Mois : février 2020
Algérie: pour la libération d’Abdelouahab Fersaoui, Président du RAJ, et de tous les détenu(e)s du Hirak
Avec toutes les signatures déjà obtenues, et les contacts pour signer cet appel…
Il y a plus d’un an, en Algérie, a surgi un mouvement populaire massif et inédit dans l’histoire de ce pays, qui a fait renaître l’espoir pour les Algériennes et les Algériens et, au-delà, pour tout le Maghreb : l’espoir d’un pays libre et démocratique, où les citoyennes et citoyens vivraient dans la sécurité et dans la dignité.
Malgré le caractère pacifique de ce mouvement – son atout majeur et décisif –, le pouvoir autoritaire n’a cessé de multiplier les actes de répression : harcèlements, kidnappings, passages à tabac, arrestations arbitraires de militants et de manifestants, matraquages médiatiques et campagnes de haine sur les réseaux sociaux, bouclage de la capitale par la gendarmerie, présence policière massive… Sont tout particulièrement visés les animateurs de la vie politique et associative, qui jouent un rôle important dans la mobilisation populaire.
Il en est ainsi de notre camarade Abdelouahab Fersaoui, président de RAJ (Rassemblements Actions Jeunesse), membre éminent du Forum social maghrébin et partenaire d’Euromed Droits, qui a été arrêté par la police à Alger, le 10 octobre 2019, lors d’un rassemblement de soutien aux détenus d’opinion. Alors qu’il manifestait de manière pacifique, il est poursuivi pour « incitation à la violence » et « atteinte à l’intégrité territoriale ». Depuis cette date, la justice a rejeté toutes les demandes de sa libération, et ne cesse de prolonger sa détention : son mandat de dépôt, qui devait expirer le 10 février dernier, a été renouvelé de quatre mois par le tribunal de Sidi-M’hammed.
Nous, militant.e.s et citoyen.ne.s maghrébin.e.s solidaires, ami.e.s de l’Algérie, signataires de cet appel, condamnons cette détention arbitraire de notre camarade Abdelouahab Fersaoui, ainsi que toutes celles qui frappent aujourd’hui journalistes, étudiants et militants, ou simples citoyens. Nous demandons leur libération sans délai et sans condition, en conformité avec les lois algériennes garantissant la liberté d’expression et le droit de manifester pacifiquement, et en respect des engagements internationaux de l’Algérie, notamment du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qu’elle a signé et ratifié.
Premiers signataires
ASSOCIATIONS
Agir pour le changemenAvec toutes les signatures et les contacts…Avec toutes les signatures et les contacts…t et la démocratie en Algérie (ACDA)
Action Jeunesse (FMAS), Maroc
ASBL Na’oura, Bruxelles
Assemblée citoyenne des originaires de Turquie (ACORT)
Association ADALA, Maroc
Association Alternatives citoyennes, Maroc
Association BEITY, Tunisie
Association Beni-Snassen pour la culture le développement et la solidarité (ABCDS), Oujda/Maroc
Association Citoyenneté, développement, cultures et migrations des deux rives (CDCMIR), Tunisie
Association de défense des droits de l’Homme au Maroc (ASDOHM)
Association démocratique de Tunisiens en France (ADTF)
Association des familles des prisonniers et disparus sahraouis (AFAPREDESA)
Association des Femmes tunisiennes pour la recherche et le développement (AFTURD)
Association des Marocains en France (AMF)
Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF)
Association des Tunisiens en France (ATF)
Association marocaine des droits de l’Homme (AMDH)
Association Nomade 08, Tunisie
Association Troisième Millénaire, Maroc
Association tunisienne de l’Isère citoyens des deux rives (ATI-CDR)
Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD)
Association tunisienne de défense des valeurs universitaires (ATDVU)
