Le très sérieux quotidien américain The Washington Post a publié le 1er décembre dernier un article qui semble assez précis, concernant les victimes civiles des bombardements effectués par la coalition militaire dirigée par les États-Unis en Irak et en Syrie.
Voici quelques extraits significatifs (traduction J. Fath) de cet article écrit par Thomas Gibbons-Neff, et intitulé : « La coalition sous direction américaine en Irak et en Syrie reconnaît la mort de 54 civils au cours de bombardements aériens ». L’article précise qu’il s’agit là de 54 tués « additionnels » dans la période du 31 mars au 22 octobre.
« Cette annonce porte le nombre total de victimes civiles reconnues par la coalition américaine à 173 depuis que celle-ci a commencé les bombardements aériens contre « l’État islamique », durant l’été 2014.
« Des groupes de défense qui surveillent les frappes aériennes américaines estiment que le nombre de victimes civiles est significativement plus élevé et disent que le gouvernement amenuise trop souvent les rapports issus des médias locaux et des activistes sur le terrain. »
« Du fait d’une faible présence au sol, la campagne militaire américaine est souvent incapable de vérifier combien de personnes ont été tuées, sauf à travers les rapports effectués par les pilotes eux-mêmes, et par les images de surveillance. »
« Au début de la campagne aérienne américaine, le Centcom (= Commandement militaire central des États-Unis) a rendu publiques des enquêtes partiellement expurgées concernant les erreurs de bombardements. Ce n’est plus le cas. A la place, les enquêtes semblent rendues publiques seulement à la suite d’une requête effectuée en vertu de la Loi sur la liberté de l’information. »
Cet article suscite plusieurs remarques. Il montre d’abord que le régime de Damas n’est pas le seul à commettre des crimes de guerre en bombardant les populations civiles. Les crimes de la coalition dite « arabo-occidentale » sous direction des États-Unis sont cependant systématiquement passés sous silence médiatique et politique. Washington y contribue donc en tentant de les masquer.
On peut aussi faire preuve de lucidité et remarquer que les bombardements indiscriminés ou volontaires de l’armée de Bachar El Assad font probablement bien davantage de victimes (si l’on en croît les chiffres avancés), et que celles-ci ne sont donc pas le seul dramatique résultat d’erreurs de frappes. Mais « l’erreur » est-elle vraiment une circonstance atténuante ? Il reste que l’évaluation du nombre des victimes semble toujours assez difficile à faire.
Enfin, faut-il seulement compter les cadavres et hiérarchiser les responsabilités ? Ou bien faut-il dire à quel point tout ceci est insupportable comme résultat tragique de confrontations de puissances régionales et de grandes puissances pour des stratégies et des intérêts dans lesquels la sécurité des populations civiles, les êtres humains, la vie… n’ont plus guère d’importance. Où est l’éthique en politique ?
Dans un conflit, surtout de cette dimension, l’information elle-même revêt – on le sait – une dimension politique voire stratégique décisive. On attend pourtant de la presse et des médias français et européens, ainsi que des responsables politiques, en fonction ou non, un vrai effort d’objectivité et une exigence de vérité qui font aujourd’hui totalement défaut. Il y a trop de partialité, de soumission et d’indignité dans le traitement des guerres. Des guerres auxquelles la France ne contribue que trop.