Une interview d’Antonios Abou Kasm, avocat international, professeur de droit international. Antonios Abou Kasm a assuré la défense de la famille Haoui en sa qualité de Conseil principal – représentant légal des victimes au Tribunal spécial pour le Liban (TSL) lors du procès concernant l’assassinat de Georges Haoui, figure politique importante au Liban et ancien Secrétaire général du Parti communiste libanais. Ce procès n’aura pas lieu dans les circonstances actuelles, avec la fermeture du TSL à la fin de l’année 2023.
English translation below
JF :Après 15 ans d’une guerre civile commencée en 1975, et malgré les Accords de Taëf qui, en 1989, mirent fin à cette longue épreuve, il semble que le Liban ne soit jamais sorti d’une crise profonde touchant à la fois au contexte politique intérieur, et à la place singulière de ce pays au Proche-Orient. Mais aujourd’hui on a le sentiment que jamais la situation n’a été aussi grave, voire menaçante pour le pays lui-même… Êtes-vous d’accord avec cette appréciation ?
Antonios Abou Kasm : Plusieurs facteurs rendent la situation au Liban désastreuse. Évidemment, le Liban d’aujourd’hui ne ressemble plus à cette « Suisse de l’Orient » dont on parlait jadis. La mise en œuvre sélective et lacunaire de l’Accord de Taëf, a créé des usages politico-constitutionnels qui ont abouti à la destruction de l’État de droit, au partage du pouvoir sur des bases communautaires et féodales, par des interprétations dolosives de la Constitution. La corruption est devenue « monnaie courante ». Les deniers publics sont distribués entre les clans dominants. Le pouvoir judiciaire est transformé en une autorité au service de l’exécutif et des services. La démographie a été bouleversée avec l’arrivée de 2 millions et demi de réfugiés syriens sur le territoire, alors que la population libanaise n’atteint même plus les 4 millions du fait d’une émigration croissante des jeunes libanais. Les finances publiques connaissent un déficit insoutenable alors que la Banque centrale est accusée de conduire d’une politique suspecte en complicité avec le secteur bancaire. Les banques ont confisqué les avoirs des libanais faute de solvabilité. L’inflation monte jusqu’à des taux alarmants, aux alentours de 172%, avec une hausse de la valeur d’échange du dollar américain de 1500 livres libanaises (LL) pour atteindre les 150 000 LL en mars dernier ! Le prix du dollar, la panne d’électricité – devenue continuelle – et les prix très élevés du carburant ont entraîné la fermeture de nombreux hôpitaux, écoles et hôtels, et même d’industries. Les agents du secteur public ainsi que les juges et les enseignants des écoles publiques sont presque toujours en grève à cause de la diminution drastique des salaires. Ainsi, l’effondrement des institutions étatiques et la crise sociale majeure donnent à la crise libanaise une dimension « existentielle » exposant l’État lui-même à un danger imminent d’altération de sa pérennité.
JF : Quel est le rapport entre cette longue et dramatique évolution libanaise et, en août 2020, la gigantesque explosion au Port de Beyrouth (avec la détonation de 2750 tonnes de nitrate d’ammonium) qui fit 240 morts et détruisit une vaste partie de la ville ? Est-ce une catastrophe circonstancielle, ou bien est-ce un aspect de la crise générale au Liban ?
AAK : L’explosion du port de Beyrouth est le résultat de la corruption. La politique et celle du secteur public. A quoi s’ajoute un trafic mafieux d’armes illégales en relation avec le conflit armé en Syrie. Le Liban reste considéré comme une chasse privée pour certaines puissances régionales, là où elles installent et nourrissent des milices toujours disposées à mener leurs opérations dans le cadre de guerres que l’on appelle « proxy ». Juridiquement parlant, l’explosion du port de Beyrouth, pourrait être qualifiée de crime contre l’humanité. Un crime incontestablement commis dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique contre la population civile, et bien sûr en toute connaissance de cause. L’ampleur de ce crime a poussé des puissances étrangères, en relations avec des dirigeants locaux, à orienter l’enquête afin de masquer les éléments de preuve pour pouvoir, selon une procédure illégale et en violation du Code de procédure pénale, bloquer l’accusation et laisser en liberté tous les vrais et les faux suspects pourtant déjà arrêtés.