Association Vigilance pour la démocratie et l’Etat civique, Tunisie
CEDETIM, France
Centre euro-méditerranéen Migration et développement (EMCEMO), Pays-Bas
Centre tunisien pour la liberté de la presse
Coalition marocaine pour la justice climatique
Collectif des ami(e)s du Manifeste pour une Algérie nouvelle (CAMAN)
Comité de Vigilance pourAvec toutes les signatures et les contacts… la démocratie en Tunisie (CVDT), Belgique
Comité pour le respect des libertés et des droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT)
Comités pour le développement et le patrimoine (CDP), Palestine/France
Coordination maghrébine des organisations des droits de l’Homme (CMODH)
Droits devant !!, France
Droits ici et là-bas (DIEL), France
Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives (FTCR)
Femmes plurielles
Fondation Ahmed-Tlili, Tunisie
Forum associatif (FAS), Maroc
Forum marocain Démocratie et citoyenneté
Forum marocain des alternatives Sud (FMAS)
Forum marocain Vérité et justice (FMVT)
Forum Palestine Citoyenneté
Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES)
Front uni des immigrations et des quartiers populaires (FUIQP)
Immigration Développement Démocratie (IDD)
Instance marocaine des droits de l’Homme (IMDH)
Institut de formation et l’accompagnement des associations de proximité (IFAAP), Maroc
Institut Mehdi-Ben Barka – Mémoire vivante
Jeunesse ouvrière marocaine (JOM)
Juristes sans frontières, Libye
Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH)
Ligue marocaine des droits de l’Homme (LMDH)
Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH)
Observatoire amazigh des droits et libertés, Maroc
Observatoire marocain des libertés publiques
Observatoire marocain des prisons (OMP)
Organisation des jeunes de Tawergha, Libye
Organisation contre la torture en Tunisie (OCTT)
Organisation pour les libertés d’information et d’expression (OLIE/HATEM), Maroc
Plateforme euro-marocaine migration, développement, citoyenneté, démocratie (MDCD)
Rassemblement Actions Jeunesse (RAJ)
Réseau amazighe pour la citoyenneté-Azetta, Maroc
Réseau de défense des droits des femmes, Libye
Réseau Espace libre mohammedi, Mohammadia, Maroc
Réseau Wassyla
SOS Migrants, Belgique
Tharwa n’Fadhma n’Soumer
Union des Tunisiens pour l’action citoyenne (UTAC)
Terre Espoir Mauritanie
Transparency Maroc
SYNDICATS
Confédération générale des travailleurs en Algérie (CGTA)
Confédération générale des travailleurs de Mauritanie (CGTM)
Syndicat autonome de l’administration publique en Algérie (SNAPAP)
Union général du travail de Tunisie (UGTT)
Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT)
PARTIS
Parti communiste français (PCF)
La France insoumise (LFI)
PERSONNES
Héla Abdeljaouad, militante féministe, Tunisie
Adel Abderezak, enseignant universitaire, Algérie
Hichem Abdessamad, militant associatif, Tunisie
Abderrahim Afarki, bibliothécaire, France/Maroc
Kacem Afaya, militant de la société civile et ancien membre du bureau exécutif de l’UGTT
Fatna Afid, syndicaliste, Maroc
Ayad Ahram, défenseur des droits humains, Paris
Farid Aïssani, militant politique (membre du conseil national du PS, militant du FFS)
Ali Aït Djoudi, militant associatif, France/Algérie
Louiza Aït-Hamou, universitaire, militante féministe, Algérie
Ali Akika, documentariste, France/Algérie
Sanhadja Akrouf, militante féministe et associative
Hala Alabdala, cinéaste syrienne
Fatma Alioua, militante droits des femmes, Algérie
Mourad Allal, militant associatif, Tunisie/France
Tewfik Allal, militant associatif, Algérie/France
Ahmed Amara, ancien prisonnier politique, Tunisie
Jean-Claude Amara, porte-parole de Droits devant !!
