Damien Gautreau, professeur dans un lycée français au Liban

Il est d’usage de considérer la France comme la 6ème puissance de la planète mais en regardant les chiffres de ces dernières années, en particulier dans les domaines économique et social, elle semble indéniablement en perte de vitesse.
Les chiffres montrent un recul net de la France
La France, initiatrice du G6 qui regroupait en 1975 les 6 plus grandes puissances de la
planète, participe toujours aux sommets du G7. En effet, elle possède aujourd’hui le 7ème Produit
Intérieur Brut au monde. Il faut cependant nuancer ce chiffre. Tout d’abord car il occulte le fait que
la France est en recul. Le pays possédait le 6ème PIB au monde en 2018 et le 5ème en 2006. Le déclin est lent mais certain. Il en est de même pour le PIB/habitant. La France ne se classe qu’à la 21ème
place aujourd’hui, elle était 20ème en 2017. En l’espace de 20 ans, entre 1995 et 2015, la France a vu
la Finlande ou encore l’Islande lui passer devant, Cette débandade économique entraîne
immanquablement un recul de l’Indice de Développement Humain. Ces 20 dernières années, la
France est l’un des seuls pays au monde a avoir vu son IDH reculer. Elle ne se classe aujourd’hui
qu’à la 21 ème place pour cet indicateur qui prend aussi en compte l’espérance de vie et l’accès à
l’éducation. Sur ce dernier point également, la France est mal classée et en recul, selon le classement
PISA 2016, elle est à la 26ème place alors qu’elle était 22ème en 2009 et 13ème en 2000. De plus, elle ne possède que le 18ème système universitaire au monde. Tous les indicateurs le montrent, la France est en perte de vitesse et se fait dépasser par de nombreux pays.
Une sélection habile des chiffres par les dirigeants
Les responsables politiques français utilisent les chiffres qui les arrangent. Par exemple, on
utilise toujours le PIB, pour lequel la France est donc au 7ème rang mondial mais pas le Produit
National Brut 1 pour lequel la France est 10ème et jamais le PIB/habitant pour lequel elle n’est que
21ème . Ce n’est pas non plus l’IDH, pourtant bien plus révélateur, qui est utilisé car là aussi, la France n’est que 21ème . On voit bien une volonté politique d’occulter la réalité et de faire passer la France pour une grande puissance, ce qu’elle n’est visiblement plus, désormais dépassée par de nouvelles puissances.
De même, un certain nombre de vérités qui peuvent nuire à l’image de la France sont
masquées. Par exemple, selon l’UNICEF, en ce qui concerne l’équité entre enfants, la France ne se
classe que 28ème parmi les pays économiquement avancés. La France, qui se veut pays des Droits de l’Homme et des libertés est pourtant régulièrement épinglée sur le sujet. En 2013, Freedom House la
classe 35ème en ce qui concerne la liberté de la presse. Pour les libertés personnelles, ce n’est guère
mieux : elle n’est que 31ème en 2017. Pour ce qui est de la démocratie, l’Hexagone a un indice d
démocratie moyen, loin derrière des pays comme la Suède, la Nouvelle-Zélande ou le Canada et ne
se place que 20ème en 2019. Démocratie, inégalités… le « pays des Lumières » est loin de briller.
Selon Oxfam : « dans le classement mondial de la lutte contre les inégalités, la France emprunte une
pente glissante ». Le modèle social y est mis à mal, elle ne se classe par exemple que 16 ème en ce qui
concerne le droit du travail.
Un quotidien de plus en plus précaire dans un contexte de montée des violences
Beaucoup de Français ressentent en effet que la situation du pays se détériore et que leurquotidien est de plus en plus difficile. Par exemple, le Smic a augmenté de 1,24 % en 2018 quand
l’inflation était de 1,8%. Cette perte de pouvoir d’achat pèse sur les ménages les plus précaires mais
aussi les classes moyennes. L’Observatoire des inégalités écrit : « depuis dix ans, le nombre de personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté en France augmente ». En effet, le nombre de pauvres
(seuil des 50%) est passé de 4,4 millions en 2006 à 5 millions en 2016 et même 8,8 millions si on
prend le seuil des 60% (1026 euros par mois). Des chiffres alarmants pour un pays qui possède alors
le 6ème PIB mondial.
En outre, le pays est gangrené par le racisme, la xénophobie et les violences policières. Par
rapport aux violences policières, si elles ne sont pas nouvelles, en revanche l’IGPN a été saisie de
1 460 enquêtes en 2019 contre 1180 en 2018 et 1085 en 2017. Il est devenu d’usage de disperser les
manifestants en faisant usage de la force, en témoignent les 24 yeux crevés et 5 mains arrachées
durant le mouvement des Gilets jaunes. En 43 ans, on dénombre 647 morts suite à des interventions
policières. Pour le racisme, il se banalise avec, par exemple, 44% des musulmans vivant en France
qui disent avoir subi des discriminations 2 . Un chiffre qui monte même à 60% pour les femmes
portant le voile. Les lieux de culte musulmans sont régulièrement la cible de tags racistes ou
d’attaques violentes comme à Gap et à Bayonne en 2019. Le racisme est d’ailleurs dénoncé par les
nombreuses manifestations de ce mois de juin.
On constate donc que la situation en France se détériore dans tous les domaines et que dans de telles
conditions, il est difficile d’assumer le rôle de puissance de premier plan.
Sources pour les données chiffrées : Fraser Institute ; CIA ; ONU ; Banque Mondiale ; Democracy Index ; Oxfam ;PISA ; Cnews ; Bastamag ; Ministère de l’Intérieur ; Observatoire des inégalités.
1) Le PIB est l’ensemble des richesses produites à l’intérieur d’un pays, y compris par des firmes étrangères. Le PNB est l’ensemble des richesses produites par un pays, y compris à l’étranger.
2) Selon une étude réalisée pour la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme.