », « une rencontre fantastique » qui s’est déroulée, selon Trump, « mieux que quiconque aurait pu l’imaginer ». Kim, bien que moins disert, s’exprima dans le même sens en déclarant devant la presse : « aujourd’hui, nous avons eu une rencontre historique et nous avons décidé de laisser le passé derrière nous. Le monde entier va voir un grand changement ».

Quelle appréciation porter ?

On peut dire que la rencontre fut un événement sans précédent. En revanche, la déclaration adoptée est très évasive, et le processus engagé – s’il s’engage réellement – pourrait être contre-productif et risqué, voire dangereux. Beaucoup de commentateurs sont allés jusqu’à décrire le sommet de Singapour comme « historique ». En fait, il ne sera historique que s’il produit des suites qui le seraient elles-mêmes… c’est à dire susceptibles de changer le cours des événements et d’apporter des changements importants et positifs pour l’ensemble du peuple coréen et pour toute la région. Pour l’instant, rien indique que ce sera le cas. Loin de là.

On ne sait pas si Kim aura apprécié que Trump, devant les télévisions du monde entier, lui fasse l’article sur « la Bête »… sa grosse limousine blindée… On reste de toutes façons très dubitatif devant l’indéniable contradiction entre un enjeu stratégique et nucléaire de première importance, et la comédie sur-jouée par un Kim devenu modestement affable et souriant, et surtout par un Trump exaltant les avantages de ses formules politiques comme un bon vendeur d’automobiles d’occasion…

Beaucoup prétendent que le « gagnant » de ce sommet serait Kim Jong-un parce qu’il aurait obtenu une légitimation internationale et un brevet d’honorabilité politique. Et Trump, dans les discussions et publiquement, aurait finalement trop cédé afin d’être en capacité de conclure sur le champ à son avantage. Certains n’hésitent pas à dire (et à regretter) qu’après avoir accepté tant de rapprochements et tant de compromis, l’Administration Trump ne pourrait plus si aisément décider ultérieurement de frapper la Corée du Nord…en tant que de besoin, si l’on peut dire. Comme si le processus de négociations impulsé par Trump était un choix diplomatique, donc un choix de faiblesse pour un Républicain… alors qu’il n’en est rien. C’est ce que nous allons voir.

Quels sont les résultats réels du sommet ?

Après quelques mois de négociations tendues, 5 heures d’échanges et 38 minutes de rencontre bilatérale, une déclaration conjointe fut adoptée. Le texte indique que le Président Trump s’est engagé à fournir des garanties de sécurité à la Corée du Nord et que le Président Kim Jong-un a réaffirmé sa ferme et inébranlable détermination à une dénucléarisation de la Péninsule coréenne. La déclaration énumère ensuite 4 options :

– établissement de nouvelles relations entre les États-Unis et la Corée du Nord.

– édification d’un système de paix robuste et stable dans la Péninsule coréenne.

– réaffirmation de l’engagement pris par la Corée du Nord lors du sommet inter-coréen à Panmunjom du 27 04 2018, pour une « dénucléarisation complète de la Péninsule coréenne ».

– règlement de la question des rapatriements des dépouilles des prisonniers de guerre et des morts au combat de la Guerre de Corée.

La déclaration conjointe n’apporte aucune précision, ni sur ce que devrait être la dénucléarisation, ni sur la nature des garanties de sécurité américaines. Elle ne donne aucune date limite, aucun détail sur les contrôles et les vérifications de la dénucléarisation. Elle engage les signataires à un « suivi » et à de nouvelles réunions, sans définir davantage de calendrier. La question des relations diplomatiques officielles n’est pas soulevée. La déclaration ne donne aucune indication sur un éventuel Traité de paix pouvant faire suite à l’accord d’armistice de 1953.

Il n’y a pas non plus d’information sur des questions de principe et de méthode. Par exemple : les négociations doivent-elles (ou pas) admettre un lien entre l’enjeu nucléaire et la présence militaire des États-Unis en Corée du Sud ? Lors de la conférence de presse, tenue après le sommet, Trump n’a pas fermé la porte à un tel lien… en soulignant que cela n’est « pas encore » d’actualité. Mais lors du 17è Dialogue de défense dit de Shangri-La, du 1er au 3 Juin (à Singapour aussi), le Ministre de la défense sud-coréen n’a-t-il pas affirmé que les activités militaires américaines en Corée du Sud constituent « une question séparée de la question du nucléaire nord-coréen ». Une question « séparée » signifie que la Corée du Nord doit accepter de se dénucléariser unilatéralement. L’application d’une telle formule réduirait à néant toute approche fondée sur des concessions mutuelles et des garanties pour Pyongyang.

