
10 ans après les attaques terroristes du 13 novembre 2015, un moment de mémoire et de réflexion marquant. Voici des photos, des informations, mon intervention…







Je présente ici quelques informations et photographies concernant l’important colloque organisé le 4 novembre 2025 à Paris (Maison de la Chimie), par l’Association « 13onze15 : Fraternité et Vérité », (présidée par Philippe Duperron), dix ans après les attaques terroristes du 13 novembre 2025 au Stade de France, aux terrasses de cafés parisiens et au Bataclan.
Je devais participer aux travaux de ce colloque et intervenir dans le cadre d’une deuxième table-ronde intitulée « se rappeler pourquoi et comment on en est arrivé là ». Une thématique que javais d’ailleurs traitée dans mon livre « Terrorisme. Réalités, causes et mystifications idéologiques », aux éditions du Croquant (2019).

Je n’ai pu assurer ma participation à ce colloque en raison du décès d’une personne très proche (ma mère) intervenu en province, dans la nuit du 2 au 3 novembre. Mon intervention a été lue en ouverture de cette deuxième table-ronde animée par Mathieu Delahousse, écrivain et grand reporter au Nouvel Obs. Michel Delplace, très personnellement investi dans l’Association 13onze15, a procédé à la lecture de mon texte, ci-dessous publié intégralement. Je remercie Michel Delplace. Il est à l’origine de l’idée de ce colloque, une initiative marquante par son ambition, manifestement réussie, d’apporter à la fois de l’humanité, du sens, de la réflexion et aussi de la sublimation avec des artistes et des écrivains, sur des événements majeurs tragiques dont la portée fut à la fois nationale et internationale.
Mon intervention :
1) D’abord une question essentielle. Voilà des décennies que le terrorisme se développe, change de formes, de modes opératoires, d’espaces ou de milieux dans lesquels il frappe…
Malgré les stratégies sécuritaires et judiciaires entreprises (avec souvent des résultats) le terrorisme ne cesse de se redéployer.
Manifestement, les réponses engagées ne sont pas vraiment capables de faire reculer durablement cette violence politique spécifique qui persiste. Elle reste un phénomène politique et social de longue durée. Il y a donc quelque chose qui ne fonctionne pas.
D’où, pour moi, la nécessité impérative d’aller chercher les causes du terrorisme. On a besoin de connaître les causes pour contrer les effets. Contrairement à ce qui fut trop souvent affirmé, il faut contextualiser, c’est à dire aller chercher dans l’histoire, ancienne et récente, les processus sociaux qui sous-tendent cette violence politique. Non pas pour justifier ou excuser, évidemment, mais pour pouvoir assécher les causes qui servent de moteur à cette violence.
Pour me faire bien comprendre, je dirai que la question « qui est l’ennemi ? » (vous vous souvenez… elle a fait florès) est légitime au sens où il faut savoir… qui vient pour tuer. Évidemment. Mais pour faire face, il y a une autre question à poser : « quels sont les problèmes que nous avons à résoudre ? »
Je pense donc qu’une réponse efficace aux urgences sécuritaires doit s’accompagner d’une réflexion de fond sur ce qu’est le terrorisme. En terme de définition. En terme de processus sociaux et politiques.
2) Il découle de cela une autre problématique qui prend beaucoup d’importance depuis le début de ce 21è siècle, et que je résume par cette autre interrogation : comment penser la sécurité et comment construire de la sécurité ? Cela fait partie des enjeux globaux auxquels nous sommes confrontés.
On constate aisément à quel point, dans nombre de pays, pas seulement dans le monde arabe, la nature et la violence des pouvoirs, la répression des libertés, les corruptions, la pauvreté massive, les déliquescences institutionnelles et étatiques… fabriquent des contextes favorables au recrutement d’acteurs du terrorisme.
A propos de ces acteurs nous avons souvent entendu cette interrogation teintée d’angoisse : « mais qu’est-ce qu’ils ont dans la tête ?.. » Naturellement, le terrorisme n’est pas le seul fruit de déterminations ou de pathologies individuelles, même si les fanatismes idéologiques, en particulier religieux, pèsent lourd. Ils apportent une valorisation spirituelle factice à l’action violente. Alors que nous sommes dans l’expression complexe de problématiques sociales. Si des monstres existent, alors il faut aller aux contextes qui les font naître et qui les nourrissent.
Enfin, dans ce contexte, il y a aussi la longue histoire d’un ordre international sous hégémonie occidentale. On oublie trop facilement que l’histoire politique du monde arabe, depuis le 16è siècle, est en particulier une histoire des empires, des dominations étrangères, des colonisations, des humiliations et de leurs conséquences, avec des déstabilisations de longue durée elles aussi. C’est encore la réalité dans le contexte actuel. La colonisation et la domination sont certainement des paradigmes majeurs de l’islamisme politique. C’est donc aussi l’histoire des logiques de puissance. D’ailleurs, c’est bien dans l’hubris, dans la démesure américaine au Moyen-Orient que Al-Qaïda, puis Daech ont pu apparaître. Ne sommes nous pas, au fond, dans les manifestations d’un ordre en décomposition ?
Pour la crédibilité même du politique je crois qu’il faut tenir compte de ces réalités. Comme les Nations Unies ont pu le faire en établissant une « Stratégie antiterroriste mondiale de l’ONU », adoptée en septembre 2006. Cette stratégie pointe le doigt notamment sur la marginalisation socio-économique, la violation des droits, l’impact des conflits… et bien d’autres facteurs. Cette stratégie a de la pertinence pour une approche politique des réponses nécessaires. Il nous faut aussi nous approprier le concept de « sécurité humaine » défini en 1994 par les Nations Unies dans l’esprit de ce que l’on nomme la responsabilité collective et la sécurité collective face aux problèmes qu’il faut résoudre. Ce que je ne peux pas développer davantage ici.
3) Enfin, dès après le 13 novembre, j’ai lu sous la plume d’éditorialistes ou de responsables politiques la formule suivante : « maintenant, il nous faudra vivre avec le terrorisme »… Mais pourquoi « avec » ?..
Cette formule n’est pas banale. C’est une forme de défaite de la pensée. Comme s’il pouvait y avoir des espaces sociaux, des espaces nationaux, européens ou régionaux non gérables, dans lesquels il faudrait accepter l’emprise du terrorisme et de cette violence politique particulière… sans trop chercher à en surmonter les réalités et les causes.
Non. Il faut une ambition qui soit à la hauteur de l’enjeu global et des valeurs démocratiques et sociales auxquelles nous nous référons.
Le 13 novembre est un événement d’une telle portée nationale et même mondiale que cela nous oblige. Je comprends que ce colloque a été organisé pour marquer, cela est très clair, un moment qui soit d’exception, un moment de mémoire, de réflexion et de sublimation… je pense aux artistes.
Il y a donc, sous différentes formes, une aspiration au dépassement du tragique dans la dignité, et dans une vision pour l’avenir. C’est en tous les cas ce qui doit s’imposer pour être à la hauteur du défi.
Je pense qu’il ne faut jamais perdre cette dimension-là. Face au terrorisme, il nous faut aussi donner ou redonner du sens avec les armes de l’éthique et du politique.
Nous vivons dans un monde où la violence monte dangereusement, sous toutes ses formes. Et ce monde… c’est le nôtre. Nous devons donc réfléchir à toutes les responsabilités, y compris les nôtres comme citoyens d’un pays qui peut et doit assumer les siennes.
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bonjour Jacques, je te présente, ainsiq u’à ta famille toutes mes condoléances. Cordialement Marie-Hélène CHAMBRIN
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