JF : On sait que le Tribunal Spécial pour le Liban (TSL) créé par les Nations-Unies en février 2007 pour juger des attentats terroristes qui ont déstabilisé le Liban en 2005, ne sera pas en mesure d’aller au bout de son travail judiciaire. On se souvient en particulier de l’attentat majeur qui a tué l’ancien Premier ministre Rafic Hariri ainsi que 21 autres personnes en février 2005. En réalité, ce fut alors une suite d’attentats contre des personnalités publiques et politiques, par exemple Georges Haoui, ancien Secrétaire général du Parti communiste libanais, ou Gebran Tueni, directeur du grand quotidien An Nahar, et bien d’autres encore… En quoi ces attentats ont eux aussi traduit cette crise profonde du Liban, dans sa vie politique intérieure et dans son contexte régional ?
AAK : La perpétration de ces crimes visait plusieurs objectifs : limiter la liberté d’expression, assiéger la vie politique, tuer la démocratie au Liban, et terrifier la scène politique afin qu’elle devienne inactive et soumise au pouvoir. On a ainsi essayé de déposséder le Liban de ses atouts au sein d’un monde arabe dans lequel se sont installés des régimes autoritaires et religieux. Le modèle libanais initial se référant à la démocratie et à la diversité est effectivement un problème pour les régimes politiques du Moyen-Orient.
Le pire vient de ce que l’on appelle la « communauté internationale ». Celle-ci n’a pas réussi à ce que justice soit rendue aux victimes à travers le TSL (qui tient son existence d’une résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU). Ce tribunal a jugé seulement, par défaut, 5 membres du Hezbollah accusés d’avoir tué le Premier ministre Rafic Hariri. Puis, il en a terminé avec ses activités en vertu d’un arrêt rendu par la Chambre d’appel confirmant la culpabilité de 3 desdits membres du Hezbollah. Cependant, le TSL (financé par des contributions facultatives) a été incapable de mener des procès dans les affaires connexes à l’attentat contre Rafic Hariri, à savoir l’assassinat de Monsieur Georges Haoui – ancien Secrétaire général du parti communiste libanais, et les attaques contre les anciens ministres Marwan Hamadé et Elias El-Murr. Sans notification préalable, cette « communauté internationale » a décidé subitement de ne plus financer le TSL… alors que le gouvernement libanais était incapable de continuer à assumer le financement de la Cour. Et le Secrétaire général de l’ONU n’a pas réussi à trouver des moyens alternatifs. On constate enfin que les autorités libanaises n’osent pas arrêter les condamnés du TSL, et que la justice libanaise n’ose pas non plus examiner les affaires relatives aux assassinats politiques survenus à la suite de l’attentat contre Hariri.
JF : Pour certains commentateurs français les causes de la crise libanaise se réduiraient à l’incapacité d’une « classe politique » dépassée et corrompue à faire face aux défis politiques et sociaux du pays. Il y a là certainement une grande part de vérité… Des mobilisations sociales importantes l’ont montré. Mais est-ce le seul paramètre explicatif de ce qui se passe au Liban depuis tant d’années ? Comment sortir de cette crise ?
AAK : Il faut rappeler qu’en vérité cette classe politique corrompue a été soutenue et financée par des puissances régionales et internationales. Le Liban après Taëf a été mis sous tutelle syrienne par compromis. Ce n’est qu’en 2004, que la politique occidentale a sérieusement changé, à la suite de l’importance que le Président Jacques Chirac avait consacré à la situation au Liban. Du fait de son amitié avec Rafic Hariri. La résolution 1559 a été adoptée en septembre 2004 par le Conseil de sécurité. Elle demandait le retrait des forces armées syriennes du territoire libanais et la démilitarisation des milices libanaises et non-libanaises. En application de cette résolution, les Syriens ont retiré leurs troupes du Liban début 2005. Mais le 14 février, une tonne de TNT explosait au passage du convoi du Premier ministre en tuant 21 autres personnes. La classe politique a alors profité du retrait syrien pour tisser de nouvelles alliances, parfois contradictoires, leur assurant une main-mise commune sur le pouvoir et sur le financement de leurs projets politiques.