Mais n’est-ce pas aussi ce que Florence Parly, Ministre des Armées, est allée dire à Singapour à l’occasion de sa participation au 17è dialogue de défense de Shangri-La ? Elle souligne, en effet, que la France « ne baissera pas la garde. A l’inverse, nous voulons être sûr que l’application des sanctions reste absolument robuste, jusqu’à ce qu’on parvienne à une dénucléarisation complète, vérifiable, irréversible »… soit la formule américaine d’une dénucléarisation applicable à la seule Corée du Nord… D’ailleurs, la Ministre n’a pas abordé la question des conditions d’une sécurité collective ni même celle des garanties qui pourrait la fonder utilement. Elle a tenu un discours unilatéral.

Trump s’est pourtant engagé à cesser les grandes manœuvres militaires avec Séoul… sans que les autorités du Sud ne soient informées. Elles ont d’ailleurs été prises de court. Un porte-parole de Président de la Corée du Sud a déclaré à ce propos : « nous avons besoin de comprendre ce que le Président Trump a dit » (The Washington Post 12 06 2018). L’engagement américain d’un arrêt de ces grandes manœuvres est cependant important. Il correspond à la proposition russe et chinoise d’une option « freeze to freeze » (gel pour gel), c’est à dire l’arrêt des tests nucléaires et de missiles nord-coréens, contre l’arrêt des grandes manœuvres militaires américano-sud-coréennes. Il reste que l’idée d’une « dénucléarisation de la Péninsule coréenne » est un mythe ou plutôt un masque rudimentaire visant à faire oublier que l’objectif réel est bien la dénucléarisation de la Corée du Nord par les menaces, les pressions, les sanctions…et les négociations. C’est d’ailleurs exactement cette option là que le vieux Kissinger, toujours très écouté, et déjà consulté plusieurs fois par Trump, a défendu devant le Sénat à Washington, le 25 janvier 2018, lors d’une audition consacrée aux « défis globaux auxquels les États-Unis doivent faire face ».

L’évanescence des engagements pris

Remarquons au passage, avec quelle désinvolture, Trump prétend pouvoir réussir un processus de dénucléarisation, aux dimensions stratégiques régionales et internationales, à partir d’une situation ouverte après quelques mois de pourparlers, 38 minutes de rencontre bilatérale et un communiqué d’une trentaine de lignes qui n’apporte ni précision, ni garantie « de bonne fin »… Tout en considérant, en revanche, l’accord multilatéral sur le nucléaire iranien comme le pire accord jamais signé par les États-Unis. Alors que cette accord, acté par le Conseil de Sécurité de l’ONU, est le fruit de quelque 12 années de négociations entre l’Iran et les 5+1 (Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni, Russie et Allemagne). Un accord dont Trump s’est retiré, et que Emmanuel Macron et les Européens voudraient « compléter » au risque de l’achever définitivement… Enfin, un accord multilatéral qui détaille et fixe avec une très grande précision le calendrier, les procédures et les contrôles relatifs au programme nucléaire iranien et à la levée des sanctions (1).

Malgré l’évanescence des engagements souscrits à Singapour, Trump veut-il montrer ainsi sa capacité à réussir là où les autres ont échoué ? En montrant combien sa méthode et sa capacité aux « deals » est efficace ? Peut-être… mais il n’échappe à personne que l’enjeu, pour Trump, n’est pas seulement de politique intérieure. Et même pour un succès politique de cette nature, il lui faudrait pouvoir garantir des avancées internationales tangibles à la hauteur des annonces solennelles et des symboles véhiculés à foison lors de ce sommet.

Naturellement, on doit se réjouir d’une perspective possible – en tous les cas annoncée – d’une dénucléarisation de la Péninsule coréenne, associée à une baisse des tensions, à des processus politiques de négociation. Toute dynamique de désarmement nucléaire et de réaffirmation de la pertinence du TNP , doit être soutenue et encouragée.