Ahmed Amarouchène, étudiant à l’UMMTO et militant associatif (RAJ)
Arezki Amazouz, Algérie
Ghanima Ammour, poétesse, Algérie/France
Samia Ammour, féministe internationaliste, Algérie/France
Jean-Loup Amselle, anthropologue
Ahmed Assid, militant des droits humains (OADL), Maroc
Pierre Audin, fils de Josette et Maurice Audin
Nabil Ayouch, cinéaste, Maroc
Thamy Ayouch, professeur des universités, Paris
Soad Baba-Aïssa, militante associative, France/Algérie
Malika Bakhti, fonctionnaire
Hichem Baraka, président d’ABCS, Oujda Maroc
Brigitte Bardet-Allal, professeure de lettres
Ahmed Bardouhi, RECFD-Mohamadia, Maroc
Sami Bargaoui, universitaire, Tunisie
Mohammed Bazza, co-président du Réseau IDD (Immigration Développement Démocratie)
Abdeljelil Bedoui, économiste, ancien président du FTDES, Tunisie
Habib Belhadi, animateur culturel, Tunisie
Souhayr Belhassen, présidente d’honneur de la FIDH, Tunisie
Baghta Belkhadi, militante féministe, Tunisie
Lotfi Ben Aïssa, militant politique, Tunisie
Ali Ben Ameur, universitaire, France/Tunisie
Bachir Ben Barka, enseignant retraité, France/Maroc
Madjid Benchikh, ancien Président d’Amnesty international en Algérie
Tarek Ben Hiba, militant associatif, France/Tunis
Fathi Ben Haj Yahya, écrivain, Tunisie
Noureddine Benisaad, président de la LADDH, Algérie
Ali Bensaad, géographe, professeur des universités
Mohammed Bensaïd, militant associatif
Hayat Berrada-Bousta, responsable du site « Maroc Réalités »
Sophie Bessis, historienne
Boussaâd Bouaïch, documentaliste multimédia
Saïd Bouamama, sociologue
Hajer Bouden, traductrice, France/Tunisie
Mouloud Boumghar, juriste
Ahmed Boumkass, Maroc
Karim Bourai, député à l’APN de la wilaya de Bejaia, Algérie
Omar Bouraba, entrepreneur, militant associatif
Samir Bouzid, militant associatif, Maroc
Ali Brahimi, juriste, Algérie
Françoise Carrasse, militante associative
Khémaïes Chammari, militant des droits humains, Tunisie
Taoufik Chammari, militant contre la corruption, Tunisie
Kacem Chebab, militant associatif FMVJ, Maroc
Amina Chabellah, militante associative (Tharwa n’Fadma n’Soumer).
Houssem Cheikhrouhou, militant des droits humains, Tunisie
Hédi Chenchabi, militant associatif et culturel, Tunisie/France
Mouhieddine Cherbib, militant associatif
Khadija Chérif, militante féministe, Tunisie
Mondher Cherni, président de l’OCT, Tunisie
Alice Cherki, psychiatre, psychanalyste, essayiste
Larbi Chouikha, universitaire, Tunisie
Ahmed Dahmani, économiste, France/Algérie
Jocelyne Dakhlia, universitaire, France/Tunisie
Soufiane Denane, militant des droits de l’Homme, Algérie
Nacer Djabi, sociologue, Algérie
Daho Djerbal, universitaire
Mohsen Dridi, militant associatif, France/Tunisie
Louiza Dris-Aït Hamadouche, universitaire, Algérie
Lalia Ducos, militante associative
Mohammed-Lakhdar Ellala, militant associatif
Mohamed El-Khamlichi, coordinateur de Coalition des sites de conscience
Driss El-Khorchi, militant associatif, Belgique
Sihem El Mabrouk Chaouachi, militante des droits humains, Tunisie
Mohamed Ennouhi, vice-président de l’IMDH, Maroc
Djallal Firas Farhat, militant pour la démocratie, Oran, Algérie
Feriel Fatès, anthropologue, Algérie/France
Yosra Frawes, présidente de l’ATFD, Tunisie
Abderrahmane Frihi, syndicaliste, France/Tunisie
Jacques Gaillot, évêque
Ahmed Galai, membre du comite scientifique de IADH, Tunisie
Yasmine Graine, Algérie
Latefa Narriman Guemar, chercheur et militante des droits des réfugié(e)s, Londres
Ali Guenoun, historien, Algérie/France
Amel Hadjadj, militante féministe, Algérie
Ratiba Hadj-Moussa, professeure Canada/Algérie
Béchir Hakem, fondateur du CLA et du SNAPEST, Algérie
Salem Hamdi, étudiant à l’UMMTO et militant associatif, Algérie
Hamma Hammami, militant politique, Tunisie
Mohammad Harbi, historien
Fouad Hassam, syndicaliste, militant des droits humains, Oran, Algérie