La solution, c’est d’abord la dissolution de la Chambre des députés et l’élection de nouveaux parlementaires en suivant une nouvelle loi électorale qui soit conforme à la Constitution, et conforme aux critères d’égalité et d’équitable représentation. Le nouveau parlement, devra initier des réformes législatives radicales, dont principalement une garantie de l’indépendance de l’autorité judiciaire pour qu’elle devienne un vrai pouvoir indépendant. Des législations relatives à la restructuration des organes de contrôle de l’appareil administratif sont aussi nécessaires. Sur un autre plan, le pays a besoin de dispositions législatives qui comblent les lacunes constitutionnelles, par exemple afin d’empêcher un vide du pouvoir, comme c’est le cas pour la présidence actuellement, ou bien quant aux délais relatifs à la composition du gouvernement par le Premier ministre désigné. Le Liban a besoin d’un Chef d’État qui croit sérieusement à l’État de droit. Un Président qui assume le respect de la souveraineté libanaise dans le cadre de la légalité et de la légitimité internationale.
La récupération de la confiance dans le Liban comme nation viable exige une application non-sélective de la Constitution. Les réformes institutionnelles en application des accords de Taëf sont restées malheureusement lettre morte. Et le comité national pour la suppression du confessionnalisme politique exigé par ces accords Taëf, n’a pas été formé. La suppression du système confessionnel, l’un des objectifs de Taëf, ne pourra être atteinte qu’à travers l’établissement d’un Sénat (où seront représentées toutes les familles spirituelles) à la suite de l’élection de la Chambre des députés sur une base nationale et non confessionnelle. Cependant, la société civile au Liban, avec la gauche libanaise – faiblement représentée au Parlement – ne réussissent pas à prendre la relève des partis traditionnels progressistes et réformistes pionniers de la laïcité. Le combat contre le système confessionnel est sauvage, tellement certains partis politiques comptent sur leur appartenance confessionnelle pour prendre pouvoir.
Au surplus, le Liban ne dispose pas de frontières clairement définies avec la Syrie. Et Israël occupe une partie du territoire libanais en violant de façon permanente sa souveraineté nationale. A la suite de la décision de la gauche libanaise de se démilitariser en application de Taëf, une résistance militaire islamique (sous le nom Hezbollah) a réussi à s’emparer du rôle qui avait été gagné par le Front de la résistance nationale libanaise, la première résistance militaire contre l’occupation israélienne. Le Hezbollah s’est donc organisé afin de chasser l’armée israélienne des zones qu’elle occupe. La résistance islamique s’est par la suite développée – avec l’aide de l’Iran – en un groupe armé organisé à caractère régional.
JF : Comment analyser l’implication directe de certains États au Liban, en particulier l’Iran, à travers le Hezbollah, et l’Arabie Saoudite ? Le Hezbollah constitue une vraie force politique et militaire libanaise, militairement très engagée en Syrie au côté du régime de Bachar El Assad. Pourquoi en est-il ainsi ? Quant à l’Arabie Saoudite, comment ne pas rappeler ses pratiques politiques violentes, en particulier l’horrible assassinat du journaliste Jamal Kashoggi en 2018 ? On se souvient aussi qu’en novembre 2017, Saad Hariri, alors Premier ministre du Liban, a été pris en otage durant 18 jours par Mohamed Ben Salman, principal dirigeant du Royaume saoudien, afin de peser sur les choix internes du Liban et obliger Saad Hariri à démissionner. Le Liban est souvent qualifié de « caisse de résonance des contradictions régionales ». N’est-il pas en réalité un terrain d’affrontement régional et international direct sur lequel les États-Unis et la Russie ne sont jamais absents. Pouvez-vous nous expliquer de façon la plus pédagogique possible cette géopolitique très complexe ?