Les réactions internationales, dans l’ensemble, ont d’ailleurs été plutôt positives… mais très mesurées. Pour le Japon, ce fut « un premier pas ». La Chine a fait savoir qu’elle espère un consensus sur la dénucléarisation mais « en même temps, selon Pékin, il y a le besoin d’un mécanisme de paix pour la Péninsule afin de répondre aux préoccupations de sécurité de la Corée du Nord ». Quant au vice-ministre russe des Affaires étrangères, il a très pertinemment déclaré :« Le diable est dans les détails ». L’Iran, enfin, par la voix du porte-parole du gouvernement, a souligné, non sans un humour grinçant : « nous ne connaissons pas le type de personnage avec lequel le leader nord-coréen négocie. Il n’est pas certain qu’il ne décide pas d’annuler l’accord avant de retourner à la maison ». (Reuters 12 06 2018)

Les vraies questions…

Un règlement juste de la question coréenne, un processus de paix clôturant définitivement le dernier conflit de la Guerre froide, des garanties de sécurité collective, une vraie dénucléarisation régionale… Ce sont là quelques unes des vraies questions soulevées mais non traitées par le sommet de Singapour. Comment pouvait-il en être autrement ? Il n’y a que Trump pour croire, ou pour faire semblant de croire, que ces énormes questions touchant à rien moins que l’ordre mondial pourraient trouver des réponses en dehors d’un processus multilatéral conduit sérieusement dans la durée. Un tel processus devrait être fondé sur le droit, garanti par des résolutions de l’ONU, s’inscrivant dans le respect du TNP, et appuyant la perspective récemment ouverte par l’adoption à l’ONU du Traité d’interdiction des armes nucléaires.

Si Emmanuel Macron voulait ne pas se contenter de parler du multilatéralisme mais contribuer à le faire progresser dans les faits… ces options là seraient aujourd’hui au cœur des débats de politique étrangère en France. Ce n’est pas le cas. Et l’on voit ce que la Ministre des Armées se montre capable d’affirmer, en anglais, loin du territoire français… et surtout bien loin des assurances sur le multilatéralisme maintes fois réitérées par le Président de la République.

En vérité, on ne peut interpréter la signification du sommet de Singapour sans faire référence à l’autre sommet, entre les deux Corée, tenu le 27 avril 2018 à Panmunjom. La déclaration commune de Panmunjom entre Kim et Moon souligne notamment ceci : « Durant cette année qui marque le 65ème anniversaire de l’armistice, la Corée du Sud et la Corée du Nord conviennent de rechercher activement des rencontres trilatérales impliquant les deux Corée et les États-Unis, ou quadripartites impliquant les deux Corée, les États-Unis et la Chine, en vue de déclarer la fin de la guerre et d’établir un régime de paix permanent et solide » (…) Les deux dirigeants sont convenus d’avoir des discussions régulières et franches, via des rencontres, et par liaison téléphonique directe, sur des questions vitales pour la nation, pour renforcer la confiance mutuelle, et de chercher ensemble à renforcer l’élan positif afin de continuer à faire avancer les relations inter-coréenne de même que la paix, la prospérité et l’unification de la Péninsule coréenne . Dans ce contexte, le Président Moon Jae-in a accepté de se rendre à Pyongyang cet automne ».

Cette Déclaration de Panmunjom fait preuve d’un sérieux auquel celle de Singapour ne peut guère prétendre. Elle prend mieux en compte les dimensions historiques et stratégiques des problèmes à résoudre. Et ces problèmes ne sont pas seulement ceux du désarmement nord-coréen. En effet, vouloir résoudre la question nucléaire dans la Péninsule coréenne signifie aussi ouvrir le chemin d’un règlement du conflit coréen en tant que prolongement de la guerre de Corée, rapprocher les deux Corée, installer une paix durable et aller vers une « unification » comme le rappelle cette déclaration de Panmunjom. Naturellement, avec le sommet de Singapour, ce chemin là, cette ambition figure dans les symboles mais pas dans l’équation diplomatique immédiate réelle. On en est loin. Comment ce sommet pourrait-il aujourd’hui dessiner une telle perspective d’avenir alors que ses protagonistes – au-delà d’un compromis utile de sécurité, le « gel contre gel » – n’ont pu ni en préciser l’essentiel, ni même fixer la date d’une prochaine réunion de négociation…