Abderrahmane Hedhili, président du FTDES, Tunisie
Larbi Henna, étudiant à l’UMMTO et militant associatif (RAJ), Algérie
Lyes Idiri, étudiant à l’UMMTO et militant politique, Algérie
Yasmine Ingrachen, étudiante à l’UMMTO et militante associative, Algérie
Abdel Jelloul, Tunisie/France
Kamel Jendoubi, militant des droits de l’homme, Tunisie/France
Abdelkebir Jmaiai, militant associatif, Maroc
Mohamed Larbi Kabbaj, militant du Forum marocain
Yasmina Kacha, citoyenne maghrébine, militante des droits humains
Aïssa Kadri, sociologue
Amirouche Kamour, étudiant à l’UMMTO et militant politique, Algérie
Nacer Kefi, universitaire, Tunisie
Myriam Kendsi, artiste peintre
Ramy Khouli, militant des droits humains, Tunisie
Abdellatif Laabi, écrivain poète
Youssef Laaraj, acteur associatif, Maroc
Kamel Lahbib, militant associatif, Maroc
Hosni Lahmar, PSL, Tunisie
Abdou Lassouad, militant associatif, Belgique
Jean-Marc Lévy-Leblond, professeur émérite de l’Université
Patrice Loraux, philosophe
Mohamed Maali, journaliste, écrivain, Tunisie
Gilles Manceron, historien
Farès Mansouri, militant LADDH, Algérie
Karim Messaoudi, militant associatif
Gustavo Massiah, économiste
Abdou Menebhi, président du Emcemo, Amsterdam
Umit Metin, coordinateur ACORT
Ezzeddine Mhedhbi, militant contre la corruption, Tunisie
Abdelmajid Mhenni, journaliste, militant politique et de droits humains, Algérie
Aziz Mkechri, militant, associatif, Belgique
Dalila Morsly, chercheure en sociolinguistique
Rosa Moussaoui, grand reporter à « L’Humanité »
Bachir Moutik, militant associatif sahraoui
Radhia Nasraoui, militante des droits de l’homme, Tunisie
Kamel Nemmiche, militant associatif (RAJ)
Zouhour Ouamara, enseignante universitaire en droit public et consultante régionale, Algérie
Habib Ouarda, France/Tunisie
Nadia Ouarek Amedjout, citoyenne, Algérie
Mohamed Ouni, Maroc
Bernard Ravenel, historien
Kahina Redjala, étudiante
Rahim Rezigat, responsable associatif
Marguerite Rollande, militante des droits humains, France
Messaoud Romdhani, militant des droits humains, Tunisie
Djamel Rouani, syndicaliste retraité, Algérie
Khadija Ryadi, lauréate 2013 du Prix des droits de l’Homme des Nations unies, Maroc
Lana Sadeq, militante de Forum Palestine Citoyenneté
Saïd Salhi, vice-président de la LADDH, Algérie
Jamila Sayouri, présidente Association Adala, Maroc
Aldja Samia Seghir, militante du Mouvement Ibtykar, Algérie
Yosra Seghir, universitaire, Tunisie
Brahim Senouci, écrivain, maître de conférences, Algérie/France
Ridha Sfaxi, Tunisie/France
Houcine Sifaoui, Algérie
Mohammed Smida, militant associatif et politique, France/Tunisie
Abderrahim Sioui, défenseur des droits de l’Homme, Maroc
Taoufiq Tahani, universitaire, Maroc/France
Djamel Takka, Algérie
Khaoula Taleb-Ibrahimi, universitaire, sociolinguiste, Algérie
Meriem Tangour, militante des droits humains, Tunisie
Saïd Tbel, militant des droits humains, Maroc
Emmanuel Terray, anthropologue
Ridha Tlili, Fondation Ahmed-Tlili, Tunisie
Abdelkrim Tounsy, enseignant, Tunisie
Mokhtar Trifi, ancien président de la LDHT, Tunisie
Souad Triki, universitaire, Tunisie
Souad Wheidi, Observatory on Gender in Crisis, Maroc
Djaouida Zmerli, Algérie
Abdallah Zniber, militant associatif, Maroc/France
Contacts
FRANCE
Tewfik Allal : tewfik.allal@mailfr.com – 00 33 (0)6 81 60 65 43
Mouhieddine Cherbib : mouhieddinecherbib@gmail.com 00 33 (0)6 50 52 04 16
Abdallah Zniber : abdallah.zniber@wanadoo.fr – 00 33 (0)6 71 21 35 54
ALGERIE
Kamel Nemmiche : nemmichek@yahoo.fr – 00 213 7 79 16 02 18
MAROC
Kamel Lahbib : kamal.lahbib@gmail.com – 00 212 6 61 14 24 60
TUNISIE
Messaoud Romdhani : mah.talbi@gmail.com – 00 216 97 32 29 21
—
Cherbib Mouhieddine
0033650520416
0021623021802
Algérie: Un article de Bernard Deschamps.
« Le Hirak a un an. Où va l’Algérie ?