AAK : Le Liban, le maillon faible, fut hier choisi comme le territoire à travers lequel on exerce le « devoir de résistance » contre Israël, l’ennemi des États arabes auparavant… mais plus maintenant. On voit par exemple que la Syrie, malgré le fait qu’Israël occupe le Golan, n’a jamais ouvert la moindre bataille sur ses frontières afin de libérer les territoires occupés. Malgré les raids israéliens qui ciblent Damas et ses alliés iraniens presque chaque semaine, et sur tout le territoire syrien, on ne voit aucune réponse syrienne. Le conflit avec Israël se déroule dans une guerre de proxy menée principalement par l’Iran en accord avec son allié syrien. Le Hezbollah, dans ce rôle-là, et du fait de son idéologie, de sa discipline, a renforcé son pouvoir. Ce qui a contribué à élargir le champ d’action de Téhéran dans la majorité des pays arabes.
L’engagement du Hezbollah dans la guerre au Yémen et son soutien militaire aux attaques houthistes contre l’Arabie Saoudite, a fait de cette organisation un ennemi des saoudiens. Leur confrontation directe s’est déplacée à Beyrouth. En revanche, le Hezbollah a réussi à conclure une entente politique avec Saad Hariri, qui est en principe l’allié premier des saoudiens. La cohabitation politique positive entre Saad Hariri et le Hezbollah, accusé par le TSL à La Haye du meurtre de son père le Cheikh Rafic, a posé problème au régime saoudien. Celui-ci a effectivement voulu forcer Saad Hariri à démissionner de sa fonction de Premier ministre… du fait qu’il est d’origine saoudienne. Alors que Riyad s’attendait à ce que Saad Hariri exploite sa position officielle pour isoler le Hezbollah, Saad a cherché la paix avec la majorité chiite, pour assurer au moins une continuité au pouvoir.
Le Liban désigné comme « État-tampon », a ainsi servi de terrain de bataille pour le conflit irano-saoudien, et le pays s’est coupé en deux clans principaux, aboutissant à un blocage institutionnel. Les Chrétiens se sont à leur tour divisés entre pro-saoudiens et pro-iraniens. Une majorité chrétienne ne disposant pas de moyens, a ainsi décidé de rester à l’abri de cette bipolarisation. Le front régional et occidental anti-Hezbollah avait commencé à jouer la carte des réfugiés syriens au Liban – en majorité sunnites et hostiles au régime de Bachar Al-Assad – afin de changer la donne démographique au Liban.
Malgré l’entente embryonnaire saoudo-iranienne et saoudo-syrienne aujourd’hui, l’Iran ne cesse de jouer la carte du Hezbollah sur la table des négociations autour d’une paix lointaine au Yémen. Devenue d’abord hostile à la politique saoudienne dans la région, l’Administration Biden a cherché à accentuer ses pressions sur le régime syrien. Celui-ci a pourtant réussi à récupérer une légitimité arabe. Le facteur perturbateur américain complique la nouvelle politique saoudienne au Liban, et offre une chance au Hezbollah de rester une résistance face aux violations israéliennes de la « ligne bleue » au Liban-sud. Des violations qui deviennent fréquentes en suivant un rythme ascendant. La Russie a réussi à stabiliser le régime Bachar Al-Assad en l’inscrivant dans le nouveau « modèle » d’alliance conclu avec l’Arabie saoudite sur, si on peut dire, l’axe chinois. Les États-Unis sont encerclés au Moyen-Orient. La carte israélienne leur paraît la plus inflammable et la plus utile pour pouvoir briser les nouvelles alliances ou ententes, et acculer ainsi les États arabes à une bataille contre l’Iran.
JF : Quelle appréciation porter sur l’implication française ? En particulier sur les tentatives, jusqu’ici sans résultats, engagées par Emmanuel Macron pour dépasser les impasses politiques libanaises actuelles ? Pensez-vous que la France devrait jouer un rôle, dans quel esprit et pour quels objectifs ?