Un processus de force

En réalité, que peut-il se passer ? Rien est réglé à l’avance et tout est ouvert… Mais la Corée du Nord, si attachée à son indépendance, principe considéré comme fondamental et intangible par le régime, peut-elle accepter de se soumettre à des mesures américaines et internationales de contrôles permanents et de vérifications intrusives sévères ? Acceptera-t-elle, au bout, et quelles que soient les circonstances, de se défaire d’une force nucléaire légitimée par son inscription dans la Constitution, et garantie première de sa sécurité ? Pyongyang a-t-il le choix ? La Corée du Nord peut-elle renoncer à son arsenal afin d’obtenir (un jour ?) la levée des sanctions, et rentrer ainsi dans une configuration politique et stratégique, et un rapport de force risqués. Ou bien doit-elle résister aux pressions américaines et occidentales (qui ne vont pas manquer), afin, à l’inverse, d’entraver le démantèlement de son arsenal, et rentrer alors dans une situation particulièrement conflictuelle ?.. Déjà, John Bolton, Conseiller à la Sécurité nationale de l’Administration Trump, particulièrement et brutalement interventionniste, a suggéré une « sortie » de Kim… à la libyenne. Ce qui équivaut à une menace de liquidation de la personne et du régime tout à la fois. Le « deal » proposé par Trump et ses collaborateurs directs, au delà des débats internes, n’est évidemment pas une comédie souriante mais, avant tout, une menace qui ne dit pas son nom, et un processus de force.

L’enjeu de la « dénucléarisation de la Péninsule » et des éventuelles garanties de sécurité américaines est donc en réalité celui de la sécurité collective dans l’ensemble de cette région d’Asie. Qui peut penser que Pyongyang, Pékin et même Moscou pourraient accepter sans réagir une transformation unilatérale de la donne stratégique régionale au bénéfice de Washington ? Le bras de fer continuera de se dérouler à un haut niveau. La Chine peut évidemment souhaiter des conditions de sécurité régionale, mais certainement pas une réunification (à l’allemande, si l’on peut dire…) qui installerait à sa frontière, une Corée unie sous hégémonie des États-Unis, et abritant un arsenal américain, y compris nucléaire.

Trump et son Secrétaire d’État Mike Pompéo auraient d’ailleurs cherché à rassurer Kim sur le fait qu’un changement de régime n’est pas le but de ce qui a été engagé. (The Washington Post 11 06 2018). Mais cela ne donne aucune garantie réelle à Kim sur la suite des événements et sur une supposée bonne volonté des États-Unis de préserver le régime actuel à Pyongyang. Cela montre en revanche que la question est forcément sous-jacente.

Il est consternant que des enjeux aussi cruciaux puissent déboucher sur une réunion au sommet aussi vide de perspectives à la hauteur. Il est vrai que la menace et l’exercice de la force peuvent donner l’illusion des réponses et des victoires faciles… C’est après qu’on en mesure les dégâts.

1) Contrairement à ce que beaucoup se permettent de dire, certaines dispositions de contrôle engagent même l’Iran jusqu’en 2035 et 2040…et pas seulement 2025.

 

Déclaration conjointe du Président Donald Trump des États-Unis d’Amérique et du Président Kim Jong-un de la République Démocratique et Populaire de Corée, au Sommet de Singapour. (Texte intégral)

Donald J. Trump, président des États-Unis d’Amérique, et Kim Jong-un, président de la Commission des affaires d’État de la République populaire démocratique de Corée (RPDC), ont tenu un premier sommet historique à Singapour le 12 mai 2018.

Le président Trump et le président Kim Jong-un ont mené un échange de points de vue complet, approfondi et sincère sur les questions liées à l’établissement de nouvelles relations entre les États-Unis et la RPDC et l’établissement d’un régime pacifique durable et solide dans la péninsule coréenne. Le président Trump s’est engagé à fournir des garanties de sécurité à la RPDC et le président Kim Jong-un a réaffirmé son engagement ferme et indéfectible à une dénucléarisation complète de la péninsule coréenne.

Convaincus que l’établissement de nouvelles relations entre les États-Unis et la RPDC va contribuer à la paix et la prospérité dans la péninsule coréenne et dans le monde, et reconnaissant que la construction d’une confiance mutuelle peut promouvoir la dénucléarisation de la péninsule coréenne, le président Trump et le président Kim affirment ce qui suit :

  1. Les États-Unis et la RPDC s’engagent à établir de nouvelles relations E.-U. – RPDC conformément à la volonté de paix et de prospérité des peuples des deux pays.

  2. Les États-Unis et la RPDC associeront leurs efforts pour bâtir un régime de paix durable et stable dans la péninsule coréenne.

