DOCUMENT : Situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967.

Rapport de la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits

de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967,

Francesca Albanese – 1er octobre 2024

L’effacement colonial par le génocide

Résumé :

Dans le présent rapport, la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de

l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, Francesca Albanese,

examine les horreurs qui se produisent dans le territoire palestinien occupé. La

destruction systématique de Gaza se poursuit sans relâche, et d’autres régions du

territoire ne sont pas non plus épargnées. La violence qu’Israël déchaîne contre les

Palestiniens depuis l’après-7 octobre ne surgit pas du néant, mais s’inscrit dans une

campagne orchestrée intentionnellement au niveau de l’État pour provoquer

systématiquement le déplacement forcé et le remplacement à long terme des

Palestiniens. Cette trajectoire risque de causer un tort irréparable à l’existence même

du peuple palestinien en Palestine. Les États Membres doivent intervenir maintenant

pour empêcher de nouvelles atrocités qui laisseront des stigmates encore plus

profonds dans l’histoire de l’humain.

VII. Conclusions 

83. Le génocide à Gaza est l’histoire d’une tragédie annoncée, qui risque de

s’étendre à d’autres Palestiniens placés sous l’autorité israélienne. Depuis sa

création, Israël traite le peuple occupé comme un fardeau honni et une menace

à éradiquer, et soumet des millions de Palestiniens, depuis des générations, à des

indignités quotidiennes, à des massacres, à des incarcérations massives, à des

déplacements forcés, à la ségrégation raciale et à l’apartheid. La poursuite de

l’objectif du « Grand Israël » menace d’effacer la population palestinienne

autochtone.

84. Grimée sous les fards d’une propagande israélienne mensongère de guerre

menée en « légitime défense », la conduite génocidaire d’Israël doit être examinée

dans un contexte plus large, entendue comme des actes multiples (totalité de la

conduite) qui convergent tous vers la prise pour cible des Palestiniens comme

tels (totalité d’un peuple) sur l’ensemble du territoire où ils habitent (totalité du

territoire), au service des ambitions politiques d’Israël consistant à asseoir une

souveraineté sur l’ensemble de l’ancienne Palestine mandataire. Aujourd’hui, le

génocide de la population palestinienne apparaît comme le moyen de parvenir à

une fin : l’expulsion complète ou l’éradication des Palestiniens de la terre à

laquelle est rattachée une part si essentielle de leur identité et qui est illégalement

et ouvertement convoitée par Israël.

85. Les déclarations et les actes des dirigeants israéliens traduisent une

intention et une ligne de conduite génocidaires ; ils ont souvent convoqué le récit

biblique d’Amalek pour justifier l’extermination des « Gazaouis », en effaçant

Gaza et en déplaçant violemment les Palestiniens, faisant ainsi des Palestiniens

dans leur ensemble des cibles légitimes.

86. Les personnes clairement identifiables comme étant les auteurs de ces actes

doivent être poursuivies en justice. Toutefois, c’est l’ensemble de l’appareil

d’État qui a conçu, formulé et exécuté la violence génocidaire, par des actes qui,

pris dans leur totalité, peuvent conduire à la destruction du peuple palestinien.

Cela doit cesser ; il faut agir d’urgence pour garantir la pleine application de la

Convention sur le génocide et assurer une pleine protection aux Palestiniens.

87. Ce génocide en cours est sans nul doute la conséquence du statut

exceptionnel et de l’impunité prolongée octroyés à Israël. Israël a violé de

manière systématique et flagrante le droit international, y compris les

résolutions du Conseil de sécurité et les ordonnances rendues par la Cour

internationale de Justice. Cela a conforté l’hubris d’Israël et son mépris du droit

international. Comme l’a prévenu le Procureur de la Cour pénale internationale,

« si nos actes ne traduisent pas notre volonté d’appliquer le droit de manière

impartiale, si notre application du droit est perçue comme étant sélective, nous

aurons contribué à son effondrement. Tel est le risque bien réel qui se dessine en

ce moment charnière ».