AAK : l’implication française n’a jamais été interprétée comme une interférence dans les affaires internes du Liban. Les Libanais ont toujours recours à la France pour leur venir en aide dans des circonstances difficiles. Mais la France, alliée historique des chrétiens du Liban et leur « tendre mère », a changé d’alliances… La France a engagé une ouverture vers d’autres composantes de la société libanaise. Elle avait tenté des alliances tantôt avec les Sunnites, tantôt avec les Chiites sans succès réel. En revanche, les nouvelles alliances françaises ont compliqué le rôle de Paris qui a réussi à établir des relations amicales avec le Hezbollah. Celui-ci devient ainsi, petit à petit, un allié stratégique pour la France. Cette entente avec le Hezbollah repose sur des intérêts commerciaux et pétroliers, en plus d’intérêts politiques dépassant le territoire du Liban pour concerner l’Iran, sponsor mondial du Hezbollah.
Historiquement, la France soutient la Présidence libanaise, la seule chrétienne dans le monde arabe. Le fait qu’Emmanuel Macron, pour la Présidence à élire, avait essayé de soutenir durant plusieurs mois la candidature de chrétiens, ceux choisis exclusivement par le Hezbollah, prouve que la France brise de facto la décision politique chrétienne. Le Président de la République constitue le dernier socle des chrétiens au Liban. C’est le garant de la Constitution, de la diversité et du dialogue islamo-chrétien. C’est le « médiateur » qui assure l’équilibre entre sunnites et chiites.
Le revirement de la politique française, au motif de l’ouverture politique, a coûté cher à la France. Les deux visites exceptionnelles du président Macron à la suite de l’explosion au Port de Beyrouth ont connu malheureusement des échecs impitoyables. Les promesses du Président français aux Libanais n’ont pas pu être réalisées à cause de la division bipolaire radicale de la scène politique libanaise.
Il est conseillé à la France de changer de politique au Liban afin de remédier à l’affaiblissement du rôle des chrétiens, de maintenir la diversité afin d’aboutir à un État de droit civil… sinon le Liban se transformera bientôt en république islamique. La France a cherché un allié fort au Liban. Elle a trouvé le Hezbollah. Mais ce type d’alliance porte le risque d’aboutir à un changement radical de l’identité culturelle du Liban. La France doit contribuer à l’intégration du Hezbollah dans la société libanaise, et non pas l’inverse.
La France, avec diligence, doit veiller à ne pas assurer le soutien politique à des personnalités politiques libanaises corrompues. Ce type de soutien à des businessmen libanais entache l’image de la France qui devrait penser le Liban futur avec des élites libanaises ne cherchant que l’intérêt de la nation. Le Liban c’est presque la seule empreinte francophone dans le monde arabe, grâce à des relations historiques basées sur des valeurs comme la liberté, la fraternité et l’égalité, qui sont contraires aux valeurs du fanatisme, aux discours de haine et à la discrimination religieuse et politique.
La France est invitée à initier un dialogue interlibanais, basé sur les principes de l’État de droit, de la démocratie et du règlement pacifique des différends, et sur une administration libanaise non-corrompue pour tout le monde. Malheureusement, le fonctionnement de la Constitution libanaise suivant les principes de Taëf exige toujours la présence d’un parrain extérieur exerçant un pouvoir « régulateur ». Ce rôle, avant 2005, a été amplement joué par le régime syrien. La protection du système politique libanais nécessite le courage d’amender la Constitution afin de clarifier le rôle des institutions et de mettre des limites claires à tous les pouvoirs discrétionnaires. La France devrait jouer un rôle de médiateur fort, afin de conforter la démocratie consensuelle consociative conforme au pacte national (ou pactiste) comme un atout du système multiculturel libanais. Contre tout projet de partition, de division ou d’application de la « démocratie du nombre » à des fins discriminatoires, éliminatoires et inégalitaires.
La visite exceptionnelle au Liban de l’ancien ministre Jean-Yves Le Drian, envoyé personnel du Président Macron, constitue une occasion inédite. Ce signal de l’Élysée manifeste une volonté française de mettre la situation au Liban sur les bons rails. L’impartialité et l’objectivité doivent constituer les deux piliers d’une mission réussie, qui puisse encourager les Libanais à résoudre leurs problèmes à travers le dialogue sur le futur de la nation, loin de la corruption et du fanatisme.