  3. Réaffirmant la déclaration de Panmunjom du 27 avril 2018, la RPDC s’engage à travailler à une complète dénucléarisation de la péninsule coréenne.

  4. Les États-Unis et la RPDC s’engagent à restituer les restes des prisonniers de guerre et des portés disparus au combat, avec un rapatriement immédiat de ceux déjà identifiés.

Reconnaissant que le sommet E.-U. – RPDC – le premier – est un événement historique d’une grande portée surmontant des décennies de tensions et d’hostilités entre les deux pays et ouvrant une nouvelle ère, le président Trump et le président Kim Jong-un s’engagent à mettre en œuvre totalement et rapidement les dispositions de cette déclaration commune. Les États-Unis et la RPDC s’engagent à des négociations à venir conduites par le secrétaire D’État, Mike Pompeo, et par un responsable de haut rang de la RPDC, à une date la plus proche possible, pour appliquer les résultats du sommet États-Unis – République populaire et démocratique de Corée.

Donald J. Trump, président des États-Unis d’Amérique, et Kim Jong-un, président de la Commission des affaires d’État de la République populaire démocratique de Corée, s’engagent à coopérer au développement de nouvelles relations E.-U. – RPDC et à la promotion de la paix, la prospérité et la sécurité de la péninsule coréenne et du monde. 

 

Déclaration conjointe du sommet inter-coréen de Panmunjom adoptée par le Président sud-coréen Moon Jae-in et le Dirigeant nord-coréen Kim Jong-un à l’issue du sommet de Panmunjom, dans la zone démilitarisée séparant les deux Corée. (Texte intégral)

Déclaration de Panmunjom pour la paix, la prospérité et l’unification de la péninsule coréenne 

Durant cette période significative de transformation historique sur la péninsule coréenne, reflétant l’aspiration immuable du peuple coréen pour la paix, la prospérité et l’unification, le président Moon Jae-in de la république de Corée et le président Kim Jong-un de la Commission des affaires de l’Etat de la République populaire démocratique de Corée ont tenu un sommet intercoréen à la Maison de la paix de Panmunjom le 27 avril 2018.

Les deux dirigeants déclarent solennellement devant les 80 millions de personnes de notre nation et devant le monde entier qu’il n’y aura plus de guerre sur la péninsule coréenne et qu’une nouvelle ère de paix a débuté.

Les deux dirigeants, partageant l’engagement ferme de mettre rapidement fin au vestige de la division et de la confrontation de longue date de la guerre froide, pour s’approcher audacieusement d’une nouvelle ère de réconciliation nationale, de paix et de prospérité, et pour améliorer et cultiver les relations intercoréennes de manière plus active, ont déclaré en ce site historique de Panmunjom les choses suivantes :

1. Le Sud et le Nord reconnecteront les relations de sang du peuple et réaliseront un futur de prospérité commune et d’unification mené par des Coréens en facilitant une avancée exhaustive et novatrice dans les relations intercoréennes. Améliorer et cultiver les relations intercoréennes est le principal désir de toute la nation et l’appel urgent de l’époque qui ne peut plus être remis à plus tard.

Le Sud et le Nord ont affirmé le principe de déterminer par eux-mêmes la destinée de la nation coréenne et sont convenues d’arriver au tournant décisif de l’amélioration des relations intercoréennes en mettant en œuvre de façon exhaustive tous les accords et déclarations existants adoptés jusqu’à présent entre les deux pays.

Le Sud et le Nord sont convenus de tenir des dialogues et négociations à plusieurs niveaux et dans divers domaines et de prendre des mesures actives pour mettre en œuvre les accords du sommet.

Le Sud et le Nord sont convenus d’établir un bureau de liaison à Kaesong où sont stationnés des représentants des deux côtés afin de promouvoir des consultations étroites ainsi que la coopération et les échanges entre civils.

Le Sud et le Nord sont convenus d’encourager une coopération active, des échanges, des visites et des contacts à tous les niveaux afin de raviver l’esprit de réconciliation et d’unité nationales. Les deux côtés encourageront entre eux une atmosphère d’amitié et de coopération en organisant activement des événements conjoints aux dates ayant une signification particulière au Sud comme au Nord, telles que le 15 juin, auxquels prendront part des participants de tous les niveaux, notamment des gouvernements central et local, des Parlements, des partis politiques et des organisations civiles. Sur le plan international, les deux côtés vont démontrer leurs sagesse, solidarité et talents communs en participant conjointement à des événements sportifs internationaux tels que les Jeux asiatiques 2018.