Regard d’un observateur bienveillant et respectueux de la souveraineté du peuple algérien. »
Dans quelques jours, le 22 février, le Hirak célébrera son premier anniversaire. Ce mouvement populaire, sans précédent depuis l’indépendance en 1962, a imposé la démission du Président Bouteflika. Il a préservé son caractère pacifique auquel le régime a répondu par de nombreuses arrestations, mais la police et l’armée ont fait preuve de retenue, contrairement à la France où, dans la même période, la répression du mouvement des Gilets jaunes a fait des dizaines de blessés graves.
Le hirak dont l’objectif principal est « système dégage », avait réussi à mettre en échec les deux tentatives d’élections présidentielles du 18 avril et du 4 juillet 2019 souhaitées par le pouvoir en place, mais il n’a pu faire obstacle à la tenue de l’élection du 12 décembre. Celle-ci a été largement boycottée et le nouveau président Abdelmadjid Tebboune n’a été élu que par 1/5e du corps électoral, l’abstention et les votes blancs ou nuls ayant dépassé le chiffre record de 70 %. Bien que son élection soit conforme à la Constitution, sa légitimité est contestée par la rue et par les partis d’opposition.
Il reste qu’un point a été marqué par le régime, et depuis, un nouveau gouvernement est en place qui compte 1/3 d’anciens ministres et 2/3 de nouveaux.
Cependant, chaque mardi et chaque vendredi le Hirak continue, à peine essoufflé et les ami(e)s de l’Algérie s’interrogent : où va l’Algérie si proche géographiquement et si proche de nos cœurs ? Continuité ? Bouleversement ? Situation d’équilibre précaire ?
J’avais dès le départ affirmé que le mouvement populaire conserverait son caractère pacifique, qu’il ne serait pas noyé dans le sang et que les héritiers des fondamentalistes de la décennie noire n’en tireraient pas profit. Cette prévision s’est jusqu’à maintenant avérée exacte. L’histoire de l’humanité est jalonnée d’accidents dramatiques et l’on ne peut prévoir l’avenir avec exactitude, mais il me parait évident que le peuple algérien qui a tant souffert des années noires 1980-1990 est bien décidé à préserver la paix et de son côté, l’armée qui est toujours basée sur la conscription et qui est de ce fait proche du peuple et se considère comme la conscience de la Révolution est résolue, contrairement aux épisodes tragiques des années 80, à éviter le pire. Elle entend, c’est évident continuer à inspirer la politique algérienne, mais pas en première ligne. Le président Tebboune a été candidat avec son accord sur l’insistance du défunt général-major Gaïd Salah.
Une certaine démocratisation plus proche du modèle occidental parait se dessiner, mais de nombreuses incertitudes demeurent quant au futur régime économique et social.
Le président Tebboune a mis en place un comité de 17 experts chargé d’élaborer un projet de nouvelle Constitution. Le président de ce comité, M. Ahmed Laraba, est professeur de Droit international public, membre de la Commission du Droit international de l’ONU et le rapporteur général du Comité est M. Walid Laggoune, professeur de Droit public à l’Université d’Alger. Il compte dans ses rangs un ancien juge à la Cour africaine des Droits de l’Homme, M. Fatsah Ouguergouz, et une membre de la Commission africaine des Droits de l’Homme, Mme Maya Sahli. Ce sont des juristes compétents, reconnus internationalement et des nationalistes acquis à l’économie de marché.
Jusqu’où ira la démocratisation ? Quid de la séparation des pouvoirs ? Du système électoral ? Des pouvoirs du parlement ? Quel sera le régime économique de l’Algérie ?
Le Président Tebboune s’est engagé à consulter le Hirak. Avec qui prendra-t-il contact alors que les partis ont une influence limitée et en l’absence de leaders reconnus issus du mouvement populaire? Celui-ci d’ailleurs refuse de s’inscrire dans cette démarche et prône l’élaboration d’une nouvelle Constitution à partir de la base.
