Nicolas Sarkozy en garde à vue… soupçonné de financement illégal de campagne électorale et d’avoir pour cela reçu des fonds libyens.
On prendrait quelque plaisir à cet événement s’il n’y avait pas aussi, dans cette histoire, rien moins qu’une guerre. Une guerre de convenance personnelle ?.. comme tant de témoignages l’affirment ou le suggèrent depuis des années. On verra ultérieurement ce que la justice pourra conclure.
Rappelons-nous… Bernard Henri-Lévy aura fait tout ce qu’il sait faire, surtout devant des cameras de télévision, pour légitimer politiquement une intervention militaire. Ce fut une opération d’envergure, pilotée par l’OTAN, et qui aura finalement réduit la Libye en chaos sécuritaire, transformé ses ports en enfer pour les migrants, élargi les espaces d’action de milliers de terroristes et de trafiquants, et déstabilisé durablement toute la zone sahélo-saharienne. C’est dire l’intelligence politique et la pertinence des analyses qui ont présidé aux décisions…
On garde cependant le sentiment que cette guerre, initiée par la France de Nicolas Sarkozy, visait en particulier à atteindre personnellement le Colonel Kadhafi.
Dans mon livre « Penser l’après… Essai sur la guerre, la sécurité internationale la puissance et la paix dans le nouvel état du monde », j’ai rappelé les propos de Michel Goya, colonel de l’armée française, sur RFI le 21 mars 2013, soit 3 jours après seulement le vote de la résolution 1973 du Conseil de sécurité définissant le mandat d’intervention et autorisant à prendre « toutes les mesures nécessaires » pour une action militaire.
Michel Goya est docteur en histoire moderne et contemporaine de Paris V. Il est présenté à l’époque comme professeur associé à Saint-Cyr Coëtquidan et à l’École Pratique des Hautes Études ; directeur d’études du domaine « nouveaux conflits » à l’IRSEM (Institut de recherches Stratégiques de l’École Militaire). Aujourd’hui, il enseigne à Sciences-Po et à l’Institut de Recherches Internationales et Stratégiques (IRIS). Il n’est donc pas n’importe qui, et il ne dit pas n’importe quoi.
Celui qui s’exprime alors sur RFI, il y a précisément 7 années, affirme ceci : « On est dans la situation stratégique d’un directoire entre américain, britannique et français. La meilleure façon d’empêcher la population de souffrir est encore d’abattre le régime de Kadhafi. In fine, la chute du régime est l’objectif réel de cette opération même s’il n’est pas avoué. Il y a eu des frappes sur le bunker de Kadhafi. On a essayé d’éliminer directement Kadhafi ».
Il ne s’agissait donc pas d’une intervention militaire ayant « dépassé » le mandat des Nations-Unies comme on l’a entendu tant et tant de fois. Il s’agissait bien d’une opération de liquidation par la force d’un chef d’État et du régime qu’il dirige… Dans « Penser l’après… », j’apporte quelques précisions et développements utiles.
Bien sûr, il ne s’agit pas de défendre le régime libyen. Celui-ci avait, par exemple, accepté de reconnaître sa responsabilité dans l’attentat dit de Lockerbie en 1988 (270 morts dans un avion de la Pan Am).
Il s’agit de rappeler comment le Conseil de sécurité fut instrumentalisé. Et cela eut de sérieuses conséquences politiques ultérieures sur les rapports Washington/Moscou, en particulier à propos de la Syrie. Il s’agit aussi de réaffirmer que la France se déshonore lorsqu’elle utilise le mensonge d’État en guise de politique étrangère. Le financement de la campagne électorale de N. Sarkozy est une question. La guerre et la dignité de la politique française en est une autre… Ne pas oublier. Il est vrai que Nicolas Sarkozy n’aura pas été le seul Président récent à déconsidérer ainsi la France dans l’exercice de ses fonctions… Mais cela peut-il nous réconforter ?..