88. Alors que le monde assiste au premier génocide colonial diffusé en direct,

seule la justice peut panser les blessures que l’opportunisme politique a laissé

s’envenimer. La dévastation de tant de vies fait outrage à l’humanité et à tout ce

que le droit international défend.

VIII. Recommandations 

89. Le génocide actuel s’inscrit dans le cadre d’un projet séculaire de

colonisation de peuplement exterminatoire en Palestine, au déshonneur du

système international et de l’humanité, auquel il faut mettre fin et qui doit faire

l’objet d’enquêtes et de poursuites.

90. La Rapporteuse spéciale rappelle à tous les États qu’ils ont l’obligation de

s’acquitter de leur devoir de précaution, compte tenu du risque grave réel de

violation continue de la Convention sur le génocide et des Conventions de

Genève, et exhorte les États à examiner les leviers dont ils disposent pour

atténuer ce risque et à parvenir sans délai à une décision officielle, qu’ils agissent

seuls ou avec d’autres États, y compris dans le cadre de l’ONU ; ainsi qu’à

expliquer au grand public et à la communauté internationale les mesures qu’ils

prennent et les raisons qui les ont motivés.

91. Que ce soit dans l’exercice de leur devoir de précaution susmentionné ou

dans un autre cadre, la Rapporteuse spéciale exhorte les États Membres à :

a) User de toute leur influence politique − en commençant par un

embargo total sur les armes et l’imposition de sanctions − pour qu’Israël arrête

l’assaut contre les Palestiniens, accepte un cessez-le-feu et se retire complètement

du territoire palestinien occupé, conformément à l’avis consultatif de la Cour

internationale de Justice du 19 juillet 2024 ;

b) Reconnaître officiellement qu’Israël est un État d’apartheid et qu’il

viole constamment le droit international, à réactiver le Comité spécial contre

l’apartheid pour qu’il se saisisse de la situation en Palestine, et à avertir Israël

qu’il risque d’être exclu de l’Organisation en application de l’Article 6 de la

Charte des Nations Unies ;

c) Appuyer le déploiement d’une présence internationale de protection

dans l’ensemble du territoire palestinien occupé ;

d) Élaborer un cadre de protection pour les Palestiniens déplacés en

dehors de Gaza, conformément au droit international des droits humains et au

droit international des réfugiés, tout en préservant pleinement leur droit au

retour ;

e) Appuyer la ou les enquêtes indépendantes et approfondies sur les

conduites criminelles, y compris le génocide et l’apartheid, notamment par

l’application, au sein des juridictions nationales, de la compétence universelle

envers les personnes soupçonnées d’avoir commis des actes criminels, y compris

toutes les infractions accessoires ;

f) Prendre des mesures d’enquête et de poursuite contre les entreprises

et les personnes ayant une double nationalité qui sont impliquées dans des crimes

commis dans le territoire palestinien occupé, y compris les soldats, les

mercenaires et les colons ;

g) Garantir l’acheminement sans entrave d’une aide humanitaire à Gaza

ainsi que le financement intégral et la protection totale de l’UNRWA, y compris

contre les attaques visant ses locaux et son personnel et contre les campagnes de

diffamation, et assurer la continuité de tous les volets de son mandat.

92. La Rapporteuse spéciale demande instamment au Procureur de la Cour

pénale internationale d’enquêter sur la commission des crimes de génocide et

d’apartheid par Israël, et d’ouvrir des enquêtes sur d’autres personnalités de

premier plan mentionnées dans le présent rapport.

93. La Rapporteuse spéciale demande instamment à la Commission

internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien

occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël de mener une enquête sur le

contexte plus large des intentions et pratiques exterminatoires d’Israël contre

tous les Palestiniens (en appliquant la méthode du triple prisme), y compris ceux

qui ont la citoyenneté israélienne et les réfugiés, ainsi que sur les actes récents de

génocide.


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