Les partis de l’Alternative démocratique – – FFS (Front des Forces Socialiste), RCD (Rassemblement pour la Culture et la Démocratie), PST (Parti Socialiste des Travailleurs), PT (Parti des Travailleurs), MDS (Mouvement Démocratique et Social), UCP (Union pour le Changement et le Progrès), RAJ (Rassemblement Action Jeunesse) et LADDH (Ligue Algérienne Des Droits de l’Homme) – se prononcent pour la « tenue d’une Conférence nationale indépendante du système. Celle-ci rassemblera toutes les forces agissantes de la société qui s’engagent à concrétiser les exigences démocratiques exprimées par le peuple depuis le 22 février et qui refusent le coup de force du 12 décembre. »
Pour témoigner de sa bonne volonté, le nouveau pouvoir a fait libérer 13 détenus d’opinion fin décembre 2019 et 76, dans les premiers jours de janvier. De son côté la justice militaire a réduit la peine de Louisa Hanoune, la secrétaire générale du PT, désormais libre, tout en maintenant contre elle l’accusation de « non dénonciation de complot contre l’autorité de l’État». Mais la CNLD (Commission Nationale pour la Libération des Détenus) estime à une centaine le nombre de prisonniers d’opinion encore sous les verrous.
Depuis le début du mouvement – comme je l’ai mentionné à plusieurs reprises – les lobbies financiers algériens et mondiaux exercent des pressions considérables, à la fois sur le pouvoir en place, auprès des faiseurs d’opinion et dans le Hirak lui-même afin de préserver leurs intérêts. Ils avaient obtenu du gouvernement intérimaire de Bédoui, le vote d’une loi ouvrant une brèche dans le secteur nationalisé des hydrocarbures et l’annulation de la règle du 49/51 qui réserve la majorité de 51% à L’Algérie dans les montages financiers avec des entreprises privées occidentales. Ces deux lois votées avant l’élection présidentielle du 12 décembre, seront-elles remises en cause ? Ce n’est pas le cas pour l’instant. Le Plan d’action du Gouvernement qui a été adopté le 13 février par le Parlement (APN), y compris par les partis islamistes, les députés de l’opposition de gauche ayant voté contre, n’en fait pas mention.
De leur côté, les chancelleries occidentales sont très actives afin d’obtenir des infléchissements de la politique extérieure de l’Algérie jusqu’alors favorable à un Etat palestinien dans les frontières de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale ; à l’autodétermination du Sahara Occidental ; hostile à l’implantation sur le sol algérien de l’Africom, le commandement intégré de l’OTAN et à toute intervention de l’armée algérienne hors de ses frontières. Le profond attachement du peuple algérien à la cause palestinienne parait garantir le maintien du statu quo, comme l’a confirmé récemment M. Sabri Boukadoume, le ministre algérien des Affaires Étrangères. Il en est, me semble-t-il, de même au sujet du Sahara Occidental. L’Algérie, par contre, résistera-t-elle aux pressions américaines et françaises et acceptera-t-elle de participer à des opérations militaires hors de ses frontières sous le prétexte de lutter contre le terrorisme ? Les Algériens attachés à la politique de paix de leur pays s’en inquiètent.
Le Président Tebboune a été reconnu et félicité par la France, la Chine, la Russie et la plupart des pays. Il a été invité à la Conférence de Berlin sur la Libye en dépit des réticences manifestées par certains participants. Il a invité Recep Tayyip Erd à Alger, ce qui peut laisser prévoir un rapprochement avec le régime islamo-conservateur de Turquie. L’Algérie, après l’intérim Bensalah-Bedoui, retrouve une place au plan international.
En résumé, il me semble que l’Algérie, s’inscrivant dans l’air du temps, s’achemine vers une démocratie à l’occidentale (dont les modèles ne sont pourtant pas à imiter) et une adaptation de son économie au néolibéralisme mondial avec une remise en cause des lois sociales héritées de la période révolutionnaire post-1962. Mais rien n’est joué. Je note en effet que les partis de l’Alternative démocratique – FFS, RCD, PST, PT, MDS, UCP, RAJ et LADDH – (à laquelle n’adhèrent pas les Communistes du PADS qui la considèrent comme réformiste) qui jusqu’à maintenant étaient plutôt favorables à la privatisation du secteur public considéré comme responsable de la corruption, se sont prononcés le 25 janvier dernier, pour : « La souveraineté populaire sur les ressources naturelles de la nation […] L’arrêt de toutes les mesures de bradage des richesses nationales avec annulation immédiate de toutes les lois y afférentes. [..] La lutte contre les inégalités socio-économiques et la pauvreté par la consécration d’une justice sociale et d’une solidarité nationale effectives. » Les observateurs font remarquer qu’il s’agit d’une avancée même si elle est timide. En tout état de cause cela témoigne d’une poussée populaire.
Décidément, le peuple algérien continue de nous étonner et l’avenir peut nous réserver des surprises.
Bernard DESCHAMPS 15 février 2020 http://www.bernard-deschamps.net