Le Sud et le Nord se sont mis d’accord pour tenter de résoudre les sujets humanitaires liés à la division intercoréenne et tenir des réunions entre les Croix-Rouge afin de discuter de divers sujets, comme les familles séparées et leurs réunions. Le Sud et le Nord sont convenus d’organiser des réunions de familles séparées à l’occasion du 15 août (jour de Libération).

Le Sud et le Nord sont convenus de mettre en œuvre activement les projets qui ont fait l’objet d’un accord dans la déclaration du 4-Octobre 2007 pour promouvoir une croissance économique équilibrée et la prospérité commune de la nation. Dans un premier temps, les deux côtés vont prendre des mesures concrètes pour connecter et moderniser les chemins de fer et les routes du corridor de transport oriental ainsi qu’entre Séoul et Sinuiju.

2. Le Sud et le Nord vont chercher à soulager les tensions militaires élevées et à pratiquement éliminer le risque de guerre sur la péninsule coréenne. Soulager les tensions militaires et éliminer le risque de guerre est un défi très significatif qui est directement lié au destin du peuple coréen et qui est aussi une tâche essentielle pour garantir son existence paisible et stable.

Le Sud et le Nord sont convenus de mettre fin à tout acte hostile l’un envers l’autre à tous les niveaux, y compris dans le ciel, sur terre et en mer, qui est la source de la tension et des conflits militaires. Les deux côtés ont décidé de transformer la zone démilitarisée en zone de paix en cessant à partir du 1er mai cette année tous les actes hostiles et en éliminant leurs moyens, dont la diffusion de messages par haut-parleurs et la distribution de prospectus, dans les zones bordant la Ligne de démarcation militaire.

Le Sud et le Nord sont convenus de mettre en place un plan pour faire des zones près de la Ligne de limite Nord en mer Jaune une zone de paix maritime afin de prévenir les affrontements militaires et garantir une pêche sûre.

Le Sud et le Nord vont prendre diverses mesures militaires pour assurer une coopération mutuelle, des échanges, des visites et des contacts actifs. Les deux côtés vont tenir de fréquentes réunions entre leurs autorités militaires, y compris entre leurs ministres de la Défense, afin de discuter et résoudre immédiatement les problèmes militaires entre eux. A cette fin, ils vont organiser les premières discussions militaires de niveau général en mai.

3. Le Sud et le Nord vont coopérer activement pour établir un régime de paix solide et permanent sur la péninsule coréenne. Mettre fin à l’état actuel anormal d’armistice et instaurer un solide régime de paix sur la péninsule coréenne est une mission historique qui ne peut plus être retardée.

Le Sud et le Nord ont réaffirmé leur accord de non-agression, qu’ils n’utiliseront aucune espèce de force l’un contre l’autre, et se sont engagés à respecter strictement l’accord.

Le Sud et le Nord sont convenus de réduire graduellement leur armement une fois les tensions militaires dissipées et la confiance rétablie en pratique.

En cette année du 65e anniversaire de l’Armistice, le Sud et le Nord sont convenus de promouvoir activement des réunions trilatérales impliquant les deux Corées, les Etats-Unis, ou des réunions quadrilatérales avec les deux Corées, les Etats-Unis et la Chine en vue de déclarer la fin de la guerre, changer l’armistice en traité de paix et instaurer une paix permanente et solide.

Le Sud et le Nord ont confirmé leur objectif partagé de réaliser une péninsule coréenne sans nucléaire à travers une dénucléarisation complète. Ils ont estimé que les mesures initiées par la Corée du Nord sont très significatives et cruciales pour la dénucléarisation de la péninsule coréenne et ont décidé de jouer leur rôle respectif à cet égard. Le Sud et le Nord vont rechercher le soutien et la coopération de la communauté internationale pour dénucléariser la péninsule coréenne.

Les deux dirigeants sont convenus de tenir des discussions franches et fréquentes sur des questions vitales pour la nation, à travers des rencontres régulières et des conversations téléphoniques, de renforcer la confiance mutuelle et de s’efforcer de renforcer la dynamique de progrès continu des relations inter-coréennes ainsi que la paix, la prospérité et l’unification de la péninsule coréenne.

Dans ce contexte, le président Moon Jae-in a accepté de se rendre à Pyongyang cet automne.

27 avril 2018